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Barbara Benoit
Le 16 novembre 1985 a marqué le vingt-cinquième anniversaire de la nomination d'Erik
Spicer au poste de bibliothécaire parlementaire. M. Spicer a l'honneur d'être
le seul fonctionnaire de son niveau nommé par le premier ministre John
Diefenbaker qui soit encore en fonction. Au cours de cet entretien, M. Spicer
décrit le rôle de la bibliothèque du Parlement et rappelle certaines des
transformations qu'elle a subies au cours des vingt-cinq dernières années.
L'entrevue a été réalisée par Barbara Benoit pour la Revue parlementaire canadienne en octobre 1985.
Pouvez-vous donner un bref historique du poste
de bibliothécaire parlementaire?
Ce poste, dont la création remonte à la Confédération, a toujours été entouré d'un grand
prestige. Il y a d'abord eu deux postes de même niveau : celui de
bibliothécaire général et celui de bibliothécaire parlementaire. Ce système
dualiste avait été imaginé par cet homme politique accompli qu'était Sir John
A. Macdonald. Avant l'entrée en vigueur de la Loi sur la bibliothèque du
Parlement (1885), il n'y avait qu'un seul poste que tout le monde s'arrachait,
étant donné le statut de sous-ministre qui y était rattaché. Sir John soutenait
que le poste de bibliothécaire parlementaire devait être occupé par un Canadien
anglais, qui serait plus familier avec la tradition parlementaire, tandis que
celui de bibliothécaire général devait revenir à un Canadien français. Les
Canadiens français étant généralement des hommes assez érudits, le
bibliothécaire général s'occuperait de monter une collection générale en vue de
la création d'une bibliothèque nationale. Sir John était donc parvenu à couper
la poire en deux.
Il fallut toutefois attendre 1953 avant que la Bibliothèque nationale du Canada ne soit
créée. Jusque là, et même pendant
plusieurs années, après, la bibliothèque du Parlement remplit certaines des
fonctions qui finirent par échoir à la Bibliothèque nationale. Après la
création de la Bibliothèque nationale, la Loi sur la bibliothèque du Parlement
fut révisée et le poste de bibliothécaire général supprimé.
Comment avez-vous été nommé au poste de
bibliothécaire parlementaire?
Au moment de la révision de la Loi sur la Bibliothèque du Parlement en 1955, les
Conservateurs insistèrent pour que les futurs candidats au poste de
bibliothécaire parlementaire aient une formation professionnelle.
Les bibliothécaires qui avaient reçu une formation professionnelle étaient encore
relativement rares dans les années 1950. Mais il était évident, du moins pour
tous ceux qui œuvraient dans le domaine, que cette formation allait devenir de
plus en plus nécessaire. L'Association canadienne des bibliothèques avait
d'ailleurs fortement recommandé que le poste de bibliothécaire parlementaire
soit offert à quelqu'un ayant reçu une formation professionnelle.
J'occupais, à l'époque, le poste de bibliothécaire adjoint à la bibliothèque municipale d'Ottawa,
et il se trouva que j'étais une des personnes les mieux qualifiées. J'avais
obtenu une maîtrise en bibliothéconomie de l'Université du Michigan et, dans le
cadre de mes études, j'avais aussi suivi des cours en administration des
affaires et en journalisme.
En plus de mes compétences professionnelles, j'avais aussi mes lettres de créance au
niveau politique. Mon beau père, M. W.G. Blair, avait été député conservateur
de Lanark pendant douze ans. Réélu en 1957, il mourut avant que la composition
du Cabinet ne fut annoncée.
Si mes relations politiques ont pu avoir quelque influence, je pense que ce sont
d'abord mes compétences professionnelles qui ont prévalu.
Le gouvernement a-t-il continué à insister sur
la nécessité de nommer du personnel qualifié?
Dans l'ensemble, oui. Le poste de bibliothécaire associé est devenu vacant deux fois
depuis mon entrée en fonction. Chaque fois, j'ai attendu un certain temps avant
d'écrire au premier ministre pour lui soumettre une liste de candidats
possibles. MM. Pearson et Trudeau ont tous deux accepté mes recommandations. Il
n'y a pas beaucoup de sous-ministres qui réussissent à influencer de la sorte
leur premier ministre.
