PDF
Charlie Crow fut député de Hudson Bay à l'Assemblée
législative des Territoires du Nord-Ouest. Lorsqu'il se rend à Yellowknife pour
assister aux séances de l'Assemblée ou à des réunions, il quitte Sanikiluaq,
son lieu de résidence, et doit passer par Montréal, Toronto et Edmonton et
changer d'avion à chaque escale. Faire ce voyage régulièrement serait déjà
difficile pour n'importe quel député, mais ce l'est encore plus pour
M. Crow; en effet, il est l'un des deux seuls aveugles à avoir
jamais été élus députés à une assemblée législative canadienne. Cette interview
avec M. Crow a été réalisée en juillet 1988 par Craig James et Gary Levy, et
le texte comporte des renseignements supplémentaires fournis par Ann Taylor.
Pourriez-vous
nous parler de votre jeunesse?
Je suis né dans la région du Golfe de Richmond, sur la côte québécoise de la Baie d'Hudson.
Mon père travaillait pour la Compagnie de la Baie d'Hudson. Un jour, on lui a
demandé s'il lui plairait d'être muté au poste de traite des Îles Belcher. Il a
accepté et nous sommes déménagés en 1954. Je commençais à avoir des troubles de
la vue, mais je voyais encore. J'ai passé une année à l'hôpital de Moose
Factory, en Ontario, puis j'ai passé l'année suivante à la maison. Mais j'étais
atteint d'un glaucome compliqué d'une tuberculose, et j'ai perdu la vue vers
13 ans, en 1956.
En 1958, on m'a envoyé faire mes études à l'Ontario School for the Blind, à Brantford,
en Ontario. Je n'étais encore jamais allé à l'école, car il n'y en avait pas là
où je suis né.
Il m'était très difficile de retourner chez moi pendant les vacances d'été, car le
transport vers les Îles Belcher était extrême. On ne pouvait s'y rendre que par
avion ou par bateau. Je me souviens qu'un été, mon père a dû noliser une barge
baleinière pour venir me chercher sur le continent. C'était en 1959, et trois
semaines plus tard, le gouvernement a décidé de noliser un bateau d'une
localité voisine pour que je puisse retourner à l'école. En dépit des
difficultés, j'ai appris l'anglais. J'en avais appris des bribes à l'hôpital en
écoutant les infirmières, mais c'est à l'école que j'ai vraiment appris la
langue. J'y ai aussi appris à lire le braille.
En 1963, j'ai décidé que je ne retournerais pas à l'école. J'avais alors 20 ans.
Après cinq ans à l'école, j'ai eu du mal à m'adapter à la vie des Îles Belcher.
J'ai passé la première année à ne rien faire du tout, mais en 1964, j'ai fait la
connaissance d'un des ministres anglicans qui venaient en visite dans notre
village deux ou trois fois par an. Comme je parlais l'anglais et l'inuktitut,
il m'a convaincu de devenir interprète.
Par la suite, lorsque des médecins, des infirmières ou des agents de la GRC venaient
dans notre village et qu'ils devaient parler à la population, ils avaient
recours à mes services.
Quand vous êtes-vous intéressé à la politique?
À l'époque, les habitants des Îles Belcher vivaient dans deux camps, l'un à
l'extrémité nord de l'île et l'autre à l'extrémité sud. Le magasin de la
Compagnie de la Baie d'Hudson que gérait mon père se trouvait dans le camp
nord. C'était un poste de traite où les habitants de l'île venaient vendre
leurs sculptures en stéatite et les peaux des renards qu'ils avaient piégés
pendant l'hiver.
J'habitais au nord de l'île, parce que c'est là que se trouvait le magasin et que vivait
la majeure partie de la population — soit environ 160 personnes. J'allais quand
même dans le sud quand il fallait interpréter. Un jour, le gouvernement fédéral
a construit une école d'une seule classe — dans le sud de l'île. Les gens du
nord voulaient bien que leurs enfants aillent à l'école, mais pas dans le sud.
