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Les pages qui suivent portent sur une entrevue qui
réunissait l'honorable W.B. Strachan, leader parlementaire du
gouvernement, Mark Rose, leader parlementaire de l'opposition, Angus Ree, whip
du gouvernement, Colin Gabelmann, whip de l'opposition et Austin Pelton,
président adjoint. L'entrevue a été effectuée en juin 1988 par Craig James,
greffier des comités et deuxième greffier adjoint à l'Assemblée législative de
Colombie-Britannique. Depuis lors, M. Ree a été nommé solliciteur général
de la Colombie-Britannique et M. Strachan s'est démis de ses fonctions de
leader parlementaire du gouvernement en faveur de l'honorable Claude Richmond.
Je
voudrais d'abord demander à chacun d'entre vous de quelle façon il a été choisi
pour occuper sa charge actuelle. Nous aimerions connaître en effet le rôle que
chacun joue dans la conduite des affaires de l'Assemblée législative.
Mark
Rose : Notre caucus choisit chaque année la personne qui exercera pour
lui les fonctions de leader parlementaire.
M. Gabelmann : J'ai été moi
aussi élu à la suite d'un vote de mes collègues réunis en caucus.
Angus
Ree : Le premier ministre m'a demandé d'exercer les fonctions de whip en
chef du gouvernement.
W.B. Strachan : Le leader
parlementaire du gouvernement est un membre du cabinet choisi par le premier
ministre.
Austin
Pelton : Je suis un fonctionnaire de la Chambre et j'ai été élu par mes pairs
sur recommandation du premier ministre, recommandation qu'a par ailleurs
appuyée l'opposition.
Comment
chacun d'entre vous décrirait-il ses fonctions ?
W.B. Strachan : Les fonctions du
leader parlementaire du gouvernement, du moins selon moi, consistent à établir
les grandes lignes de l'ordre du jour des travaux du gouvernement, et à
proposer un projet d'échéancier. Il appartient aux seuls whips d'établir le
détail de l'ordre du jour et de veiller à son application, et je crois qu'il
doit continuer d'en être ainsi. Je ne tiens pas à commencer à dire à tel ou tel
député s'il devrait intervenir ou non. Je crois que c'est là une tâche qui
indéniablement revient aux whips. Pour ma part, pendant les 18 mois où
j'ai été leader parlementaire, j'ai appris que, si nous laissons les whips
s'organiser avec leurs orateurs, les affaires sont menées beaucoup plus
rondement. Si je devais me mêler de dire aux députés quoi faire et quand le
faire, il serait sans doute plus difficile de faire progresser les affaires du
gouvernement. C'est pourquoi je crois qu'il est préférable que je me tienne à
l'écart.
Mark
Rose : Je crois que la charge de leader parlementaire comporte essentiellement
trois volets : d'abord, il y a l'aspect protocolaire; l'autre touche
la procédure les querelles avec mon homologue du gouvernement au sujet de la
procédure ne demandent pas vraiment beaucoup de temps (pas jusqu'à maintenant
en tout cas) puisque nous sommes généralement d'accord. Finalement, je crois
que le troisième volet consiste à assurer un débat ordonné en Chambre. C'est
une tâche que je partage avec le whip, et je veille à ce que les droits de
chacun soient respectés au sein du caucus et à ce que les intéressés puissent
être entendus et participer au débat.
Angus
Ree : Le whip en chef du gouvernement est, d'abord et avant tout, le
représentant direct du premier ministre en ce qui concerne le caucus. Sa
fonction consiste à s'assurer que les membres du caucus sont au courant des
projets de loi dont la Chambre est saisie et qu'ils appuient ces projets de
loi. S'ils ne les appuient pas, j'essaie de savoir pourquoi, non pas tant pour
les convertir à la cause que pour les instruire pleinement de la question du
moment. Voilà pour la première tâche. La deuxième tâche consiste évidemment à
s'assurer que l'on dispose à tout moment d'une majorité en cas de mise aux
voix.