Le poste de bibliothécaire parlementaire
comporte des exigences particulières. Comment vous y êtes vous pris pour vous
faire connaître à ce poste?
Je savais, bien sûr, qu'il me fallait entrer en contact avec les députés aussi
vite que possible pour me faire connaître d'eux. Je me souviens m'être dit à
l'époque qu'il me fallait me présenter sans tarder au président, M. Roland
Michener. Je suis donc descendu à son bureau et nous avons bavardé un bon
moment avant qu'il ne me dise : Tout cela est très intéressant, monsieur
Spicer, mais puis-je vous demander où vous voulez en venir et à quel titre vous
êtes venu me consulter? Lorsque je lui ai répondu que j'étais là à titre de
bibliothécaire parlementaire, il fut assez étonné, car c'était la première fois
qu'il entendait parler de ma nomination à ce poste. Cette entrée en matière
n'avait rien de très reluisant, mais nous nous sommes bien entendus par la
suite. De fait, M. Michener est un homme que j'ai beaucoup respecté.
N'était-ce pas une tâche fastidieuse que
d'organiser la Bibliothèque selon des normes professionnelles précises?
Au moment de mon entrée en fonction, il régnait à la bibliothèque un véritable chaos
administratif. M. Doug Fisher, ancien député néo-démocrate, qui avait été
bibliothécaire de profession – il est d'ailleurs le seul bibliothécaire a avoir jamais été élu à la Chambre des communes – me dit à
l'époque : Erik, si tu n'arrives pas a mettre de l'ordre là dedans d'ici deux
ans, tu vas être complètement débordé. Ca m'a finalement pris trois ans, mais
j'y suis parvenu. je ne veux cependant pas exagérer
mes mérites. Je comptais sur un personnel d'environ 65 employés, dont plusieurs
avaient reçu une formation de bibliothécaire. Quelques-uns étaient fort
compétents et ne ménageaient pas leurs efforts mais, en raison de la structure
hiérarchique, ils étaient parfois appelés à cumuler plusieurs fonctions. Je
pense que mon plus grand mérite a consisté à rationaliser la gestion de la
bibliothèque.
Un instrument aussi indispensable qu'un fichier était une innovation au moment où
j'ai pris la relève en 1960. Jusqu'à l'incendie de 1952, les nouvelles
acquisitions étaient simplement consignées dans des registres et chacune
recevait un numéro de repérage qui correspondait à l'endroit où elle devait se
trouver sur les rayons. On ne leur attribuait aucun numéro de classification.
Après l'incendie, la bibliothèque resta fermée pendant trois ou quatre ans pour
permettre le classement de la collection selon le système de la î bibliothèque
du Congrès. Même si le gros du travail de classification avait déjà été fait au
moment où je suis entré en fonction, il restait encore beaucoup à accomplir
pour faciliter l'accès aux renseignements dans notre collection. J'ai été, par
exemple, stupéfait de constater que les rapports des comités n’était
pas indexés. Un bibliothécaire pouvait passer trois ou quatre jours à
feuilleter de vieux rapports pour
essayer de répondre à une simple demande de renseignements d’un député.
Les députés étaient-ils particulièrement
conscients à l'époque de la nécessité d'améliorer les services offerts par la
bibliothèque?
Il n'y avait pas vraiment beaucoup d'insatisfaction. Les sessions étaient plus courtes
à l'époque, et la pression n'était pas aussi grande qu'elle ne l'est
aujourd'hui. Les députés n'étaient pas particulièrement conscients des
possibilités d'amélioration des services offerts. Certains m'ont proposé
d'intervenir pour réclamer une augmentation de notre budget et de notre
personnel, mais j'ai refusé leur offre. J'étais habitué au régime de travail de
la bibliothèque municipale d'Ottawa, où le manque de personnel, la surcharge de
travail et la sous rémunération étaient des maux chroniques. Mon premier
objectif était d'organiser mon personnel de façon à ce que chacun travaille
aussi fort et aussi efficacement que possible.
