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Propositions de dépenses : quand faut-il une recommandation royale?
Michael Lukyniuk

Dans le système parlementaire de gouvernement du Canada, la Couronne (c.-à-d. l’exécutif) est seule responsable de la gestion des fonds publics, et elle seule peut être à l’origine d’une demande à la Chambre des communes pour des dépenses, des taxes ou des impôts nouveaux ou toute hausse d’impôt, de taxe ou de dépense. C’est ce qu’on appelle « la prérogative financière de la Couronne », qui est prévue à l’article 54 de la Loi constitutionnelle de 1867. L’article 53 de cette loi énonce aussi que tout projet de loi ayant pour but l’affectation d’une portion quelconque du revenu public ou la création de taxes ou d’impôts doit prendre naissance à la Chambre des communes. À première vue, il peut sembler relativement simple de déterminer si des dépenses, une taxe ou un impôt sont envisagés. Toutefois, la Chambre est souvent saisie de demandes complexes et créatives susceptibles de nécessiter une autorisation de dépenser ou de percevoir une taxe ou un impôt. Quand un rappel au Règlement est soulevé relativement à la violation de la prérogative financière de la Couronne, la présidence doit examiner de près le projet de loi ou l’amendement afin de se prononcer sur sa recevabilité. Dans le présent article, l’auteur examine quelque 80 décisions qui ont été rendues depuis 1969 et qui traitent des initiatives en matière de dépenses et de la nécessité d’une recommandation royale.

Au cours des 40 dernières années, la prérogative financière de la Couronne a suscité un vif intérêt, notamment en ce qui concerne les dépenses. De temps à autre, la présidence de la Chambre des communes a été appelée à déterminer si des projets de loi ou des amendements proposés à des projets de loi renfermaient des propositions de dépenses. Si c’était le cas et que la mesure n’était pas recommandée par la Couronne, le processus s’arrêtait là puisque, selon la Constitution, seule la Couronne peut prendre l’initiative des dépenses publiques.

La présidence ne rend pas de décisions sur des questions constitutionnelles, mais le paragraphe 79(1) du Règlement reprend le libellé de la Loi constitutionnelle et autorise la présidence à veiller à ce que la Chambre des communes n’adopte aucun projet de loi comportant des affectations de crédits à moins que l’objet du projet de loi n’ait « été préalablement recommandé par message du Gouverneur général ». Par conséquent, la présidence de la Chambre des communes a un rôle crucial à jouer sur le plan de la procédure en déterminant si une mesure empiète sur la prérogative financière de la Couronne.

L’instrument qui signale le souhait de la Couronne de prendre l’initiative de dépenses s’appelle « recommandation royale ». Celle-ci est faite par le gouverneur général sur demande du Cabinet pour la présentation d’une mesure législative requérant l’autorisation du Parlement relativement à des dépenses. La recommandation royale est annexée au projet de loi (ou à la proposition d’amendement d’un projet de loi) et imprimée dans les Journaux et le Feuilleton des avis de la Chambre des communes. Le libellé actuel de la recommandation royale se lit comme suit : « Son Excellence la gouverneure générale recommande à la Chambre des communes l’affectation de deniers publics dans les circonstances, de la manière et aux fins prévues dans une mesure intitulée [titre intégral du projet de loi]. »

Il convient de souligner que la recommandation royale ne s’applique qu’aux « dépenses » — le retrait de deniers publics du Trésor1. Elle ne concerne pas le prélèvement d’impôts sur le revenu des particuliers et des sociétés — la façon dont les recettes publiques sont recueillies et versées au Trésor (c’est ce que l’on appelle le processus des voies et moyens, du point de vue de la procédure). Elle ne s’applique pas non plus à la gestion budgétaire — la situation excédentaire ou déficitaire du Trésor public2.

Lorsque la Couronne lui présente une demande de dépense, la Chambre examine la proposition et peut prendre l’une des trois mesures suivantes : elle peut accéder à la demande; elle peut réduire le montant de la dépense; enfin, elle peut rejeter carrément la demande. Cependant, la Chambre ne peut pas accroître le montant de la dépense proposée par la Couronne. Si elle le faisait, elle empiéterait sur la prérogative financière de la Couronne.

Les demandes de dépense peuvent prendre essentiellement deux formes : elles peuvent être présentées à titre de demandes législatives de « crédits annuels » ou de « dépenses législatives ». Une recommandation royale est nécessaire dans les deux cas3.

Normalement, les projets de loi ministériels requérant une autorisation de dépenser sont accompagnés d’une recommandation royale au moment de leur présentation. Si un amendement proposé à un projet de loi vise à accroître les dépenses plus tard à l’étape du rapport, il doit être accompagné d’une autre recommandation royale. Cela s’applique aux amendements proposés par un ministre ou un député de l’opposition. Si un amendement suggéré à un projet de loi à l’étape du rapport nécessite une recommandation royale et qu’il n’en est pas accompagné, la présidence n’appellera pas l’amendement pour qu’il soit débattu ou mis aux voix, conformément au paragraphe 79(1). (Dans les comités, les présidents considéreront ces amendements comme étant irrecevables, puisqu’il n’existe aucun mécanisme permettant de demander une recommandation royale durant l’étude article par article des projets de loi par les comités.) Rappelons aussi que, si un amendement à un projet de loi vise à rétablir une disposition relative à une dépense qu’un projet de loi propose de supprimer de la loi en vigueur, aucune recommandation n’est alors nécessaire, puisque les dispositions de la loi en vigueur resteraient inchangées.

Une procédure spéciale a été adoptée en ce qui concerne les initiatives parlementaires. Les projets de loi d’initiative parlementaire qui prévoient des dépenses peuvent être présentés, débattus et étudiés sans avoir au préalable fait l’objet d’une recommandation royale, et ce, jusqu’à la troisième lecture4. Si, à cette étape, le projet de loi n’a pas encore obtenu la recommandation royale, la présidence peut décider de ne pas mettre aux voix le projet de loi, ce qui entraîne la mort de celui-ci au Feuilleton. La prérogative financière de la Couronne se trouve ainsi respectée.

On voit donc que la poursuite de l’étude d’une initiative repose essentiellement sur la décision que prend la présidence sur la question de savoir si elle comporte des dépenses. Afin de traiter chaque cas de manière uniforme et objective, la présidence se guide sur deux principes fondamentaux : on ne peut élargir la portée d’une recommandation royale et toute nouvelle demande distincte de dépense doit être accompagnée d’une telle recommandation.

Conditions : La recommandation royale stipule que toute affectation de fonds publics doit se faire « dans les circonstances, de la manière et aux fins prévues » dans le projet de loi auquel elle est annexée. Les conditions énoncées dans la recommandation royale constituent l’expression particulière de la prérogative financière de la Couronne et les amendements ne peuvent renfermer de mesures qui vont au-delà de ces conditions. Essentiellement, celles-ci ont trait aux mécanismes ou aux plans sur lesquels se fonde l’autorisation de dépenser. Par exemple, le projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi sur les prêts aux petites entreprises, prévoyait des garanties de prêt pour certaines institutions financières, mais non pour les Alberta Treasury Branches; la présidence a alors jugé que l’amendement visant à inclure cette institution dépassait la portée de la recommandation royale5. Un amendement proposé au projet de loi C-48, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-récolte, visait à étendre l’indemnité prévue pour les dommages causés aux récoltes par la sauvagine à l’ensemble des dommages causés aux récoltes par la faune. La présidence a expliqué : « Cela n’est évidemment pas acceptable sur le plan de la procédure, non seulement parce que l’amendement dépasse la portée de l’article en cause, mais aussi parce qu’il va à l’encontre de la Recommandation royale »6. D’autre part, la présidence a jugé qu’un amendement proposé au projet de loi C-133, Loi modifiant la Loi sur l’habitation, qui ajoutait des sociétés d’habitation appartenant à des municipalités à la définition d’organisme sans but lucratif, était conforme aux conditions énoncées dans la recommandation royale7.

Demandes de dépenses nouvelles et distinctes : Il s’agit de mesures proposant des dépenses qui ne sont soutenues par aucune loi en vigueur. Quand elle examine un projet de loi ou un amendement, la présidence se demande s’il propose une activité ou une fonction tout à fait nouvelle qui diverge radicalement de celles qui sont déjà autorisées. En constituent de parfaits exemples les projets de loi qui prévoient l’établissement de nouveaux bureaux, organismes ou ministères. La présidence a invariablement jugé que ces mesures requièrent une recommandation royale8.