Ils préféraient plutôt les envoyer à Rivière Great Whale, sur la côte continentale
québécoise de la Baie d'Hudson. Les enfants allaient donc à l'école à Great
Whale neuf mois par année. Ceux qui désiraient pousser leurs études plus loin
devaient aller à Churchill, au Manitoba, où le gouvernement possédait un centre
de formation professionnelle.
En 1968, un de nos professeurs a décidé d'organiser des cours pour les adultes et m'a
demandé si je voulais bien lui servir d'interprète. J'ai accepté. Pendant les
cours, il expliquait comment fonctionne le gouvernement et essayait de
convaincre ses élèves de former un conseil.
Nous avons pas mal voyagé ensemble, car, pendant la semaine, il donnait des cours
aux adultes dans le sud de l'île, où se trouvait l'école, et venait donner les
mêmes cours dans le nord pendant le week-end. Nous avons fait la navette comme
cela jusqu'à la fin d'avril, si ma mémoire est bonne.
À la fin des cours, nous avions décidé qu'il valait la peine de constituer un conseil
communautaire. En plus du fonctionnement des gouvernements, nous avons appris
celui des mouvements coopératifs et la façon d'organiser et de lancer de
petites entreprises.
La population voulait faire deux choses à la fois : former un conseil
communautaire et créer une coopérative dans l'île. Comme le professeur devait
informer Ottawa de tout ce qu'il faisait chez nous, il a demandé au
gouvernement d'envoyer des fonctionnaires pour rencontrer la population. Nous
avons élu notre premier conseil communautaire en juin 1968, et c'est aux cours
pour adultes que nous le devons.
Presque à la même époque, nous avons aussi établi une coopérative. Les premières années,
nous avons rencontré beaucoup de difficultés, parce qu'il y avait deux camps et
qu'il nous a fallu un certain temps pour mettre au point un système adéquat. Le
conseil communautaire a décidé qu'il serait composé de sept membres, dont trois
seraient élus dans le sud de l'île et quatre dans le nord, où la population
était plus nombreuse, et qu'il siégerait alternativement dans les deux camps.
J'étais l'interprète du conseil.
Quelle distance sépare les deux camps?
Il n'y a que 65 milles entre les deux, mais à l'époque, c'était toute une affaire, car
la motoneige venait tout juste de faire son apparition. Je me souviens d'un hiver
en particulier. Nous devions amener un médecin, une infirmière et un technicien
en radiologie faire passer à toute la population des radiographies de dépistage
de la tuberculose. Nous avons nolisé cinq motoneiges dans le nord de l'île,
nous y avons chargé tout le matériel radiographique et nous sommes partis, le
médecin, l'infirmière, le technicien, un ministre anglican de Great Whale, des
agents de la GRC et moi-même.
À peu près à mi-chemin, toutes les motoneiges sont tombées en panne. À l'époque, on
connaissait mal ces machines et on ne savait pas comment les réparer. Mais nous
avons quand même réussi à en remettre une en marche et nous sommes repartis.
Elle nous a encore fait faux bond par la suite, mais nous étions presque
arrivés au camp de South Belcher et nous avons fait le reste du chemin à pied.
Le transport posait aussi un problème lorsque le conseil ou la coopérative
voulaient se réunir. C'était plus facile l'été; le gouvernement nous
prêtait un palangrier, qui est un assez gros bateau, et nous nous en servions
pour amener les membres du conseil et les administrateurs de la coopérative à
leurs réunions. Mais jugeant que nous nous compliquions la vie inutilement, le
gouvernement a un jour proposé à la population des deux camps de fusionner en un
seul groupe pour ainsi éliminer la nécessité de tous ces déplacements.
