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Gary Levy

Constituent Assemblies: A Comparative Survey par Patrick Fafard et Darrell Reid, Institut des relations intergouvernementales, Kingston, 1991, 52 pages; Constituent Assemblies: The Canadian Debate in Historical Context par Patrick Monahan, Lynda Covello et Jonathan Batty, Université York, Centre for Public Law and Public Policy, 1992, 52 pages; What If The Wheels Fall Off The Constitutional Bus, par Gordon Gibson, Canada West Foundation, 1992, 15 pages.

Beaucoup ont interprété l'échec de l'Accord du lac Meech en 1990 comme une incapacité du fédéralisme exécutif (les conférences des premiers ministres) à assurer un mécanisme propice à de sérieuses négociations constitutionnelles. L'entente d'août 1992 conclue par les premiers ministres, ainsi que les représentants des Autochtones et des territoires a apporté de l'eau au moulin de ceux qui soutiennent que le fédéralisme exécutif n'était pas mort mais simplement assoupi. Quoi qu'il en soit, au cours de cet entracte de deux ans, certains Canadiens se sont écartés de la tradition canadienne et ont commencé à rêver d'une nouvelle constitution établie non pas par les dirigeants de gouvernement directement intéressés par l'issue de la question, mais par un ensemble représentatif plus vaste de Canadiens choisis précisément pour concevoir une nouvelle constitution.

À une époque ou à une autre, on a pu compter parmi les partisans d'une convention ou d'une assemblée constituante des premiers ministres comme Clyde Wells, les membres de comités parlementaires comme le groupe de travail du Manitoba sur la Constitution, de simples députés comme les membres néo-démocrates du Comité Beaudoin-Edwards sur les modifications constitutionnelles, ou David Kilgour du Parti libéral, Keith Spicer du Forum des citoyens sur l'avenir du Canada, des quotidiens comme le Toronto Star et une foule d'intellectuels et de simples citoyens de partout au Canada.

Outre la résistance imprévue du fédéralisme exécutif, les principaux obstacles à l'adoption d'une assemblée constituante résidaient dans le conservatisme foncier des Canadiens et dans l'absence d'étude sérieuse sur le mode de fonctionnement d'une assemblée constituante et sur l'opportunité d'un tel mécanisme dans le contexte politique canadien contemporain. Il est peu probable que l'on arrive à changer des siècles de culture politique canadienne. Cependant, trois études récentes viennent combler, dans une certaine mesure, l'absence de documentation sur la question.

Les études Fafard-Reid et Monahan-Covello-Batty sont pratiquement identiques. Les auteurs de ces deux documents soutiennent n'être ni pour ni contre la notion d'assemblée constituante. Ils soulèvent d'abord certaines des questions qui doivent être abordées lorsqu'on envisage l'adoption d'assemblées constituantes et tâchent d'y répondre à l'aide d'études sur la situation dans d'autres pays. Ils arrivent finalement à la même conclusion : le Canada n'est pas encore mûr pour une mesure aussi radicale. L'étude Fafard-Reid s'inspire d'un rapport préparé par le Bureau des relations fédérales-provinciales du gouvernement du Canada. Le document Monahan-Covello-Batty constitue l'une des 11 études de fond effectuées dans le cadre du projet de réforme constitutionnelle de l'Université York.

Le document préparé par l'Université York se penche sur quatre études de cas : l'Espagne de 1977 à 1979; l'Australie de 1972 à 1985; l'Allemagne après la Deuxième Guerre mondiale; et Terre-Neuve de 1947 à 1949. Outre ces quatre cas, l'étude faite par l'Université Queen's aborde celui des États-Unis de 1787 à 1788, du Canada de 1864 à 1866, de la Suisse en 1848, de l'Inde en 1946-1947, du Pakistan, de la Malaise, du Nigéria, de la Fédération des Antilles, de la Rhodésie et du Nyasaland, du Nicaragua et de la Namibie. L'étude de l'Université Queen's compare principalement le contexte et l'origine de l'assemblée constituante, sa structure et son mandat généraux, les modes et les styles de fonctionnement, l'utilisation que l'on a faite des résultats et les facteurs relevant du contexte. L'étude de l'Université York s'est arrêtée à quatre aspects : les facteurs à l'origine de l'assemblée constituante, son fonctionnement, le consensus et la participation populaire au processus.

Ces deux études concluent que le Canada devrait tirer un enseignement de ces expériences. D'après Monahan-Covello-Batty [traduction libre], « une assemblée constituante semble un moyen qui ne se prête guère à un règlement satisfaisant du débat constitutionnel actuel dans ce pays » (p. 46). Fafard et Reid, quant à eux, arrivent à peu près à la même conclusion, bien que leur ton soit plus pédagogique et laisse la porte ouverte à une certaine interprétation.

Gibson, quant à lui, aborde la question sous un angle complètement différent. Il admet que la notion d'assemblée constituante va à l'encontre de l'ensemble des traditions politiques du Canada. Il souligne toutefois l'inefficacité du mécanisme adopté après 1982 pour négocier un changement constitutionnel, sans pour autant déclarer que l'établissement d'une assemblée constituante soit absolument essentiel pour régler nos différends constitutionnels. Il se contente de faire remarquer que, si la forme actuelle de fédéralisme exécutif modifié (discussions des premiers ministres plus référendums) ne donne pas de meilleurs résultats que le fédéralisme exécutif absolu qui a marqué les négociations du Lac Meech, nous aurions intérêt à prévoir un plan d'urgence. Contrairement à de nombreux partisans de l'assemblée constituante, il explique de façon relativement détaillée quel devrait en être le fonctionnement précis. Gibson n'est pas un intellectuel et ne s'arrête pas à comparer ce qui n'est pas comparable. C'est un homme d'affaires, un ancien chef du Parti libéral en Colombie-Britannique, qui traite de la plupart des réserves exprimées dans les deux autres études. À son avis, nombre de ces réserves sont des spectres que l'on brandit pour laisser le dossier constitutionnel entre les mains de ceux qui ont toujours pris les décisions dans ce domaine.

Il faut lire l'étude de Gibson en parallèle avec les documents de plus en plus nombreux qui soutiennent que les Canadiens, du moins les Canadiens-anglais, considèrent détenir un droit dans la constitution et veulent pouvoir se prononcer sur tout changement important. Un référendum sur l'entente conclue par les premiers ministres satisfera en partie leurs revendications. Cependant, pour leur assurer véritablement la participation à laquelle ils aspirent, il serait de beaucoup préférable d'adopter une assemblée constituante inspirée du modèle préconisé par Gibson.

Il y a 30 ans, le regretté Frank Underhill constatait que l'on aurait pu renforcer considérablement notre cohésion nationale si l'Acte de l'Amérique du Nord britannique avait fait l'objet d'une forme quelconque de consultation populaire. Il va sans dire que les modifications constitutionnelles négociées par les premiers ministres et qui seront vraisemblablement ratifiées par la population et les assemblées législatives revêtiront un caractère raisonnablement légitime. Par contre, si l'entente n'obtient pas le suffrage populaire ou si les résultats du vote sont ambigus, les politiciens et les citoyens en général risquent de regretter de ne pas avoir rompu plus nettement avec leurs traditions politiques et opté pour la solution préconisée par Gibson.

Gary Levy


Canadian Parliamentary Review Cover
Vol 15 no 3
1992






Dernière mise à jour : 2020-09-14