Le quorum
doit être atteint pour que les délibérations de l'assemblée puissent être
considérées valables. Viennent ensuite d'autres fonctions, dont certaines ont
été évoquées par le leader parlementaire de l'opposition : assurer des
débats ordonnés, établir la liste des orateurs pour telle ou telle question et
déterminer le moment auquel vos députés prendront la parole. Je m'efforce de
les encourager à participer, de sorte que la Chambre puisse fonctionner de
manière responsable et ordonnée. Le point suivant, je crois, a trait à l'ordre
de la Chambre et à l'ordre des travaux de la journée, de concert avec le leader
parlementaire. Il faut aussi conférer avec l'opposition et le whip à propos des
affaires qui vont être traitées au cours des délibérations. Voilà, je pense que
c'est tout. Bien sûr, on traite les députés un peu comme des enfants, mais c'est
le whip du gouvernement qui doit rendre compte directement des activités du
caucus au premier ministre.
M. Gabelmann : En ce qui concerne
le whip de l'opposition, je crois qu'il faut distinguer deux domaines de
responsabilité. Le premier a trait au caucus et consiste à s'assurer que les
membres de votre caucus sont présents s'ils doivent l'être, à s'assurer qu'ils
connaissent l'ordre des travaux pour qu'ils puissent participer, s'ils doivent
ou s'ils désirent participer, à s'assurer qu'un nombre suffisant de députés
sont présents à la Chambre à tout moment. Cette dernière tâche est probablement
l'une des plus difficiles et des plus irritantes pour le whip et cela parce que
nous avons affaire à des personnes très occupées. Il y a donc toujours une
lutte entre le whip et les simples députés de l'opposition.
L'autre
aspect de la tâche touche davantage à la Chambre et aux travaux de la Chambre.
C'est un domaine qui, je crois, présente un certain intérêt en ce qui concerne
la Colombie-Britannique. On n'a jamais fait une distinction précise, depuis que
je travaille dans ce milieu, entre le rôle du leader parlementaire et celui du
whip. On ne sait pas trop, et, à mon avis, on sait de moins en moins, qui, en
réalité, qui décidera des questions touchant les travaux de la Chambre, qui
décidera de ce à quoi nous allons ensuite nous consacrer, qui déterminera
combien de temps nous allons passer à l'examen des projets de loi. Bref, on
connaît mal les détails du fonctionnement quotidien de la Chambre. Dans
certaines assemblées, les leaders parlementaires ont davantage de poids, selon
la personnalité des intéressés. Je crois que c'est assez variable ici
également. Pour l'heure, il nous arrive souvent, au whip du gouvernement et à
moi-même, de décider au jour le jour des affaires qui seront traitées, et cela
fonctionne très bien. Je crois que les titres sont moins importants que
l'aptitude des gens à travailler ensemble ou que l'efficacité des rapports de
travail. À mon avis, tous s'accorderont pour dire que notre session de cette
année a été relativement disciplinée, compte tenu de son mode de
fonctionnement, mais il se peut qu'on ne suive pas les règles techniques ou les
conventions historiques touchant les responsabilités des leaders parlementaires
ou des whips.
Mark
Rose : Avant de passer à une autre question, j'aimerais ajouter quelque chose
à l'observation d'après laquelle les choses diffèrent selon les personnes en
place. Vous dites que la personnalité a plus d'importance que le titre. Or,
Bruce Strachan est un leader parlementaire qui est loin d'être autocratique, du
moins c'est ce qu'il nous dit. Cela rend mon rôle également différent. Ma
participation aux activités exercées par le whip s'en trouve modifiée, étant
donné que c'est un domaine dans lequel Bruce ne veut pas s'immiscer. Son
comportement et son style influent donc sur mon propre mode de fonctionnement.
