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Entrevue : Howard Johnston de la politique à
la peinture
Howard Johnston est un ancien député de la
Chambre des communes. Après avoir siégé comme membre du
Crédit social de I965 à 1968, il gagna les rangs des
Conservateurs de1974 à 1979. Il demeure à présent à
SaImon Arm (Colombie- Britannique) où il se livre à la peinture
depuis qu ‘il a renoncé à la vie politique. En novembre 1983. M. Johnston était
à Ottawa à I’ occasion d’une de ses expositions de
tableaux au Cercle universitaire. Cette exposition était parrainée
par Maureen McTeer et Joan André. Durant son passage à Ottawa, M.
Johnston fut interviewé par Barbara Benoit pour la Revue parlementaire
canadienne. La version française de cet article a été
établie par Marc Doyen.
De parlementaire
à peintre professionnel, voilà un revirement de carrière
étonnant, M. Johnston. Comment en êtes-vous venu à la
peinture?
J’ai adopté la peinture comme profession
dès que j’ai quitté la politique en 1979. Toute ma vie,
j’ai un peu crayonné et esquissé des portraits que je
donnais habituellement à ceux qui posaient pour moi et ils en
étaient ravis. Mais je n’ai jamais eu de formation comme telle.
J’ai été élevé sur une ferme de la
vallée de l’Okanagan et j`ai abord fréquenté une
petite école qui ne comptait qu’une salle de classe, puis les
petites écoles secondaires d’‘Enderby et de Salmon Arm. Bien
que j’aie un peu étudié l’art à
l’école, je n’ai jamais pu vraiment me spécialiser. A
l’université, j’ai étudié l’anglais et
l’histoire mais plus tard quand j’étais professeur au
secondaire, j’aimais faire occasionnellement de la suppléance en
art. J’ai eu I occasion. au cours d’un été, de suivre
un cours avec Fred Aims, directeur de l’école d’art de
Vancouver.
L’idée de me lancer dans
l’aquarelle m’est venue en l974 alors que je retournais au
Parlement pour la deuxième
fois. Ma femme et moi avions loué un appartement dans une vieille maison
en rangée de la rue MacKay d’où l’on avait vue sur le
parc de la résidence du Gouverneur général.
C’était un endroit magnifique, mais l’appartement lui
même était très long et étroit, avec de hauts
plafonds et des fenêtres à l’avant et à
l’arrière seulement. Les murs latéraux étaient
énormes, blancs et nus. J’ai entrepris de les couvrir
d’aquarelles et d esquisses. ce qui m’a demandé six mois de
travail, de l’automne au mois de juin. Ensuite. j’ai
été trop occupé pour continuer à peindre et je
n’ai repris le pinceau qu’après mon départ de la vie
politique.
En tant qu’artiste professionnel, ce sont des
fleurs que je peins. Ma femme et moi avons visité beaucoup de galeries
au cours des voyages assez fréquents que nous avons faits et il
m’a toujours semblé qu’il y avait un fossé, pour
ainsi dire, dans la peinture florale, c’est-à-dire que la plupart
des toiles vont d’un extrême à l’autre ou bien ce sont
des illustrations botaniques, exactes mais plutôt froides, ou bien de
simples taches de couleur informes qui peuvent tout aussi bien suggérer
des lilas que des glycines. Personnellement je voulais faire des
représentations exactes mais artistiques, c’est-à-dire peindre
non pas simplement une rose, mais
une rose dont on puisse reconnaître la variété. Qui
ait de la vie et de l’éclat et dans laquelle on sente le
mouvement de la brise et les
reflets du soleil.
Quels peintres vous
ont influencé?
L’influence japonaise transparaît
clairement dans mes oeuvres, mais le style n’en est cependant pas
vraiment japonais. Ma femme est canadienne japonaise et je parle moi-même
le japonais. Nous avons plusieurs fois visité le Japon. Mais ma peinture
est plus précise et moins stylisée que les oeuvres japonaises
typiques. L’élément que j’ai emprunté aux
Japonais, c’est la totale concentration sur la fleur elle-même.