Depuis l’adoption de la réforme de la procédure relative au processus des crédits à la fin des années 1960, une importante jurisprudence parlementaire s’est constituée en la matière. La présidence a rendu des décisions sur la nécessité d’une recommandation royale lorsque des amendements proposés en comité étaient contestés à la Chambre, lorsque des projets de loi d’initiative parlementaire étaient remis en question et, avant 1991, lorsque des décisions étaient prises sur des amendements à l’étape du rapport.

Les cas suivants, classés par thème, illustrent d’autres complexités liées à l’exigence de la recommandation royale :

Dispositions relatives à l’affectation de crédits

Autorité suprême : La recommandation royale confère l’autorité suprême pour affecter des crédits. Rien de plus ne devrait être requis pour autoriser une dépense. Sinon, le pouvoir constitutionnel de la Couronne serait compromis ou le Parlement se trouverait à déléguer ses pouvoirs à un autre organe. Des amendements proposés au projet de loi C-124, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-chômage, ont été jugés irrecevables du fait qu’ils auraient assujetti les dispositions relatives aux dépenses à une résolution supplémentaire de la Chambre. Dans le projet de loi C-331, Loi sur l’indemnisation des Canadiens d’origine ukrainienne, il était demandé au gouvernement d’engager des négociations avec la communauté ukrainienne pour établir les niveaux d’indemnisation qui convenaient. Une recommandation royale n’est pas nécessaire lorsque l’issue de négociations à venir est incertaine. Elle peut non plus être liée à un facteur externe pour prendre effet. La présidence a expliqué qu’ « il n’est pas possible d’affirmer que ce projet de loi entraînerait une affectation de fonds publics au moment de sa promulgation. Un projet de loi qui affecte des fonds publics […] doit avoir cet effet au moment même de sa promulgation. Une fois qu’un projet de loi devant être accompagné d’une recommandation royale est approuvé par le Parlement, rien de plus ne devrait être requis pour procéder à l’affectation. Le fait de soumettre l’affectation à une autre condition hors du contrôle du Parlement équivaudrait, dans les faits, à une délégation par le Parlement à un tiers de ses pouvoirs et responsabilités en matière de crédits. Le Parlement ne peut agir ainsi »9.

Se soustraire à une obligation : Afin de se soustraire à l’obligation d’obtenir une recommandation royale, il est arrivé que l’on insère dans un projet de loi une disposition stipulant que rien dans le projet de loi ne doit s’interpréter comme nécessitant une affectation de deniers publics. Or, la présidence a jugé que le recours à pareille disposition ne constitue pas une façon acceptable de se dérober à l’obligation d’obtenir une recommandation royale. Toute initiative législative doit être examinée pour ce qu’elle fait en réalité10.

Expression claire : Toute autorisation de dépenser doit exprimer l’intention de retirer des fonds du Trésor d’une manière claire et précise. Quand un projet de loi ne donne pas de détails particuliers sur les mesures qui devront être adoptées pour mettre en œuvre l’initiative, une recommandation royale n’est pas nécessaire. Il peut y avoir une obligation — politique ou autre — faite au gouvernement de prendre des mesures à une date donnée. Si des dépenses sont envisagées, c’est à ce moment-là qu’une recommandation royale sera nécessaire.

Dans des mesures comme le projet de loi C-288, Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto, et le projet de loi C-292, Loi portant mise en œuvre de l’Accord de Kelowna, il était demandé au gouvernement d’appliquer des accords. Étant donné que ces projets de loi ne renfermaient aucun détail sur les mesures particulières à mettre en œuvre, la recommandation royale n’était pas nécessaire. La présidence a expliqué : « Ces mesures ne sont pas décrites. En l’absence d’une telle description, il m’est impossible de déterminer si le projet de loi nécessite une recommandation royale […] mais il n’est pas clair si les mesures envisagées seront prises au moyen d’une loi de crédits, de modifications à des lois actuelles ou de nouvelles lois. »

Dans le projet de loi C-304, Loi visant à assurer aux Canadiens un logement sûr, adéquat, accessible et abordable, il était demandé au gouvernement de concevoir une stratégie nationale en matière de logement, laquelle devait accorder un soutien financier aux personnes n’ayant pas de ressources financières suffisantes pour louer un logement. Aucun détail n’ayant été fourni sur le soutien, la présidence a jugé que le projet de loi ne requérait pas de recommandation royale : « Si le Parlement décide d’approuver ce projet de loi et que la stratégie nationale relative à l’habitation est élaborée, il appartiendra alors au gouvernement de décider des ressources financières nécessaires pour mettre en œuvre la stratégie, puis de les faire approuver par le Parlement. Cela pourrait se traduire par un projet de loi de crédits ou un autre projet de loi proposant des dépenses précises, qui nécessiterait alors une recommandation royale11. »

Loi de crédits, crédits servant à légiférer

La loi de crédits constitue l’aboutissement d’un processus constitué par la présentation, l’examen et l’adoption du Budget des dépenses. (Le Budget des dépenses renferme les demandes annuelles que le gouvernement formule pour le retrait de fonds du Trésor qui sont destinés à ses activités opérationnelles générales et à ses services. Ces demandes de dépenses annuelles sont ventilées par ministère et détaillées dans ce que l’on appelle les « crédits ».)

On dit des crédits qui figurent dans le Budget des dépenses et qui modifient d’autres lois (lesquelles ne sont pas des lois de crédits précédentes) qu’ils sont utilisés en vue de « légiférer » — c.-à-d. qu’ils apportent des modifications permanentes à une loi —, ce qui n’est pas l’objet du Budget des dépenses annuel. Lorsqu’elle en est saisie dans un rappel au Règlement, la présidence peut exiger que ces crédits soient supprimés du Budget des dépenses. La façon normale de procéder serait, pour le gouvernement, de présenter ces crédits dans un projet de loi modificatif différent.

En outre, les crédits du Budget des dépenses ne devraient pas anticiper sur l’adoption d’une loi par le Parlement. Ils doivent plutôt s’appuyer sur une loi en vigueur. Sinon, cela équivaudrait à approuver des fonds pour des programmes non existants.

Les exemples suivants apportent un éclairage sur ces questions :

  • En 1974, le Règlement a été invoqué pour un crédit du Budget des dépenses relatif à la Commission de surveillance des prix des produits alimentaires. La CSPPA ayant été créée aux termes de la Loi sur les enquêtes, le pouvoir législatif existait déjà. On pouvait donc inclure le crédit dans le Budget des dépenses.
  • En 1981, le Règlement a été invoqué au sujet d’un crédit du Budget des dépenses qui autorisait l’annulation de dettes. Il a été déterminé que cela aurait dû être proposé au moyen d’une modification du paragraphe 18(1) de la Loi sur l’administration financière. Comme il n’existait alors aucun pouvoir législatif pour le crédit, il a été ordonné qu’il soit supprimé du Budget des dépenses.
  • En 1983, le Règlement a été invoqué au sujet de crédits du Budget des dépenses. Le premier haussait la limite d’emprunt (cette initiative aurait plutôt dû être faite au moyen d’une modification de la Loi sur la commercialisation du poisson d’eau douce), tandis que le second prévoyait l’octroi d’une subvention dans le cadre du Programme de subventions des petites entreprises, même si la loi habilitante n’avait pas encore été adoptée par le Parlement. Les deux crédits ont été supprimés du Budget des dépenses.
  • En 1984, le Règlement a été invoqué au sujet d’un crédit du Budget des dépenses demandé pour des dépenses de programmes alors que la loi habilitante n’avait pas encore été adoptée par le Parlement. Le crédit a été supprimé du Budget des dépenses.
  • En 1991, le Règlement a été invoqué au sujet de crédits figurant au Budget des dépenses principal et à un Budget des dépenses supplémentaire et visant à autoriser le versement d’allocations quotidiennes aux sénateurs. La présidence a jugé que le gouvernement ne disposait pas de l’autorisation législative lui permettant de verser les allocations. Les deux crédits ont été supprimés du Budget des dépenses12.

