John Fraser
Question de privilège : publicité du gouvernement sur le projet de taxe sur les
produits et services, le Président John Fraser, Chambre des communes, le 19 octobre 1989.
Dès le départ, je tiens à
insister sur le fait que la présidence n'a nullement l'intention de traiter des
limitations ou mérites relatifs au projet de taxe ; la présidence n'a
absolument aucun rôle à jouer dans ce débat politique. Elle n'a pas d'autre
responsabilité en l'occurrence que de déterminer si la question soulevée par le
chef de l'opposition justifie qu'on s'écarte des travaux réguliers de la
Chambre.
On a souvent rappelé que le rôle
de l'Orateur, en pareille circonstance, se borne à statuer sur la question de
savoir si l'affaire dont il est saisi répond aux normes prescrites, c'est-à-dire
si elle est telle qu'elle doit avoir priorité sur les motions ou autres articles
de l'ordre du jour inscrits au Feuilleton. Il ne lui appartient pas de statuer
sur le fond, autrement dit de juger s'il y a eu, oui ou non, atteinte au
privilège. Seule la Chambre est compétente à cet égard. (Règlement annoté et
formulaire de la Chambre des communes de Beauchesne, 5e édition,
commentaire 84(2).
Je tiens à souligner encore une
fois que le Président ne décide pas si une atteinte au privilège ou un outrage a
effectivement été commis. Le Président détermine seulement si une demande fondée
sur une allégation d'outrage ou d'atteinte au privilège est, à première vue,
assez importante pour qu'il suspende les travaux réguliers de la Chambre et
soumette l'affaire pour décision à cette dernière. C'est là le point limité que
la présidence doit trancher.
Il y a peut-être lieu de passer
d'abord en revue les faits entourant l'affaire qui nous occupe. Le 26 août 1989,
le ministère des Finances a fait paraître dans les journaux, partout au pays,
une annonce publicitaire où il était dit ceci : Le 1er janvier
1991, le régime de la taxe fédérale de vente connaîtra des modifications.
Veuillez conserver cet avis. Il explique les modifications apportées et les
raisons qui y président.
Je devrais signaler que le texte
français allait peut-être même plus loin que la version anglaise laissait entendre.
On expliquait en outre dans cette
annonce que la taxe sur les produits et services « remplacera l'actuelle
taxe fédérale de vente », et on y exposait dans leurs grandes lignes des
modifications projetées bien précises. C'est vrai que, dans l'annonce,
quelques-unes de ces modifications figuraient sous l'en-tête « Principaux
changements proposés ».
Au cours des interventions faites
le 25 septembre, le député de Parkdale–High Park (M. Flis) a signalé que
cette publicité avait également paru dans un bon nombre de journaux
ethnoculturels dans l'ensemble du pays. À la suggestion du député, j'ai examiné
un certain nombre des journaux en question et constaté que la plupart de ces
annonces avaient été publiées au début de septembre et que certaines d'entre
elles étaient rédigées en italien et en lithuanien.
Pour sa part, le député d'Ottawa–Vanier (M. Gauthier) a insisté sur le fait qu'en français le texte
de l'annonce donnait à entendre que les modifications avaient déjà été apportées
ou adoptées, dans la mesure où il y était fait usage d'un « participe
passé », soit le mot « apportées ».
Dans son exposé à l'appui de la
question de privilège, le chef de l'opposition (M. Turner) a soulevé
plusieurs graves questions. Pour résumer ses arguments, si on veut bien me le
permettre, il invoque deux choses principalement : d'abord, que cette
publicité nuit aux futures délibérations de la Chambre et du Comité des finances
qui a entrepris l'étude d'un document technique sur la question; et
deuxièmement, que ces annonces constituent un outrage au Parlement parce
qu'elles amènent les lecteurs à conclure que la Chambre n'a aucun rôle à jouer
dans l'adoption de cette taxe, induisant ainsi le public canadien en erreur au
sujet de la procédure suivie par le Parlement pour l'adoption d'une telle mesure
législative. Le très honorable député s'exprime en ces termes, aux pages 3809 et
3810 du hansard, et je cite : « L'expression « Veuillez conserver
cet avis », suivie de l'énumération des prétendues modifications fiscales,
donne ouverture à une question de privilège. »
Du moins, c'est le raisonnement du chef de l'opposition. Il a ajouté :
Cette expression « Veuillez
conserver cet avis » constitue un outrage au Parlement ; c'est un acte
d'intimidation à l'endroit du Parlement parce que l'unique conclusion qu'on peut
tirer de ces mots « Veuillez conserver cet avis », c'est qu'on se
fiche de ce que les députés pourront décider au sujet de ces taxes; on se
fiche de ce que le Comité des finances pourra décider au sujet de ces taxes.