W.B. Strachan : Mark et moi-même
avons, je crois, des règles à suivre, ou encore des obligations d'agir comme
« ministres de la défense ». Cela n'arrive pas souvent ces derniers
temps grâce aux administrations actuelles l'administration de l'opposition
comme l'administration du gouvernement. Mais naturellement, les actions d'un
« ministre de la Défense » sont dictées par celles de l'autre et je
crois que les deux sont sur un pied d'égalité. C'est seulement si un tiers
prend l'offensive que nous nous tenons sur la défensive, mais il n'y a pas
beaucoup d'agressivité dans nos quartiers, du moins il n'y en a pas eu au cours
des 18 derniers mois. L'obligation de faire office de « ministre de
la Défense » est donc quelque peu réduite et je pense que c'est bien
ainsi. L'Assemblée législative n'est pas source d'embarras comme elle l'a déjà
été, et je crois que nous en sommes tous conscients.
Austin
Pelton : Mon titre rend compte presque intégralement des fonctions que
j'exerce, fonctions qui consistent à assumer les responsabilités du président
en son absence. Autrement, j'ai pour tâche principale de présider le comité des
approvisionnements.
À
quels problèmes chacun d'entre vous se heurte-t-il dans l'exercice de ses
fonctions?
Austin
Pelton : À part le problème du maintien de l'ordre dans l'Assemblée, ce qui n'a
pas présenté de difficultés particulières au cours de la dernière année, le
seul autre problème rattaché à ma charge est le manque de temps, à telle
enseigne qu'il est difficile d'organiser votre journée d'une façon qui vous
permette de recevoir vos commettants. Mais ces problèmes ne sont pas si graves
que cela. J'aime beaucoup ce que je fais.
Mark
Rose : Il est très difficile de fixer les choses une fois pour toutes. Le
changement est la seule constante et il y a toujours des surprises. Le hasard
semble être parfois la seule règle. Il peut vous arriver de prévoir que tel ou
tel débat va prendre fin à tel ou tel moment, mais il acquiert son élan et le
gouvernail vous échappe vous devez suivre tout
simplement. Vous vous efforcez d'orienter le débat, sans restreindre pour
autant les droits du simple député.
Par
exemple, si je me suis entendu avec le leader parlementaire du gouvernement
pour que telle ou telle affaire soit conclue à telle heure, et que ma propre
troupe ne peut être contenue, alors je perds tout crédit. Si Bruce vient me
dire que trois nouveaux projets de loi vont être déposés et que ce sera tout
pour cette année, et si par la suite on exerce une pression sur lui et qu'il
est inopinément envahi de projets de loi, alors son crédit en prend un coup.
Les gens qui ont une prédilection marquée pour toute sorte de votes libres et
qui aiment faire cavalier seul plutôt que de se rallier au système du travail
d'équipe peuvent donner de sérieux maux de tête aux leaders parlementaires.
Angus
Ree : On me demande : « Alors en quoi consistent les fonctions d'un
whip? », et je réponds en disant que c'est comme être le maître de
discipline de 44 adultes indépendants. Ils ne sont pas tous à
votre diapason parce que ce sont des politiciens. Je crois que, comme Mark l'a
indiqué, le problème est de préserver votre crédit lorsque vous négociez avec
l'opposition. Dans la mesure où vos propres députés sont concernés, ils sont,
comme je me plais à le dire, indépendants, le temps dont ils disposent est
précieux et, parfois, si le débat à la Chambre n'est pas particulièrement
intéressant, ils se demandent ce qu'ils peuvent bien faire là. Il vous faut les
forcer, les amadouer, les talonner et le reste, si vous voulez les convaincre
que les choses doivent avancer.
M.
Gabelmann : Quant à moi, j'ai été whip du gouvernement pendant un an et demi au
début des années 1970 et whip de l'opposition au cours d'une législature
pénible, lorsque les parties se méfiaient les uns des autres et communiquaient
peu. Je suis whip de l'opposition de nouveau aujourd'hui, mais dans un climat
tout à fait différent. Mon problème le plus important consiste à trouver un
juste équilibre entre les fonctions de sergent major et celles d'instituteur
d'école maternelle.