Dispositions d’entrée en vigueur

Les projets de loi entrent en vigueur dès qu’ils sont revêtus de la sanction royale, sauf s’ils renferment une disposition précisant la date de prise d’effet ou conférant au gouverneur en conseil le pouvoir de décider de la date d’entrée en vigueur par proclamation. S’il est vrai que le processus d’engagement des dépenses publiques s’amorce à la date de prise d’effet des projets de loi, il reste qu’on devrait considérer les dispositions relatives à l’entrée en vigueur non pas comme des conditions de la recommandation royale, mais plutôt comme des composantes du processus législatif. Dans le projet de loi C-280, Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, il était proposé que la date d’entrée en vigueur d’un projet de loi ministériel déjà adopté soit changée par proclamation du gouverneur en conseil à la date de la sanction royale. En réponse à un rappel au Règlement du gouvernement, la présidence a expliqué : « Nos règles et usages veulent que les dispositions d’entrée en vigueur des projets de loi aient toujours été susceptibles de faire l’objet d’amendements et d’un vote. Si nous devions accepter que la modification des dispositions d’entrée en vigueur contrevient d’une quelconque façon à la recommandation royale, alors les comités et la Chambre ne pourraient plus, de façon unilatérale, voter contre ces dispositions ou les modifier. Cette situation n’est visiblement pas celle qui prévaut. » En conséquence, aucune recommandation royale n’était nécessaire13.

Dispositions d’indemnisation

Quand, dans un projet de loi ou un amendement à un projet de loi, il est proposé de verser une indemnité à quelqu’un, cela entraîne le retrait de deniers publics du Trésor et, donc, l’obligation d’obtenir une recommandation royale. En ce qui concerne le projet de loi C-48, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-récolte, la présidence a expliqué qu’une des motions proposées « pose également des problèmes à la présidence parce qu’elle tend à étendre l’indemnité prévue pour les dommages causés aux récoltes par la sauvagine à l’ensemble des dommages causés aux récoltes par la faune […] [U]n amendement enfreint l’initiative de la Couronne dans le domaine financier, non seulement s’il augmente le montant, mais aussi s’il étend les objets et les fins de celui-ci énoncés dans la communication par laquelle la Couronne a recommandé un prélèvement ». Dans un amendement au projet de loi C-17 sur le Code criminel, il était proposé d’indemniser les propriétaires d’armes à feu en ce qui concerne les armes prohibées, ce qui nécessitait une nouvelle autorisation de dépenser. Le projet de loi C-5, Loi sur la responsabilité et l’indemnisation en matière nucléaire, visait à supprimer une disposition qui aurait établi des dates limites pour la présentation de demandes d’indemnisation. La présidence a souligné que la suppression de délais n’empiète pas sur la prérogative financière de la Couronne14.

Le Trésor

Le Trésor a été établi pour la gestion des deniers publics par la Couronne. Ces dernières années, il y a eu des cas liés à la création de comptes hors Trésor aussi bien qu’à des fonds échappant au contrôle de la Couronne.

Dans le projet de loi C-280, qui portait sur l’assurance-emploi, on a proposé que des fonds du Compte d’assurance-emploi soient virés du Trésor à un compte séparé. La présidence a fait valoir qu’une telle disposition nécessitait une recommandation royale parce que cela « entraîne une affectation de fonds […] en permettant de dépenser des fonds publics par le transfert de fonds du Trésor […] de sorte que ces sommes ne pourront plus être consacrées à d’autres dépenses engagées par le Parlement »15.

Dans le projet de loi C-241, qui portait sur la suppression du délai de carence de l’assurance-emploi, on a proposé que ce délai soit supprimé et que les prestations soient versées par le nouvel Office de financement de l’assurance-emploi du Canada et donc prélevées sur un compte distinct du Trésor. La présidence a expliqué que le « compte bancaire distinct auquel on réfère a pour objet précis de permettre une réduction des cotisations. Il n’est pas prévu que ce compte serve à combler des déboursés additionnels pouvant résulter de la suppression du délai de carence qui précède le versement des prestations […] Donc, malgré la création du nouvel Office de financement de l’assurance-emploi du Canada, il est clair que les prestations versées aux travailleurs admissibles sont toujours prélevées sur le Trésor, dans le Compte d’assurance-emploi ». Par conséquent, une recommandation royale était requise16.

Les projets de loi C-363 et C-285, qui portaient sur la Société canadienne d’hypothèques et de logement, visaient à virer de l’argent du fonds de réserve d’une société d’État. Étant donné qu’il s’agissait de fonds se trouvant, théoriquement, à l’extérieur du Trésor et échappant donc au contrôle de la Couronne, aucune recommandation royale n’était nécessaire17.

Fonctions, mandats et obligations

Lorsqu’une proposition législative vise à confier un nouveau rôle ou une nouvelle fonction à un organisme ou à un programme existant, une recommandation royale est nécessaire, parce que les conditions énoncées dans la recommandation initiale lors de la création de cet organisme ou de ce programme ont été modifiées. Cependant, si une proposition législative ne vise qu’à élargir la portée du programme ou à accroître les fonctions de l’organisme, les conditions de la recommandation royale initiale restent inchangées et l’autorisation de toute nouvelle dépense de nature opérationnelle sera demandée au moyen d’une loi de crédits annuelle. Il s’agit sans doute là d’une des questions les plus complexes sur lesquelles la présidence est appelée à se prononcer.

Dans le premier cas, les conditions liées à l’établissement d’un organisme ou d’un programme sont modifiées, de sorte qu’une autorisation de dépenser nouvelle et distincte est créée de façon permanente. Cette initiative doit être accompagnée d’une recommandation royale.

Dans le second cas, des dépenses de nature opérationnelle supplémentaires pourraient être nécessaires pour des activités qui ne sont pas nouvelles et qui ont déjà été autorisées par une loi en vigueur accompagnée d’une recommandation royale. Pareille autorisation de dépenses opérationnelles serait accordée annuellement au moyen d’une loi de crédits.

Cas où une nouvelle fonction était envisagée : Le projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi, proposait que la Commission de l’assurance-emploi s’occupe de l’investissement de fonds, une nouvelle fonction requérant une recommandation royale. La présidence a expliqué que « l’article 2 modifie de façon substantielle les responsabilités de la Commission de l’assurance-emploi de manière à lui permettre de dépenser des fonds publics d’une façon nouvelle ou différente pour un nouvel objet, soit l’investissement de fonds publics ».

Dans le projet de loi C-286, Loi modifiant la Loi sur le programme de protection des témoins, il était proposé d’élargir la portée du programme pour qu’il s’applique aux personnes dont la vie est en danger en raison d’actes commis contre elles par leur conjoint. Étant donné que cela créerait une fonction tout à fait nouvelle entraînant des dépenses, une recommandation royale était nécessaire. La présidence a fait ressortir que le projet de loi proposait une protection qui « n’est pas prévue actuellement par le Programme de protection des témoins. Cela signifie donc que le projet de loi propose l’exécution d’une toute nouvelle fonction. En tant que nouvelle fonction, cette activité n’est visée par aucune affectation de crédits existante […] De nouvelles fonctions ou activités doivent donc être accompagnées d’une nouvelle recommandation royale ».

Dans le projet de loi C-279, Loi modifiant la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques, il était proposé d’ajouter une nouvelle fonction, à savoir la création d’un fichier pour personnes portées disparues. Pareil fichier constituait un nouvel objet pour la loi, ce qui nécessitait une recommandation royale.

Dans le projet de loi C-474, Loi canadienne sur le développement durable, il était proposé de confier un nouveau mandat à la Commission de l’environnement et du développement durable, celui d’élaborer un système national de surveillance de la durabilité de l’environnement assorti de nouveaux objectifs, ce qui nécessitait une recommandation royale18.

Cas où aucune nouvelle fonction n’était envisagée : Le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pensions et la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières, proposait d’accroître le nombre de régimes de pensions sous la supervision du surintendant des institutions financières. Malgré l’augmentation du nombre de régimes de pensions, les fonctions du surintendant restaient exactement les mêmes. Par conséquent, si la charge de travail du Bureau du surintendant augmentait et que des dépenses opérationnelles devenaient nécessaires, l’autorisation d’engager ces dépenses devrait être demandée par une loi de crédits.

