L’interprétation des
directives au Président pour le guider dans le choix d’amendements à l’étape du
rapport, Président Peter Milliken, Chambre des communes, le 21 mars
2001
Contexte : Le 26 février le Leader du Gouvernement
a présenté la motion suivante comme un nota aux articles 76 et 76.1 du
Règlement concernant le choix des motions d’amendement à l’étape du rapport.
Il est entendu que le Président ne choisit pas,
pour la tenue d’un débat, une motion ou une série de motions à caractère répétitif,
frivole ou abusif ou de nature à prolonger inutilement les délibérations à
l’étape du rapport. Dans l’exercice de son pouvoir de choisir les motions, le
Président s’inspire de la pratique de la Chambre des communes du Royaume-Uni.
Le motion fut adopté le 27
février 2001. Le 15 mars dernier, dans une décision sur le rappel au
Règlement soulevé par le député de Richmond—Arthabaska, André Bachand le
président s’est engagé à présenter à la Chambre une déclaration sur la façon
d’interpréter les termes de ce nota.
Décision (Président
Peter Milliken) : Avant de commencer, je tiens à signaler
que, par le passé, lorsque la Chambre a adopté de nouvelles procédures, les
Présidents ont jugé utile de préciser la façon dont celles-ci seraient mises en
application. Il s’agit là d’une pratique courante dans les cas où la Présidence
se voit conférer une certaine latitude ou un pouvoir discrétionnaire. Lorsqu’il
met en application de nouvelles procédures, le Président agit comme serviteur
de la Chambre et non comme maître de celle-ci.
Par conséquent, pour assurer
l’efficacité de ces nouvelles procédures, j’estime qu’il est de mon devoir de
faire une déclaration sur leur mise en application dès maintenant, avant que la
Chambre soit saisie d’un projet de loi à l’étape du rapport.
Les premières règles régissant
le choix des motions d’amendement à l’étape du rapport ont été établies en
1968. À cette occasion, la Chambre a d’abord entrepris une révision en
profondeur de son processus législatif. Le fruit de cette révision est notre
ensemble de règles modernes selon lesquelles les projets de loi sont renvoyés à
des comités, qui en font un examen approfondi, avant d’être examinés par la
Chambre à l’étape appelée « étape du rapport ». Comme l’explique La
procédure et les usages de la Chambre des communes :
En recommandant le rétablissement de l’étape du
rapport, le Comité spécial sur la procédure de 1968 jugea cette étape
essentielle si l’on voulait permettre à tous les députés, et non seulement aux
membres du comité, de se prononcer sur les projets de loi à l’étude et, s’il y
a lieu, d’y proposer des amendements. Dans l’esprit du Comité, cette étape ne
devait toutefois pas constituer une reprise de l’étape de l’examen en comité.
Contrairement à l’étape de l’examen en comité où le projet de loi est étudié
article par article, à l’étape du rapport, il ne doit y avoir débat que lorsque
préavis a été donné que des amendements seront présentés, et le débat doit
porter uniquement sur les amendements proposés. (663)
Pour éviter que l’étape du
rapport ne soit qu’une simple reprise de l’étape en comité, on a donné au
Président le pouvoir de choisir et de regrouper les motions d’amendement aux
fins du débat. Au cours des trente dernières années, la pratique a
considérablement évolué de manière à définir la façon dont se déroule cette
importante étape législative.
Permettez-moi de faire un bref
résumé de la façon courante de procéder. Lorsqu’un député donne avis d’une
motion d’amendement, le Président doit vérifier plusieurs points. Tout d’abord,
il doit déterminer la recevabilité de la motion sur le plan de la procédure. Si
la motion ne respecte pas les règles de pratique mises à l’épreuve au fil des
ans, elle sera jugée irrecevable et refusée pour publication au Feuilleton
des Avis.
Si la motion respecte les
critères fondamentaux de recevabilité, le Président aura à décider si elle peut
être choisie pour le débat. La Chambre a fourni au Président certains critères
pour le guider dans ce choix; par exemple, les motions déjà rejetées en comité
ne sont habituellement pas choisies. Après avoir choisi les motions qui feront
l’objet du débat, le Président procède à leur regroupement, en vue du débat,
avec d’autres motions dont le sujet ou l’objet est similaire. En dernier lieu,
il décide de la façon dont le vote se déroulera (par exemple, si un seul vote
s’appliquera à plusieurs motions ou si l’adoption d’une motion rendra inutile
le vote sur une autre motion). Lorsque toutes ces questions—la recevabilité, le
choix, le regroupement et les modalités du vote—ont été arrêtées, le Président
rend sa décision à l’étape du rapport.