Comment y êtes-vous parvenu?
Mon but n'était pas de me faire aimer de mes employés. Je leur ai fait part de mes
exigences et leur ai bien fait comprendre que je m'attendais à ce qu'elles
soient respectées. Vous ne pouvez être un bon administrateur, si votre seul but
est de vous faire aimer de vos employés. Cela ne veut pas dire non plus que
vous devez nécessairement vous faire détester. Les militaires utilisent à cet
égard la technique de la main de fer dans un gant de velours.
Il me semblait prioritaire aussi de raffermir les liens hiérarchiques. Je me rappelle
que peu de temps après mon entrée en fonction, un très jeune employé était venu
me demander s'il pouvait prendre une journée de congé. Lorsque je lui ai
demandé pourquoi il s'adressait à moi, il m'a répondu avec une candeur assez
désarmante qu'il avait déjà essuyé un refus auprès de tous ses autres
supérieurs. Cet épisode amusant n'était bien sûr que la pointe de l'iceberg.
Le respect du caractère confidentiel des demandes de renseignements constituait un
autre aspect de l'amélioration des services offerts par la bibliothèque. Je
savais que certains députés, qui auraient pu avoir recours aux services de la
bibliothèque du Parlement, préféraient aller ailleurs pour effectuer leurs
recherches. J'en ai interrogé quelques-uns à ce sujet et l'un deux m'a répondu
que chaque fois qu'il demandait à consulter un livre à la bibliothèque
parlementaire, risquait que l'objet de ses recherches soit éventé et que
l'Opposition puisse se préparer en conséquence. En fait, une partie du problème
réside dans l'architecture même de la bibliothèque Les livres sont rangés dans
des baies tout autour du dôme, et l'insonorisation y est quasi-inexistante.
En outre, certains des bibliothécaires ne faisaient pas attention et avaient même pris
l'habitude d'interpeller à voix haute leurs collègues pour leur demander de les
aider à trouver tel ou tel document pour le député untel. Il arrivait
fréquemment que des journalistes ou d'autres députés se trouvent autour et
entendent ces propos. Nous avons donc pris un certain nombre de mesures pour
remédier à ce problème. Le personnel a reçu la consigne de respecter le
caractère confidentiel des demandes de renseignements provenant des députés, et
l'accès à la bibliothèque
par des personnes de l'extérieur a été considérablement limité.
Les services de recherche ont-ils pris plus
d'ampleur depuis votre arrivée en poste?
Il n'y a pas de comparaison possible avec la situation initiale! Lorsque je suis entré
en fonction, les députés bénéficiaient de certains services de bibliothèque,
mais pas des services de recherche dont ils avaient besoin, Le Service de
recherche, créé en 1965, s'inspire du Service de recherche du Congrès à
Washington. Notre personnel compte maintenant plus d'attachés de recherche que
de bibliothécaires.
Comment le Service de recherche est-il né?
Il a été créé à la suite d'une recommandation formulée par un sous-comité composé, à
l'époque, des députés Pauline Jewett, Gordon Fairweather et George Lachance.
Mais tout n'a pas été comme sur des roulettes. Certains membres du Cabinet se
sont opposés à l'idée et pour empêcher que la création de ce service ne soit
mise en péril, j'ai dû moi-même aller convaincre deux ministres de l'utilité et
de la nécessité de ce service.
Le Service de recherche s'est immédiatement avéré utile et, en trois ou quatre
ans, il a considérablement accru ses activités. Jimmy Walker, ex-whip du Parti
libéral, est l'un des artisans méconnus de cette expansion. J'étais allé le
voir pour lui faire valoir que les comités parlementaires avaient besoin de
services de recherche plus officiels et plus spécialisés. Il se dit d'accord
avec moi et convoqua une réunion à huis clos, dont le déroulement fut assez
houleux, mais à la fin de laquelle les députés acceptèrent de demander la
création de dix postes d'attachés de recherche i affectés aux comités de la
Chambre des communes.