Dans les projets de loi C-257 et C-295, qui modifiaient le Code canadien du travail, il était proposé que le ministre puisse désigner des enquêteurs du ministère du Travail investis du pouvoir de vérifier si un employeur utilise les services de travailleurs de remplacement illégaux. Étant donné que les enquêteurs exerçaient déjà une fonction semblable, il a été déterminé qu’aucune recommandation royale n’était requise. La présidence a expliqué : « Il s’agit de savoir si le fait de désigner des enquêteurs équivaut à autoriser de nouvelles dépenses dans un but distinct […] À la lumière des arguments présentés par les honorables députés et des dispositions de la loi cadre qui décrivent les fonctions des inspecteurs, la présidence conclut que les dispositions du projet de loi C-257 permettant au ministre de désigner des enquêteurs ne l’obligeraient pas à engager de nouvelles dépenses à des fins précises, car les fonctions décrites dans le projet de loi ressemblent visiblement beaucoup à celles que les inspecteurs exercent déjà. »

Des amendements proposés au projet de loi C-288, Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto, ont été adoptés en comité et contestés à la Chambre pour le motif qu’ils proposaient de confier un mandat nouveau et distinct à la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie. La présidence a déterminé que la fonction proposée faisait déjà partie du mandat de la Table ronde nationale. Elle a soutenu que, dans « le cas présent, l’article 4 de la loi prévoit que la Table ronde nationale effectue des activités relatives à une analyse des questions de développement durable et qu’elle conseille le ministre sur des aspects environnementaux et économiques. Le libellé de l’amendement au projet de loi C-288 semble, à mon avis, respecter en tout point le mandat actuel de la Table ronde nationale, soit d’analyser le Plan sur les changements climatiques et de conseiller le ministre. D’aucuns pourraient prétendre que cette initiative législative risque d’accroître sa charge de travail mais, si tel était le cas, une augmentation de son budget serait demandée par le biais des modalités déjà en place ».

Dans le projet de loi C-327, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion (réduction de la violence à la télévision), il était proposé que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes soit chargé de réglementer la diffusion de scènes violentes et de s’assurer que les radiodiffuseurs se conforment à la réglementation. Par un rappel au Règlement, le gouvernement a cité des précédents et soutenu qu’il s’agissait là d’une nouvelle responsabilité nécessitant clairement l’engagement de dépenses. Citant le paragraphe 3(1) et l’article 5 de la Loi sur la radiodiffusion, la présidence a déclaré que « le CRTC possède déjà le pouvoir de réglementer la programmation afin de sauvegarder les valeurs sociales; c’est dans ce volet du mandat du CRTC que sembleraient s’insérer les nouveaux règlements visant à réduire la violence dans la programmation offerte au public. La présidence est d’avis que, dans l’ensemble, le projet de loi C-327 propose des activités qu’exercent [sic] déjà le CRTC dans le cadre de son mandat actuel […] Le projet de loi C-327 aura peut-être pour effet d’augmenter la charge de travail au CRTC, mais les activités qu’il propose font partie du mandat du CRTC. Si du personnel ou des ressources supplémentaires s’avéraient nécessaires pour exercer ces activités, cela ferait l’objet d’un projet de loi de crédit [sic] distinct qui serait alors soumis au Parlement »19.

Modification de la destination de subventions

Lorsqu’une loi établit un programme pour le versement de subventions, les conditions du programme ne peuvent être modifiées afin d’ajouter des groupes à la liste de ceux qui peuvent recevoir les subventions ou de changer la façon dont celles-ci seront utilisées, à moins que les modifications ne fassent l’objet d’une recommandation royale.

Le projet de loi C-262, Loi de soutien de l’emploi, projet de loi du gouvernement, avait pour objet d’accorder des subventions aux manufacturiers touchés par l’imposition de surtaxes étrangères à l’importation; cette mesure visait à ce que ces subventions profitent aux agriculteurs et aux pêcheurs. Or, cela nécessitait une recommandation royale.

Dans le projet de loi C-220, Loi modifiant la Loi sur les subventions au développement régional, il était proposé d’obliger le versement de celles-ci à des sociétés d’État plutôt qu’à des entreprises privées. La présidence a expliqué que non seulement « on ne peut modifier les sommes approuvées ou recommandées par la Recommandation royale », mais encore qu’il « est interdit de redistribuer des dépenses approuvées ou recommandées à la Chambre dans la Recommandation royale ».

Dans le projet de loi C-284, Loi modifiant la Loi fédérale sur l’aide financière aux étudiants, il était proposé que le programme d’aide soit prolongé de manière que les étudiants aient accès aux subventions non seulement pour la première année d’études postsecondaires, mais encore pour chacune de leurs années d’études. Pareil élargissement de la portée du programme aurait eu pour effet de modifier les conditions de la recommandation royale qui accompagnait le projet de loi initial. La présidence a déclaré : « En étendant ainsi le programme, le projet de loi n’en respecte pas la portée prévue à l’origine. Une telle bonification du programme n’est visée par aucune affectation à l’heure actuelle. Les crédits ne peuvent être affectés par le Parlement que pour un objet autorisé par recommandation royale […] La recommandation royale ne couvre donc pas la période de quatre années que propose le projet de loi du député20. »

Remboursement de frais juridiques

Une proposition législative obligeant le gouvernement à rembourser des frais juridiques nécessite une recommandation royale du fait qu’elle requiert une autorisation de dépenser nouvelle et distincte. Dans le projet de loi C-4, Loi sur les corporations canadiennes, une modification visant le remboursement de frais juridiques nécessitait une recommandation royale. La présidence a déclaré : « Il me semble que, si cette proposition était adoptée et entrait en vigueur, elle constituerait un fardeau financier. Il m’est difficile d’écarter cette conclusion. »

En ce qui concerne le projet de loi C-364, qui portait sur l’indemnisation commerciale, on a soutenu que le paiement de frais juridiques avait déjà été autorisé par le ministre. La présidence a expliqué que, « même si le ministre du Commerce international a réservé des fonds à des fins particulières, le projet de loi C-364 prévoit une dépense de deniers publics pour un nouvel objet général. Quelles que soient les dispositions contenues dans d’autres lois, la présidence estime que les mesures législatives proposées par le projet de loi C-364 devraient être accompagnées d’une recommandation émanant de la Couronne parce qu’elles entraînent une nouvelle dépense de fonds publics »21.

Radiation de prêts

Lorsqu’une disposition vise à accroître le pourcentage de radiation de prêts gouvernementaux en vigueur, elle engendrerait une hausse des prélèvements sur le Trésor, ce qui nécessiterait une recommandation royale. Le projet de loi C-6, portant sur l’habitation, avait pour but de faire passer le pourcentage de radiation de prêts de 25 p. 100 à 50 p. 100 et à 75 p. 100. La présidence a déclaré : « Comme la loi en vigueur fixe également une limite aux prélèvements sur le Fonds du revenu consolidé effectués relativement à ces prêts, le bill proposé supprimerait cette limite. […] J’estime que l’objet du bill présenté par l’honorable député comporte des éléments qui font qu’un tel bill ne peut être présenté que par un ministre de la Couronne, et qu’une recommandation de Son Excellence doit y être attachée22. »

Garanties de prêt

Une garantie de prêt du gouvernement est un engagement pris par ce dernier de payer les intérêts ou de rembourser le capital en cas de défaillance du débiteur. En soi, la garantie n’entraîne pas de dépenses. Cependant, si le débiteur est en défaut de paiement, le gouvernement devient alors responsable du prêt tout entier, ce qui entraînerait de nouvelles dépenses publiques. Par conséquent, les garanties de prêt nécessitent une recommandation royale.

Une modification proposée à la Loi sur les prêts aux petites entreprises dans le projet de loi C-23 aurait eu pour effet de supprimer un délai prévu dans la loi initiale, maintenant ainsi la garantie de prêt de façon permanente. Comme cela modifiait les conditions de la recommandation royale initiale, il en fallait une nouvelle.

Dans le projet de loi C-364, Loi sur l’indemnisation commerciale, il était proposé que le ministre des Finances accorde une garantie de prêt à tout exportateur lorsque ce dernier doit verser un dépôt à cause d’un différend commercial. La présidence a expliqué « qu’en cas de défaillance, la Couronne serait responsable de rembourser la dette. Une recommandation royale est donc nécessaire, vu que le projet de loi, en imputant cette obligation au Trésor, entraîne une nouvelle dépense de deniers publics »23.

Titulaires de charge publique — processus de nomination

Les titulaires de charge publique sont généralement nommés et payés par le gouverneur en conseil (GC), mais il y a des exceptions. Dans le projet de loi C-312, Loi modifiant la Loi électorale du Canada, ont été soulevées un certain nombre de questions intéressantes concernant le processus de nomination.

