James Walding
Recevabilité de
motions semblables, James Walding, Assemblée législative du Manitoba, 10 août
1983.
Contexte : Vers
le milieu de l'été 1983, le débat sur la résolution présentée par le gouvernement
en vue de modifier les dispositions de la Constitution provinciale portant sur
la langue française battait son plein. Le 22 juillet, le gouvernement avait
présenté une résolution visant à référer la question au Comité permanent des
privilèges et élections pour que les Manitobains puissent faire connaitre leurs
vues à ce sujet.
La résolution précisait que le Comité devait soumettre
son rapport avant la fin de la session en cours. L'opposition approuva le
renvoi de la question au Comité, mais s'opposa au délai fixé, alléguant que le
comité aurait à peine deux ou trois semaines pour tenir des audiences
publiques. L'opposition proposa donc un amendement visant à permettre au Comité
de siéger après la prorogation de la session.
Le gouvernement s'y étant opposé, l'opposition revint
à la charge avec un sous-amendement proposant que le Comité soumette son
rapport avant le 31 décembre 1983. Cette date coïncidait avec celle que le
gouvernement avait fixée comme date limite pour la soumission au Parlement de toute
proposition constitutionnelle. Vingt et un des vingt-trois députés de
l'opposition prirent la parole sur ce sous-amendement.
Après son rejet le 3 août, l'opposition présenta un
autre sous-amendement dans lequel elle proposait de fixer au 30 décembre 1983 la
date limite pour la soumission du rapport. Personne ne contesta la recevabilité
de cette motion. Vingt-deux députés de l'opposition prirent la parole sur cette
motion. Le 6 août, après que la sonnerie eut retenti pendant neuf heures, le
sous-amendement fut défait à son tour et l'opposition proposa un autre
sous-amendement. Cette motion visait à permettre au Comité de présenter son
rapport le 19 décembre 1983.
Le leader intérimaire du gouvernement à la Chambre
prétendit que le troisième sous-amendement était irrecevable parce qu'il
violait l'article 58 du Règlement de l'Assemblée législative du Manitoba qui
dit : « Une motion ne peut pas être présentée relative à une question sur laquelle la Chambre s'est
déjà prononcée au cours de la même session ». On cita également les
paragraphes 430 et 432 du Beauchesne (5e édition) qui traitent de
l'irrecevabilité de motions dont la teneur est identique. Le leader de
l'opposition à la Chambre répliqua que la motion ne pouvait être jugée
identique à la motion précédente puisque les dates proposées ne l'étaient pas.
Il insista que le Président devait accepter ce troisième sous amendement étant
donné qu'il avait accepté le deuxième.
Décision du Président James Walding : Le
samedi 6 août, l'honorable député de Sturgeon Creek (J. Frank Johnston) a
proposé que la Chambre débatte d'un sous-amendement à l'amendement portant sur
la résolution sur la langue française présentée par l'honorable procureur
général. Comme plusieurs députés en ont contesté la recevabilité, j'ai décidé
de prendre la motion en délibéré afin de pouvoir étudier à loisir le hansard et
les observations faites par les députés. J'ai attentivement lu le hansard et
j'ai consulté notre Règlement, le Beauchesne, Erskine
May et les décisions antérieures.
Comme la Conférence de l'Association parlementaire du
Commonwealth se tient actuellement à Winnipeg, j'ai pu consulter d'autres
présidents et parlementaires à ce sujet. Je les remercie des conseils qu'ils
m'ont si généreusement donnés et de leur intérêt pour la question. Même si
cette question soulève passablement d'intérêt parmi les députés qui voudraient
sans doute poursuivre le débat, j'ai accordé à cette décision autant
d'attention qu'à toutes les autres décisions que j'ai rendues jusqu'à
maintenant.
Je suis conscient du fait que les députés sont divisés
sur cette question et que certains ont recours à tous les moyens que leur offre
le système parlementaire.
Je me suis toutefois efforcé de ne pas me laisser
influencer par les conséquences de cette décision et de m'en tenir au
sous-amendement lui-même.
Cette décision n'a pas été facile à prendre et je vous
admettrai franchement que j'y pense sans cesse depuis samedi dernier. Je ne
reprendrai pas les arguments qui ont été présentés avec tant d'éloquence au moment
où le sous-amendement a été proposé.
La question est de savoir si le deuxième
sous-amendement constitue un précédent qui régit les amendements présentés par
la suite. Notre propre Règlement ainsi que le Beauchesne interdisent clairement
l'étude de toute question sur laquelle la Chambre se serait déjà prononcée au
cours de la même session.
Un sous-amendement à un amendement doit porter sur
l'amendement en question et non sur la proposition principale. Je vous renvoie à
ce sujet au paragraphe 416 du Beauchesne. Aux termes de cette définition, le
deuxième sous-amendement était recevable puisqu'il proposait une nouvelle date,
c'est à dire une date qui était antérieure d'un jour à la date proposée dans le
premier sous-amendement; aucun député n'a d'ailleurs soutenu le contraire de
crainte de relancer le débat.
Pour que l’interdiction mentionnée ci-dessus ne
s'applique pas au sous amendement proposé, il incombe clairement à ceux qui
l'appuient de démontrer qu'un jour constitue une différence importante dans la
durée de l'étude d'un sujet par un comité siégeant en intersession.
J'ai écouté soigneusement le débat qui a eu lieu le 30
décembre sur le sous-amendement et les arguments avancés en faveur d'une
réduction d'un jour de la durée du débat, mais je n'ai entendu aucun député
soulever cette question très importante. Comme personne n'a prouvé que cette
différence d'un jour revêtait une importance considérable, il en découle que le
sous-amendement présenté le 30 novembre n'a pas grande valeur, sinon aucune,
comme précédent.
Par conséquent, comme les députes qui appuient le
sous-amendement proposé n'ont pas démontré, bien qu'ils en aient eu
l’occasion, qu'il était nécessaire de restreindre davantage le temps consacré
aux audiences durant l'intersession, j'en déduis que
le sous-amendement proposé constitue, à toutes fins pratiques, une question
identique à celle sur laquelle la Chambre s'est déjà prononcée. Je dois donc
conclure que le sous-amendement proposé est irrecevable.
Note de la rédaction : L'opposition a fait appel de la
décision du Président, mais celle-ci a été confirmée par un vote de 23 contre
15. L'amendement a été défait lorsque le gouvernement et l'opposition se sont
entendus pour que la Chambre ajourne ses travaux jusqu'à la fin des audiences
du comité. La résolution prévoyant le renvoi de la question au comite a été
adoptée le 12 août 1983.
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