Robert Jackson
Parliamentary Democracy in Canada: Issues For Reform de Thomas
D'Aquino et al., Methuen, Toronto, 1983, 130 pages.
Comme les auteurs de cet ouvrage le soulignent, aucune
question ne touche davantage les Canadiens que la façon dont ils sont
gouvernés. Le fait que le Conseil d'entreprises pour les questions d'intérêt
national ait publié cet ouvrage est donc éloquent.
Cet ouvrage a pour origine l'étude que le Conseil
d'entreprises a fait faire en 1978 sur la forme de gouvernement au Canada.
Cette initiative des dirigeants de quelque 50 sociétés canadiennes importantes
a abouti à la publication, en 1979 d' une monographie intitulée Parliamentary Government in
Canada : Critical Assessment and Suggestions for Change. L'ouvrage de 1983
aborde les mêmes questions que la monographie, mais de façon plus approfondie
et dans un style plus relevé.
Dans l'ensemble, cet ouvrage soutient que le
gouvernement parlementaire est un régime qui n'est plus en contact avec les
réalités de la vie politique canadienne. Le Conseil d'entreprises, dirigé par
le dynamique Thomas d'Aquino, fait valoir, à juste titre, que le débat sur la
réforme parlementaire ne devrait pas être réservé aux seuls hommes politiques.
Il soutient notamment (mais je n'irais pas aussi loin) que « le Parlement en tant que centre de
débats et de direction n'a plus aucune importance » (p. 110).
Devant une critique aussi sévère, il n'est pas
étonnant que les auteurs aient recommandé trente-cinq modifications
fondamentales au processus parlementaire. Certaines propositions sont
extrêmement controversables, d'autres le sont moins.
L'argument de base est que les formations
politiques devraient être moins strictes sur la discipline de parti. Bien qu'il
soit possible d'atténuer ou de modifier les règles régissant la confiance dans le
règlement de la Chambre des communes, il est peu probable que cet appel à un
assouplissement général de la discipline de parti porte fruit. Comme l'ont
souligné de nombreux praticiens et théoriciens, il y aura toujours au Canada
des factions cohésives, quoi que l'on puisse dire sur les dangers de la
discipline de parti. Comme l'a dit Lord Salisbury au sujet de la Grande-Bretagne :
« Des combinaisons, il doit y en avoir, la question est de savoir s'il
nous faut de vastes partis, reposant sur de larges idées et conduits par des
hommes qui misent leur carrière sur la sagesse de leur entreprise, ou par
d'obscures cliques de politicailleurs bornés qui n'ont pour tout mot d'ordre
que des jappements incohérents. »
Les recommandations concernant la Chambre des communes
et ses comités portent moins à controverse. Bon nombre permettraient
d'améliorer ces institutions. Les auteurs demandent notamment la création de comités
d'étude toutes les fois que cinquante députés au moins s'entendent sur un
nouveau sujet. Ils proposent que les comités permanents aient le pouvoir de
choisir les sujets de leurs enquêtes et que soit modifiée la façon dont ils
étudient les prévisions budgétaires et le budget. Le seul problème, c'est que ces recommandations sont déjà dépassées par les
récentes propositions du « comité de réforme » de la Chambre des communes. Si les
idées véhiculées par les auteurs sont utiles, les dix rapports du comité
parlementaire sont, quant à eux, plus détaillés, mieux étayés et plus pratiques
que les propositions formulées dans Parliamentary Democracy in Canada.
Les auteurs critiquent vivement aussi le calendrier
parlementaire; là encore, leurs idées arrivent trop tard, puisqu'un nouveau
calendrier provisoire est entré en vigueur de 1983. On peut, cependant,
espérer que les propositions qu'ils formulent sur le nombre maximal de jours de
séances et le cycle des semaines ordinaires et des semaines réservées aux comités
ainsi que d'autres propositions de ce genre pourront être intégrées
prochainement au nouveau règlement permanent.
L'ouvrage contient aussi plusieurs recommandations sur
la composition des comités, sur la législation subordonnée que le Parlement
devrait avoir la possibilité de mieux étudier et sur la télédiffusion des
travaux de certains comités de la Chambre des communes.
Dans l'ensemble, les auteurs font preuve de sérieux
dans leurs propositions de réforme qui s'apparentent énormément à celles qu'ont
formulées la plupart des commentateurs bien informés; elles seront probablement
bien accueillies par les hommes politiques de la Colline parlementaire.
Bien que l'ouvrage manque de nouvelles données et que
la plupart des idées qu'il contient soient bien connues des spécialistes
parlementaires, Thomas D'Aquino et ses collaborateurs savent se faire
comprendre du grand public et leurs arguments en vue d'une réforme immédiate
sont plausibles. Pour cette raison, cet ouvrage devrait être largement diffusé.
Il est à espérer que le Conseil d'entreprises pour les
questions d'intérêt national publiera d'autres études sur la vie politique
canadienne. Il serait intéressant de voir comment il traiterait de questions
comme l'évolution dans la gestion des grandes sociétés, les relations entre le
gouvernement et le monde des affaires, le démarchage à Ottawa, les conflits
d'intérêt et d'autres questions qui sont au coeur des relations entre les
secteurs public et privé au Canada.
Robert Jackson
Département de science politique
Université Carleton
Ottawa
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