Il était proposé dans le projet de loi de faire passer le pouvoir de nommer les directeurs du scrutin du GC au directeur général des élections. La présidence a déclaré : « Normalement, le pouvoir de nommer comprend le pouvoir de payer. Le transfert du pouvoir de payer aurait pour effet de modifier la façon dont les dépenses sont autorisées et empiéterait par conséquent sur la prérogative financière de la Couronne. Pourtant, une lecture attentive de la Loi électorale du Canada semble révéler que le pouvoir de payer reste aux mains du gouverneur en conseil […] Par conséquent, il semble que le projet de loi a pour seul résultat de transférer le pouvoir de nommer les directeurs du scrutin, sans pour autant transférer le pouvoir de les rémunérer. Si c’est effectivement le cas, il n’y a pas d’empiètement sur la prérogative financière de la Couronne. »

Il était proposé dans le projet de loi de fixer la durée du mandat à dix ans plutôt que de nommer les directeurs du scrutin à titre amovible. La présidence a fait valoir qu’il ne s’agissait pas là « d’un empiètement sur la prérogative financière de la Couronne; en effet, cette mesure n’augmente pas les dépenses publiques puisque ce n’est que l’identité des personnes rémunérées au cours d’une période donnée de 10 ans qui changerait. Il y aurait moins de changements, ou même aucun, dans la liste des directeurs du scrutin pendant cette période, mais leur nombre resterait le même ».

Enfin, il était proposé dans le projet de loi que les directeurs du scrutin soient nommés au moyen d’un concours ouvert tenu par le directeur général des élections. La présidence a déclaré : « Bien que cela entraîne la dépense de fonds publics, il apparaît possible à la présidence de les considérer comme des frais de fonctionnement du directeur général des élections, qui seraient inclus dans les crédits annuels consentis à son bureau24. »

Titulaires de charge publique — dispositions relatives à leur nomination

Quand un projet de loi ou un amendement proposé à un projet de loi vise à nommer des titulaires de charge publique à un organisme ou à en augmenter le nombre, une recommandation royale est nécessaire puisque leur rémunération sera prélevée sur le Trésor.

En ce qui concerne le projet de loi C-210, Loi créant l’Institut canadien de l’énergie solaire, la présidence a fait remarquer que le « projet de loi prévoit la nomination par le gouverneur en conseil de cinq personnes qui, en plus d’autres qui peuvent devenir membres, constituent l’Institut canadien de l’énergie solaire. D’après la Loi d’interprétation, il est bien défini que le pouvoir de nomination inclut aussi le pouvoir de paiement; par conséquent, comme le gouverneur en conseil peut choisir de verser un salaire à ces membres, le projet de loi implique clairement qu’il faudra affecter une partie des deniers publics à cette rémunération ».

Un amendement au projet de loi C-15, Loi sur Investissement Canada, proposait qu’un conseil d’administration soit établi et que la rémunération du président soit divisée entre les membres du conseil, ce qui n’entraînerait aucune nouvelle dépense. La présidence a dit : « Je dois féliciter le député de cette solution originale. Il serait tout à fait inusité qu’un président soit d’accord pour partager son traitement avec les membres de son conseil d’administration, ce qui éviterait d’imposer des frais supplémentaires au Fonds du revenu consolidé. Par ailleurs, le projet de loi ne prévoit pas l’établissement d’un conseil d’administration. »

Le projet de loi C-474, Loi canadienne sur le développement durable, prévoyait la constitution d’un conseil consultatif composé de 25 représentants, mais ne donnait aucun détail quant à leur rémunération. La présidence a fait ressortir que le pouvoir de nomination incluait celui de rémunérer et, donc, qu’une recommandation royale était requise25.

Dépenses de fonctionnement

Quand une loi est proclamée, il peut arriver qu’on doive engager des dépenses de fonctionnement pour mettre en œuvre la mesure, même si la loi ne prévoit pas directement des dépenses. Par exemple, il pourrait être nécessaire d’embaucher plus de personnel et de louer d’autres locaux afin d’appliquer les nouvelles lignes directrices ou les nouvelles peines prévues dans la loi. Pareilles dépenses de fonctionnement — qui peuvent varier d’une année à l’autre — sont autorisées par les lois de crédits annuelles.

Le projet de loi S-14, Loi visant à protéger les phares patrimoniaux, renfermait une disposition exigeant que ces derniers soient raisonnablement bien entretenus. Des députés ont fait valoir que cela entraînerait de plus grandes dépenses de fonctionnement, ce à quoi la présidence a répliqué en déclarant : « Je considère pourtant ces dépenses comme des dépenses de fonctionnement d’un ministère pour lesquelles une affectation aura été obtenue de la façon habituelle. D’année en année, ces dépenses varieront en fonction de l’état et du nombre de phares patrimoniaux ainsi que des effets des intempéries. De telles dépenses de fonctionnement sont intégrées dans la loi de crédits annuelle étudiée et approuvée par le Parlement. »

Par ailleurs, il a été fait valoir que le projet de loi C-288, Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto, se traduirait par une augmentation de la charge de travail de la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie, ce qui entraînerait plus de dépenses et nécessiterait donc une recommandation royale. La présidence a déclaré : « D’aucuns pourraient prétendre que cette initiative législative risque d’accroître sa charge de travail mais, si tel était le cas, une augmentation de son budget serait demandée par le biais des modalités déjà en place26. »

Dispositions relatives à la prise de règlements

On peut dire des règlements qu’ils constituent des mesures législatives subordonnées. Autrement dit, le Parlement délègue son pouvoir législatif à un organisme subordonné au moyen d’une loi. Une loi établissant des pouvoirs de réglementation peut aussi comporter une autorisation d’engager des derniers publics prélevés sur le Trésor si elle est accompagnée d’une recommandation royale.

Le projet de loi C-284, Loi modifiant la Loi fédérale sur l’aide financière aux étudiants, visait à transférer les dispositions du Programme de subventions canadiennes d’accès aux études du règlement, où elles se trouvent actuellement, à la loi habilitante. La présidence a déclaré : « Je tiens à rappeler aux honorables députés qu’un règlement ne peut imputer une dépense au Trésor que si la loi habilitante l’a expressément prévu. Par ailleurs, le gouvernement ne peut engager des fonds aux termes d’un règlement que si sa loi habilitante était accompagnée d’une recommandation royale. Dans le cas présent, le programme de subventions canadiennes d’accès aux études, établi par le ministre grâce aux pouvoirs que lui confère la Loi fédérale sur l’aide financière aux étudiants, est visé par la recommandation royale qui accompagnait cette loi. Par conséquent, la présidence est d’avis qu’en retirant ce programme du règlement pour l’insérer dans la loi, il n’y a pas contravention à la recommandation royale27. »

Paiements d’aide sociale

Condition relative à l’âge : Lorsqu’une loi accorde de l’aide sociale à des personnes et établit une condition relative à l’âge, tout projet de loi ou tout amendement proposé à un projet de loi qui prévoit abaisser l’âge ouvrant droit au soutien nécessite une recommandation royale puisqu’il modifie la recommandation royale initiale en élargissant le groupe ayant droit à l’aide28.

Prestations accordées à de nouvelles catégories de demandeurs : Lorsqu’une loi accorde de l’aide sociale à un groupe ou à une catégorie de personnes en particulier, tout projet de loi ou tout amendement proposé à un projet de loi qui prévoit accorder des prestations à un autre groupe ou à une autre catégorie de personnes nécessite une recommandation royale parce que les conditions de la recommandation initiale sont modifiées.

Le projet de loi C-205, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-chômage (prestations de maternité), visait à accorder des prestations aux femmes enceintes non couvertes par la loi en vigueur. La présidence a déclaré : « Lorsqu’un bill public émanant d’un député prévoit une extension de la période de bénéfice, un élargissement de la catégorie des prestataires possibles ou encore une augmentation des bénéfices payables selon la loi, la part venant du fonds du revenu consolidé est en conséquence augmentée. Ainsi, à mon avis, un tel bill est un “bill d’argent” qui doit être présenté par un ministre de la Couronne et accompagné d’une recommandation du Gouverneur général. »

Le projet de loi C-216, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-chômage (fonctions de juré), visait à accorder des prestations d’assurance-chômage à des personnes exerçant les fonctions de juré. Le gouvernement a annoncé qu’il accorderait une recommandation royale pour cette initiative29.

Hausse des prestations : Quand une loi accorde des prestations d’aide sociale d’un montant donné, tout projet de loi ou tout amendement proposé à un projet de loi qui prévoit accroître ce montant nécessite une recommandation royale parce qu’il hausse les dépenses.

Le projet de loi C-278, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (bonification du régime d’assurance-emploi), visait notamment à majorer les prestations. La présidence a dit : « Les améliorations que ce projet de loi vise à apporter au programme d’assurance-emploi comprennent […] la hausse du taux de prestations. Il est évident que de telles modifications auraient pour effet d’autoriser une augmentation des dépenses publiques. »

Le projet de loi C-279, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (montants exclus de la rémunération), visait à exclure de la rémunération les prestations de pensions, la paie de vacances et les indemnités de départ aux fins du calcul des prestations d’assurance-emploi. La présidence a expliqué que « la proposition formulée dans le projet de loi C-279 fait en sorte qu’un plus grand nombre de personnes auraient droit à des prestations d’assurance-emploi et celles qui sont actuellement admissibles verraient leurs prestations augmenter »30.