Il est
très difficile de bien savoir comment traiter avec les gens et je suis sûr,
Angus, que c'est surtout dans votre propre caucus que vous avez des problèmes,
parce que chacun s'occupe de ses petites affaires, chacun pense d'abord à soi
et chacun bat son propre tambour; donc, il est parfois difficile de faire
adopter à tous la même cadence. C'est à ce niveau-là qu'il faut travailler et
c'est là que réside le véritable problème. C'est ce sentiment de frustration
qui m'a convaincu de ne pas briguer de nouveau le poste de whip de
l'opposition, il y a quelques années. Malgré tout, c'est la deuxième fois que
j'occupe ce poste. Je dois dire que je le trouve beaucoup plus facile
aujourd'hui, compte tenu du climat actuel à la Chambre et du caucus auquel
j'appartiens.
Un autre
problème, probablement commun à quiconque occupe un poste de cette nature dans
notre système parlementaire, est que je considère comme absolument essentiel de
ne jamais mentir au whip du gouvernement parce que, s'il m'arrivait de le
faire, je crois alors que notre aptitude à remplir nos fonctions serait perdue.
Il me faudrait démissionner et laisser quelqu'un d'autre occuper mon poste.
Vous imaginerez aisément qu'il y a des choses qu'on ne peut ignorer, et il peut
être éprouvant et difficile de trouver un moyen de ne pas mentir, de ne pas
induire en erreur ou encore de ne pas dévier du droit chemin, tout en
conservant le sang-froid nécessaire à la stratégie du caucus. Mais c'est un
défi passionnant, et c'est ce qui rend la charge plus intéressante.
La
dynamique de ce milieu s'apparente à une rivière en crue. Vous avez le choix
entre trois solutions. Vous pouvez tenter de l'endiguer, auquel cas vous
risquez de vous noyer. Ou bien vous pouvez nager à contre-courant, auquel cas
vous allez vous fatiguer très vite. Finalement, vous pouvez suivre le courant
et vous laisser porter.
W.B. Strachan : Une fois que
l'on comprend certains des principes fondamentaux du comportement humain, le
fait que nous soyons 69 personnes à nous côtoyer, des personnes de
caractère différent, explosif (de toute façon, nous ne serions pas des
politiciens s'il n'en était pas ainsi), une fois que l'on comprend cela, que
l'on comprend que nous sommes tous plus ou moins gonflés d'orgueil, que nous
avons des fonctions à remplir au nom des milliers de personnes qui nous ont
élus, et que l'on veut être perçus comme des individus consciencieux et dignes
de confiance, nous devons être responsables envers le parti politique qui nous
a élus. Nous avons beaucoup à faire. Mais une fois qu'on a bien compris cela,
alors les problèmes s'évanouissent d'eux-mêmes, ou bien ils diminuent
d'importance.
Quel
pouvoir avez-vous et d'où provient-il ?
Mark
Rose : Je crois que mon pouvoir (celui que je détiens et celui que d'autres
détiennent) repose sur la confiance de la Chambre, celui de mon caucus et celui
du caucus du gouvernement. Vous pourriez poser la même question concernant le
pouvoir du président. Son pouvoir tient au fait qu'il est élu mais, s'il n'a
pas la confiance de la Chambre, il ne restera pas longtemps président. Il va
avoir beaucoup de difficultés. Il s'établit ici une hiérarchie, et il ne
s'écoule pas des années avant que l'on commence à vous juger comme vous le
feriez de vos condisciples à l'école. On reconnaît toujours quelqu'un qui est
plus intelligent que soi et quelqu'un qui l'est moins, et l'on sait si l'on
peut se fier à tel ou tel, ou si tel ou tel a du crédit. Un leader
parlementaire peut accepter les coups bas, mais s'il le fait, je ne crois pas
qu'on l'acceptera comme négociateur. S'il n'est pas digne de confiance ou s'il
est incompétent, on ne tardera pas à le voir.