Vers la même époque, le gouvernement fédéral a décidé de céder sa compétence
administrative sur les Îles Belcher au gouvernement territorial. En 1970, le
gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a donc rencontré la population des
deux camps et lui a fait savoir qu'il lui serait beaucoup plus facile d'assurer
les services si tout le monde vivait ensemble dans le même village. Les
insulaires ont aimé l'idée, mais il leur a alors fallu décider quel camp
devrait disparaître. La majorité l'a emporté et la population de South Belcher
a dû déménager; en effet, une minorité de la population de l'île y
vivait, soit 90 personnes seulement, tandis qu'au nord, nous étions environ
160. Nous avons alors donné au camp nord le nom de Sanikiluaq.
Le gouvernement territorial a alors démantelé tous les locaux gouvernementaux, y
compris l'école, la maison du professeur et quelques autres constructions, et
les a transportés à l'extrémité nord de l'île. Je crois qu'il y avait cinq
maisonnettes d'une chambre à coucher pour les personnes âgées; elles
étaient si petites qu'on les appelait à l'époque des boîtes d'allumettes. Elles
avaient une vingtaine de pieds de longueur sur une douzaine de largeur. Avec
les 15 nouvelles maisons de trois chambres à coucher que le gouvernement a
construites, la population a augmenté cet été-là. Toutes les maisons ont été
terminées à temps pour Noël 1970.
Chaque année, vers le mois de juin, nous élisions les membres de notre conseil. La
première année, je n'ai pas été candidat parce que j'étais interprète chaque
fois qu'il se passait quelque chose. La deuxième année, cependant, on m'a
suggéré de le faire. Comme l'idée ne me déplaisait pas, je me suis présenté aux
élections de juin 1969, j'ai battu un concurrent et je suis devenu conseiller.
Le conseil avait peu à faire ; il se préoccupait surtout de garder le village
propre et d'obtenir des maisons neuves du gouvernement.
Au cours de ma deuxième année au conseil, j'ai été élu président et je le suis resté
deux ans. C'est alors que j'ai commencé à voyager pour rencontrer des
fonctionnaires du gouvernement. Comme les Îles Belcher se trouvent dans la
région de Keewatin, l'une des cinq régions administratives des Territoires du
Nord-Ouest, nous devions nous rendre à Churchill, au Manitoba.
Nous y rencontrions régulièrement les membres d'autres bandes du Keewatin, mais la
différence entre les dialectes nous causait des difficultés. Nous étions tous
Inuits, mais leur dialecte était très différent du nôtre. Nous avons un dialecte
du Nord québécois.
Cela nous a causé des problèmes de communication. Puis, les
représentants des bandes du Keewatin, notamment celles d'Eskimo Point, de
Rankin Inlet, de Baker Lake, de Coral Harbour, de Whale Cove et de Chesterfield
Inlet, se sont réunis et ont exigé que le siège de l'administration régionale
centrale soit transféré du Manitoba aux Territoires du Nord-Ouest. Le
gouvernement a accepté et le siège a été déménagé à Rankin Inlet en 1975. Les
habitants des Îles Belcher ont donc dû décider de ce qu'ils allaient faire.
Maintenant, le siège de l'administration régionale était beaucoup plus au nord.
La question était maintenant de savoir si nous allions nous rendre à Rankin
Inlet pour rencontrer les fonctionnaires du gouvernement ou nous joindre au
Québec, puisque nous étions très près de la frontière québécoise. Ou
désirions-nous plutôt faire partie de la région de Baffin? Il fallait
trancher et nous avons opté pour cette dernière solution. C'était en 1975. À
cette époque-là, j'étais très actif au conseil. Dans la nouvelle région à
laquelle nous appartenions désormais, nous devions nous rendre à Frobisher Bay
(maintenant Iqaluit) pour tenir nos réunions. Cela nous obligeait à prendre
l'avion pour Montréal et à y passer au moins une nuit.
Les élections territoriales avaient lieu tous les quatre ans. En 1971, Willie
Adams, maintenant sénateur, était au nombre des Inuits élus députés dans le
district de Keewatin. En tant que député de la région à l'Assemblée législative,
il devait nous rencontrer régulièrement. Lorsque les élections de 1975 ont été
déclenchées, des habitants de l'île m'ont demandé de me porter candidat, et
j'ai accepté. Je me souviens que rien que pour faire enregistrer ma
candidature, j'ai dû prendre l'avion pour Montréal, puis pour Winnipeg, y
passer la nuit et prendre un autre avion pour Rankin Inlet, avec escale à
Churchill. Je suis arrivé à Rankin Inlet une heure avant l'heure limite.
