Hugh Edihoffer
La divulgation prématurée de la politique
gouvernementale. Président Hugh Edighoffer, 10 juin 1986, Assemblée législative
de l'Ontario.
Contexte : Le 5 juin, le député de Brantford, M. Gillies, a soulevé une
question de privilège au sujet de mesures législatives dont les détails auraient
paru dans la presse avant d'être révélés à la Chambre. Il a également déclaré
qu'un adjoint du ministre de l'Environnement et un adjoint du ministre du
Logement avaient violé leur serment de discrétion et outragé la Chambre en
discutant avec la presse les détails de lois et d'amendements dont la Chambre
était saisie. Une fois qu'on invoque une question de privilège, le Président
doit décider si les faits allégués peuvent raisonnablement constituer une
atteinte au privilège et, de ce fait, avoir priorité sur les autres affaires de
la Chambre. Il n'est pas de son ressort de dire s'il y a eu ou non atteinte au
privilège, car c'est à la Chambre seule qu'il revient d'en décider.
Décision du Président Hugh Edighoffer : Il serait peut-être utile que je
rappelle à nouveau la nature du privilège parlementaire. Le privilège
parlementaire se rapporte aux droits et immunités du Parlement, de ses membres
et d'autres personnes, droits essentiels au fonctionnement du Parlement. Ces
droits et immunités permettent au Parlement de jouer son rôle constitutionnel, à
ses membres de s'acquitter de leurs responsabilités envers leurs électeurs et
aux autres personnes concernées par le processus parlementaire, de remplir leur
devoir et leurs fonctions sans entrave ou crainte de poursuite.
Les principaux privilèges de la Chambre et de ses membres
comprennent le droit de s'exprimer librement au Parlement, l'immunité des
députés contre l'arrestation, la détention ou la molestation pour des affaires
civiles durant des périodes déterminées, le droit de refuser de faire partie
d'un jury, le pouvoir de la Chambre de se réglementer en établissant ses propres
règles et règlements, le pouvoir de traduire devant la Chambre les personnes
dont la conduite lui aura été signalée à propos d'une question de privilège et
le pouvoir de faire arrêter et emprisonner les personnes coupables d'outrage ou
d'atteinte au privilège.
Il arrive rarement que l'Assemblée soit saisie d'une
question de privilège qui réponde à la définition réelle, reconnue et
traditionnelle du privilège parlementaire.
Je comprends la distinction que l'honorable député a voulu
faire entre les déclarations politiques faites à l'extérieur de la Chambre sur
des questions qui n'y sont pas à l'étude et les déclarations qui se rapportent à
des modifications précises et des lois déterminées, dont elle est saisie.
Toutefois, il est clair, d'après les précédents établis dans cette Chambre et
dans d'autres, que le privilège parlementaire ne s'étend pas et ne s'est jamais
étendu à l'obligation de faire les déclarations ou les exposés de politique en
Chambre, quelle que soit l'importance du sujet.
De plus, les ouvrages de référence ne mentionnent aucun cas
d'atteinte au privilège parlementaire du seul fait que les représentants du
gouvernement aient annoncé publiquement les intentions de celui-ci au sujet
d'amendements ou de lois que la Chambre est en train d'étudier. De fait, cette
pratique est déjà répandue depuis des années. Comme mes prédécesseurs et
moi-même l'avons déclaré, pareilles déclarations, faites hors de la Chambre,
peuvent constituer un grief légitime et il y entre à coup sûr un élément de
courtoisie et de respect envers la Chambre et ses membres. Toutefois, elles ne
constituent pas une atteinte au privilège.
Que les adjoints des ministres de l'Environnement et du
Logement aient ou non violé leur serment de discrétion est une question de droit
sur laquelle, selon les spécialistes, le Président ne doit pas se prononcer. Je
suppose qu'une telle question pourrait donner lieu à un recours devant les
tribunaux, si elle était fondée.
Tout en reconnaissant à première vue qu'il ne s'agit pas
d'une question de privilège, la Chambre peut quand même étudier de plus près
l'affaire, mais sans lui accorder la priorité qu'elle aurait eue si elle avait
été une question de privilège, et rien n'empêche qu'elle soit présentée sous une
autre forme, en faisant, par exemple, un avis de motion émanant d'un
député.
J'espère que les députés tiendront compte de ce qui précède
dans d'autres cas, car je me suis efforcé d'exposer ici en quoi consiste le
privilège parlementaire.
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