En
passant, je voudrais ajouter quelque chose à la dernière réflexion de
Bruce : le fait est que dans les charges que nous occupons, on ne peut pas
être trop à cheval sur la discipline. Ce sont des postes qui exigent de bonnes
compétences en matière de relations interpersonnelles, et ce sont mes
compétences qui constituent l'assise de mon pouvoir. Par exemple, si, après que
j'ai dit à Bruce : « Oui, nous allons sortir d'ici à telle heure, ou
bien nous en aurons fini avec ces délibérations à telle heure », les
choses s'éternisent parce que je n'arrive pas à contrôler mon propre caucus,
cela signifie qu'il ne me respecte pas. Bientôt, on ne pourra pas se fier à
moi, même si, en réalité, je suis honnête. La dynamique des rapports
interpersonnels tient compte d'un grand nombre de facteurs.
L'un de
mes principaux objectifs est de faire de cette Chambre un endroit mieux
organisé. Lorsque je suis arrivé ici la première fois, j'étais tout à fait
abasourdi.
Austin
Pelton : Je pense que Mark a dit quelque chose de tout à fait pertinent en ce qui
concerne ma charge. Une bonne part du pouvoir que l'on détient tient au fait
que vous avez été choisi par des gens de l'un et l'autre côté de la Chambre,
ainsi qu'à leur confiance en votre aptitude à vous acquitter des devoirs de
votre charge, avant même que vous l'acceptiez. Je pense que c'est une forme de
pouvoir et, bien sûr, en dehors de cela, le pouvoir dont je dispose pour
m'acquitter de mes fonctions vient du Règlement. Celui-ci est tout à fait clair
sur ce point et l'on sait exactement à quoi s'en tenir. Vous savez parfaitement
ce que vous pouvez faire et ne pas faire. De plus, puisque vous attendez de
chacun qu'il se conforme au Règlement, alors vous agissez de la même façon.
Angus
Ree : Pour autant que le pouvoir du whip en chef du gouvernement soit
concerné, on ne peut pas se comporter comme un gendarme, mais le pouvoir que
suppose ma charge correspond à celui que le premier ministre me donnera.
Toutefois, on réussit à exercer ce pouvoir dans la mesure où l'on obtient le
respect des gens avec qui l'on traite.
M.
Gabelmann : En tant que whip de l'opposition, je ne trouve pas
que j'ai du pouvoir au sens concret du terme. J'ai de l'ascendant et une
certaine influence dans la mesure où l'on donne crédit aux tâches que
j'accomplis. Ce n'est au fond rien de plus.
W.B.
Strachan : Je vais peut-être faire une distinction ténue, mais,
dans mon cas, c'est une question de « confiance » plutôt que de
« pouvoir ». J'ai la confiance du Cabinet, laquelle est un préalable
à ma charge, et, à cause de cela, j'ai la confiance des simples députés du
Crédit Social et aussi de l'opposition. Si je viens à perdre la confiance du
Cabinet, alors il ne me restera plus aucun crédit.
Combien
de temps consacrez-vous à vos fonctions ?
Austin
Pelton : Lorsque la Chambre siège, elle occupe évidemment la plus grande partie
de mon temps, mais, lorsqu'elle ne siège pas, le président adjoint tombe en
quelque sorte dans l'oubli même si, parfois, il doit représenter le président
pour certaines fonctions.
Mark
Rose : J'exerce également le rôle de critique de l'opposition, mais comme je
croyais que la charge de leader parlementaire occuperait une bonne partie de
mon temps, j'ai décidé de demander à devenir porte-parole de l'opposition pour
un domaine qui touche moins de 1 p. 100 du budget.
J'assiste
aux séances quotidiennes, comme la période des questions, et je dois être à la
Chambre très souvent. Je dois me présenter à toutes les réunions du caucus.
Tout cela prend beaucoup de temps. Je dirais donc que mes fonctions occupent la
plus grande partie de mon temps, mais si je devais en plus diriger un ministère
comme le fait Bruce, il me faudrait un sous-ministre éminemment compétent pour
s'occuper des affaires du ministère en mon absence.