Période de prestations prolongée : Quand une loi établit une période pendant laquelle un demandeur recevra des prestations, tout projet de loi ou tout amendement proposé à un projet de loi qui prévoit prolonger cette période aurait clairement une incidence financière et nécessiterait donc une recommandation royale.

Un amendement proposé au projet de loi C-170, Loi prévoyant le versement de prestations à l’égard des enfants, a été jugé irrecevable du fait qu’il « pourrait en résulter l’autorisation de verser des prestations pour des périodes de prestations parfois jusqu’à quatre mois antérieures à la date prévue dans le bill ainsi que dans la recommandation. La motion implique nettement, à mon sens, une affectation de fonds qui doit faire l’objet d’une recommandation ».

Le projet de loi C-301, Loi modifiant la Loi sur la sécurité de la vieillesse (supplément de revenu mensuel garanti), visait à ce que les prestations deviennent payables de façon rétroactive à la date d’admissibilité, plutôt qu’à la date de la demande. La présidence a déclaré : « Les articles 2, 3 et 4 suppriment l’exigence selon laquelle le pensionné doit demander un supplément pour pouvoir le recevoir. Dorénavant, il suffirait d’y avoir droit pour le recevoir. Cela a pour effet de modifier les conditions du processus de versement des prestations et entraîne des dépenses nouvelles ou supplémentaires. Cela pourrait sans doute aussi avoir une incidence sur le pouvoir discrétionnaire du ministre, mais ce point n’est pas tout à fait clair. L’article 6 accorde la rétroactivité totale. Actuellement, la rétroactivité ne peut aller au-delà de la date de la demande. Si le pensionné tarde à présenter sa demande, il n’est admissible que pour la période subséquente à la demande. Il semblerait donc que cette modification permette une augmentation des dépenses qui nécessiterait une recommandation royale. »

Le projet de loi C-278, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (prestations en cas de maladie, blessure ou mise en quarantaine), visait à porter la période de versement de prestations de maladie de l’assurance-emploi de 15 à 50 semaines. La présidence a expliqué que « le projet de loi entraînerait effectivement une hausse des dépenses publiques d’une manière et à une fin qui ne sont pas actuellement autorisées. Bien que les cotisations au régime d’assurance-emploi soient effectivement versées par les employeurs et les employés, les crédits affectés au programme viennent du Trésor et toute hausse de ces dépenses exigerait la recommandation royale ».

Dans le projet de loi C-241, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (suppression du délai de carence), il était proposé de supprimer le délai de carence de deux semaines qui précède le versement des prestations. Or, le paiement de ces prestations serait prélevé sur le Trésor et constituerait une charge nouvelle et distincte pour celui-ci.

Le projet de loi C-201, Loi modifiant la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, visait à maintenir le versement des prestations de raccordement aux pensionnés après l’âge de 65 ans, moment où commence le versement des prestations du RPC. Le maintien de ces prestations entraînerait de nouvelles dépenses nécessitant une recommandation royale31.

Baisse du seuil d’admissibilité : Lorsqu’une loi établit un seuil d’admissibilité particulier pour qu’un demandeur puisse toucher des prestations, tout projet de loi ou tout amendement proposé à un projet de loi visant à abaisser ce seuil nécessite une recommandation royale, du fait qu’il modifierait les conditions de la recommandation royale initiale et accroîtrait les paiements prélevés sur le Trésor.

Les projets de loi C-265 et C-280, destinés à modifier la Loi sur l’assurance-emploi, visaient à abaisser le seuil d’admissibilité. La présidence a souligné que le premier prévoyait « notamment les modifications suivantes au Programme d’assurance-emploi : abaisser à 360 heures d’emploi assurable le seuil pour devenir un prestataire de la première catégorie […] [et] supprimer les distinctions établies en fonction du taux régional de chômage. De l’avis de la présidence, même si les travailleurs et les employeurs contribuent au programme d’assurance-emploi, il est très clair que de telles modifications auraient pour effet d’autoriser une augmentation des dépenses imputées au Trésor d’une manière et à des fins qui ne sont pas permises actuellement »32.

Dispositions sur les crédits d’impôt

Un projet de loi qui établit un impôt ne nécessite pas de recommandation royale, car il n’entraîne pas de retrait de fonds du Trésor. (Pareil projet de loi doit être précédé de l’adoption d’une motion de voies et moyens, que seul un ministre peut présenter.)

Dans le même ordre d’idées, tout projet de loi qui prévoit un allégement d’impôt — par exemple, la réduction d’un taux d’imposition —ne nécessiterait pas de motion de voies et moyens ni de recommandation royale, puisqu’il n’établit pas un nouvel impôt ni n’entraîne de retrait de fonds du Trésor. Un tel projet de loi pourrait donner lieu à une situation où les recettes versées au Trésor seraient réduites de manière appréciable; cependant, ce déséquilibre budgétaire n’est pas directement lié à la prérogative de la Couronne de prendre l’initiative de hausses d’impôts, de taxes et de dépenses.

Les choses se compliquent lorsqu’il s’agit de crédits d’impôt. De façon générale, ces derniers prennent deux formes différentes :

  • le crédit d’impôt non remboursable peut avoir pour effet de réduire le revenu imposable, de sorte que le bénéficiaire du crédit a moins d’impôt à payer (la prérogative financière de la Couronne en vertu de laquelle celle-ci peut établir un impôt ou engager une dépense n’est donc pas touchée);
  • le crédit d’impôt remboursable peut entraîner un paiement quel que soit le revenu imposable (il peut donc s’apparenter à un programme d’indemnisation dans la mesure où de nouveaux paiements sont faits sur le Trésor).

Dans le projet de loi C-52, Loi d’exécution du budget de 2007, le gouvernement a proposé la création d’un crédit d’impôt pour dividendes non remboursable et, dans un amendement, il était proposé d’instaurer plutôt un crédit d’impôt pour dividendes remboursable. La présidence a dit : « L’amendement […] semble mettre en œuvre “un remboursement ou un crédit relativement à un impôt payable par ailleurs”. S’agit-il là d’un allégement d’impôt ou d’une autorisation en vue d’un programme de dépense nouveau et distinct? Dans le premier cas, aucune motion de voies et moyens n’est nécessaire. Dans le deuxième, une recommandation royale doit accompagner l’amendement. En examinant les témoignages du Comité permanent des finances, je suis porté à accepter la conclusion du président, à savoir que l’amendement propose de créer une nouvelle initiative, dans ce cas-ci, un crédit d’impôt remboursable, ce qui entraîne l’affectation de fonds du Trésor à une fin distincte33. »

Les cas susmentionnés illustrent certaines des questions dont la présidence doit tenir compte lorsqu’il lui faut déterminer si un projet de loi ou un amendement proposé à un projet de loi nécessite une recommandation royale. Il est certes utile de disposer d’une liste des décisions rendues par la présidence, mais le lecteur doit prendre bien garde de généraliser. Chaque cas doit être examiné selon son bien-fondé. Ce qui, à première vue, peut sembler correspondre à un précédent peut fort bien, après une recherche plus poussée, se révéler bien différent.

En ce qui a trait aux dépenses, la prérogative financière de la Couronne soulève d’autres questions.

Évidemment, de fortes pressions s’exercent sur la présidence de la Chambre des communes pour qu’elle fasse preuve d’uniformité dans les décisions qu’elle rend sur ces questions. La complexité et l’étendue du droit législatif aussi bien que la nécessité, parfois, d’en arriver rapidement à une décision font de cela une tâche ingrate. Il n’est pas toujours facile de déterminer où se trouve la disposition sur les dépenses dans un projet de loi ou encore comment fonctionne une formule de dépenses complexe. Lorsque les députés invoquent le Règlement, la présidence les invite à s’exprimer clairement, à faire des renvois aux dispositions pertinentes des projets de loi ou des lois et à citer des précédents sur demande. Le rôle que joue la présidence à titre de défenseur des droits de la Chambre des communes vient aussi compliquer les choses. Aux yeux de certains députés de l’opposition, il peut sembler que la présidence protège trop la Couronne lorsque, dans une décision, elle juge qu’un projet de loi d’initiative parlementaire ou un amendement proposé à un projet de loi ministériel empiète sur la prérogative financière de la Couronne. D’autre part, il peut arriver que les députés ministériels estiment que la présidence ne respecte pas l’autorité de la Couronne quand, dans une décision, la présidence rejette l’argument du gouvernement selon lequel un projet de loi ou un amendement entraînera des dépenses accrues. En raison de ces difficultés, il incombe à la présidence de faire preuve d’une très grande uniformité dans ses décisions et d’expliquer clairement et complètement les raisons qui l’ont amenée à rendre celles-ci.