Les deux premiers critères que
doit appliquer le Président lors de la prise en considération des motions, soit
la recevabilité et le choix, sont à l’avant-plan de l’exposé d’aujourd’hui. Je
vous renvoie aux pages 649 à 669 du Marleau-Montpetit pour une étude détaillée
de nos règles et usages à cet égard.
Pour ce qui est de la
recevabilité, le Président doit appliquer rigoureusement certaines règles de
procédure: La motion dépasse-t-elle la portée du projet de loi? Est-elle
pertinente? Est-elle incomplète? La motion est soit jugée irrecevable et
retournée au député, soit jugée recevable et soumise à l’application du second
critère, celui du choix.
En ce qui concerne le choix des
motions, le Président bénéficie, depuis 1968, d’une souplesse et d’un pouvoir
discrétionnaire accrus. Au cours des 30 dernières années, à mesure que la
pratique évoluait, les Présidents successifs ont été incités à faire preuve
d’une plus grande rigueur dans le choix des motions d’amendement.
En 1985, le Comité spécial sur
la réforme de la Chambre des communes, le comité McGrath, composé de
représentants de tous les partis, recommanda dans son troisième rapport que le
Président exerce les pouvoirs à sa disposition pour choisir et regrouper les
motions d’amendement à l’étape du rapport. Le comité proposa certains principes
directeurs pour guider le Président dans cette tâche, qu’il a formulés ainsi:
Tout amendement ayant déjà été présenté en
comité ne devra pas être proposé une seconde fois à moins qu’il ne revête une
importance exceptionnelle. Les amendements rejetés en comité ne devront pas
être examinés de nouveau à moins que des motifs raisonnables ne justifient un
nouvel examen.] Ceux visant la mise en application de mesures gouvernementales
devront être systématiquement choisis. Quant aux autres types d’amendements, le
président devra se faire conseiller pour déterminer, de concert avec les
leaders à la Chambre, quels sont les plus importants aux yeux des partis.
Le rapport recommandait quelques
autres principes directeurs. Il est évident qu’il s’agissait là d’un défi de
taille pour tout Président. Le comité reconnaissait l’importance du pouvoir
discrétionnaire conféré au Président et était d’avis que les titulaires
successifs de ce poste avaient hésité à l’utiliser pleinement en l’absence de
directives précises de la part de la Chambre.
La Chambre a tenté de fournir de
telles directives en 1986 lorsqu’elle a décidé d’ajouter un premier nota au
présent article 76 du Règlement dans le cadre d’une modification du Règlement.
Ce nota reprenait une partie seulement des principes énoncés dans le rapport du
Comité McGrath.
C’est à partir de ce moment que
nos pratiques ont évolué jusqu’à leur état actuel et, en les examinant, j’ai
été étonné de constater la réticence de mes prédécesseurs à exercer le pouvoir
de choisir les motions autrement que de la façon la plus large possible, ceci
ayant accordé le bénéfice du doute aux députés dans la plupart des cas.
Au cours de la dernière
législature, la Chambre a été saisie de plusieurs projets de loi—Nisga’a,
clarté, jeunes contrevenants—pour lesquels, à l’étape du rapport, des centaines
de motions d’amendement ont été inscrites au Feuilleton des Avis.
La dernière tentative visant à
remédier à la situation remonte au 27 février 2001 lorsque la Chambre, en
adoptant la motion du gouvernement no 2, a tenté à nouveau de donner au
Président des directives plus précises sur la manière de choisir les motions à
l’étape du rapport.
Encore une fois, comme cela
s’est souvent produit dans l’histoire mouvementée de l’étape du rapport, nous
espérons qu’une approche plus interventionniste de la part de la Présidence
permettra de surmonter les difficultés qui surviennent.
En tant que Président, il ne
m’appartient pas d’interpréter le concours de circonstances qui a donné lieu à
la paralysie sans précédent qu’a connue la Chambre à l’étape du rapport au
cours de la dernière législature.