Angus
Ree : Je trouve que mes fonctions occupent une bonne partie de mon temps. Il
se peut que ma nature y soit pour quelque chose si je les exerce avec autant
d'ardeur. On m'a parfois taxé de perfectionnisme, et je consacre probablement
trop de temps à mes fonctions de whip. Le whip est généralement le premier
arrivé et le dernier parti. Il exerce les fonctions qui entourent les activités
du caucus, et, bien entendu, il assiste à toutes ses réunions. Il exerce les
fonctions externes du caucus lorsque, par exemple, des groupes de pression
l'invitent à des réunions de formation, réunions auxquelles le whip se doit
d'assister. À certains égards, les fonctions du whip sont, je crois, exercées
au détriment de ses commettants. Mais, là encore, cela dépend sans doute de
l'intéressé.
M.
Gabelmann : Je n'ai jamais compté le nombre d'heures, mais, d'après moi, dans une
journée normale, je consacre plusieurs heures aux travaux rattachés à mes
fonctions de whip de l'opposition. Je pense que ce nombre pourrait même grimper
à huit ou dix heures par jour ; cela dépend simplement de la façon dont on
s'y prend. Cela dépend si l'on est bien organisé. Je pense que cet aspect est
important. Si l'on veut que les choses se fassent en un minimum de temps, il
est indispensable d'être bien organisé. Mais je crois que le nombre total de
minutes ou d'heures ne compte pas autant que le fait de devoir toujours être
présent. Je voudrais parfois me rendre à mon bureau pour travailler
tranquillement pendant quelques heures, mais je ne le peux pas parce que le
téléphone ne cesse de sonner ou parce que quelqu'un a besoin de quelque chose
ou parce que les activités prennent subitement une autre orientation ou pour
une foule d'autres raisons. Par ailleurs, lorsque vous rencontrez vos
électeurs, vous n'avez pas la tranquillité que vous voudriez parfois avoir,
parce que vous êtes sans cesse interrompu. C'est le fait d'être interrompu
constamment que j'ai le plus de difficulté à supporter, davantage que le nombre
d'heures que je consacre à mes activités.
W.B. Strachan :
Je suis d'accord. Il est difficile de conserver la
maîtrise de soi parce que l'on ne sait pas à quel moment les choses vont se
mettre à aller de travers. Donc, même si vous croyez que la journée se déroule
très bien, une catastrophe est toujours possible. Ce risque est, en effet, bien
réel, mais il a considérablement diminué au cours des 18 derniers mois,
en raison des différences entre l'administration actuelle et celle qui l'a
précédée. Il y a des jours où je ne consacre pas plus de deux minutes à mes
fonctions de leader parlementaire. Si nous en sommes au budget des dépenses et
que je sais qu'il va être bien reçu, j'ouvre le débat à 10 heures du matin, je
déclare l'ajournement de la Chambre à midi, je fais procéder au scrutin à 2
heures et je déclare l'ajournement à 6 heures. Voilà pour mes fonctions de
leader parlementaire. Parfois, c'est même moins que ça s'il se trouve qu'un
ministre peut exercer de telles fonctions pour nous. Il y a donc des jours où
la tâche est particulièrement facile mais il y en a d'autres où elle est
particulièrement difficile, surtout lorsqu'il faut siéger avec une majorité de
nouveaux ministres du Cabinet qui connaissent mal la procédure parlementaire.
Parfois, on a l'impression de faire du baby-sitting, mais les nouveaux
apprennent davantage chaque jour sur la procédure. J'exerce également les
responsabilités de président du comité du Cabinet pour la législation. À
certaines périodes de l'année, il faut donc que j'assiste aux réunions de ce
comité, et y consacre quelques heures par semaine.