Nous étions trois candidats à nous présenter dans notre district de huit
bandes; les deux autres étaient Gary Smith et Peter Ernerk. Smith était
un homme d'affaires de Baker Lake, la plus grande collectivité de la région
avec une population de plus de 900 habitants. Eskimo Point était la deuxième
bande en importance, avec près de 700 habitants, Rankin Inlet venait au
troisième rang avec 500 habitants environ, et en 1975, ma bande comptait un peu
moins de 400 membres.
Il fallait absolument que je recrute des collaborateurs dans la région. Lorsque je
suis allé faire enregistrer ma candidature, j'ai décidé de profiter du voyage
pour aller faire campagne dans d'autres collectivités de la région. Ainsi, j'ai
passé quelques jours à Rankin Inlet, puis j'ai pris l'avion pour Baker Lake, où
je suis également resté quelques jours avant d'aller à Eskimo Point. J'ai
réussi à me rendre dans les trois principales collectivités de la région, mais
il y en avait trois ou quatre autres, plus petites, où je n'ai pu me rendre à
cause de problèmes de transport.
Je suis rentré chez moi par avion via Winnipeg et Montréal juste avant le jour des
élections, le 10 mars 1975, je crois. Mes concitoyens avaient vraiment
hâte de connaître les résultats. Je crois que la plupart des 123 électeurs
inscrits de ma bande ont voté pour moi, mais Peter Ernerk a recueilli 57 voix
de plus que moi dans l'ensemble de la région et j'ai été battu.
Après les élections, je suis devenu encore plus actif dans ma collectivité sur le plan
politique. Un jour, j'ai dirigé des délégations à Ottawa. Au cours du même voyage,
nous avons eu une entrevue d'environ une heure avec le ministre des Postes,
Bryce Mackasey, au cours de laquelle nous lui avons dit espérer une
amélioration du service postal chez nous. Nous avons aussi témoigné devant le
comité des transports en vue d'obtenir une amélioration des services de
transport aérien.
En 1979, un siège a été créé à l'Assemblée législative pour les Îles Belcher, mais
cette fois, vous ne vous êtes pas porté candidat aux élections, n'est-ce pas?
On me l'a demandé, mais j'ai refusé. En 1983, on a de nouveau essayé de m'inciter à me
présenter; quelqu'un m'a même donné 200 $ pour faire enregistrer ma
candidature, mais cela ne m'intéressait pas à ce moment-là. Je venais tout
juste de me marier et pendant ces neuf premières années, j'ai vécu dans mon
patelin — en camping. Ma femme faisait des sculptures en stéatite, nous
pêchions nos repas; j'aimais cette vie. Parfois, j'étais interprète au
tribunal.
En 1973, la coopérative a décidé de fonder une station de radio communautaire pour
améliorer les communications entre les habitants; elle a donc acheté du
matériel radio, une platine tourne-disque, un magnétophone, des micros et un
émetteur, et elle m'a demandé d'être annonceur et de diriger la station. J'ai
accepté et j'ai fait ce travail pendant quatre ans.
En 1977, j'étais fatigué des réunions et j'ai décidé d'arrêter pendant un certain temps.
J'avais fait partie du conseil pendant huit ans et les deux dernières années
avaient été difficiles pour moi parce que comme la population avait augmenté,
de plus en plus d'organismes communautaires s'étaient formés, notamment le
conseil consultatif de l'éducation, le comité des loisirs et le comité du
logement, et je faisais évidemment partie de la plupart d'entre eux. Je me souviens
d'une année où je siégeais à six comités et où j'étais en plus l'adjoint du
maire au conseil.
Chaque soir de la semaine, je devais assister à une réunion. Un jour, j'en ai vraiment
eu assez et j'ai décidé de quitter mon poste d'annonceur, de ne plus siéger aux
comités du conseil et de passer plus de temps chez moi avec ma femme.
