John Holtby
Parliamentary Privilege in Canada
de J.P. Joseph Maingot, Butterworths, Toronto, 1982,
290 pages.
La publication de ce livre de Joseph Maingot est un
événement important qu'attendaient depuis longtemps tous ceux qui s'intéressent
à cette expression fort utilisée et parfois abusivement, la « question de
privilège. » Reconnu à juste titre comme spécialiste dans son domaine, M. Maingot
a été pendant nombre d'années conseiller parlementaire et légiste à la Chambre
des communes. Il est maintenant membre de la Commission de réforme du droit du
Canada.
Pour un parlementaire, « privilège » signifie « liberté » liberté de rendre au Parlement et d'y
parler sans crainte d'avoir à répondre devant les tribunaux des paroles
prononcées en Chambre. Ce livre retrace les origines du privilège en
Grande-Bretagne et au Canada. Il est amplement annoté et pourvu d'une longue
table des matières, d'une table des cas cités dans le texte ainsi que d'un
résumé fort utile des conclusions à la fin de chaque chapitre. Le sujet est
complexe et ce livre explique pourquoi on pose rarement au Canada des questions
légitimes de privilège.
Au Parlement canadien, le privilège parlementaire est
reconnu par l'article 18 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique
(aujourd'hui l'Acte constitutionnel de 1867), qui se lit ainsi : « Les
privilèges, immunités et pouvoirs ... qui auront été prescrits de temps à autre
par Acte du Parlement du Canada, mais de manière qu'aucun acte du Parlement du
Canada définissant tels privilèges, immunités et pouvoirs ne confère les
privilèges, immunités ou pouvoirs excédant ceux qui, lors de l'adoption de
l'acte en question, sont possédés et exercés par la Chambre des communes du
Parlement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande et par les membres de
cette chambre ».
M. Maingot relève minutieusement les distinctions qui
existent entre les privilèges du Parlement canadien et ceux des provinces et
des territoires. Ces différences font l'objet de sérieuses questions de la part
des membres de tous les parlements : toutes les assemblées législatives
devraient-elles bénéficier des mêmes privilèges? Le Canada devrait-il imposer des
peines d'emprisonnement ou des réprimandes aux personnes coupables d'outrage au
Parlement? Si le Parlement du Royaume-Uni n'a pas imposé d'amendes, est-il
raisonnable d'interdire au Parlement canadien d'en imposer à ceux qui se
rendent coupables d'un tel outrage? Bref ne serait-il pas raisonnable
d'enchâsser les droits du Parlement, ceux des assemblées législatives, voire
ceux des institutions municipales, dans une charte des droits parlementaires?
Comme c'est le cas dans d'autres ouvrages
parlementaires, l'examen de précédents peut être amusant. En 1794, le Journal
de l'Assemblée législative du Bas-Canada rapporte qu'un plaideur fut confié a la garde du sergent d'armes pour avoir causé l'arrestation
d'un des membres de la législature, lors d'un procès civil. L'Assemblée confia
aussi à la garde du sergent d'armes l'huissier et le shérif, qui s'excusèrent
tous deux auprès de la Chambre. Ce fut un cas très bizarre parce que le
président de l'Assemblée, M. Panet, fut aussi accusé d'outrage à la Chambre
pour avoir été l'avocat du plaignant qui avait tenté d'obtenir l'arrestation du
député!
À la Chambre des communes du Canada, les membres
invoquent souvent la question de privilège pour exprimer un grief ou une
opinion. Lorsqu'il s'agit vraiment d'une question de privilège, la discussion
se limite souvent à la question de la liberté de parole au sein du Parlement, à
la faculté des membres du Parlement de vaquer librement à leurs affaires
parlementaires, à des cas possibles d'outrage à la Chambre. Comme on peut le
constater en parcourant cet ouvrage, les institutions parlementaires ont
toujours reconnu aux tribunaux le droit de décider dans quelle mesure les
paroles prononcées par les députés sont protégées des poursuites judiciaires.
L'auteur démontre que des paroles prononcées par un député au cours d'un débat
ne prêtent pas à des poursuites, mais qu'il n'en est pas de même pour une
conversation privée entre deux députés.
Les documents dont la Chambre ordonne la publication
sont protégés, mais les envois collectifs ne le sont pas. La discussion sur le
privilège est intéressante. Le député avisé évitera d'être obligeant envers des
journalistes et de leur répéter en dehors de la Chambre des accusations qui ont
été faites en Chambre, sous le sceau du privilège.
Ce livre est unique au Canada. Il traite la question
plus à fond que Beauchesne et Bourinot. Il est toutefois regrettable que
l'autorité en soit quelque peu compromise par un certain nombre d'erreurs
techniques. L'ouvrage a été cité pour la première fois par le comité de la
Chambre des communes qui enquêtait sur une question de privilège concernant la
Gazette de Montréal et l'honorable Bryce Mackasey. Une citation en page 213,
empruntée au Dictionnaire parlementaire d'Abraham et Hawtrey se lit comme suit :
« Pour qu'elle constitue une atteinte au privilège, une déclaration sur le
comportement d'un membre, en sa qualité de député, n'a pas besoin d'être vraie,
mais elle doit tendre à entamer le prestige de la Chambre aux yeux du public ».
Malheureusement, la citation de Maingot est inexacte; on devrait lire « n'a pas
besoin d'être fausse ». Le rapport du Comité des privilèges et élections
qui reprend cette citation à la page 24:9, renferme la même erreur et pourtant,
le député qui a fait la citation et signalé l'erreur, lisait directement le
texte original de l'édition Abraham Hawtrey. Normalement, on ne s'inquiète pas
trop de questions de ce genre, mais il y a en outre beaucoup d'erreurs dans les
notes en bas de page. À la page 213, la citation est censée provenir de la 19e
édition de mai, page 125. Il faudrait lire page 145. À la page 160, note 40, la
circonscription électorale de Montmagny-l’Islet est écrit
incorrectement.
Maingot constituera un complément utile aux
bibliothèques des membres du Parlement et des Assemblées législatives. Il serait aussi un instrument de travail
extrêmement précieux dans les cabinets d'avocats qui envisagent entreprendre
des poursuites contres les députés.
Il pourrait même susciter une modification à la Constitution en vertu de protéger
tous les législateurs canadiens et conférer aux chambres des pouvoirs égaux pour la
gestion de leurs affaires
John Holtby
Ottawa, Ontario
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