Souvent, je ne peins aucun fond, laissant simplement le papier blanc.
J’aime les grosses fleurs à l’aspect luxuriant. Les iris ou
une seule grosse rose sont parmi mes sujets
préférés.
J’ai également subi l’influence
d’un peintre que j’admire beaucoup. Charles John Collings.
aquarelliste du tournant du siècle qui peignait dans la tradition
britannique. Il vivait non loin de la maison où j’ai grandi.
à l’autre bout du lac Shushwap. Il savait merveilleusement bien
saisir les effets du vent et de la lumière.
Il n’y a pas que l’aquarelle qui
m’intéresse et je peins autre chose que des fleurs. Je fais encore
occasionnellement des portraits et tâte un peu de la peinture à
l’huile. Niais en tant qu’artiste professionnel, je n’ai
peint jusqu’ici que des fleurs, en fait, mes propres fleurs. Je travaille
dans mon jardin, à Salmon Arm, et dans le studio que nous avons
récemment annexé à notre maison. Cette partie de la
vallée de l’Okanagan est sujette à des averses soudaines et
souvent il est impossible de peindre à l’extérieur.
Mais toutes les fois que je le peux, j’aime
peindre à l’extérieur, car mon souci est de
représenter la fleur dans son état naturel, comme celle que
l’on cueille. Il y a des espèces assez rigides, l’iris
notamment, que je peux facilement transporter dans mon studio, mais il y en a
d’autres, comme les clématites, que l’on doit tout
simplement peindre là où elles poussent.
J’aime la concentration solitaire que permet la
peinture. A bien des égards, mon tempérament n’était
pas fait pour la vie publique. Lorsque j’ai quitté la politique,
je ne voulais pas retourner à l’enseignement.
En tant que peintre, j’ai reçu beaucoup
d’appui des habitants de ma ville qui, généralement, encouragent
beaucoup les arts. Bien qu’elle soit petite, c’est l’une des
quatre villes où l’on peut assister à des concerts
symphoniques dans l’Okanagan. J’ai fait, à moi seul, deux
expositions à Salmon Arm, et je suis également membre de la
Fédération canadienne des artistes, qui expose chaque
année plusieurs de mes peintures. La galerie McCaffrey de Vancouver a
déjà accepté certaines de mes oeuvres.
Comment se fait-il
que vous ayez exposé sous les auspices de Maureen McTeer?
Après la défaite des conservateurs au
printemps de 1981. Maureen a habité chez nous un petit bout de temps et
c’est là qu’elle a, pour la première fois, vu ce que
je faisais. Elle m’a alors commandé trois toiles. Je les lui ai
livrées en octobre. lorsqu’elle est venue à Calgary avec un
groupe d’artistes québécois. C’est à ce
moment-là qu’elle m’a proposé d’organiser une
exposition dans le Canada central. Il m’a été impossible de
peindre pendant l’été de 1982, pour des raisons
personnelles et aussi à cause de la chaleur et de la sécheresse.
Les fleurs n ‘étaient pas abondantes et ne vivaient pas assez
longtemps. L’été dernier a été beaucoup plus
propice et j’ai pu présenter environ trente-cinq tableaux à
l’exposition organisée à Ottawa. Il m’importe
beaucoup d’atteindre un plus vaste public - c’était la
première fois que j’exposais à l’extérieur de
la Colombie-Britannique - et je suis reconnaissant à Maureen de son
aide.
Avant
d’adhérer au parti conservateur, vous étiez membre du
crédit social. Comment en êtes-vous venu à la politique et
pourquoi avez-vous changé de parti?
