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La reconnaissance des titres de compétences étrangers
Devinder Shory, député

Le présent article porte sur un important problème qu’éprouvent les néo-Canadiens : la reconnaissance de leurs titres de compétences acquis à l’étranger.

J’ai toujours dit que, peu importe que l’on soit né ici ou que l’on soit arrivé par avion ou par bateau, le Canada accueille à bras ouverts ceux qui travaillent fort et qui respectent les règles. Il est vital pour les nouveaux arrivants de s’intégrer, mais l’intégration ne constitue pas une voie à sens unique. Ceux qui sont nés ici doivent être ouverts pour pouvoir accepter les nouveaux arrivants en tant que membres à part entière de notre société et faire disparaître les obstacles à la réussite de ces derniers, notamment en reconnaissant les titres de compétences étrangers. Parallèlement, il revient aux nouveaux arrivants de faire tout leur possible pour être membres de la société, que ce soit en adhérant sans réserve aux valeurs canadiennes ou en participant à la vie communautaire.

Avant de faire part de certains points de vue sur le problème particulier qu’est la reconnaissance des titres de compétences étrangers, j’aimerais vous parler un peu de mon parcours. Je suis né, j’ai grandi et j’ai fait mes études en Inde. J’y ai même exercé le métier d’avocat jusqu’à ce que j’arrive au Canada en 1989. Pendant que j’entreprenais des démarches pour pouvoir exercer de nouveau le droit, j’ai fait ce que beaucoup ont fait dans la même situation. J’ai accepté d’autres emplois pour subvenir aux besoins de ma famille.

J’ai déjà géré un club vidéo et conduit un taxi. J’ai pris tous les petits emplois qui se présentaient pour arriver à joindre les deux bouts. J’ai enfin réussi à redevenir un avocat dûment qualifié et en règle en Alberta. Mais je suis un des chanceux qui ont atteint leur objectif et l’ont même dépassé. Pour chaque histoire qui se termine bien comme la mienne, il y en a beaucoup moins heureuses, celles de gens qui peinent à s’y retrouver dans le dédale de la reconnaissance des titres de compétences étrangers.

Dans ma circonscription, Calgary-Nord–Est, 48,5 % des habitants disent faire partie d’une minorité visible, et 37 % sont immigrants. Laissez-moi vous expliquer un peu mieux pour que vous saisissiez bien la portée de ces statistiques. Le dernier recensement publié indique que, dans ma circonscription, 22,6 % des gens se disent Asiatiques du Sud, 11,1 %, Punjabis, 6 %, Chinois, 4,9 %, Philippins, 3,3 %, Asiatiques du Sud-Est et 2,6 %, Latino-Américains. Pour se faire une idée de ce qu’est la diversité au Canada, on n’a qu’à passer par les différents quartiers de ma circonscription et dans beaucoup d’autres.

Ce pluralisme apporte son lot de problèmes uniques, mais il faut se rappeler que ce n’est rien de nouveau pour le Canada, ni même pour notre génération. En effet, les institutions libres et la tolérance, piliers par excellence de la démocratie parlementaire, représentent une part de l’héritage britannique commun à tous les pays du Commonwealth. Pendant des siècles, les Canadiens ont cherché des moyens pragmatiques et pratiques de faire de la diversité une réalité, que ce soit entre les colons britanniques et français ou entre les peuples de l’Europe et des Premières Nations. Même si le pluralisme d’hier ne ressemble pas en tous points à celui d’aujourd’hui, le but ultime reste le même : intégrer les nouveaux arrivants au tissu social du Canada et nouer des liens entre immigrants et Canadiens de longue date.

Pour y parvenir, la langue constitue, selon moi, la première étape essentielle à l’intégration des nouveaux arrivants aux collectivités. S’ils ignorent le français ou l’anglais, ces derniers ne pourront pas s’insérer dans la société canadienne. Ils doivent prendre l’initiative d’apprendre, tout comme nous devons leur offrir les moyens de le faire. Ils doivent aussi tirer parti des programmes et des organismes venant en aide aux chercheurs d’emploi fraîchement arrivés au Canada.

En octobre 2011, j’ai organisé un salon des ressources pour les nouveaux arrivants qui regroupait diverses agences qui viennent en aide à ces derniers. Certaines sont situées à Calgary même, d’autres en Alberta, et quelques-unes sont fédérales. C’était merveilleux de pouvoir réunir autant de nouveaux arrivants dans le même lieu que des fournisseurs de ressources. Parfois, il suffit de créer une occasion concrète. À titre de député, j’estime que c’est ma responsabilité envers mes électeurs.

