David LaBallister
The Road Back, J. W. Pickersgill, Presses de l'Université de Toronto,
Toronto, 1986, 255 pages.
Parmi l'avalanche d'ouvrages politiques qui s'abattent sur les rayons des
bibliothèques ces temps-ci, s'il en est un que le chef du parti libéral John
Turner et son caucus parlementaire devraient se faire un devoir de lire, c'est
bien The Road Back de Jack Pickersgill. Ce livre ne manquera pas non plus
d'agrémenter les loisirs des férus de politique quelle que soit leur
allégeance. The Road Back rappelle de façon très intéressante les années où le
Parti libéral a été dans l'opposition sous le règne de Diefenbaker, soit entre
1957 et 1963.
Pickersgill n'a rien perdu de son esprit partisan, qui se révèle nettement dans les
descriptions qu'il fait des questions et des personnalités qui ont marqué cette
période mouvementée de la politique canadienne. Cela est particulièrement
évident dans le portrait que l'auteur brosse de son ennemi juré, John
Diefenbaker. Le temps n'a pas changé sa vision du personnage qui, de son côté,
avait déjà décrit Pickersgill comme le seul député qui, à sa connaissance,
pouvait se pavaner même assis. Pickersgill avoue qu'il n'a jamais manqué
l'occasion d'affronter Diefenbaker et qu'il l'a même quelquefois provoqué.
Malgré l'empreinte partisane, la description que fait Pickersgill des événements qui
se sont déroulés sous le gouvernement conservateur minoritaire en 1957 et du
raz-de-marée qui a reconduit Diefenbaker au pouvoir en 1958 nous fait voir très
clairement la situation telle que la perçoit l'un des rares survivants libéraux
de cette époque.
Le livre débute par le récit de la victoire surprise du populiste des Prairies sur
le grand patron, l'oncle Louis. Il nous mène ensuite à travers la course au
leadership du Parti libéral et l'élection du nouveau chef, Lester Pearson.
L'auteur nous conduit de façon fort intéressante dans les coulisses du congrès
et nous donne les raisons de la décision fatidique de Pearson d'exiger la
démission immédiate du nouveau gouvernement conservateur. Ce geste devait
inciter Diefenbaker à prononcer ce que d'aucuns qualifient de meilleur discours
politique de sa carrière, donnant ainsi le coup d'envoi de la campagne
électorale de 1958 à l'issue de laquelle les conservateurs obtiendront la plus
forte majorité de toute l'histoire canadienne, jusqu'au balayage de Mulroney en
1984.
Sans cacher son parti pris, Pickersgill raconte ensuite en détail ce qu'il appelle
les trois phases de la période Diefenbaker où le Parti libéral était dans
l'opposition, à savoir : la marée montante, le reflux et la désintégration du
gouvernement en 1963. C'est des premières loges que nous sommes témoins des
événements et voyons évoluer les personnalités du temps. Nous assistons
notamment à l'affrontement entre la GRC et les bûcherons en grève dans sa
province natale de Terre-Neuve, à l'affaire James Coyne et aux difficultés du
gouvernement Diefenbaker sur la question des armes nucléaires, qui entraîneront
finalement sa chute et la victoire des libéraux le 8 avril 1963, sous la
direction de Lester B. Pearson. L'auteur nous fait également participer à la
première session du Parlement au cours de laquelle il remplit, entre autres
rôles, celui de leader du gouvernement.
Le fait que Pickersgill ait choisi de jalonner son texte de titres courts plutôt
que de le diviser en chapitres bien distincts fait ressortir le caractère de
journal que l'auteur a voulu donner à son ouvrage. L'idée d'insérer des
caricatures politiques au lieu des traditionnelles photos qu'on retrouve si
souvent dans les mémoires des hommes politiques est, à mon avis, originale et
vivante à la fois.
Il n'est pas facile de comparer, dans l'opposition, les libéraux de 1957 avec ceux
de 1984, car les circonstances, les personnalités et les événements ne sont
jamais les mêmes, surtout en politique! Mais, comme le dit Pickersgill, la
défaite des libéraux en 1984 a été aussi amère que la nôtre en 1957. Il note
quelques similitudes entre son époque et celle d'aujourd'hui et dispense des
conseils à ses collègues libéraux qui sont actuellement dans les tranchées.
Pickersgill fait sien le dicton selon lequel les gouvernements sont les artisans de leur
propre défaite. Il impute à Diefenbaker 70 p. 100 de la chute de son
gouvernement en 1963 et 30 p. 100 aux libéraux. Il parle de la performance des
libéraux en Chambre, du bain de jouvence qu'ils ont donné à l'organisation de
leur parti et de l'habileté qu'ils ont eue à convaincre les Canadiens qu'il y
avait un autre chemin et d'autres moyens conduisant au succès. Les membres actuels
de l'opposition officielle auraient peut-être avantage à méditer certains
points de vue de Pickersgill.
Espérons que Jack Pickersgill n'attendra pas une autre décennie avant de récidiver. Son
talent d'écrivain sait captiver notre intérêt et bien qu'il ait un parti pris
certain (ce qu'il faut toujours garder à l'esprit), nous espérons pouvoir
encore compter sur sa perspicacité pour nous éclairer sur la vie politique de
notre pays après 1963. En attendant, tous ceux qui s'intéressent à cette
période toujours fascinante de notre histoire politique devraient absolument
lire The Road Back. Pour le Parti libéral, The Road Back, le chemin du retour,
pourrait servir de guide sur la route de l'avenir.
David LaBallister Ottawa
|