Ces annonces publicitaires
portent atteinte à la tradition parlementaire de deux autres façons. D'abord,
elles compromettent les délibérations en cours au sein du Comité permanent des
finances; ensuite, elles compromettent également les débats qui pourraient
éventuellement avoir lieu ici à la Chambre des communes.
L'honorable député d'Oshawa et
chef du Nouveau Parti démocratique (M. Broadbent) a appuyé les prétentions
du chef de l'opposition. Il a en outre soulevé la question de la régularité de
la dépense de deniers publics faite par le gouvernement pour faire de la
publicité à l'appui de sa position dans un débat qui n'a pas encore eu lieu au
Parlement. Pour ce qui est de ce point, j'aimerais faire immédiatement état de
la décision rendue par Mme la Présidente Sauvé :
Le fait que certains députés ont
le sentiment d'être désavantagés parce qu'ils n'ont pas les mêmes fonds pour la
publicité que le gouvernement, fait qui pourrait constituer un point à débattre
sur le plan de la régularité d'action, ne constitue pas a priori un cas
d'atteinte aux privilèges … (Hansard, le 17 octobre 1980, p.
3781)
J'estime, tout comme l'a conclu
Mme la Présidente Sauvé, qu'il s'agit là d'une question importante qui mérite considération, mais cela ne devrait pas se faire sous le couvert du privilège.
Parmi les arguments présentés à
la présidence sur la question de privilège, le ministre de la Justice
(M. Lewis) a fait valoir pour sa part trois points principaux en faveur du
rejet de la demande au titre de l'atteinte au privilège ou de l'outrage à la
Chambre. Il a fait état du fait que le Comité des finances a lui-même recommandé
à l'unanimité que le gouvernement, s'il décidait d'instaurer une taxe sur la
valeur ajoutée, en fasse connaître publiquement les détails. Il a aussi expliqué
que le gouvernement avait indiqué, dans le budget qui a été approuvé par la
Chambre, que la taxe sur les produits et services entrerait en vigueur le
1er janvier 1991. Il a enfin avancé qu'on ne pouvait faire valoir que
le Comité était empêché d'accomplir son travail, puisque le Comité étudie
présentement cette question.
La présidence a aussi examiné les
arguments des députés de Windsor-Ouest (M. Gray), de Kamloops
(M. Riis) et de Peace River (M. Cooper). Je tiens à les remercier de
leurs interventions sur cette grave question.
Dans la présente affaire, la
présidence doit examiner plusieurs questions. Je me propose de traiter d'abord
de la question de savoir s'il y a eu atteinte au privilège dans la mesure où la
publicité en question nuirait aux travaux de la Chambre ou du Comité. Je
traiterai ensuite de l'allégation à l'effet que cette publicité constitue un
outrage au Parlement parce qu'elle suppose que la Chambre n'a aucun rôle à jouer
dans l'adoption de cette taxe et donne au public canadien une image déformée de
la procédure suivie par le Parlement pour l'adoption des mesures législatives.
Avant d'aborder la première
question, j'estime qu'il pourrait être utile d'expliquer brièvement aux députés
la différence entre l'« outrage » à la Chambre et l'atteinte au
privilège.
Les privilèges consentis à chacun
des députés et à la Chambre en tant que collectivité sont délimités. On les
classe généralement en cinq catégories : la liberté de parole, l'immunité
d'arrestation dans les affaires civiles, l'exemption de l'obligation de faire
partie d'un jury, l'exemption de l'obligation de comparaître comme témoin et la
protection contre les tracasseries.
On reconnaît le privilège à son
caractère accessoire. Les privilèges du Parlement sont ceux qui sont absolument
indispensables à l'exercice de ses pouvoirs. Ils sont départis aux députés en
tant que tels : la Chambre serait en effet dans l'incapacité de s'acquitter
de ses fonctions si elle ne pouvait librement disposer des services de tous ses
membres. Mais ils sont également étendus à chacune des chambres en vue de la
protection de ses membres et de la proclamation de son autorité et de sa dignité
propres. (Erskine May, 20e édition, pp. 70-71)
Il en résulte que lorsque des
députés prétendent qu'une certaine action constitue une atteinte au privilège,
ils doivent préciser de quel privilège il s'agit.
