John Holtby
Inside
The Pink Palace - Ontario Legislature Internship Essays, Graham White,
Programme de stages de l'Assemblée législative de l'Ontario/Association
canadienne de sciences politiques, 309 pages
Les
«Bibelots» ont investi l'Assemblée législative de l'Ontario au milieu des
années 70. Il ne s'agit pas d'un groupe rock, mais bien du premier groupe de
stagiaires qui a bénéficié d'un nouveau programme de partenariat entre la gent
politique provinciale et le milieu universitaire. Ce nom de guerre leur fut
donné par un chroniqueur parlementaire de la vieille garde pour qui ces
stagiaires faisaient irruption dans le contexte d'une culture politique qui
perdait probablement, par suite d'une expansion excessive, l'intimité de ces
havres de paix d'autrefois, les clubs réservés aux hommes, Les stagiaires
étaient, à ses yeux, les derniers d'une multitude de services et
d'installations sur lesquels les députés, qui avaient obtenu à peine cinq ans
plus tôt des bureaux prives, une demi-secrétaire et un téléphone, pouvaient
maintenant compter. D'autres bibelots: cela commençait à dépasser les bornes!
Inspiré
du programme de stages organisé en collaboration avec l'Association canadienne
de sciences politiques et connaissant un énorme succès à la Chambre des
communes, le programme ontarien poursuivait plusieurs objectifs. Aux yeux des
députés provinciaux, les stagiaires répondraient à un grand besoin de personnel
supplémentaire. En outre, ils seraient mis en contact avec le monde réel de la
politique provinciale, permettant ainsi à la collectivité, et notamment le
milieu universitaire, d'en apprendre plus long sur l'Assemblée législative et
sa faune politique. L'obligation, pour chaque stagiaire, de remettre au
directeur des études un mémoire sur un aspect particulier de l'Assemblée
législative permettrait en outre de remédier à la carence de documents faisant
autorité sur l'Assemblée législative provinciale.
Inside
the Pink Palace regroupe une partie des mémoires rédigés par les stagiaires
entre 1987 et 1992. Les aspects prévisibles des activités de l'Assemblée
législative de l'Ontario figurent parmi les thèmes traités. L'ouvrage est
publié sous la direction du directeur des études actuel, Graham White, Fun des
«Bibelots» de la première heure. Son propre mémoire de stage demeure un
important tableau de l'évolution contemporaine de
l'Assemblée législative ontarienne.
Comme
diverses raisons président au choix des stagiaires effectué
par le comité de sélection, il ne faut pas s'attendre à ce que ces mémoires
soient des thèses de doctorat. Dieu merci, il n'en est rien, même si certains
mémoires sont truffés de discussions théoriques et de références qui
présenteront sans doute de l'intérêt pour les politicologues. Le but des
mémoires, de faire la lumière sur un aspect de la réalité politique vue du
point de vue privilégié de la taupe qui a su gagner la confiance du groupe
infiltré, n'est pas évident.
La
dévastation qu'un électorat volage inflige à nos Parlements se traduit par un
taux de roulement élevé au sein de ces assemblées. Il s'ensuit que les nouveaux
arrivés réinventent sans cesse la roue. Il n'est donc pas étonnant que, d'année
en année, certains thèmes reviennent, comme le temps et les ressources
excessifs que tant l'opposition que le parti ministériel consacrent à se
préparer pour la période des questions orales et la mesure dans laquelle chaque
parti dépend des journalistes affectés à Queen's Park pour communiquer leur
message. La période des questions orales est habituellement défendue comme
étant une grande institution démocratique qui oblige les politiciens à rendre
des comptes. Christopher Jones décrit une scène intéressante, au caucus du NPD,
avant son accession au pouvoir. Cette scène montre à quel point la direction et
les attachés de recherche du caucus dominent la période des questions en
réduisant au minimum la participation des simples députés qui aimeraient
peut-être soulever des questions d'intérêt médiatique secondaire ou
d'importance locale. La domination du parti sur les besoins et intérêts des
représentants locaux se constate dans bien des parlements canadiens.
Le regard
approfondi que les stagiaires jettent sur de nouveaux aspects de la vie
législative est utile. Ceux qui voudraient que les députés aient un mot à dire
dans l'examen ou la ratification des nominations par décret aux postes
gouvernementaux auraient intérêt à lire attentivement l'étude produite par
Valarie Moore et Heather Plewes. Plusieurs assemblées parlementaires
canadiennes ont tenté de s'immiscer dans l'examen des nominations politiques ou
d'élargir leur rôle afin de s'arroger une partie du pouvoir dont la Couronne
dispose à cet égard. Les résultats laissent inévitablement à désirer lorsque
les parlementaires cherchent à franchir la ligne de démarcation entre les
responsabilités de la Couronne et l'examen minutieux des nominations.
