John Fraser
La période des questions et les nominations par décret, M. le Président John Fraser, Chambre des
communes, le 11 décembre 1986.
Contexte : Lorsque
des réformes d'envergure sont introduites dans une institution, il s'écoule du
temps avant qu'elles s'intègrent parfaitement au système. Les règles adoptées en
février 1986 donnant le droit d'examiner les nominations faites par le
gouvernement ont fait l'objet de nombreux appels au règlement lors des questions
de privilège. Le 6 novembre 1986, par exemple, le vice-premier ministre a
invoqué le Règlement. Il mettait en cause l'opportunité des questions posées
pendant la période des questions sur les personnes nommées par décret. Ces
questions ne devaient par être abordées à la Chambre lorsqu'un comité en était
saisi.
Décision du Président John Fraser : On trouve dans le rapport du Comité spécial de la réforme de la
Chambre, publié en juin 1985, cette phrase aux accents prophétiques qui convient
parfaitement ici : « En présentant des recommandations au sujet de l'examen
et de la confirmation de certaines nominations, nous nous aventurons sur un
terrain inexploré. »
La présidence est parfaitement
d'accord. Il ne serait pas inutile, au début de cette décision, de passer en
revue les articles 103 et 104. L'article 103 du Règlement exige qu'un ministre
de la Couronne dépose, suite à leur publication dans La Gazette du Canada, copie
de nominations par décret en dedans de cinq (5) jours de séance. Au moment de
leur dépôt, elles sont renvoyées devant un comité permanent déterminé pour une
période ne devant pas excéder trente (30) jours.
L'article 104 dispose que le
comité, doit, s'il le juge approprié, convoquer pour une période d'au plus dix
jours de séance les personnes nommées ou dont on propose la nomination. Le même
article dit clairement que le comité doit examiner les titres, les qualités et
la compétence de ces personnes. De l'avis de la présidence, les pouvoirs
d'examen du comité sont étroitement circonscrits et ne portent que sur les
qualités de ces personnes et leur capacité d'exécuter les fonctions du poste en
cause; les questions posées au comité et les rapports doivent
porter strictement sur les titres, les qualités et les compétences et sur
l'exécution des fonctions.
La présidence se doit d'ajouter
qu'il n'est pas impératif pour un comité de réviser ces nominations par décret
lorsqu'elles leur sont renvoyées puisque l'article 104 du Règlement laisse
explicitement à la discrétion du comité de décider quelle nomination par décret
sera révisée, s'il v a lieu.
Pour aborder le problème des
questions posées pendant la période des questions sur les personnes nommées par
décret, il me semble utile de faire ressortir une analogie avec le mandat précis
de deux autres comités. L'alinéa 96(3)(f) dispose que tous les rapports du
vérificateur général sont réputés renvoyés en permanence au comité des comptes
publics dès leur dépôt à la Chambre. L'alinéa 96(4)(a) prévoit que le rapport
annuel du commissaire aux langues officielles est réputé renvoyé en permanence
au Comité mixte permanent des langues officielles dès qu'il est
déposé.
Serait-il par conséquent
contraire à nos règles que des députés interrogent le Ministère, pendant la
période des questions, sur les rapports du vérificateur général et du
commissaire aux langues officielles, tout simplement parce que ces rapports sont
automatiquement renvoyés à des comités permanents de la Chambre dès qu'ils sont
déposés et que ces comités ont la possibilité de les examiner? Bien qu'il n'y
ait pas de décisions portant précisément sur ce point, nous n'avons pas
constaté, à l'examen des précédents, que des députés se soient plaints de questions posées au
sujet de tels rapports, au cours de la période des questions. En fait, on
constate plutôt, en lisant le hansard, que de nombreuses questions sont
effectivement posées à ce sujet, après le renvoi des rapports en cause aux
comités compétents.
L'honorable député de Kamloops–Shuswap (M. Riis) a remarqué avec précision que les nouveaux comités
permanents de la Chambre ont maintenu une autorité si vaste que presque toutes
les questions de la période des questions seraient irrecevables si elles avaient
la possibilité d'être revues par un comité permanent.
Dans la déclaration qu'il a faite
à la Chambre le 14 avril 1975, au sujet de la période des questions, M. le
Président Jerome a dit : « On a beaucoup parlé des précédents au sujet des
restrictions, des rejets ou des atteintes portées au droit des députés de poser
des questions. Ce n'est pas de cette façon que je préfère m'y prendre pour
tenter d'établir une façon de procéder rationnelle et pour comprendre comment la
période des questions devrait se dérouler. Je préfère adopter une attitude
positive et arriver à une déclaration de principe, qui précise les circonstances
dans lesquelles on peut poser des questions, et réduire au minimum les
conditions négatives qui pourraient limiter le droit d'un député à en poser.
Guidée par ce principe, la
présidence décide donc qu'en général, les questions posées au ministère au sujet
des nominations par décret sont admissibles, surtout si elles s'assortissent à la
compétence administrative du gouvernement. Par ailleurs, je dois dire à la
Chambre, comme je l'ai fait le 6 novembre, que, par souci de bienséance et
d'équité, et sans empêcher les députés de s'occuper avec diligence des questions
d'intérêt public, je n'hésiterai pas à déclarer irrecevables des questions qui,
à mon avis, dépassent les bornes.
La présidence souhaite remercier
le vice-premier ministre pour avoir soulevé la question. Elle remercie également
de leur contribution le député de Kamloops–Shuswap et le député d'Ottawa–Vanier
(M. Gauthier). Je dois ajouter que la présidence se sent rassurée du fait que la
nouvelle procédure d'examen des nominations par décret créera des précédents qui
renforceront ultimement les articles 103 et 104 du Règlement.
Par souci d'équité, je voudrais
aussi ajouter que les personnes qui comparaissent devant les comités n'ont
probablement jamais auparavant été soumises à une procédure semblable. Il
incombe à tous les députés de reconnaître que ces personnes nommées pour servir
leur pays et que les questions les concernant, qui peuvent parfaitement être
posées au comité, devraient être formulées avec une certaine délicatesse. Comme
je l'ai dit, la plupart des gens, s'ils ont un peu de chance, n'ont jamais à
comparaître devant un comité habilité à leur poser toutes sortes de questions
auxquelles ils ne s'attendent pas, dans certains cas.
Les députés qui ont une certaine
expérience de la procédure judiciaire, comme plaideurs ou comme membres du
Bureau, savent certainement combien il peut être éprouvant pour une personne de
comparaître comme témoin devant un tribunal. Je voudrais donc demander à tous
les députés de prendre bien soin, lorsque des citoyens sont nommés à une charge
publique par le gouvernement du Canada, de les traiter en tout temps avec
courtoisie et équité pendant leur comparution au comité.
Je voudrais, une fois de plus,
remercier le vice-premier ministre pour avoir porté cette question à l'attention
de la présidence. J'espère que ces observations aideront les députés et les
comités à traiter de façon appropriée les citoyens qui viennent témoigner devant
eux.
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