Par contre, les outrages ne
peuvent être énumérés ni classés par catégorie. Ainsi que l'expliquait Mme la
Présidente Sauvé dans une décision :
…bien que nos privilèges soient
définis, la violation de privilège n'est pas circonscrite. On aura beau inventer
de nouvelles façons de s'immiscer dans nos délibérations, la Chambre pourra
toujours conclure, dans les cas pertinents, qu'il y a eu violation de privilège.
(Hansard, le 29 octobre 1980, p. 4214)
En gros, les outrages sont des
délits contre l'autorité ou la dignité de la Chambre des communes. Ils englobent
les situations qu'on ne peut classer précisément comme des atteintes aux
privilèges de la Chambre.
Chacune des chambres revendique
également le droit de punir des actes qui, sans porter atteinte à un privilège
spécifique, font offense à son autorité ou sa dignité ; c'est le cas de la
désobéissance à ses ordres légitimes, ou des propos diffamatoires à son égard ou
à celui de ses fonctionnaires ou de ses membres. Ces actes, pourtant souvent
qualifiés d'« atteintes au privilège » sont plus exactement des
outrages.
Il serait vain d'essayer
d'énumérer tous les actes susceptibles d'être considérés comme des outrages, car
le pouvoir d'imposer des sanctions pour outrage est de par sa nature un pouvoir
discrétionnaire … On peut dire en général que tout acte ou toute omission qui
entrave une chambre ou l'un de ses membres ou de ses fonctionnaires dans
l'exercice de ses fonctions, ou qui tend à produire un tel résultat, peut être
considéré comme un outrage, même s'il n'existe aucun précédent à l'infraction.
(Erskine May, 20e édition, p. 71 et p. 143)
Ainsi que je l'ai déjà mentionné,
il est impossible de classer par catégorie ou de décrire ce qui peut rentrer
dans la définition de l'outrage.
Les outrages au Parlement peuvent
toutefois varier considérablement quant à leur nature et à leur gravité. À un
extrême, il peut s'agir tout au plus de mots grossiers et irréfléchis; à
l'autre extrême, ce peut être de graves attaques qui sapent l'institution
parlementaire même. (Practice and Procedure of Parliament, Lok Sabha,
p. 209)
En résumé, toutes les atteintes
au privilège constituent des outrages à la Chambre, mais les outrages ne sont
pas tous forcément des atteintes au privilège. L'outrage peut consister en une
action ou une omission; il n'est pas nécessaire que celle-ci constitue
effectivement une entrave pour la Chambre ou un député, il suffit qu'elle tende
à produire ce résultat. Les cas d'outrage peuvent aller du manquement mineur au
décorum à l'attaque grave contre l'autorité du Parlement.
Dans le présent cas, le chef de
l'opposition (M. Turner) soutient que l'annonce publicitaire du ministère
des Finances nuit aux futures délibérations de la Chambre et du Comité des
finances.
La présidence doit déterminer
quels sont ceux des privilèges définis de la Chambre auxquels il aurait été
porté atteinte.
Il est certain qu'on n'a pas
porté atteinte à la liberté de parole. Le Comité poursuit ses délibérations et
la Chambre débattra sans doute les diverses questions liées au projet de taxe
sur les produits et services, soit dans le cadre de la période des questions,
soit à la suite du rapport du Comité des finances qui sera présenté à la Chambre
au plus tard le 28 novembre 1989. La Chambre aura aussi la possibilité de tenir
un débat sur tous les projets de loi que le gouvernement pourra proposer à la Chambre et, en outre, celle de voter sur
des motions de voies et moyens, lesquelles précèdent nécessairement le dépôt de
tels projets de loi. Les possibilités de débat et de modifications ne peuvent
être énumérées, car elles sont trop nombreuses. Qu'il suffise de dire qu'elles
n'ont pas été réduites.
Y a-t-il eu, par contre, entrave
à l'exécution des fonctions de la Chambre ou de certains députés? Il
aurait fallu, pour qu'il y ait entrave, qu'une action quelconque empêche la
Chambre ou des députés d'exercer leurs fonctions, ou tende à discréditer si
gravement un député qu'elle l'empêche de s'acquitter de ses responsabilités.
J'estime que tel n'est pas le cas dans la présente affaire.