J’ai toujours été
mêlé à la politique. A la ferme familiale, près
d’Enderby lorsque la famille se réunissait autour de la table, la
politique était toujours le principal sujet de conversation. Quand
j’avais à peu près seize ans, j’ai entendu de
remarquables conférenciers créditistes de l’Alberta des hommes convaincants et
agréables. Évidemment, comme nous exploitions une ferme, nous
étions très conscient
pendant les années 30 puis
pendant la guerre, des profonde répercussions qu’avaient sur
l’économie les soudaines variations de la masse monétaire.
J’ai adhéré au parti
créditiste juste avant les Élections provinciales de 1952 bien
que je n’ai pas été candidat a cette époque À
l’université j’étais actif dans le club du social
crédit et j’ai rencontré tous les principales homme de ce
parti qui ouvraient à l’échelle nationale. Quand j’enseignaient je soulignais
dans mes cours d’instruction civique jusqu’à quel point la
participation du public était importante pour le bon fonctionnement de notre régime
parlementaire.
En Colombie-Britannique des candidats
créditistes se sont présentés à toutes les
élections fédérales après 1952. Le parti a
remporté sa pins éclatante victoire en 1957 lorsque la Colombie-Britannique
a réussi à faire réélire six créditistes
à la Chambre des communes. Tous ont été balayés par
Diefenbaker en 1958.
En 1965, un groupe d’Okanagan-Revelstoke
m’a demandé de me présenter aux élections. Ce
n’était pas la circonscription à laquelle appartient Salmon
Arm, mais c’était celle de la ferme de mon père. la
circonscription où j avais grandi. Je m’étais jamais
porté candidat à une charge quelconque, pas même a une
scolaire, et n’avais aucun expérience dans ce domaine. Mais
j’avais l’avantage de connaître bon nombre
d’agriculteurs de la région. Le crédit social était
arrivé bon dernier aux deux élections antérieures à
Okanagan Revelstoke. En 1965 les quatre partis se sont partagés
également la faveur du public et j’ai récolté 26,5
p. 100 des voix.
Après les élections. j’ai
été stupéfait de constater jusqu’à quel point
il ne restait pas grand chose du parti créditiste au niveau
fédéral. Toute sa structure s’est effondrée au cours
des deux aminées et demie qui ont suivi. En 1968. je me suis à
nouveau présente sons la bannière créditiste. Il y avait
eu un nouveau découpage (le la carte électorale qui faisait de
mon ancienne circonscription de Kootenay est la circonscription
d’Okanagan-Kootenay. J étais donc inconnu dans la moitié de
la circonscription. Le parti n’avait aucune organisation et manquait
d’argent. Alex Patterson et moi avons rédigé mon
programme électoral dans mon
jardin et il n’est guère surprennent que ’aie
été défait. Mais contrairement à certains autres
candidats créditistes, je n’ai pas perdu mon dépôt
A la veille des élections de 1972 je voulais
toujours faire carrière en politique. J’estime que si l’on a
déjà été député, on a le devoir de rester
en politique pour mettre son
expérience à profit
Il n’en restait plus rien
du crédit social, de sorte que je me suis joint au parti
conservateur qui était plus près de me convictions
personnelles. Avant son
déclin le parti créditiste était vraiment devenu un parti
conservateur, exception faite de l’intérêt qu’il
continuait à porter à la réforme monétaire que je
partageais alors et partage encore.
Évidemment, quand on change de parti, il y a toujours au sein de
chaque formation un petit groupe qui vous considère soit comme un
transfuge, soit comme une intru. La politique étant ce qu’elle
est, toutes autres conditions étant les mêmes, un
député qui est né dans son parti, pour ainsi dire, aura
préséance sur un nouveau venu.
Aux élections de 1972 mes vieux partisans
créditistes avaient promis de m’appuyer comme candidat
conservateur. J’ai perdu la première nuise en candidature, mais
finalement, le candidat désigné a démissionne et
j’ai remporté le second tour de scrutin. Toutefois aux
élections, j’ai été défait. J’ai
été élu aux élections suivantes et suis revenu
à la Chambre des communes comme député conservateur de
1974 à 1979.
