John Fraser
Immunité des députés contre les poursuites civiles,
le Président David Carter, Assemblée législative de l'Alberta, le 4 mai
1987.
Contexte : Le 30 avril 1987, le député de Calgary Buffalo, (M. Chumir)
signifiait au l'Organisation des carrières et de l'Emploi (M. Orman) et au
trésorier provincial (M. Johnson) une requête introductive d'instance,
contresignée par trois autres membres du caucus libéral. Les plaignants
alléguaient que les ministres avaient enfreint la loi en négligeant de verser
une somme de 110 millions de dollars détenue par a Western Canadian Lottery
Corporation au Fonds du revenu général. Les ministres en cause invoquaient que
la signification d'une telle requête dans l'enceinte du Parlement constituait
une violation des privilèges et immunités traditionnels accordés aux députés en
matière civile. Ils prétendaient que l'affaire avait été discutée en comité et
débattue à l'Asse et que le gouvernement avait répondu à ces allégations. Selon
eux la démarche visant à déplacer le avec la question de privilège débat
c'est-à-dire devant les tribunaux, portait atteinte aux privilèges de toute
l'Assemblée.
M. Chumir disait qu'il avait cherché en vain dans les textes
faisant autorité et sur lesquels s'appuie le Règlement de la Chambre, une
opinion voulant que la manière de signifier la requête, ou que cette requête
elle-même, viole les privilèges de la Chambre. Il citait le commentaire 66 de
Beauchesne qui rappelle que « ni la Chambre, ru ses membres n'ont jamais prétendu
devoir être soustraits à la l'intérieur des locaux de la Chambre...
Le Président de l'Assemblée devait décider si faction
constituait à première vue une violation de privilège.
Décision du Président David Carter :
La présidence souhaite formuler quelques observations.
Premièrement, en ce qui concerne l'opinion voulant que Beauchesne soit la
principale autorité en la matière, il ne faudrait pas perdre de vue que
l'autorité suprême devrait être le Règlement de l'Assemblée législative ou la
Loi constituant l'Assemblée législative, qui régissent
le fonctionnement de cette Assemblée. Par conséquent, bien qu'on ait fait
référence a Beauchesne, il faudrait replacer son opinion dans la perspective,
notamment d'un article de la Loi constituant l'Assemblée législative, qui n'a
pas été cité cet après-midi, à savoir, le paragraphe 9(l) régissant les
privilèges immunités et pouvoirs en général et je cite :
En plus des privilèges, immunités et pouvoirs qui sont
respectivement conférés aux députés par cette loi, l'Assemblée et ses membres,
de même que ses comités et leurs membres, ont les mêmes privilèges, immunités et
pouvoirs que ceux dont jouissaient respectivement au Royaume-Uni les députés de
cette Chambre, ses comités et leurs membres, au moment de l'adoption de la Loi
constitutionnelle de 1867.
Or, si la présidence a jugé bon de faire état de cet
extrait, c'est en raison des autres références qui ont été faites au cours de
l'après-midi à la tradition en matière de pratique parlementaire et, en
particulier, à Erskine May. C'est en effet au chapitre 7 de la vingtième édition
de cet ouvrage et peut-être aussi à certains passages du chapitre 8, que se
retrouvent la plupart des paramètres de notre discussion.
La présidence vous lira également un passage du chapitre 7
d'Erskine May, intitulé « Origine et étendue du privilège » qui
commence ainsi :
On a affirmé ... que le privilège parlementaire tire son
origine de la protection que le Roi accordait à ses serviteurs, mais qu'il
constitue de nos jours un droit distinct. La protection dont ont joui de tout
temps, les députés du Parlement contre toute forme d'arrestation ou de
coercition s'est révélé indispensable, d'abord pour le
service de Sa Majesté et, plus tard, pour le fonctionnement des deux
Chambres.
La présidence fait ici une pause parce que le mot
« coercition » mérite d'être précisé, notamment en rapport avec la
question de privilège soulevée aujourd'hui.
Je poursuis ma citation :
« La principale raison qui justifie l'existence de ce privilège a également
été bien expliquée par Hatsell ». Voilà donc une autre source d'information
sur la pratique parlementaire. Donc, toujours à la page 97 de la vingtième
édition d'Erskine May, on lit ce qui suit :
Comme la constitution de tous les tribunaux de l'appareil
judiciaire prévoit absolument et essentiellement, pour qu'ils soient en mesure
d'exercer pleinement leurs pouvoirs, que tous ceux qui se présentent devant eux,
que ce soit à titre de juges ou de parties, devraient jouir de certains
privilèges de façon à se soustraire à toute coercition durant leur comparution,
il est d'autant plus essentiel que les membres qui composent le Parlement,
c'est-à-dire la première et la plus haute cour du Royaume, ne soient pas
empêchés, par des interruptions futiles, d'accomplir l'important devoir qui leur
incombe, mais qu'ils soient exemptés pendant un certain temps, de répondre à
toute exigence qui n'est pas directement liée aux intérêts supérieurs de la
nation; c'est en vertu de ces principes, qu'on a toujours prétendu et admis que
les membres des deux Chambres devraient avoir le droit de se soustraire à
certaines obligations durant leur présence au Parlement et, partant, de ne pas
être assujettis à certaines obligations d'ordre légal auxquelles leurs
concitoyens, qui n'exercent pas le précieux mandat dont ils sont investis, sont,
de par la loi, obligés de se conformer.
La présidence souligne ici l'expression « et, partant, de ne
pas être assujettis a certaines obligation d'ordre légal ». Naturellement, le
problème soulevé se rapporte non seulement à la signification des documents,
mais aussi à la question de savoir si l'endroit où ils ont été signifiés est
valable, et si la coercition se définit comme une agression contre la personne
physique, ou bien sil suffit, pour cela de nuire aux activités du
député.
On a également indiqué que je ne pourrais m'appuyer sur
aucun précédent dans cette affaire, et la résidence en convient. De fait, la
Chambre ne connaît aucun précédent de cette nature, peut-être en raison de la
gravité des faits qui sont survenus.
En ce qui concerne la question en litige, qui porte sur le
versement d'une somme provenant de la loterie, ou plus exactement sur la requête
telle que signifiée, il existe en réalité un autre moyen de recourir aux
tribunaux. La présidence estime d'ailleurs que le député de Calgary Buffalo
connaît très bien ce moyen, qui aurait permis à l'action en justice de suivre
son cours autrement que par la voie qu'on a jugé bon d'emprunter.
Après avoir écouté attentivement les arguments invoqués, la
présidence, juge qu'à première vue, il y a eu, en l'espèce, une violation de
privilège. La présidence note également que le Trésorier provincial a donné avis
d'une motion qui sera déposée très bientôt.
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