La présidente du Sénat, Mme Fergusson, nous fut aussi d'une aide
précieuse. Elle convia les présidents des comités sénatoriaux à un déjeuner où,
après maintes discussions, les sénateurs se prononcèrent aussi en faveur de la
création de dix postes d'attachés de recherche. En tout, le Parlement réclamait
vingt postes supplémentaires. Ceci dépassait mes espérances, puisque je n'avais
au départ envisagé que la création d'une dizaine de postes. En fin de compte,
nous avons obtenu dix.
Il était tout à fait logique que ce soit la bibliothèque qui offre ce service de
recherche. Les projets de loi devant passer par la Chambre et par le Sénat, il
semblait normal que ce soit les mêmes attachés de recherche qui suivent les
projets de loi tout au long de leur étude par l'une et l'autre chambre. Si le
Sénat et la Chambre avaient eu chacun leur propre service de recherche, ni l'un
ni l'autre de ces services n'aurait été assez important pour offrir à son
personnel des perspectives de carrière intéressantes. Ni l'un ni l'autre
n'aurait pu non plus tenir tout son personnel occupé à plein temps, ni obtenir
les services des différents spécialistes nécessaires. Mais un personnel
imposant comme celui de la bibliothèque, qui compte des spécialistes dans
différents domaines, est en mesure de
répondre aux besoins de l'ensemble du Parlement.
Je pense que nous offrons au Parlement un service dont la qualité n'a d'égal nulle part
ailleurs, sauf bien sûr à Washington.
Quel genre de travail le Service de recherche
accomplit-il?
Nous préparons des documents d'information et des études sur des questions précises,
et nous rédigeons même des mémoires. Nous travaillons beaucoup pour les
comités. Nous les aidons à rédiger leurs rapports, nous leur suggérons des noms
de témoins à convoquer et nous leur préparons des questions à l'intention de
ces témoins. A la demande d'un président de comité, notre personnel peut aussi
prendre part à l'interrogation des témoins. Des attachés de recherche
chevronnés ont même remplacé au pied levé des députés qui, pour une raison ou
pour une autre, ne pouvaient prendre la parole devant un groupe particulier.
Nous n'avons évidemment pas des spécialistes dans tous les domaines, c'est
pourquoi nous engageons parfois des spécialistes de l'extérieur. Par exemple
une fois nous avons retenu les services d'un gardien de prison pour venir en
aide à un sous-comité chargé d'étudier les problèmes propres aux institutions
pénitentiaires.
Le Service de recherche prépare aussi des Bulletins d'actualité ainsi que des
documents d'information à l'intention des députés. Il donne aussi un précieux
coup de main aux associations parlementaires en leur préparant des documents
d'information et des études et en leur fournissant même du personnel. Ainsi,
une employée du Service de recherche a été détachée auprès de l'Association des
parlementaires de langue française à Paris, et un autre est rédacteur en chef
de la Revue parlementaire canadienne.
Quels sont les autres services offerts par la
Bibliothèque?
Oui, nous offrons un important service de coupures de presse. Une vingtaine de quotidiens
canadiens sont dépouillés chaque jour, sans compter les nombreux autres
quotidiens et hebdomadaires qui le sont aussi en fonction des besoins et du
temps dont nous disposons. Tous les matins, à 6 heures, notre personnel
s'affaire à la préparation de Quorum. Cette publication très populaire est, en
fait, une sélection quotidienne de coupures photocopiées. Le service des
coupures de presse est fourni par notre Service d'information et de référence.
Ce dernier publie aussi une Liste d'acquisitions récentes, qui recense des
livres, des bibliographies et des documents gouvernementaux susceptibles
d'intéresser les députés, et un choix d'articles de revues qui comprend un
certain nombre d'articles récemment parus.
Selon vous, les députés tirent-ils pleinement
partie de vos services?
Non, certainement pas. Presque tous les députés utilisent la bibliothèque. Beaucoup
de députés et de sénateurs font pleinement usage de nos services et s'en
servent de façon rationnelle. Mais il y en a encore un grand nombre qui
ignorent dans quelle mesure nous pourrions leur simplifier la tâche ou qui
n'ont pas vraiment besoin de notre aide.