Je tiens aussi à souligner que la
Chambre et ses comités ne travaillent pas en vase clos. Les députés sont
constamment soumis à des facteurs et à des pressions venant de l'extérieur. Vu
qu'il n'y a eu ni menace ni corruption, il est difficile de voir comment on
aurait nui aux travaux de la Chambre ou du Comité des finances ou à quel
privilège précis on aurait porté atteinte.
À ce chapitre, il m'est
impossible de conclure qu'on a porté atteinte à quelque privilège.
L'annonce publicitaire du
ministère des Finances équivaut-elle dans le présent cas à un outrage à la
Chambre des communes? Le chef de l'opposition soutient que la publicité en
question est trompeuse du fait qu'elle donne au grand public l'impression que
cette modification projetée du système fiscal est un fait accompli et que le
Parlement n'a aucun rôle à jouer dans l'examen et l'approbation des
modifications en question. Cela peut avoir pour effet de tendre à miner
l'autorité de la Chambre aux yeux du public.
Le ministre de la Justice a
répondu en disant : « Les annonces publicitaires sur les changements
proposés sont parues à des fins informatives. D'ailleurs, elles ont atteint leur
but puisque nous avons reçu des centaines et des milliers de demandes de
renseignements. Nous nous efforçons d'informer les gens. »
(Hansard, p. 3821)
Le ministre de la Justice a
expliqué que le gouvernement n'avait jamais eu l'intention de donner
l'impression que la mesure législative en question ne ferait pas l'objet d'un
débat au Parlement. Au cours de la période des questions, le 25 septembre, le
ministre des Finances a aussi déclaré que l'annonce publicitaire avait un but
informatif et qu'elle était en accord avec les autres documents du budget
présenté au printemps.
La présidence devrait-elle
accepter l'explication du gouvernement et conclure qu'aucun outrage délibéré n'a
été commis ? À ce stade, il peut être utile de citer une autorité
canadienne en matière de privilège. Joseph Maingot explique :
Il s'agit d'actes qui, sans faire
concrètement obstacle aux activités de la Chambre des communes ou des députés,
entravent néanmoins la Chambre dans l'exercice de ses fonctions en portant
atteinte au respect qui lui est dû. À l'instar d'un tribunal, la Chambre des
communes a droit au plus profond respect. (Le Privilège parlementaire au
Canada, p. 253)
La publicité en question
porte-t-elle atteinte au respect dû à la Chambre ? Le député de
Windsor-Ouest (M. Gray) avance l'argument suivant :
…L'orsque l'annonce en question
déclare en substance qu'il y aura une nouvelle taxe le 1er janvier
1991, … l'annonce a pour objet de donner l'impression que le Parlement s'est
prononcé à son sujet, parce que c'est, j'en suis sûr, la façon dont les
Canadiens pensent qu'une taxe comme celle-ci est finalement adoptée et entre en
vigueur. Comme c'est le cas, il s'agit bien d'un outrage au Parlement, car cela
revient à déformer le rôle joué par la Chambre …. (Hansard, p. 3823)
La présidence est dans
l'embarras. On offre des deux côtés des arguments très sérieux. Et pour ajouter
aux problèmes de la présidence, il se trouve en outre que les autorités en
matière de procédure signalent qu'on ne peut se reposer sur les précédents pour
déterminer s'il y a outrage. Par contraste, il est plus facile pour la
présidence de déterminer quand il y a eu atteinte au privilège, car les
catégories sont limitées et elle peut fonder ses décisions sur les précédents et
les ouvrages faisant autorité. Le présent cas n'est certainement pas unique. On
peut établir des analogies avec la décision rendue par Mme la Présidente
Sauvé le 17 octobre 1980, mais à l'époque la question tournait autour de la
régularité des dépenses publiques effectuées par le gouvernement pour faire de
la publicité sur un point avant que le débat sur la question ait eu lieu à la
Chambre. Il ne s'agissait pas de savoir si l'on avait porté atteinte à la
dignité de la Chambre.
Dans ces conditions, la
présidence estime qu'elle doit faire preuve d'une extrême prudence pour ne pas
restreindre indûment le pouvoir de la Chambre de s'occuper de ce qui est perçu
comme un cas d'outrage, compte tenu notamment des arguments qui ont été
présentés.