Bien que
ce ne soit sans doute pas intentionnel, ces études ont un point commun :
l'anxiété des parlementaires aux prises avec notre forme de gouvernement
responsable au sein d'une société profondément influencée par la démocratie
telle que vécue au Congrès américain. Je me suis souvenu, en lisant la
comparaison que Catherine Curtis et Gordon Wong établissent entre le caucus
néo-démocrate de Bob Rae dans l'opposition et le caucus du gouvernement libéral
de David Peterson, et. l'évaluation que Gerard
McDonald fait du caucus du gouvernement néo-démocrate de Bob Rae, de la façon
dont un ancien député fédéral décrivait ses attentes après son élection. «Je
m'attendais à arriver à Ottawa, à m'installer dans un grand fauteuil et à
prendre des décisions sur la façon de diriger le pays.» Dans l'ensemble, les
Canadiens ne savent pas grand-chose sur leur forme monarchique de gouvernement
parlementaire. Tout comme cet ancien député, ils partent avec l'idée naïve que
la réalité correspond à celle dépeinte dans le film Mr. Smith Goes to
Washington et que cela fait partie du tissu social canadien. L'insatisfaction
de leurs membres a forcé les groupes parlementaires,
tant du côté des Libéraux que des Néo-démocrates, à modifier sensiblement les
structures de leur caucus une fois au pouvoir pour répondre aux revendications
de ceux qui veulent influer davantage sur les nouvelles mesures législatives.
Après
avoir examiné le sort des adjoints parlementaires, Donald Figol conclut que
leur rôle est marginal dans l'administration actuelle. Ce faisant, il met en
lumière un débat dans lequel les gens se demandent, ici et à Westminster, si le
nombre de parlementaires qui occupent des postes dotés par la Couronne -whips,
leaders en Chambre, présidents de comité, secrétaires parlementaires, ministres
de second rang, etc. - n'a pas atteint un niveau susceptible d'étouffer au sein
des partis, à même les deniers publics, la concurrence naturelle, entre députés
des banquettes ministérielles et ceux de l'arrière-ban, qui devrait stimuler
une émulation réciproque. Depuis plus d'un demi-siècle, des suppléments de
rémunération sont versés aux députés qui participent à des réunions de comité
lorsque le Parlement ne siège pas. Cette mesure, qui visait initialement à
compenser des indemnités parlementaires insuffisantes, fait maintenant partie
du système de récompenses et de punitions dont dispose le whip. Cette forme de
discipline repose sur les dépenses publiques discrétionnaires plutôt que sur
les nominations partisanes et les pressions exercées au niveau des
circonscriptions.
L'étude
la plus importante pour les politiciens actuels est peut-être celle de Rachel
Grasham, qui décrit la façon dont le gouvernement néo-démocrate s'y est pris
pour faire accepter son budget en 1992. Plusieurs propositions de réforme du
processus budgétaire sont actuellement à l'étude, dont celles du prestigieux
Forum des politiques publiques. On y réclame moins de secrets budgétaires et
plus de consultations publiques, par le biais habituellement d'un comité
parlementaire. Grasham explique que le NPD a su exploiter les communications,
des stratégies de commercialisation et les structures du caucus plutôt que les
structures parlementaires pour satisfaire tant ses membres que le public.
D'après elle, «les députés étaient convaincus qu'il s'agissait d'un nouveau
processus plus ouvert de consultation qui reposait, selon la philosophie
néo-démocrate, sur l'éducation du public. En plus d'accroître leur assurance,
cela leur inspirait davantage confiance dans les chances de succès de leur
gouvernement à l'avenir. Plusieurs députés croyaient que c'était un point
tournant et avaient, pour la première fois, l'impression que le gouvernement
avait des chances de se faire réélire.»
Comme le
montre ce recueil, le programme de stages a produit, en moins de deux
décennies, d'excellents résultats. Les anciens stagiaires conservent un bagage
de connaissances réservé aux initiés. Il s'est écoulé suffisamment de temps pour
que certains d'entre eux aient atteint des postes élevés dans le milieu
universitaire, les affaires, diverses professions, la fonction publique, le
journalisme, et ainsi de suite. Leur expérience les rend généralement plus
sympathiques à l'égard de ceux qui sont prêts à se mettre au service du public
en se portant candidats aux élections. Arrivée avec «la conviction que, trop
bien payés, les politiciens ne travaillaient pas assez et que leurs efforts,
axés davantage sur leur réélection que sur l'intérêt du public, étaient en
grande partie égocentriques», Janice Duggan a constaté tout le contraire. Après
une excellente description, dont seul un témoin est capable, des frustrations
auxquelles donnent lieu les éléments politiques des affaires émanant des députés,
elle se sent frustrée et ambivalente face, non pas aux intervenants, mais au
système. C'est une conviction assez répandue.
La
fonction du programme de stages a évolué. Les députés disposent de beaucoup
plus de ressources qu'ils n'en avaient il y a quinze ans. Le personnel et les
ressources de l'Assemblée législative ont proliféré à l'excès, avec un
gonflement budgétaire qui va de pair. Il y a lieu de se demander s'il y a eu
une amélioration proportionnelle de la façon dont nous sommes gouvernés et dont
les politiques publiques sont étudiées, ou s'il faut craindre, comme répliquait
un ancien chef de parti, «que la plupart des ressources ne servent qu'à
allonger la liste des cartes de Noël». Il y a peut-être là matière à un futur
mémoire de fin de stage qui mériterait, tout comme Inside the Pink Palace,
d'être lu.
John
Holtby
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