L'un de nos principaux problèmes est qu'on tient nos services pour acquis. Je me
souviens d'avoir assisté à une conférence de sciences politiques et d'avoir
écouté une communication sur l'information au Parlement. Bien que la
bibliothèque représente la principale source d'information, il n'en a pas été
question une seule fois. A une autre occasion, j'ai interpellé un journaliste
pour lui faire part de mon étonnement à la lecture de son article sur les
systèmes d'information utilisés sur la Colline, car il n'avait nulle part fait
mention de la bibliothèque. Pourtant, tous ses renseignements provenaient de
notre service de coupures de presse!
Comment percevez-vous le recours à
l'automatisation à la bibliothèque?
D'abord, permettez-moi de vous dire que nos services sont déjà grandement automatisés et
ce, depuis un bon moment. Notre fichier est entièrement informatisé, de sorte
qu'il n'y a plus de fichier manuel. L'automatisation est indispensable dans une
bibliothèque moderne, mais elle comporte certains dangers.
Ce n'est pas l'accès à l'information qui pose un véritable problème à l'heure actuelle,
mais bien l'interprétation donnée à cette information.
Malheureusement, bien du monde croit que tout ce qui sort des systèmes informatisés est nécessairement
exact. Il est très difficile pour quelqu'un qui est inondé de données de garder
ses facultés critiques. Les députés disposent de plus d'information qu'ils ne
sont capables d'en absorber. Il leur faut des spécialistes qui peuvent leur
montrer comment utiliser les banques de données, leur enseigner les points
forts et les points faibles de ces différentes banques, interpréter
l'information obtenue afin de déterminer si tel livre est une bonne source
d'information et si tel périodique est reconnu comme fiable, et qui peuvent
traiter les données brutes.
Les principales bibliothèques fédérales,
notamment la bibliothèque du Parlement et la Bibliothèque nationale, utilisent
une version modifiée du système DOBIS (le Dortmunder Éibliothekssvstem) pour
répondre aux besoins particuliers du Canada, notamment en matière de
bilinguisme. Il s'agit d'un système très complet et très souple, dont la base 1
de données renferme près de deux i millions de données enregistrées. C'est le
système que nous avons utilise pour informatiser l'ensemble de nos fichiers i
et c'est aussi celui qui nous sert à : effectuer la plupart de nos recherches
bibliographiques.
L'accès à ce système est assure grâce à 33 terminaux. Pour consulter les banques de
données de l'extérieur et automatiser l'emmagasinage de nos données internes,
nous avons huit ordinateurs personnels (IBM, COMPAQ, et NORTH STAR) et trois
consoles d'ordinateur (HEWLETT-PACKARD et ANDERSON JACABSON). Ce matériel nous
donne accès à plus de 400 banques de données. Je dois toutefois souligner que
même si nous faisons grand usage des ordinateurs pour répondre a certaines
demandes, nous n'avons réellement besoin de systèmes informatisés que dans
'environ quatre pour cent des cas. En raison de la nature du système parlementaire,
nous sommes moins dépendants de l'automatisation que ne l'est, par exemple, la
bibliothèque du Congrès. Nous n'avons pas besoin d'un système complexe de
repérage des projets de loi.
La rapidité avec laquelle nous pouvons répondre aux demandes de renseignement
revêt une grande importance. Or, pour pouvoir offrir le meilleur service
possible à cet égard, nous devons avoir les ouvrages nécessaires dans notre
collection. Malheureusement, nous avons actuellement un surplus de 700 000
ouvrages. Nous espérons que la Bibliothèque nationale pourra éventuellement
libérer suffisamment d'espace pour recevoir environ 200 000 ouvrages et
que nous pourrons alors prendre le temps nécessaire pour effectuer le tri qui
s'impose.
La nécessité d'offrir des services bilingues
pose telle des problèmes particuliers à la bibliothèque du Parlement?
Je dirais qu'à l'heure actuelle, la bibliothèque est un modèle de bilinguisme. J'ai
mentionné tantôt que Sir John A. Macdonald était d'avis qu'il fallait nommer
deux bibliothécaires de statut égal, l'un francophone et l'autre anglophone.
