David Taras
Politicians for Peace, de Douglas Roche, Toronto, NC Press, 1983, 175 pages.
Depuis 1980, Douglas Roche occupe le poste de
président international des Parlementaires pour un ordre mondial (POM),
organisme regroupant des parlementaires élus de plus de cinquante pays qui sont
convaincus qu'il faut freiner immédiatement la course aux armements nucléaires
et s'attacher de toute urgence à combler le fossé qui sépare pays riches et pays
pauvres. À titre de président de l'association, M. Roche a visité les capitales
de nombreux pays, exposé la cause que défend son association aux Nations Unies
et participé au mouvement international pour la paix dont l'ampleur ne cesse de
croître. M. Roche, qui a fait sienne la croisade des POM, en est aussi l'un des
principaux architectes.
Politicians for Peace est un manifeste exposant le
plan des POM pour un changement global. Son thème est que la course effrénée
aux armements nucléaires et la misère croissante du Tiers-Monde font peser sur
l'humanité la menace d'une catastrophe. M. Roche soutient que les sommes
énormes consacrées actuellement à l'armement devraient plutôt servir à enrayer
la famine et la maladie dans le monde et à éduquer les centaines de millions de
personnes qui ne possèdent pas les connaissances voulues pour s'adapter aux
techniques économiques modernes. Pour favoriser l'avènement d'un nouvel ordre
mondial, les POM proposent un gel des essais, de la production et du
déploiement des armes nucléaires, la suppression progressive de ces armes, la
création d'un organisme international de surveillance chargé de veiller à
l'application des ententes sur le contrôle des armes, la mise sur pied d'une
force policière multinationale dont le rôle serait de maintenir la paix dans
les régions perturbées du globe et la constitution d'un nouveau fonds pour le
développement global. La stratégie des POM se fonde sur la notion que les
valeurs et les attitudes doivent évoluer.
Même si la réalité des dangers décrits par M. Roche ou
la sincérité de ses convictions ne font aucun doute, le ton suffisant et
moralisateur de ses propos et la vision qu'il nous offre du monde ne cessent
pas d'inquiéter. Il semble même se prendre pour l'émissaire attitré de tous les
habitants du globe. M. Roche qui ne fait pas trop preuve de modestie, ne semble
pas avoir fait l'effort de réflexion qu'il demande à ses lecteurs.
Son analyse présente en effet plusieurs failles. En
premier lieu, le manifeste n'expose pas clairement les moyens qui permettraient
d'atteindre les fins visées. Le pacte Kellog Briand et d'autres échecs
historiques du même genre ont pourtant clairement démontré que le désarmement mondial
ne s’obtient pas avec de belles paroles. Le livre aurait été plus crédible si
l'auteur s'était efforcé d'exposer en détail les divers moyens d'instaurer la
confiance, les précautions à prendre pour éviter la déstabilisation que
provoquerait une réduction unilatérale des armements et la solution de rechange
au système de la dissuasion mutuelle.
Deuxièmement, M. Roche ne démontre aucun esprit
critique dans son examen du problème du développement international. On est
même tenté de lui reprocher son manque de courage tant il semble ménager la
susceptibilité des pays en développement. Car s'il faut bien admettre que
l'ancien système impérialiste et les nouvelles méthodes d'exploitation ont
grandement entravé le développement du Tiers-Monde, on
ne peut absoudre de tout blâme des régimes comme ceux d'Idi Amin et de Jean-Bedel Bokassa. M. Roche ne tient cependant nullement responsables des malheurs
de leur pays les dictateurs du Mers monde dont le règne a été marqué par la
corruption morale et la mauvaise gestion économique. Il impute ces déboires
plutôt à la course aux armements et aux systèmes bancaire et commercial
international comme si aucun autre facteur n'entrait en ligne de compte.
Troisièmement, on est en droit de se poser des
questions sur la vision que propose M. Roche du nouvel ordre mondial. Bien que
beaucoup de ceux qui se préoccupent des valeurs démocratiques et des droits de
la personne n'entretiennent plus guère d'illusions sur l'efficacité des Nations
Unies, M. Roche fonde tous ses espoirs sur cet
organisme international. On comprend mal son optimisme. Il n'explique pas dans
son livre comment atteindre ce nouvel ordre global ni comment le maintenir.
L'argument classique invoqué contre l'institution d'un organisme global central
est qu'il peut devenir tyrannique ou injuste, risquant ainsi de menacer la
liberté de tous. En voulant nous délivrer de nos nombreux problèmes, le plan de
M. Roche renferme peut-être les germes d'un avenir encore plus périlleux.
S'il convient de féliciter l'auteur et les POM pour
leur esprit humanitaire et la noblesse de leur objectif, il nous faut bien
conclure que l'ouvrage de M. Roche n'est pas particulièrement informatif ou
utile. Un plan d'action beaucoup plus concret s’impose.
David Taras
Université de Calgary
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