Toutefois, même si l’on admet
que la Présidence a, par le passé, été trop réticente à exercer le pouvoir de
choisir les motions, je soutiens que cet excès de prudence, si on peut
l’appeler ainsi, n’est que l’une des multiples circonstances qui ont contribué
à créer la situation de crise potentielle qui nous attend à l’étape du rapport.
Je suis prêt, en ma qualité de
Président, à assumer les responsabilités spécifiques que la Chambre m’a
confiées relativement à l’étape du rapport. Toutefois, je crois qu’il serait
naïf de croire que les frustrations engendrées par l’inscription au Feuilleton
de certaines motions d’amendement à un projet de loi seront en quelque sorte
dissipées si on assure une plus grande rigueur dans le processus de sélection
suivi par le Président.
En ne perdant pas cela de vue,
j’aimerais maintenant présenter l’approche que je compte adopter pour le choix
des motions d’amendement à l’étape du rapport aux fins du débat, compte tenu de
la dernière directive donnée par la Chambre.
Tout d’abord, il importe de souligner
que les pratiques antérieures non visées par la nouvelle directive continuent
de s’appliquer au processus de sélection. Ainsi, par exemple, les motions
d’amendement qui ont été présentées en comité ne seront pas choisies, tout
comme les motions déclarées irrecevables en comité. Les motions rejetées en
comité ne seront choisies que si le Président juge qu’elles sont d’une
importance exceptionnelle. Je renvoie les députés aux pages 667 à 669 de La
procédure et les usages de la Chambre des communes qui donnent une
description plus détaillée de ces pratiques.
En deuxième lieu, dans le
contexte de la nouvelle directive, j’appliquerai les critères de répétitivité,
de frivolité, de caractère abusif ou de prolongation inutile des délibérations
à l’étape du rapport dans la mesure où il est possible de le faire dans les
circonstances particulières auxquelles fait face la Présidence.
C’est uniquement par rapport à
ces quatre critères que je m’inspirerai de la pratique de la Chambre des
communes du Royaume-Uni et non de la pratique plus large qui s’applique à
l’étape de prise en considération, «consideration stage», des projets de loi à
Westminster, cette dernière pratique n’ayant aucun rapport avec nos propres
traditions et aucune utilité pour les préciser.
J’entends appliquer ces quatre
critères à toutes les motions d’amendement à l’étape du rapport, quel que soit
le parti qui en est l’auteur. J’ai aussi l’intention d’appliquer les critères
prévus dans le nota original dont la validité a été confirmée par l’adoption de
la motion du gouvernement numéro 2. En particulier, les motions d’amendement
qui auraient pu être présentées en comité peuvent ne pas être choisies.
Par conséquent, je recommande
fortement à tous les députés et à tous les partis de se prévaloir pleinement de
la possibilité de proposer des amendements à l’étape du comité afin que l’étape
du rapport retrouve sa vocation originale, celle de permettre à la Chambre
d’étudier le rapport du comité et le travail accompli par celui-ci et
d’effectuer tout travail supplémentaire qu’elle juge nécessaire pour parfaire
l’étude détaillée du projet de loi.
Cela dit, je crois qu’avec cette
approche, le choix des motions par le Président à l’étape du rapport se fera de
façon plus rigoureuse qu’auparavant, quelle que soit l’ampleur du défi que cela
présente.
En dernier lieu, la Présidence a
l’intention de maintenir sa pratique de ne pas fournir, au moment de rendre sa
décision à l’étape du rapport, la justification du choix des motions
d’amendement ou les raisons pour lesquelles des motions n’ont pas été choisies.
Il demeure entendu toutefois que
la Présidence peut, dans des circonstances exceptionnelles, élargir cette façon
de procéder et expliquer les raisons pour lesquelles elle juge nécessaire ou
utile d’agir ainsi.
Pour terminer, j’aimerais
rappeler aux députés qu’à la fin du débat aujourd’hui, la Chambre aura adopté
une motion visant la constitution d’un comité spécial chargé de présenter des
recommandations sur la modernisation et l’amélioration de ses procédures.
Sans vouloir prédire ce que le
comité décidera de recommander, je crois qu’il est tout à fait possible que la
Chambre soit ultérieurement saisie des propositions susceptibles d’avoir une
incidence sur le contenu de ma déclaration d’aujourd’hui.
Bien entendu, je continuerai, à
titre de serviteur de la Chambre, à m’inspirer de toutes les directives que la
Chambre, dans sa sagesse, décidera d’émettre pour encadrer la conduite de ses
affaires.