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John Stewart
Parliament, Policy and Representation, rédigé par
Harold D. Clarke, Colin Campbell, F.Q. Quo. et Arthur Goddard, Toronto,
Methuen, 1980, xxv et 325 pages.
Pendant les deux années qui ont précédé les élections
de 1979, il y a eu trois importantes conférences sur la représentation au
Canada; la première a eu lieu à l'université York en 1977; la deuxième à
Victoria en 1978 et la troisième à Simon Fraser au début de 1979. Les
principales communications de la conférence de York on été publiées dans un
numéro hors série. de la revue Legislative Studies Quarterly. Les délibérations
de la conférence de Victoria ont été publiées par l'Institut de recherches
politiques sous le titre The Legislative Process In Canada: The Need for Reform. Voici maintenant
le compte rendu de la conférence qui a eu lieu à Simon Fraser.
Les conférences de parlementaires et de professeurs ne
sont pas toutes couronnées de succès. La plupart des parlementaires
s'intéressent beaucoup plus à jouer le jeu lui-même qu'à en étudier la théorie
et les règles, et les professeurs ne font parfois pas la distinction entre les
communications de recherche, technique qui peuvent être étudiées et disséquées
par leurs collègues érudits et les
discours intéressants pour le public. En étudiant le présent volume, il est impossible
de dire si la conférence de Simon Fraser a été une réussite. Les rédacteurs ont
décidé de préparer un ouvrage regroupant une sélection des communications
faites lors de cette conférence et de les compléter par des textes rédigés sur
commande. Ils n'ont malheureusement pas fourni une liste complet des
communications. Comme le précisent les rédacteurs, leur intention était de
présenter un recueil qui serait utile aux étudiants.
A notre époque, où la force politique par opposition à l'autorité juridique du
gouvernement central du Canada semble s'affaiblir, les quatre premiers
documents sont révélateurs quoique peu encourageants. Bien que le Parlement, en
tant qu'institution, occupe toujours une place importante dans l'esprit du
public, il n'en est pas de même des députés canadiens. Il semble, qu'en dépit
d'un personnel accru, ils perdent vite contact avec le public après leur
élection. Des enquêtes révèlent que peu d'entre eux contrairement aux membres
du Congrès américain se méritent
l'attention ou la confiance du public. Selon le document d'Anthony Westell,
cela pourrait être dû en partie au rôle adverse joué maintenant par les
journalistes canadiens. Selon le document de MM. Kornberg et Wolfe ce serait
peut-être dû entre autres à I' importance qu'accordent les journaux au premier
ministre et aux élections, au point que, dans l'esprit du public, le premier
ministre et les élections sont le Parlement.
Les députés sont pleinement conscients de l'hostilité
et de l'irresponsabilité de nombreux journalistes. C'est l'une des raisons pour
lesquelles des caméras de télévision ont été installées à la Chambre des
communes en octobre 1977. Malheureusement, plus des deux tiers des réactions
initiales à la télédiffusion des débats ont été négatives: dans un sondage,
plus de 40% des personnes consultées ont dit que les délibérations étaient
longues, ennuyeuses, puériles et
discourtoises. MM. Price et Clarke, les auteurs de Television and the House of
Commons, en viennent à la conclusion que la mauvaise impression créé par ce qui
est télédiffusé pourrait avoir éventuellement de graves répercussions.
Il est remarquable que les Canadiens possédant un plus
haut niveau d'éducation ont une attitude plus favorable envers leurs
représentants que le citoyen moyen. Mais la plupart des étudiants dans la
majorité des écoles et collèges canadiens apprennent très peu de choses sur la
façon dont leur pays est gouverné, comme l'a montré la Commission d'enquête
Symons sur les études canadiennes. Par contre, les étudiants américains
apprennent beaucoup de choses sur leur gouvernement. Faut il s'étonner dès lors
que des téléspectateurs qui ne comprennent presque rien au Parlement concluent,
après avoir vu la télédiffusion de la période des questions, que le Parlement
est un panier de crabes.
Deux documents
l'un rédigé par Kenneth Kernaghan et l'autre par Audrey Doerr traitent directement de la responsabilité
ministérielle. Ces deux auteurs nous mettent en garde contre des changements
qui tendraient à transférer la responsabilité de gouverner le pays, des ministres
aux simples députés. M. Kernaghan fait la distinction entre le principe selon
lequel un ministre doit remettre sa démission lorsque ses fonctionnaires
commettent une sérieuse erreur et celui selon lequel le ministre est toujours
responsable devant le Parlement de la conduite de son ministère. D'après lui,
le premier principe n'est plus réaliste mais le dernier demeure un point
fondamental de notre régime politique. En procédant à des changements qui
permettraient de rendre les fonctionnaires responsables, en fonction de leurs
pouvoirs dans le processus politique, (il ne parle pas de leur faire justifier
les prévisions budgétaires et autres choses du genre), on entraînerait une
révolution constitutionnelle.
Mlle. Doerr est d'accord là-dessus. Elle souhaiterait
surtout voir plus de contact entre la Chambre des communes et les
fonctionnaires, mais elle ne va pas jusqu'à préconiser une réforme
constitutionnelle. Elle insiste essentiellement sur la nécessité de créer un
comité permanent chargé d'étudier le fonctionnement des sociétés de la Couronne
et un autre chargé d'étudier les dépenses du gouvernement.