Vous avez
été député d’un parti minoritaire, puis
député de l’opposition officielle. Dans le cadre d’un
régime où deux partis prédominent, avez-vous eu des
scrupules à vous joindre à un petit parti essentiellement
régional qui ne pouvait espérer, un jour, former le
gouvernement?
Non., je n’en ai pas eu à
l’époque et je n’en aurais pas plus aujourd’hui Essentiellement nous avons un
régime bipartite, mais il y a toujours eu de la place pour un petit
nombre de députés indépendant et tous les
députés pouvaient prendre des initiatives personnelles bien plus
que dan le cadre assez rigide de la discipline de parti actuelle. Au fur et
à mesure que disparaît l’élément
d’indépendance, le grand danger est celui d’une polarisation
extrême En
Colombie-Britannique le problème actuelle provient d’un trop
grande nombre polarisation.
Lorsque je siègais comme conservateur, je me
suis démarqué du parti sur un certain nombre de questions comme
la Loi sur la citoyenneté, la loi sur l’immigration et la nouvelle
répartition des sièges.
Il est très important qu’un député dise et
explique pourquoi il n’est pas d’accord avec son parti et
qu’il vote à ta Chambre selon ses propres convIctions.
De même. un député ne doit pas nécessairement
se sentir obligé de voter sur une question donnée
conformément à ce qu’il perçoit être
l’opinion majoritaire dans sa circonscription. Son expérience au
Parlement lui permet souvent de comprendre une question de façon plus
claire et approfondie que ceux qui n’ont que les médias comme
source d’information. Je dois néanmoins reconnaître que le
fait d’agir selon ses propres convictions peut parfois avoir de lourdes
conséquences politiques. Si je revenais à la politique, je suis
certain que. même maintenant, je serais pénalisé pour avoir
voté en faveur de l’abolition de la peine capitale alors que mes
commettants étaient généralement en faveur de son
maintien. Avec le recul du temps, je ne regrette pas d’avoir agi ainsi.
Je reconnais simplement les conséquences de mes actes.
En tant que
créditiste d’abord et conservateur ensuite, votre
expérience au Parlement a-t-elle été très
différente?
Oui, étonnement différente et à
bien des égards. La chance a beaucoup joué dans la
répartition des sièges après les élections de 1905.
Nous n’étions que cinq créditistes, mais
l’équilibre du pouvoir était entre nos mains.
Aujourd’hui, il faut en principe avoir douze
députés pour constituer un parti, mais le premier ministre
Pearson n’avait pas encore pris de mesures pour régler
l’anomalie qui existait à cette époque. Je pense
qu’une part il n’arrivait pas à se décider et, de
l’autre, qu’il ne pouvait risquer d’offenser le groupe qui détenait
l’équilibre du pouvoir. Par conséquent, nous avons
continué de jouir des privilèges reconnus à un parti et
les cinq que nous étions partageaient toutes les prérogatives
normalement réservées à I élite d’un parti
par exemple, quiconque faisait office de leader à la Chambre avait le
droit de poser la quatrième question au cours de la période des
questions. .J’étais secrétaire du caucus, mais parfois je
faisais aussi office de leader à la Chambre, de whip et de
président de caucus selon que l’un de mes collègues ou l’autre
était absent. On pouvait faire partie de n’importe quel
comité, prendre la parole en Chambre aussi souvent qu’on le
voulait et répondre à toutes les déclarations officielles
du gouvernement. J’aimais prendre la parole et je l’ai souvent
fait. J’ai prononcé une merveilleuse série de discours
à la Chambre à cette époque-là.
Au cours de mon premier mandat j’ai
éprouvé une certaine fierté à proposer une motion
d’ajournement. A mon retour au Parlement en 1974, j’ai
constaté de grosses différences du fait que je faisais partie
désormais d’un groupe de 95 députés conservateurs.