En plus d’organiser ce genre d’activités, mon bureau est ouvert et accessible à la collectivité diverse de Calgary-Nord-Est. Dans mes bureaux de Calgary et d’Ottawa, au moins un employé parle plusieurs langues, notamment le pendjabi, l’ourdou, l’hindi, le pachtou, le farsi, en plus de l’anglais, bien entendu. Nous utilisons autant les médias généraux que les médias ethnoculturels. Il est essentiel de maintenir les lignes de communication ouvertes, puisque le mode de transmission de l’information peut grandement varier d’une culture à l’autre. Il faut joindre les gens là où ils sont. Cela signifie aussi qu’il faut ajouter sa touche personnelle et rencontrer les gens pour leur montrer un appui à l’égard des groupes communautaires et des personnes qui, autrement, ne seraient peut-être pas en contact avec le « système ».

De toutes les difficultés qu’éprouvent les nouveaux arrivants, celle qui me touche le plus est le sous-emploi ou, plus particulièrement, le problème de la reconnaissance des titres de compétences étrangers.

Vous savez, certains disent que le meilleur endroit où faire une crise cardiaque en Alberta est probablement la banquette arrière d’un taxi, car il y a de fortes chances que le chauffeur soit médecin.

En Alberta, on estime à 2 500 le nombre de diplômés en médecine formés à l’étranger qui tentent d’obtenir une autorisation d’exercer, alors qu’il manque environ 1 100 médecins, et ceci n’est qu’une seule catégorie professionnelle. Nous savons tous qu’il y a pénurie de médecins au Canada. Personne ne prône le nivellement par le bas, mais nous devons admettre que des milliers de professionnels brillants sont prêts à renouer avec leur carrière et à mettre fin à la pénurie. Notre gouvernement a d’ailleurs fait avancer ce dossier. Par l’entremise du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, nous finançons des initiatives pour simplifier les démarches administratives et rendre le processus plus clair.

Par exemple, ce ministère a mis sur pied, de concert avec les provinces et les territoires, le Cadre pancanadien d’évaluation et de reconnaissance des qualifications professionnelles acquises à l’étranger. En 2010, le Cadre a atteint son objectif : dans les douze mois après leur demande, faire savoir aux travailleurs formés à l’étranger qui possèdent des compétences dans huit des professions ciblées (architecte, ingénieur, technologue de laboratoire médical, ergothérapeute, pharmacien, physiothérapeute, infirmière autorisée et vérificateur financier et comptable) si leurs titres sont reconnus ou s’ils doivent suivre d’autres cours. De plus, le Plan d’action économique du Canada a investi 50 millions de dollars dans l’amélioration de la reconnaissance des titres de compétences étrangers, en collaboration avec des partenaires.

Voilà des résultats concrets, mais nous en voulons davantage. C’est pourquoi notre gouvernement déploie sans cesse beaucoup d’efforts dans ce dossier et que le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes s’en est saisi. Grâce au Comité, nous prévoyons recommander les moyens les plus pratiques pour raccourcir davantage le processus de reconnaissances des titres étrangers. Nous voulons tabler sur nos réalisations, mais il y a encore tant à faire – trop de professionnels brillants prêts à travailler et à contribuer à notre société attendent la reconnaissance de leurs titres.

Il est impératif que le Canada demeure compétitif et attractif aux yeux des professionnels qualifiés formés à l’étranger, non seulement pour le bien de l’immigration et de l’intégration, mais aussi pour la future prospérité économique du pays. Un seul député ou même le gouvernement fédéral au complet ne peuvent régler ce dossier à eux seuls. Le gouvernement fédéral, les provinces, les territoires et les ordres professionnels doivent se concerter pour établir des processus clairs, afin que les professionnels trouvent les emplois qu’ils devraient occuper, selon nos attentes. Autrement, les perspectives sont sombres, tant pour le Canada que pour les professionnels dont leurs démarches ne sont pas couronnées de succès.

Représenter une circonscription pluraliste signifie qu’il faut maintenir le dialogue avec les personnes et les groupes de la collectivité afin de connaître leurs idées et leurs opinions. Il ne s’agit pas de dresser un groupe contre l’autre. Je suis fier de pouvoir dire que mon discours ne change pas selon mon auditeur ou mon auditoire local.

Enfin et surtout, représenter une circonscription pluraliste, c’est aussi reconnaître que la citoyenneté canadienne n’appartient pas à un groupe plus qu’à un autre. La cohésion sociale est réelle lorsque tous ont une part égale. Les pouvoirs publics et les nouveaux arrivants ont des responsabilités partagées dans le domaine de l’égalité des chances. Les pouvoirs publics, les institutions publiques et le secteur public doivent continuer à travailler de concert, afin de résoudre les difficultés éprouvées par les nouveaux arrivants et de les aider à réussir leur intégration au Canada, le meilleur pays du monde.


Canadian Parliamentary Review Cover
Vol 34 no 4
2011






Dernière mise à jour : 2020-09-14