Même si ces deux bibliothécaires étaient censés assumer des fonctions
distinctes, il semble qu'en pratique ils dirigeaient deux bibliothèques
parallèles, l'une française et l'autre anglaise. Ce mode de fonctionnement
était assez peu maniable du point de vue administratif. J'ai donc décidé de
regrouper tous les, services. Il me semblait illogique, par exemple, d'avoir
des services distincts de référence et de catalogage. Nous utilisions même du
papier à lettre dont l'entête était rédigée en français ou en anglais selon le
cas. J'ai vite fait imprimer du papier à lettre à entête bilingue dès que nous
avons épuisé le vieux stock de papier.
Parce que nous sommes une petite organisation, nous avons une plus grande latitude en
matière de bilinguisme. Nous avons offert des cours de français ou d'anglais à
notre personnel bien avant que cette pratique n'entre en vigueur dans la
Fonction publique. Cette initiative n'avait rien à voir avec la politique
gouvernementale en matière linguistique, elle visait plutôt l'amélioration du
service aux clients, Nous recrutions nos professeurs parmi notre propre
personnel. L'un d'eux, originaire des Maritimes, était un ancien enseignant.
L'autre était naturellement doué pour enseigner les langues. Les cours avaient
lieu entre 17 et 18 heures. La moitié de la période était donc prise à même le
temps de travail et l'autre moitié à même le temps de l’employé. Ces cours ont
connu beaucoup de succès tellement que des employés de la Chambre des communes
m'ont demandé d'organiser des cours de français à leur intention. je leur ai
cependant fait savoir que j'avais déjà suffisamment à faire à diriger la
Bibliothèque et que je ne pouvais pas, en plus, gérer une école de langues.
Quel a été l'aspect le plus intéressant de votre
travail au cours de vos 25 années à la Bibliothèque?
Mon travail est captivant à bien des égards. À part la mise sur pied d'un service
de recherche professionnel et d'une administration efficace à Ottawa, je crois
que l'expérience la plus intéressante a été d'aller au Nigeria en 1982, sous le
patronage de l'UNESCO, pour animer un colloque à l'intention des
bibliothécaires parlementaires. Le poste de bibliothécaire parlementaire
comporte des obligations internationales. Il m'incombe notamment de garder le
contact avec d'autres bibliothécaires parlementaires en Europe, dans les pays
du Commonwealth et un peu partout dans le monde.
Nous sommes à bien des égards des chefs de file mondiaux, et nous recevons des
observateurs et des stagiaires en recherches législatives de bien des pays notamment de Corée, du Nigeria, de Trinidad,
de Tunisie, du Cameroun, de Suisse et du Bangladesh, pour n'en nommer que
quelques-uns. Nous nous sommes aussi rendus à l'étranger pour conseiller d'autres
pays en matière de services de bibliothèque, sans parler de nos programmes
d'échanges avec l'Angleterre, l'Australie et les États-Unis. Je participe
activement aux travaux de la FIAB (Fédération internationale des associations
de bibliothèques) depuis que j'ai assisté à l'une de ses réunions, à La Haye en
1966. Par la suite, j'ai été président de la section des bibliothèques
parlementaires de la FIAB.
Pouvez-vous résumer l'orientation générale que
vous avez donnée à l'administration de la bibliothèque?
Elle se résume en un mot : services. Nos activités sont beaucoup plus axées sur la
prestation de services qu'elles ne l'étaient par le passé. Elles visent
beaucoup moins l'augmentation de notre collection. Au lieu d'être uniquement
les gardiens d'énormes quantités d'ouvrages que les députés, sénateurs,
journalistes et autres peuvent venir consulter pour trouver les renseignements
dont ils ont besoin, nous nous efforçons plutôt de répondre rapidement aux
demandes et (le satisfaire des besoins précis, en respectant le caractère
confidentiel des renseignements demandés et en fournissant une réponse complète
et bien présentée. Notre orientation est beaucoup moins vague. Nous sommes à
l'écoute des besoins particuliers des parlementaires, et nous sommes en mesure
d'effectuer des recherches approfondies dans de nombreux domaines.
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