Évidemment, il y avait beaucoup plus de rivalité pour chaque
poste.
Mon second mandat a été marqué
par l’installation des caméras de télévision, ce qui
a eu un effet radical et immédiat sur la conduite des affaires en
Chambre. Il n\ a qu’à lire Marshall McLuhan. Cet homme
était un véritable prophète, comme ceux de l’Ancien
testament qui mettaient en garde les gens contre une menace réelle. Bien
qu’il eut parfois tort et qu’il fut souvent espiègle, il
voyait clairement les différences entre l’imprimerie, la radio et
la télévision et savait pertinemment que celte-ci aurait des
conséquences totalement imprévisibles. En insistant sur des
séquences choisies ça et là durant la période des
questions. la télévision a énormément
contribué à ta déception du public envers le Parlement.
Celui-ci est une institution complexe et la télévision ne rend
pas compte de ce qu’on y accomplit et de quelle manière.
Mais il n’y a pas que la perception du public.
Le Parlement a effectivement perdu de son importance h cause de la
télévision. Les députés qui prennent la parole
à la Chambre devraient normalement adresser à leurs
collègues mais depuis l’avènement de la
télévision c’est à la nation tout entière
qu’ils parlent. Ils ne peuvent résister à la tentation
d’en mettre plein la vue les travaux parlementaires se font maintenant
ailleurs qu’à la Chambre dans les réunions de caucus et
dans les rencontres entre les leaders h la Chambre, ainsi que dans les
corridors et dans divers établissements et endroits semi-officiels.
Le Canada est un pionnier de la
télédiffusion des débats parlementaires. La Grande
Bretagne a envoyé des comités parlementaires et des journalistes
étudier ce qui se faisait ici et a décidé au bout du
compte de ne pas nous emboîter le pas. La télévision
britannique m’a donné beaucoup plus de temps d’antenne que
la télévision canadienne pour exprimer mon point de vue.
Autre différence entre les deux Parlements
l’amélioration de la formation linguistique. Lorsque je suis
arrivé à Ottawa en 1965, je m’étais promis de
devenir trilingue (je parlais déjà japonais). A cette
époque. les classes parlementaires étaient très
fréquentes et loti progressait lentement. Je me suis inscrit à
mes propres frais à un cours intensif de dix semaines à
École Berlitz . A mon retour en 1974, j’ai assisté à
des classes parlementaires et découvert qu’il était
possible d’aller à Saint-jean passer une semaine spéciale
d’immersion. J’étais trop occupé pour en profiter
souvent mais j’ai pu le faire deux fois par année.
Quel autre conseil donneriez-vous a un nouveau député? Quelle expérience
devrait avoir quiconque envisage de se lancer en politique? A quoi devrait-il
s’attendre en allant à Ottawa?
J’ai eu la chance d’entrer directement
à la Chambre des communes sans aucune expérience pratique de la
vie politique. Avoir de l’expérience à d’autres
niveaux du gouvernement n’est pas toujours nécessaire. Cela ne
sert que de tranquilliser les mécontents qui veulent que le député
gagne ses galons. Il vaut mieux pour l’institution qu’on y entre
armé d’idéaux, de rêves et de conviction plutôt
que d’avoir une vaste connaissance de l’aspect partisan de la
politique
Mais je ne préconise pas l’ignorance chez
le néophyte. Il faut qu’il connaisse parfaitement l’histoire
du Canada, celle de nos institutions politiques, les écoles de
pensée et les traditions politiques ainsi que l’actualité
nationale. Une certaine connaissance des deux langues officielles est
évidemment souhaitable. Dès mon jeune âge, j’ai eut
la chance d’être sensibilisé au pays tout entier et
Champlain et Maisonneuve étaient même pour moi des héros.