Je dois avouer que j'ai certains
doutes pour ce qui concerne la présente affaire. Normalement, il est d'usage
pour les Présidents, en cas de doute, d'autoriser la présentation d'une motion
en bonne et due forme tendant à soumettre l'affaire à la décision de la Chambre.
J'aimerais citer ici une décision dans ce sens du Président Jerome dans laquelle
le Président cite un rapport du Comité spécial des privilèges parlementaires du
Royaume-Uni :
… il semble que, pour décider
s'il devait faire passer avant les questions à l'ordre du jour une plainte à
l'égard d'une violation de privilège … l'Orateur se soit posé la question
suivante : A priori, s'agit-il … d'une atteinte aux privilèges? Si
l'on s'en tient rigoureusement à ce principe, la Chambre ne pourrait se
prononcer sur aucune plainte à l'égard d'une atteinte aux privilèges, à moins
que l'Orateur n'estime qu'il s'agit là effectivement
d'une atteinte aux privilèges…. Les cas douteux ou contestables seraient exclus
automatiquement, car l'Orateur ne pourrait pas dire qu'à son avis l'acte ou la
conduite ayant fait l'objet d'une plainte constitue, à première vue, une
atteinte aux privilèges.
À mon avis, … il devrait se
demander … si la plainte du député est justifiable. Et si l'Orateur a le moindre
doute il devrait … laisser à la Chambre le soin de trancher la question.
(Hansard, le 21 mars, p. 3975)
Afin de clarifier dans mon esprit
la question de présomption d'outrage et de dissiper les doutes dont j'ai fait
état, j'ai considéré le but visé par l'annonce publicitaire incriminée
comparativement à sa teneur. Je puis dire qu'à mon avis le texte a manifestement
été rédigé de façon cavalière; il y a un élément d'assurance, voire
d'audace, dans l'emploi d'une expression aussi définitive que « Veuillez
conserver cet avis ».
Les ministres de la Justice et
des Finances ont dit à la Chambre que cette publicité avait pour but d'informer
les Canadiens. Les députés savent bien qu'il est dans nos usages d'accepter la
parole d'un membre de la Chambre. L'acceptation des explications des ministres
répond donc à la question d'intention, et de ce fait, certains des doutes de la
présidence sont aussi dissipés. Une fois établi que l'annonce publicitaire ne
visait pas à porter atteinte à la dignité de la Chambre, il est difficile de
conclure que nous avons affaire, à première vue, à un cas d'outrage.
Je veux toutefois que la Chambre
comprenne très clairement que si jamais le Président est appelé à examiner de
nouveau une situation comme celle-ci, la présidence ne sera pas aussi généreuse.
À mon avis, c'est une situation qui ne devrait jamais se reproduire. Je
m'attends à ce que le ministère des Finances et les autres ministères étudient
cette décision avec soin et je rappelle à tous, dans la fonction publique, que
nous sommes une démocratie parlementaire et non une démocratie de type exécutif
ou de type administratif.
Afin que tous les députés
comprennent exactement la procédure et afin que le public qui suit les
délibérations comprenne exactement la procédure, je répète ce que j'ai
dit : si j'avais décidé que la Chambre devrait être saisie de la question,
il y aurait pu y avoir un débat et un vote.
Je crois qu'il est dans l'intérêt
de notre système parlementaire de gouvernement que le Président fasse une
déclaration claire qu'on ne puisse pas mal interpréter dans un débat ou par
suite d'un vote. Un vote sur cette question pourrait ne pas constituer un appui
pour le très important message que votre Président veut communiquer, un message
qui, je l'espère, sera dûment pris en considération à l'avenir par les
gouvernements, les dirigeants ministériels et les agences de publicité dont ils
auront retenu les services. Cette annonce publicitaire ne constitue peut-être
pas un outrage à la Chambre dans les limites étroites établies par une
définition de procédure, mais elle est mal conçue, à mon sens, et elle dessert
mal les grandes traditions de la Chambre. Si nous ne préservons pas ces grandes
traditions, nos libertés seront menacées et nos conventions seront bafouées.
J'insiste, et je crois que j'ai l'appui de la majorité des membres modérés et
sérieux de cette Chambre – de part et d'autre de celle-ci – sur le fait que
cette annonce est répréhensible et qu'on ne devrait pas la répéter.
J'ai délibérément apporté
beaucoup de soin à l'élaboration de cette décision afin que mes observations
puissent guider la Chambre dans ses délibérations si jamais elle est appelée de
nouveau à débattre et étudier cette question.
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