En 1983, on m'a de nouveau demandé de me présenter aux élections à l'Assemblée
législative et j'ai refusé. Mais en 1985, j'ai dû chercher du travail, parce
que nous avions vécu jusque-là des revenus que ma femme tirait de la vente de
ses sculptures de stéatite, mais les aliments et tout le reste coûtaient de
plus en plus cher.
Je suis donc retourné au conseil et à la station radio comme annonceur. Ils avaient
tous deux besoin de quelqu'un sur qui ils pouvaient compter. La Société de la
radiotélédiffusion avait du mal à garder ses annonceurs radio, parce qu'elle
engageait des jeunes gens qui n'arrivaient pas avec l'intention de rester. J'ai
été annonceur à la radio jusqu'à mon élection à l'Assemblée législative en
octobre 1987.
Comment compareriez-vous cette élection à votre première expérience?
Les élections ont eu lieu le 5 octobre 1987, et le député sortant, Moses
Appaqaq, voulait se représenter, même si certaines personnes en avaient
vraiment assez de lui. En 1979, lorsque notre région a eu pour la première fois
son siège à l'Assemblée législative, il n'y avait que deux candidats; en
1983, il y en avait six et en 1987, cinq — le député sortant, trois autres
candidats et moi-même.
Depuis la création de notre siège de Hudson Bay, le nombre d'électeurs inscrits n'avait
atteint que 220, et j'ai gagné l'élection avec 96 voix contre 46 pour
M. Appaqaq.
Comment compareriez-vous le travail de député à l'Assemblée législative à celui de
membre du conseil local? Était-ce beaucoup plus difficile?
Évidemment, les séances de l'Assemblée législative sont tout à fait différentes des
réunions du conseil local auxquelles j'étais habitué. Il faut porter un complet
et être ponctuel. Il faut siéger à divers comités et rencontrer des gens tôt le
matin jusqu'à tard dans la soirée. J'ai trouvé les quelques premières semaines
un peu difficiles, mais je m'y suis habitué et j'en suis venu avec le temps à
vraiment aimer ce travail.
Peu après mon élection, la Société Radio-Canada a demandé au greffier de l'Assemblée
législative, David Hamilton, ce qu'il allait faire dans mon cas. Comme j'étais
aveugle, on voulait savoir comment on s'y prendrait pour me fournir de
l'information écrite.
M. Hamilton a communiqué avec l'Institut national canadien pour les aveugles à Edmonton
pour savoir ce qu'il pouvait faire pour un nouveau député à l'Assemblée
législative qui était aveugle, mais qui pouvait lire le braille. L'Institut lui
a fourni les noms d'imprimeurs qui faisaient des publications en braille, des
marques de logiciels en braille et d'ordinateurs parlants et lui a indiqué
d'autres moyens techniques pour aider les aveugles.
Le plus important à ce moment-là consistait évidemment à faire écrire en braille le Règlement
de l'Assemblée législative. Cela n'a pris que trois ou quatre semaines. Le
Bureau de la gestion et des services aux députés de l'Assemblée législative a
décidé d'autoriser l'acquisition d'un ordinateur et d'une imprimante pour le
braille, et depuis, je reçois tous mes documents en braille.
J'ai également un adjoint, Goo Arlooktoo, qui m'accompagne chaque jour à mon siège
de l'Assemblée et qui veille à ce que je reçoive tous les messages
téléphoniques et autres renseignements dont j'ai besoin au cours des séances.
Entre les séances de l'Assemblée, il assiste avec moi à celles des comités et à
d'autres réunions et veille à me tenir informé de tout événement d'intérêt pour
les députés.
La représentante de l'Institut dans les Territoires du Nord-Ouest, Anne de Weerdt,
m'a également été très utile; elle a fait réaliser un plan
tridimensionnel de la salle de séance de l'Assemblée législative, du salon des
députés ainsi que des bureaux pour m'aider à m'orienter dans l'édifice de
l'Assemblée. L'Institut m'a fourni un petit ordinateur portatif; il me
sert à prendre des notes et à les reproduire ensuite en braille ou par
simulation vocale.