J'ai,
bien entendu, un personnel à ma disposition. Le conseiller législatif, ainsi
qu'une personne du Cabinet du premier ministre, travaillent pour moi lorsque
j'exerce mes fonctions de président du comité de la législation, et ils
m'aident également à organiser le dépôt des projets de loi et à obtenir tel ou
tel projet pour moi avant son dépôt par le ministre. Il serait très difficile
de faire un calcul du temps. Je crois que si je devais faire une moyenne, je
dirais environ deux heures par jour lorsque la Chambre siège, mais un peu moins
lorsqu'elle ne siège pas.
De
quelles ressources disposez-vous?
Mark
Rose : J'ai un bureau bien à moi. Nos bureaux sont mieux qu'ils ne l'ont jamais été. C'est le jour et la nuit ici depuis
l'élection du nouveau gouvernement et depuis que nous avons un nouveau
président et de nouveaux leaders parlementaires des deux côtés de la Chambre.
Mais ce que je voudrais avoir, c'est une sorte d'adjoint de direction qui
relèverait du bureau du whip et du bureau du leader parlementaire. Ce serait
pour nous une aide considérable, l'équivalent d'un recherchiste qui
s'occuperait du travail à faire lorsque surgissent certaines questions, par
exemple, les motions du Règlement 35, les motions de privilège et le
reste.
Austin
Pelton : Les locaux dont je dispose sont plus que suffisants et je
partage un personnel avec le whip du gouvernement et son délégué. Tout
fonctionne parfaitement. Il n'y a aucun problème.
De
quelle façon percevez-vous l'évolution de votre rôle et quels changements
souhaitez-vous ?
Mark
Rose : Nous pourrions faire beaucoup plus ici en ce qui touche les changements
de structures et le budget des dépenses. Il nous faut constamment examiner la
façon dont évoluent les règles. Je vois le système des comités se modifier et,
selon moi, la réforme des règles est un exercice permanent. Nous avons cerné
des erreurs dans la dernière réforme, et nous savons ce qui rendrait
probablement la vie plus facile au simple député. L'une des choses dont je suis
le plus fier touche aux déclarations du vendredi matin occasion donnée aux
simples députés de parler des questions qui les préoccupent. Cela fonctionne
très bien. Nous avons inséré plusieurs recommandations sur la procédure dans le
dernier train de réformes. Vous savez, ces petites choses, comme le fait de
pouvoir décrire brièvement le projet de loi qui a été déposé. Quelques petites
choses ont fait de cet endroit un lieu un peu mieux organisé. Je voudrais que
les simples députés des deux côtés de la Chambre aient davantage l'occasion de
se manifester, surtout du côté gouvernemental, parce que, si le Cabinet veut
faire adopter un projet de loi ou un budget des dépenses, il ne tient pas
vraiment à ce que les députés du gouvernement interviennent. Il faudrait donc
multiplier les occasions pour leurs simples députés de soulever les questions
qui les préoccupent.
Angus
Ree : Voulez-vous dire que, comme leader parlementaire, il vous est
davantage possible d'exercer une influence en faveur de changements aussi
progressifs qu'il ne vous serait possible de le faire si vous n'étiez qu'un
simple député provincial ?
Mark
Rose : Oui, parce que je siège également au Conseil de régie interne, et je
traite avec des gens qui peuvent apporter de tels changements. Vous savez, je
ne garde pas mes plaintes pour moi tout seul comme on a tendance à le faire. Je
suis en relation constante avec le leader parlementaire du gouvernement. Je
suis en compagnie du président et d'autres personnes, à titre officiel ou non
officiel, au cours de manifestations sociales variées réunissant les deux
partis.
Austin
Pelton : L'une des choses qui me plaît le plus au sujet du
Parlement et au sujet
de la fonction de président, comme celle de président adjoint, c'est que ce
sont là des fonctions imprégnées de tradition et d'histoire. Vous parlez
d'évolution. C'est bien le cas ici, mais le processus est extrêmement lent,
jusqu'à s'étaler sur des centaines d'années. Évidemment, comme le laisse
entendre Mark, nous pouvons de temps à autre modifier les règles pour le bien
de la Chambre et pour le bien de tous ceux qui y travaillent. Mais, comme je le
dis, j'aime beaucoup les traditions qui ont cours à la Chambre, et je serais
chagriné de constater que des changements ont eu pour résultat de supprimer
certaines des traditions qui ont cours ici et que la Chambre se doit de
défendre.
