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Paul Benoit

The Imperial Canadian : Vincent Massey in Office, Claude Bissell, Presses de l'Université de Toronto, 1986, 361 pages.; Her Excellency Jeanne Sauvé, Shirley E. Woods, MacMillan, Toronto, 1986, 242 pages.

Les biographies de deux gouverneurs généraux canadiens, Vincent Massey et Jeanne Sauvé, ont été publiées récemment. La première, rédigée par Claude Bissell, est plus documentée et fait davantage autorité; la deuxième, signée par Shirley Woods, est plus journalistique et anecdotique. Elles sont toutes deux de lecture agréable – le style de Bissell affichant même parfois une certaine élégance – mais surtout, elles ont un grand souci du sujet traité. Elles ne nous révèlent cependant rien de neuf sur le caractère de l'un ou de l'autre personnage, et ne nous en apprennent pas davantage sur leur entourage, l'époque où ils ont vécu ou le poste qu'ils ont occupé. La seule exception, à mon point de vue, serait le chapitre de Woods sur Maurice Sauvé, qui nous fait réaliser à quel point ce personnage isolé a été un homme de transition, tout aussi mal à l'aise avec les libéraux ancien style de M. Saint-Laurent qu'avec la nouvelle garde de M. Trudeau. À bien des égards, pourtant, son action a été indispensable pour établir un pont entre l'un des principaux mouvements sociaux précurseurs de la Révolution tranquille et le gouvernement fédéral à Ottawa.

Pour en revenir à la biographie de Bissell, qui est la plus importante des deux, il est un peu frustrant de constater qu'un ouvrage aussi bien écrit jette si peu de lumière sur les événements. Les rôles d'importance que Massey a été successivement appelé à jouer, en tant que haut commissaire à Londres, mécène, chancelier de l'Université de Toronto, président de la Commission royale d'enquête sur les arts, et gouverneur général, sont tous dépeints avec brio. L'auteur, avec la sensibilité esthétique d'un homme cultivé, réussit à fondre ensemble une documentation bien organisée (écrits, papiers personnels, procès-verbaux officiels). Mais l'ouvrage demeure, somme toute, assez terne. Après l'avoir lu, nous n'avons aucune idée de la vision du monde qu'avait Vincent Massey, des motivations qui le guidaient. Bien qu'il ait occupé les plus hautes fonctions au Canada et qu'il ait fréquenté la haute société britannique, on garde l'impression que c'est avec une certaine amertume qu'il a vécu la dernière moitié de sa vie. La carrière politique, et plus précisément la carrière ministérielle, qui lui aurait permis d'avoir prise sur la gestion des affaires publiques, lui a échappé. Constamment contrarié par Mackenzie King, Massey semble avoir perçu ses plus hautes nominations comme autant de prix de consolation. Quoi qu'il en soit, l'auteur aurait pu explorer davantage les rapports qu'il a eus avec Mackenzie King : cela nous aurait donné ne serait-ce qu'un aperçu de ce qui distinguait l'humain du personnage officiel qu'était Vincent Massey. Nous n'apprenons rien non plus sur le sens social et politique de sa carrière. Pour quelle raison toutes les valeurs qu'il défendait : la nécessité de soutenir les arts, de maintenir nos liens avec la Grande-Bretagne, de garder à la vie publique son caractère protocolaire, de conserver les distinctions sociales, ont-elles été, bien qu'officiellement admises, tôt ou tard éclipsées par ce que Bruce Hutchinson a appelé le « triomphe de la médiocrité » de Mackenzie King?

Pourquoi sa vision du Canada, qui était un prolongement contemporain de celle des Pères de la Confédération, n'a-t-elle pas triomphé? Parmi la génération de Canadiens arrivés à la fleur de l'âge pendant l'entre-deux guerres, pour quelle raison y a-t-il eu des gens, comme Massey, qui se sont sentis parfaitement à l'aise en Grande-Bretagne et si peu aux États-Unis, alors que d'autres, qui ont vécu à la même époque et qui ont eu des antécédents similaires, ont éprouvé presque le sentiment inverse? Telles sont les principales questions et énigmes auxquelles il n'est pas possible de trouver réponse dans The Imperial Canadian.

Paul Benoit
Vice-président, La ligue monarchiste du Canada
Ottawa


Canadian Parliamentary Review Cover
Vol 10 no 1
1987






Dernière mise à jour : 2020-09-14