Par ailleurs, il revient à la Couronne de déterminer lesquels de ses projets de loi doivent vraiment être accompagnés d’une recommandation royale. Il est arrivé que des députés de l’opposition s’opposent à des mesures ministérielles qui ne semblaient pas nécessiter de recommandation royale34. Ils ont fait valoir qu’en accompagnant un projet de loi d’une telle recommandation lorsque cela n’est pas vraiment nécessaire, on risque de restreindre indûment les possibilités de présentation d’amendements. On peut évidemment s’en inquiéter, mais il reste que cela ne devrait pas limiter le processus d’amendement. Tout amendement est jugé selon son bien-fondé — s’il empiète sur la prérogative financière de la Couronne, il serait irrecevable, que le projet de loi soit accompagné ou non d’une recommandation royale. Tout ce que peut faire l’annexion d’une recommandation royale inutile, c’est nuire à l’étude d’un projet de loi ministériel en raison de rappels au Règlement qui ont pour effet de suspendre le processus législatif jusqu’à la présentation de la décision. Pour des raisons constitutionnelles uniquement, le gouvernement se garde bien d’accompagner ses projets de loi d’une recommandation royale pour le cas où il y pourrait y avoir des dépenses.

Dans les 40 dernières années, près de la moitié des décisions sur la recommandation royale ont été rendues depuis 2004 et presque toutes ont porté sur des projets de loi d’initiative parlementaire. Trois facteurs ont contribué à cette croissance exponentielle des décisions :

  • Le Règlement de la Chambre des communes a été modifié en 1994 pour que les projets de loi puissent être étudiés en troisième lecture sans qu’une recommandation royale y ait été annexée au préalable (si une telle recommandation est nécessaire);
  • Le Règlement de la Chambre des communes a été modifié en 2003 pour que presque tous les projets de loi d’initiative parlementaire puissent faire l’objet d’un vote. Précédemment, toutes ces mesures étaient habituellement débattues pendant quelques heures pour être ensuite rayées du Feuilleton;
  • Par suite de l’élection de gouvernements minoritaires depuis 2004, les simples députés ont profité de possibilités accrues de voir leurs initiatives parlementaires adoptées à la Chambre, ce qui est plus difficile en situation de gouvernement majoritaire.

On ne sait pas encore si le renforcement du pouvoir législatif des simples députés et les demandes faites à la présidence pour qu’elle rende une décision sur la nécessité d’une recommandation royale se poursuivront dans les années à venir, notamment en situation de gouvernement majoritaire. Il semble toutefois que l’on souhaite que soit mieux défini l’espace entre le pouvoir constitutionnel de la Couronne et le droit des parlementaires de présenter des propositions législatives.

On doit reconnaître que ce renforcement du pouvoir législatif des simples députés soulève nombre de questions intéressantes relativement à la responsabilité de la Couronne quant à la gestion des deniers publics. Certes, si les simples députés ne peuvent hausser directement les autorisations de dépenses, en revanche, leurs propositions peuvent, indirectement, se traduire par des charges accrues pour les ministères, comme on peut le voir dans la section « Fonctions, mandats et obligations ». Leurs propositions peuvent aussi avoir pour effet une baisse des fonds versés au Trésor, comme on peut le voir dans la section « Dispositions sur les crédits d’impôt ». Peut-on dire que ces scénarios compromettent la capacité du gouvernement de gérer les deniers publics? Plus étonnant encore, se peut-il que le caractère de notre système de gouvernement, où « la Couronne propose et le Parlement dispose », soit en voie de se transformer petit à petit?

Pour l’heure, les principes de la prérogative financière de la Couronne restent inchangés. À tout le moins, les cas survenus récemment et les décisions rendues par la présidence ont contribué à clarifier les principes fondamentaux de notre système de gouvernement.

Notes

1. Le Trésor est le compte dans lequel sont versés tous les revenus et les impôts de l’État et duquel sont retirés les deniers publics.

2. Pour vous renseigner sur ces procédures financières, veuillez consulter le chapitre 18 de La procédure et les usages de la Chambre des communes, 2e édition (2009).

3. Les crédits annuels ont trait au processus par lequel le gouvernement est autorisé à retirer des deniers publics du Trésor pour ses besoins opérationnels généraux et ses services au cours d’un exercice. Mentionnons, par exemple, les fonds que requiert l’exercice du mandat d’un ministère par le personnel. Ces dépenses planifiées sont présentées à la Chambre des communes et renvoyées à ses comités dans un document appelé Budget des dépenses en vue d’un examen détaillé. Après l’adoption du Budget des dépenses par la Chambre, un projet de loi de crédits fondé sur ce dernier est immédiatement présenté et mis aux voix. Le projet de loi de crédits est ensuite envoyé au Sénat pour qu’il en fasse l’étude. Une fois adopté, le projet de loi peut être édicté et revêtu de la sanction.

On entend par dépenses législatives les dépenses approuvées par des lois qui autorisent le gouvernement à retirer des deniers publics du Trésor sans devoir demander une approbation annuelle au Parlement. Citons, à titre d’exemple, le versement des pensions aux termes de la Loi sur le Régime de pensions du Canada. Les montants à prélever sur le Trésor ne figurent dans le Budget des dépenses annuel qu’à titre d’information, puisqu’ils ont déjà été approuvés par le Parlement. S’il veut modifier les pensions, le gouvernement doit présenter un projet de loi modifiant la loi susmentionnée. Si, dans ce projet de loi, des dépenses supplémentaires sont proposées (ou si les conditions relatives aux dépenses sont modifiées), une recommandation royale serait alors nécessaire. Si, par contre, le projet de loi propose une réduction des dépenses, une recommandation royale ne serait pas nécessaire.

4. À l’étape du comité, on ne peut pas présenter des amendements à des projets de loi d’initiative parlementaire qui proposent des dépenses nouvelles ou supplémentaires, même si ces textes nécessitent déjà une recommandation royale. (Voir la décision sur le projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi [Débats, 19 novembre 2009, p. 6939-6940].)

5. Débats, 29 janvier 1970, p. 2972-2975.

6. Débats, 14 mars 1990, p. 9287-9288.

7. Débats, 11 juin 1973, p. 4646.

8. Voir les décisions suivantes : projet de loi C-102, Loi modifiant la Loi sur les brevets (Débats, 28 mars 1969, p. 7264-7265); projet de loi C-33, Loi prévoyant l’établissement d’une Commission fédérale d’enquête (Débats, 18 septembre 1973, p. 6688-6690); projet de loi C-48, Loi d’aide à l’exécution des ordonnances familiales (Débats, 23 janvier 1986, p. 10083); projet de loi C-93, Loi sur le maintien et la valorisation du multiculturalisme au Canada (Débats, 11 juillet 1988, p. 17366-17367); projet de loi C-243, Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté provisoire (Débats, 22 novembre 2004, p. 1621); projet de loi C-331, Loi sur l’indemnisation des Canadiens d’origine ukrainienne (Débats, 7 décembre 2004, p. 2410; 21 mars 2005, p. 4372-4373; 23 novembre 2005, p. 10060-10061); projet de loi C-360, Loi sur la prévention du harcèlement psychologique en milieu de travail (Débats, 2 juin 2005, p. 6582); projet de loi C-293, Loi sur la responsabilité en matière d’aide au développement (Débats, 19 septembre 2006, p. 2999); projet de loi C-474, Loi canadienne sur le développement durable (Débats, 11 février 2008, p. 2853-2854); projet de loi C-309, Loi constituant l’Agence de développement économique pour la région du Nord de l’Ontario (Débats, 16 juin 2009, p. 4702).

9. Projet de loi C-124, Loi sur l’assurance-chômage (Journaux, 5 février 1973, p. 92-95); projet de loi C-331, Loi sur l’indemnisation des Canadiens d’origine ukrainienne (Débats, 7 décembre 2004, p. 2410; 21 mars 2005, p. 4372-4373).

10. Projet de loi C-204, Loi sur la Déclaration canadienne des droits de l’enfant (Journaux, 9 novembre 1978, p. 130-133).

