Thomas Casstevens
The Ontario Legislature: A Political Analysis, Graham White (University of Toronto Press, 1989)
Ce livre doit être savouré lentement plutôt que dévoré par ceux qui s'intéressent aux
rouages des corps législatifs ainsi que par les étudiants en politique. La
connaissance intime que l'auteur a du sujet est manifeste d'un bout à l'autre
de l'ouvrage (on n'en attendrait pas moins d'un politologue et ancien stagiaire
parlementaire). Le style est limpide, et l'exposé, évocateur. Cet oeuvre m'a
rappelé l'époque où j'étais page, en Iowa et à Washington, D.C.
Il s'agit d'un compte rendu d'initié, qui devrait se révéler utile pour tous :
politiciens, universitaires, étudiants, simples citoyens. Les coutumes qui
régissent l'activité du pouvoir législatif sont décrites avec perspicacité et
intelligence. Il n'est guère question des liens qui unissent celui-ci à son
entourage, sauf peut-être le Cabinet; les élections ne sont mentionnées
qu'en passant. L'analyse est presque exclusivement axée sur les mécanismes
internes.
L'une des grandes qualités du livre est justement son caractère analytique. L'emploi de
chiffres, que ce soit en tableaux ou dans le corps du texte, est parcimonieux,
mais savamment dosé et soigneusement pensé. Cette analyse peut facilement être
développée par des statisticiens. Je constate, par exemple, que la répartition
statistique de la durée du mandat des législateurs (tableau 2.2), de celle des
délibérations précédant l'adoption des projets de loi d'initiative gouvernementale
(tableau 5.2) et de celle des débats de deuxième lecture (p. 123-124) est
à peu près exponentielle, comme on s'y attendrait en théorie.
L'assemblée législative de l'Ontario est comparable aux autres corps législatifs, fait qui
est établi clairement dans le livre, et cela tant implicitement, par les
chiffres fournis, qu'explicitement, par les comparaisons qui sont faites.
L'Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et les États-Unis
apportent de l'eau au moulin de l'auteur, qui fait des comparaisons judicieuses
et dont les notes infrapaginales constituent une véritable bibliographie
comparative complète concernant l'Ontario.
Il se peut que l'auteur dépeigne l'ordre au Royaume-Uni trop en rose et qu'il
présente une image un peu trop sévère du chaos qui règne aux États-Unis. Le
Parlement britannique et le Congrès américain sont engagés sur des voies
convergentes, quelque lents que soient leurs progrès dans cette direction.
D'une part, le gouvernement par l'exécutif incline vers le parlementarisme.
(Philip Norton a relaté la montée récente de l'importance des députés
d'arrière-banc dans le Parlement britannique). D'autre part, le gouvernement
régi par un congrès incline vers le régime présidentiel. (Richard Neustadt a
relaté la poussée récente de l'appui du pouvoir exécutif au Congrès américain).
Du point de vue historique, le livre est axé sur la transformation (partielle) récente
de l'assemblée législative ontarienne, d'arène où s'exerce la discipline de
parti qu'elle était, un organe qui modifie des projets de loi, se détachant
ainsi un peu au style caractéristique du Royaume-Uni pour se rapprocher
davantage de celui qui est propre aux États-Unis. Cette transformation a été
accélérée mais non causée par l'élection d'un gouvernement minoritaire. Elle
n'est cependant pas complète (et ne le sera peut-être jamais), comme le
souligne l'auteur, mais elle trahit néanmoins l'âge de notre vocabulaire. Nous
tous, politiciens, universitaires ou simples citoyens, avons besoin de termes
nouveaux pour décrire les réalités des corps législatifs modernes; ceux
de Walter Bagehot (1867) et de Woodrow Wilson (1885) sont dépassés.
La génération qui nous précède a été témoin de la tendance croissante qu'ont les
corps législatifs des provinces et des États à siéger à longueur d'année. C'est
ce que les politologues appellent la « professionnalisation » ou
« l'institutionnalisation ». Ce processus est unique en son genre et,
à toutes fins utiles, irréversible, ce qui fait du livre de Graham White un
jalon de l'histoire de l'Assemblée législative de l'Ontario.
Thomas W. Casstevens
Département de science politique
Université d'Oakland
Rochester (Michigan)
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