Angus
Ree : Je ne sais pas de quelle façon pourrait évoluer le rôle du whip. Ce
serait peut-être plus facile si nous disposions d'une grande baguette, comme
des amendes pour obliger les députés à rentrer dans le rang, mais je ne crois
pas que cela soit nécessaire. Cela nuirait au poste et à la charge elle-même,
et l'on y perdrait davantage que l'on y gagnerait.
M.
Gabelmann : Je ne pense pas non plus qu'il soit nécessaire de
modifier la charge de whip de l'opposition. Le seul changement important qui,
je crois, pourrait être apporté a trait au whip du gouvernement. Plus
précisément, il faudrait examiner la question à savoir si, oui ou non, comme en
Grande-Bretagne, le whip devrait faire partie du Cabinet. Il existe
certainement de bons arguments en faveur de ce changement. C'est une position
qui me paraît logique. Je me souviens de la période où j'étais whip du
gouvernement, il y a déjà longtemps. Mes fonctions auraient été plus faciles à
exercer si j'avais détenu les renseignements de première main.
Angus
Ree : J'abonde dans votre sens, et c'est un sujet que je n'ai pas abordé,
mais, si l'on est proche du Saint des Saints, on est davantage au courant de ce
qui se passe et il est alors plus facile de traiter avec la Chambre. Dans le
système actuel, je suis rarement informé de ce qui se passe tant qu'un projet
de loi n'est pas examiné en caucus. Même le leader parlementaire, en sa qualité
de ministre du Cabinet, n'a pas le droit de m'en instruire.
D'autres
problèmes?
Mark
Rose : J'ai pensé que Colin pourrait dire quelques mots de son impatience
touchant non seulement les absences justifiées, mais aussi les absences
injustifiées.
Angus
Ree : Avez-vous ce
problème, vous aussi?
M.
Gabelmann : Oui, bien sûr. Mais je crois que la différence entre
le whip de l'opposition et le whip du gouvernement, en ce qui a trait au
problème des absences injustifiées, est que l'absentéisme ne dérange pas
vraiment le whip de l'opposition, sur un plan autre que politique; à la
limite, peu importe que 16 ou 6 de nos députés soient présents. Nous ne
gagnons ni ne perdons le pouvoir. Mais pour Angus et n'importe quel whip du
gouvernement, les absences injustifiées constituent un problème majeur
puisqu'elles pourraient conduire à la chute d'un gouvernement. Pour mes
collègues, je crois, cela ne fait pas une grande différence que nous disposions
de 6 députés ou bien de 16, même si, pour ma part, cette différence est
importante. Bien des gens ne se font aucun scrupule de partir pour quelques
heures sans songer à m'en informer. Cela arrive assez souvent et c'est très
frustrant.
Je me
souviens d'un vendredi où j'avais permis aux députés de disposer, dans chaque
cas pour d'excellents motifs (ce n'est pas comme s'ils étaient partis en
congé, s'ils étaient partis s'occuper de leurs circonscriptions ou s'ils
vaquaient à leurs occupations normales) et, à 11 h 30 le vendredi
matin, j'ai découvert qu'il y avait cinq députés de notre caucus sur les lieux
et que six autres étaient partis sans juger bon de m'en informer. C'est parfois
frustrant, mais, si vous vous démontez pour cela, vous feriez mieux de vous
démettre. Il vous suffit de trouver la bonne attitude à adopter. En dernière
analyse, on ne peut vraiment rien faire pour changer les autres; nous
avons affaire des adultes, ils se sont fait élire, ils sont responsables
devant leurs électeurs et devant eux-mêmes, mais, voilà la notion même de
responsabilité variera selon chacun.
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