11. Projet de loi C-292, Loi portant mise en œuvre de l’Accord de Kelowna (Débats, 25 septembre 2006, p. 3197-3198); projet de loi C-288, Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto (Débats, 27 septembre 2006, p. 3314-3315; 8 février 2007, p. 6548-6549; 14 février 2007, p. 6816-6817); projet de loi C-304, Loi sur le logement sûr, adéquat, accessible et abordable (Débats, 17 septembre 2009, p. 5168-5169).

12. Budget supplémentaire des dépenses (B) pour 1973-1974 (Débats, 26 mars 1974, p. 894-896); Budget supplémentaire des dépenses (C) pour 1980-1981 (Débats, 25 mars 1981, p. 8600-8601); Budget supplémentaire des dépenses (C) pour 1982-1983 (Débats, 21 mars 1983, p. 23968); Budget supplémentaire des dépenses (C) 1983-1984 (Débats, 21 mars 1984, p. 2308); Budget supplémentaire des dépenses (C) pour 1990-1991 et Budget principal des dépenses pour 1991-1992 (Débats, 20 mars 1991, p. 18728-18733).

13. Débats, 15 mai 2007, p. 9515-9516.

14. Projet de loi C-48, Loi sur l’assurance-récolte (Débats, 14 mars 1990, p. 9287-9288); projet de loi C-17, Loi modifiant le Code criminel (Débats, 5 novembre 1991, p. 4544); projet de loi C-81, Loi sur les référendums (Débats, 2 juin 1992, p. 11204); projet de loi C-5, Loi sur la responsabilité et l’indemnisation en matière nucléaire (Débats, 6 mai 2008, p. 5502-5503).

15. Débats, 13 juin 2005, p. 6990-6991.

16. Débats, 22 avril 2009, p. 2584-2585.

17. Projet de loi C-363, Loi sur la Société canadienne d’hypothèques et de logement (Débats, 3 octobre 2005, p. 8293-8294); projet de loi C-285, Loi sur la Société canadienne d’hypothèques et de logement (Débats, 8 novembre 2006, p. 4906).

18. Projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (Débats, 13 juin 2005, p. 6990-6991); projet de loi C-286, Loi modifiant la Loi sur le programme de protection des témoins (Débats, 20 octobre 2006, p. 4039); projet de loi C-279, Loi modifiant la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques (Débats, 8 novembre 2006, p. 4905-4906); projet de loi C-474, Loi canadienne sur le développement durable (Débats, 11 février 2008, p. 2853-2854).

19. Projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension et la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières (Débats, 10 février 1998, p. 3647-3648); projets de loi C-257 et C-295, Loi modifiant le Code canadien du travail (travailleurs de remplacement) (Débats, 20 septembre 2006, p. 3044); projet de loi C-288, Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto (Débats, 8 février 2007, p. 6548-6549); projet de loi C-327, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion (réduction de la violence à la télévision) (Débats, 23 février 2007, p. 7261).

20. Projet de loi C-262, Loi de soutien de l’emploi (Débats, 27 septembre 1971, p. 8186, 8190-8191); projet de loi C-220, Loi modifiant la Loi sur les subventions au développement régional (Débats, 21 juin 1972, p. 3336-3337); projet de loi C-284, Loi modifiant la Loi fédérale sur l’aide financière aux étudiants (Débats, 9 novembre 2006, p. 4979).

21. Projet de loi C-4, Loi sur les corporations canadiennes (Débats, 11 juin 1970, p. 8004-8005); projet de loi C-364, Loi sur l’indemnisation commerciale (Débats, 24 novembre 2005, p. 10133).

22. Débats, 6 février 1973, p. 1018.

23. Projet de loi C-23, Loi sur les prêts aux petites entreprises (Débats, 26 mars 1985, p. 3353); projet de loi C-364, Loi sur l’indemnisation commerciale (Débats, 24 novembre 2005, p. 10133).

24. Débats, 9 mai 2005, p. 5779-5780.

25. Projet de loi C-210, Loi créant l’Institut canadien de l’énergie solaire (Journaux, 20 février 1979, p. 393-395); projet de loi C-15, Loi sur Investissement Canada (Débats, 30 avril 1985, p. 4231-4232); projet de loi C-474, Loi canadienne sur le développement durable (Débats, 11 février 2008, p. 2853-2854). Voir aussi les décisions sur le projet de C-42, Loi sur la Société canadienne des postes (Débats, 7 avril 1981, p. 9052); le projet de loi C-2, Loi constituant le Bureau d’enquête sur les accidents de transports et de la sécurité des transports (Débats, 12 juin 1989, p. 2910-2913); le projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (Débats, 8 février 2005, p. 3253; 13 juin 2005, p. 6990); le projet de loi C-23, Loi constituant le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences (Débats, 24 février 2005, p. 3939-3942); le projet de loi C-309, Loi portant création de l’Agence de développement économique du Canada pour la région du Nord de l’Ontario (Débats, 16 juin 2009, p. 4702).

26. Projet de loi S-14, Loi visant à protéger les phares patrimoniaux (Débats, 20 juin 2005, p. 7397); projet de loi C-288, Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto (Débats, 8 février 2007, p. 6548-6549). Voir aussi le projet de loi S-7, Loi sur la protection des phares patrimoniaux (Débats, 29 octobre 2003, p. 8899-8900).

27. Débats, 9 novembre 2006, p. 4979.

28. Voir le projet de loi C-147, Loi sur la sécurité de la vieillesse (Débats, 27 mars 1973, p. 2663-2664); le projet de loi C-202, Loi sur la sécurité de la vieillesse (Débats, 17 décembre 1970, p. 2149-2150); le projet de loi C-207, Loi sur la sécurité de la vieillesse (Débats, 16 mai 1972, p. 2326-2327).

29. Projet de loi C-205, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-chômage (prestations de maternité) (Journaux, 6 juin 1980, p. 244-245); projet de loi C-216, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-chômage (fonctions de juré) (Débats, 6 décembre 1994, p. 8734).

30. Projet de loi C-147, Loi sur la sécurité de la vieillesse (Débats, 27 mars 1973, p. 2663-2664); projet de loi C-278, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (Débats, 8 décembre 2004, p. 2476-2477); projet de loi C-281, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (Débats, 5 mai 2005, p. 5744); projet de loi C-279, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (montants exclus de la rémunération) (Débats, 9 juin 2009, p. 4405-4406).

31. Projet de loi C-170, Loi prévoyant le versement de prestations à l’égard des enfants (Débats, 27 juin 1972, p. 3542); projet de loi C-69, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-chômage (Débats, 15 décembre 1975, p. 10006, 10022); projet de loi C-278, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (Débats, 8 décembre 2004, p. 2476-2477); projet de loi C-269, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (Débats, 6 novembre 2006, p. 4719); projet de loi C-301, Loi modifiant la Loi sur la sécurité de la vieillesse (supplément de revenu mensuel garanti) (Débats, 24 octobre 2005, p. 8881); projet de loi C-278, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (Débats, 10 novembre 2006, p. 5027); projet de loi C-241, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (suppression du délai de carence) (Débats, 22 avril 2009, p. 2584-2585); projet de loi C-201, Loi modifiant la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes (Débats, 12 mai 2009, p. 3426-3427); projet de loi C-308, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (Débats, 29 octobre 2009, p. 6375); projet de loi C-395, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (Débats, 16 novembre 2009, p. 6751-6752).

32. Projet de loi C-265, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (Débats, 23 mars 2007, p. 7845); projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (Débats, 3 juin 2009, p. 4149-4150). Voir aussi le projet de loi C-278, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (Débats, 8 décembre 2004, p. 2476-2477).

33. Débats, 4 juin 2007, p. 10101. Voir aussi le projet de loi C-445, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (prestation fiscale pour perte de revenu de retraite) (Débats, 2 mai 2008, p. 5381-5382) et le projet de loi C-290, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (crédit d’impôt pour perte de revenu de retraite) (Débats, 23 octobre 2009, p. 6127-6128).

34. Voir, par exemple, le rappel au Règlement soulevé le 27 mars 1990 au sujet du projet de loi C-69, Loi sur la compression des dépenses publiques, et la décision de la présidence rendue le 23 avril 1990 (Débats, p. 10539-10542).

Michael Lukyniuk est un ex-greffier principal de la Chambre des communes. Il a pris sa retraite en 2007.


Canadian Parliamentary Review Cover
Vol 33 no 1
2010






Dernière mise à jour : 2020-09-14