Aujourd’hui il semble que les jeunes aient des intérêts
beaucoup plus régionaux
Lorsqu un nouveau député arrive à
Ottawa, il ne devrait pas attendre à avoir immédiatement un succès
retentissant. En fait, il ne devrait pas s’attendre que les médias
parlent de lui avant un bon bout de temps. Il doit être présent au
Parlement, en apprendre le fonctionnement et surveiller les occasions qui ne
manqueront pas de se présenter à celui qui est diligent et sait
observer.
La politique n’est assurément pas la
carrière indiquée pour faire de l’argent. Quelqu’un
qui a le sens des affaires n’entrera pas en politique à moins
qu’il ne s’intéresse spécialement à un parti
ou à la vie publique. Les dépenses sont considérables et
les salaires des députés ne le sont pas, quoi qu’on en
dise.
Le député devrait certainement se faire
accompagner de sa famille à Ottawa. De cette façon. il verra
davantage Sa femme, et son mariage aura plus de chances de survivre. La vie
dans la capitale sera une expérience enrichissante pour les enfants.
Mais on est porté à faire cyniquement remarquer qu’un
député qui veut conserver son siège devrait laisser sa
femme en otage dans sa circonscription. Il est malheureux que les
électeurs aient bien souvent l’impression que le
député est hors d’atteinte du simple fait qu’il se
trouve à Ottawa, mais il n’en reste pas moins qu’il lui faut
concilier son travail avec la vie de famille entrecoupée de brefs
séjours dans la circonscription, ce qui ne va pas sans risques.
Être député, c’est faire partie d’une
équipe où le conjoint tient une place considérable.
Je suppose que le
retour a la vie privée doit causer de graves perturbations. Quel conseil
donneriez-vous a tin député qui envisagerait de se retirer de la
politique?
Je lui conseillerais de planifier bien à
l’avance son départ, peut-être même avant son
entrée en politique, car il ne faut pas oublier que le départ
n’est pas nécessairement volontaire.
C’est en 1968, après avoir
été défait, que j’ai vécu
l’année la plus difficile de ma vie. Nos problèmes
financiers ont duré jusqu’en 1970. Nous n’avions pas le
temps de penser à la politique ni à rien d’autre. Je me
demande souvent comment j’ai eu le courage de m’y
replongèrent 1971. Le fait de ne pas avoir d’enfant a certainement
contribué à nous faire prendre ce risque. Les enfants ajoutent
beaucoup de soucis aux incertitudes d’une carrière
politique.
J’avais tiré des leçons de
l’expérience de 1968 et avant de quitter le Parlement en 1979,
j’avais mis suffisamment d’argent de côté pour nous
faire vivre pendant un peu plus d’un an. Ce fut une mesure très
sage, car en 1979, il n’était plus possible de retourner tout de
suite à l’enseignement. La transition a été
d’autant plus facile que nous étions prêts à faire
face au contrecoup psychologique.
Quand on a goûté au pouvoir, on regrette
toujours de ne plus y participer. mais j’aime ma vie privée. Je
n’étais pas toujours à l’aise dans ma peau
d’homme public et n’ai jamais été
particulièrement démonstratif.
Je dois dire que ma femme m’a beaucoup
appuyé tout au long de ma carrière et dans les périodes de
transition. Elle aimait Ottawa et la vie parlementaire, mais aujourd’hui,
elle m’appuie dans ma nouvelle carrière sans me ménager ses
critiques qui sont très judicieuses. Je n’ai pas de conseil
à donner, mais je souhaite à tout député
d’avoir ce genre d’appui.
En résumé, je dirais qu’une
carrière politique est ou devrait être dénuée
d’intérêt personnel. On entre en politique avec
l’idéal de promouvoir des politiques constructives et de servir
son pays, mais il faut tenir compte des multiple et lourdes exigences
qu’impose la vie politique et organiser ses affaires personnelles en
conséquence. Si l’on a eu la sagesse de prendre ses dispositions,
la politique peut être, et a
été certainement pour moi, une carrière très
satisfaisante et enrichissante.
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