Quiconque s'intéresse à la réforme de la procédure
parlementaire voudra lire le document de Paul Thomas, Parliament and the Purse
Strings. La question la plus controversée à Ottawa depuis 1963 est celle des
subsides; on peut se demander si le fait que le gouvernement Trudeau a été
incapable de gérer le Trésor n'a pas contribué à lui faire frôler la défaite en
1972 et l'a causée en 1979. En ne cessant de condamner l'abolition, en 1968, du
Comité des subsides, l'Opposition officielle a contribué à répandre l'idée,
pendant les années 1970, que les libéraux ne tenaient pas du tout à contrôler
les dépenses. Et le fait est que la Chambre n'a toujours pas réussi à établir
une procédure satisfaisante pour traiter de l'aspect financier des subsides.
Le Comité des subsides était une tribune politique qui
n'a pratiquement rien fait pour contrôler les dépenses. Un des résultats
imprévus des nouvelles procédures, instituées en 1968 et aux termes desquelles
les prévisions budgétaires sont maintenant renvoyées aux comités permanents, a
été de montrer que la Chambre n'exerçait pratiquement aucun contrôle réel sur
les cordons de la bourse à part le droit
de voter sur les prévisions budgétaires. Peut-être la Chambre est elle prête à
se contenter du pouvoir de ratifier; peut-être que non. Sinon, le document de
M. Thomas offre une lecture intéressante aux réformateurs. Il fournit une
description objective du règlement sur les subsides formulé avant 1968, et du
nouveau régime. Il admet que la Chambre exerçait et exerce encore très peu de
gestion et de contrôle stratégique. Qui plus est, il présente des propositions
de réforme qui sont réalistes.
Le gouvernement Clark aurait il dû congédier plus de
mandarins? Les résultats de sondages présentés par MM. Brodie et Macnaugton
indiquent que les fonctionnaires et les députés libéraux tendent à avoir
beaucoup moins confiance dans la libre entreprise et le marché que les membres
du parti conservateur. La formule, « Le
gouvernement qui gouverne le moins est celui qui gouverne le mieux,» a obtenu
l'approbation de 54% des députes conservateurs consultés, contre 19% des
députés libéraux et 20% des fonctionnaires interrogés. Cela veut il dire, comme
semblent le penser les auteurs, et étant donné que les libéraux ont été le
parti dominant depuis 1935, que les fonctionnaires ont été libéralisés?
A moins que ce soient les libéraux qui aient été
éduqués, convertis et dominés par des fonctionnaires professionnels
expérimentés? Les problèmes au sein du gouvernement Clark, tels qu'ils sont
décrits dans The Discipline of Power, portent à supposer qu'un parti qui n'a
pas été au pouvoir depuis longtemps tend à adopter des opinions et à prendre
des engagements qui manquent de réalisme et qu'une fois au pouvoir, il doit
soit tenir ses engagements sans tenir compte de leurs conséquences, soit se
rapprocher de l'opinion de la Fonction publique (et de l'ancien gouvernement).
N'est ce pas là en partie le syndrome du parti défait? De plus, on peut se
demander s'il n'y a pas un rapport entre l'écart important qui existe entre les
membres du parti conservateur et les fonctionnaires et l'inquiétude qui vient
récemment de se manifester à propos de l'irresponsabilité de ces derniers.
L'avant-dernier document, rédigé par Norman C. Thomas,
montre que la solution au problème constitutionnel fondamental du Canada, à
savoir la baisse de confiance en notre système de gouvernement, ne se trouve
pas à Washington. De là-bas, tout semble bien aller!
Deux des rédacteurs, MM. Campbell et Clarke, terminent
le recueil en présentant certaines réflexions sur la réforme. L'appui du public
s'affaiblit parce que les politiques impopulaires et la mauvaise administration
sont imputables surtout aux bureaucrates qui, dans notre régime, ne sont pas
responsables devant le Parlement. En bref, ces rédacteurs partagent l'opinion,
qui n'est pas nouvelle, mais qui se répand de plus en plus chez les hommes
politiques et les professeurs, que les fonctionnaires ont maintenant beaucoup
trop de pouvoir, et qu'ils s'en servent de façon peu responsable. Qu'ils aient
raison ou non, on peut en discuter et le problème n'est pas facilité par la
distinction entre pouvoir et influence mais cette opinion très répandue semble
impossible à réfuter. Et, vraie ou fausse, elle est très dangereuse,
particulièrement lorsque les gouvernements ne peuvent éviter de prendre des
décisions impopulaires. MM. Campbell et Clarke proposent certaines solutions.
Il demandent: maintenant que le gouvernement libéral est revenu au pouvoir et
qu'il est majoritaire, les ministres et les fonctionnaires vont ils supposer
que tout va bien en ce qui concerne cet aspect de la Constitution' Il ressort
de la plupart des communications et des textes de ce recueil, qu'agir ainsi
serait une grave erreur.
Ceux qui désirent se renseigner sur le personnel de
soutien dont disposent maintenant les députés trouveront des informations
intéressantes à ce sujet dans l'excellent chapitre d'Alistair Fraser. De même,
ceux qui désirent en connaître davantage sur le personnel des cabinets de
ministres auront avantage à consulter le texte de Blair Williams.
Au fur et à mesure que les gouvernements provinciaux
deviennent plus puissants vis-à-vis d'Ottawa, les professeurs devront leur
accorder une plus grande attention. Ce livre contient trois documents qui
peuvent aiguiser notre appétit: le premier porte sur la façon dont les
législateurs provinciaux en viennent à envisager leur rôle; le deuxième sur la
transformation des assemblées législatives provinciales d'arène politique en
corps capables d'influer sur les politiques; et le troisième sur les députés de
l'Assemblée législative de l'Ontario qui servent de liens entre les citoyens et
le gouvernement provincial. Les législateurs, tant provinciaux que fédéraux,
seront heureux d'apprendre que leur travail assidu en matière de pensions, de
passeports, etc. ne compte pour rien au jour du Jugement.
John B. Stewart 'Professeur de science politique, St.
Francis Xavier University Antigonish, Nova Scotia
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