Et vos électeurs? Retournez-vous souvent dans votre circonscription et quels
genres de problèmes ont-ils?
Sur ce plan, je suis chanceux, car je ne représente que ma petite collectivité.
Certains députés représentent cinq ou six petites communautés de leur région.
Je crois que la circonscription de Yellowknife-Sud est la plus nombreuse avec
environ 6 000 habitants. Dans ma circonscription, il n'y a qu'un village
et je connais évidemment tout le monde. Je passe parfois sur les ondes de la
radio locale pour leur faire un rapport sur ce qui s'est passé aux réunions
auxquelles j'ai assisté.
Évidemment, je suis à leur disposition et je suis prêt à leur fournir toute l'aide qu'ils
peuvent attendre de moi en tant que député à l'Assemblée législative. Ils me
tiennent vraiment occupé. Les personnes âgées m'appellent pour que je les aide
à résoudre leurs problèmes. L'une de mes principales difficultés est de leur
venir en aide en tant que député territorial dans des domaines qui sont surtout
de compétence fédérale. Par exemple, lorsque je suis revenu de Yellowknife,
cinq mères de famille m'ont téléphoné pour me dire qu'elles avaient des
enfants, mais qu'elles ne recevaient pas leurs chèques d'allocations familiales
et qu'elles avaient besoin de mon aide. J'ai été forcé de leur répondre que
pour recevoir leurs chèques, elles devaient informer le gouvernement fédéral de
leur situation. Certaines personnes viennent me voir parce qu'elles ont du mal
à faire leur déclaration d'impôt sur le revenu et que pour une raison ou une
autre, elles ne comprennent pas qu'elles doivent de l'argent au gouvernement.
Il s'agit de personnes qui gagnent trop d'argent certaines années et qui
doivent payer des impôts à Ottawa. Tout cela est compliqué pour des gens qui ne
lisent pas l'anglais. Lorsque j'étudie les renseignements qu'elles me
fournissent, je me rends compte qu'elles n'ont pas payé leurs impôts et que
certaines d'entre elles doivent également des intérêts sur cette dette. C'est
de ce genre d'aide que mes électeurs ont besoin.
Ne peuvent-ils pas demander l'aide de leur député fédéral?
Il est très difficile de communiquer avec le député fédéral depuis mon petit village.
Notre député actuel représente une trentaine de villages; il a donc
beaucoup de pain sur la planche.
Habituellement, j'arrive à résoudre ces problèmes avec l'aide de l'agent de liaison du
gouvernement de notre village. Les travailleurs sociaux nous aident également.
Par ailleurs, la pénurie de logements est un autre problème important qui nous a
vraiment causé des difficultés.
Votre femme vous aide-t-elle à résoudre certains problèmes que vous éprouvez à
l'Assemblée législative et avec vos électeurs?
Elle m'aide beaucoup, surtout lorsque je voyage. Elle m'amène aux réunions
organisées dans mon village ou à la station de radio. Lorsque je ne peux régler
moi-même un problème, j'essaie d'obtenir l'aide des personnes compétentes, et
s'il n'y en a pas au village, je m'adresse au bureau régional situé à Iqaluit
ou je me rends à Yellowknife si c'est vraiment nécessaire.
J'ai engagé une adjointe de circonscription qui enregistre tout mon courrier sur
bande magnétique. Je reçois beaucoup de courrier de divers organismes de la
région de Baffin. Elle me le lit et je n'ai plus qu'à répondre à mes
correspondants. Ma seule déception est de n'avoir pu obtenir un magnétophone
spécial. J'en voulais un à deux vitesses, c'est-à-dire à vitesses lente et ordinaire.
Il est impossible de tout transcrire en braille pour moi, même si les services
de l'Assemblée à Yellowknife ont une imprimante spéciale pour cela. Les
documents les plus importants, comme les lettres des ministres ou certains
documents relatifs aux projets de loi, sont transcrits en braille, mais il y en
a d'autres qu'il faudrait qu'on me lise, et un magnétophone me serait vraiment
utile dans ces cas-là.
|