John Holtby
The Case of Valentine Shortis: A True
Story of Crime and Politics Canada,
Martin L. Friedland, Presses de l'Université de Toronto,
Toronto, 324 pages.
Bon
nombre des ouvrages recensés dans cette rubrique présentent un intérêt pour
ceux qui participent à la vie parlementaire. Il est cependant rare que les
députés aient le loisir de les lire. Submergés de dossiers et de documents, ils
doivent compter le temps consacré à la lecture. Ce n'est donc pas à la légère
que nous leur recommandons de se procurer The Case of Valentine Shortis. De
lecture agréable, ce livre traite d'un sujet d'actualité puisque le Parlement
s'apprête à voter sur la peine capitale. il soulève également des questions
fondamentales qui méritent d'être prises en considération par les députés et
les sénateurs, au moment de ce débat sur la vie et la mort. Martin Friedland
relate l'histoire vécue d'un criminel et décrit en même temps le système
judiciaire et la vie politique de l'époque, dans un récit qui ne manque pas de
suspense.
En 1985,
Valentine Shortis était trouvé coupable de meurtre et condamné a mort. Appelé à
deux reprises à se prononcer sur la commutation de cette peine, le cabinet du
premier ministre Mackenzie Bowell n'était pas parvenu à trancher la question.
Les ministres, étant incapables de s'entendre sur ce dossier embarrassant, le
transmirent directement au gouverneur général Lord Aberdeen, soupçonné à
l'époque d'être fortement influencé par sa femme. Lord Aberdeen ordonna de
commuer la peine de mort de Shortis « en peine d'emprisonnement à vie pour cause
d'aliénation mentale ou pour tout autre motif plus approprié ». Cette décision
devait déclencher un véritable tollé politique.
Il y
avait à peine dix ans que Louis Riel avait été pendu après un recours semblable.
Plus tôt cette même année, Amédée Chatelle avait lui aussi été pendu après que
sa demande de commutation eut été rejetée. Existait-il deux sortes de peine,
une pour les Canadiens français, comme Riel et Chatelle, et une autre pour les
Irlandais comme Shortis? Pourquoi la femme du gouverneur général avait-elle
montré tant d'intérêt pour cette affaire? Pourquoi le catholique irlandais,
Joint Consigna, ministre des Pêches, avait-il rendu visite au gouverneur
général?
Les
commutations de peine sont finalement des décisions politiques. On fait
pression sur les hommes politiques et, dans certains cas, on essaie même de les
corrompre. Les alliances politiques sont soumises à rude épreuve et parfois
même détruites. Tout cela s'est produit dans le cas de Shortis. Le cabinet
avait délibéré sans fin pendant des jours. L'affaire avait été débattue à la
Chambre des communes, jusqu'à même devenir un enjeu électoral qui, en 1896,
venait s'ajouter aux conflits raciaux et religieux entourant la question
scolaire au Manitoba.
L'affaire
Shortis touche de nombreux aspects du débat actuellement en cours au Canada :
l'interprétation de la loi par les hommes politiques et ensuite par les
tribunaux; l'égalité des riches et des pauvres devant la loi; l'attitude de
l'État envers les personnes condamnées, et les questions de réhabilitation.
Après plus de 42 ans de détention, Valentine Shortis est sorti de
prison en 1937 comme « un étranger en terre inconnue ». Sa libération a été aussi
une décision politique. Il fut autorisé à joindre les rangs de l'armée et tout
porte à croire qu'il a bien vécu. Il mourut à Toronto en 1941. Même s'il a été
enseveli dans l'anonymat, il a laissé une empreinte sur la vie politique,
juridique et pénale au Canada. L'affaire Shortis a entraîné l'intervention de
cinq premier ministres, de Bowell à King, et d'autres personnalités publiques
importantes dont les carrières couvrent plus de 150 ans, le dernier étant
l'honorable J. C. McRuer.
Comme
l'écrit l'auteur, « La justice peut en théorie être aveugle, mais dans la
pratique, elle devient trop humaine. L'issue du procès la commutation, ... la
libération, peuvent toutes avoir été influencées par un simple lapsus de la
part du rédacteur du Code criminel, ... la réaction de la presse, l'opinion publique,
la vulnérabilité du gouvernement, les larmes d'une mère, la fortune d'un père,
l'intérêt constant manifesté par Lady Aberdeen et son amitié pour d'éminents
hommes politiques, de même que par bien d'autres facteurs encore ».
Pour les
députés qui rédigeront peut-être en comité un projet de loi sur la peine
capitale et pour ceux qui se prononceront sur le projet de loi, The Case of
Valentine Shortis est un livre à la fois important et captivant. Tout député,
sénateur ou membre de leur personnel devrait l'inclure dans sa liste d'ouvrages
« à lire absolument ».
John Holtby
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