William Matheson
Stanley Knowles,
The Man From Winnipeg North Centre, de Susan
Trofimenkoff, Saskatoon, Western Producers Prairie Books, 1982, 226 pages.
Ce livre offre une lueur d'espoir à ceux qui craignent
que la Chambre des communes du Canada ne devienne progressivement désuète.
Stanley Knowles a été député au Parlement depuis 1942, sauf entre 1958 et 1962.
Il a toujours fait partie de l'opposition et ne s'est jamais privé de critiquer
farouchement tous les gouvernements au pouvoir. Ainsi, il a réussi à influer
sur les politiques et les lois en provoquant des réformes importantes au Canada
tout en veillant inlassablement à ce que la Chambre se conduise de façon
respectable. Les présents mémoires biographiques, décrivent les réalisations de
M. Knowles et contribuent à dégager les forces qui ont influé sur son
comportement et ont alimenté sa passion pour la justice sociale. Dans son
ouvrage, Mme Trofimenkoff s'est surtout inspirée d'une série d'entrevues qu'elle
a eues avec M. Knowles, en plus des recherches qu'elle a effectuées dans le
dossier personnel de ce dernier ainsi que dans les comptes rendus des débats.
Né à Los Angeles en 1908, Stanley Knowles était l'aîné
d'une famille d'ouvriers des Maritimes qui s'était établie aux États-Unis. Les
Knowles étaient de fervents méthodistes; chez eux, comme chez de nombreux
démocrates sociaux du Canada, l'Église représentait une partie importante de la
vie familiale. La mère de M. Knowles est morte jeune et son père, membre actif
et éclairé de l'église, a favorisé le développement intellectuel et religieux
de son fils. M. Knowles père était un « évangéliste social » et il ne fait pas de
doute que ses points de vue sur l'action et la foi ont profondément marqué son
fils, qui se rendit bientôt compte que changer le monde impliquait
inévitablement une action sociale.
M. Knowles père ne fut cependant pas favorisé par le
système économique. Il avait 58 ans quand, au beau milieu de la Crise et après
20 ans de loyaux services chez son employeur, il fut congédié sans pension ni
indemnité de départ, assurance-chômage ou autres prestations. Bien qu'il se
soit par la suite occupé à de menus travaux, il mourut à l'âge de 60 ans. Son
fils est convaincu que c'est le traumatisme engendré par son congédiement qui a
précipité sa mort. Il n'est donc guère étonnant que M. Knowles fils en ait
conclu qu'il fallait à tout prix aiguillonner la conscience sociale du pays
pour effectuer les changements économiques et sociaux nécessaires.
Stanley Knowles se dit que l'Église lui offrait un
moyen de procéder à des changements. Après ses études aux col lèges Brandon et
United, il fut ordonné ministre du culte pour l'Église unie du Canada, en 1933.
Tout en accomplissant ses fonctions de pasteur à Winnipeg, il s'intéressa
vivement aux activités du parti CCF. Aussi plusieurs personnes se sont
choquées de l'entendre parler en chaire de questions sociales plutôt que
de l'évangile. En 1940, sa nomination en qualité de secrétaire et organisateur
du CCF au Manitoba mit un terme à sa carrière pastorale. Il avait bien vu que
l'Église n'avait pas les moyens d'effectuer les changements qu'il considérait
souhaitables.
En 1942, après plusieurs tentatives infructueuses aux
niveaux fédéral et provincial, M. Knowles était élu député de Winnipeg-Nord-Centre, succédant à M. J.S. Woodsworth. Il était animé de ce même zèle qu'il
avait déployé quant il était pasteur et par le souvenir d'un parent bien aimé
qui avait été victime du système. Déjà dans son premier discours, il s'attaquait aux
pensions, aux droits des travailleurs en temps de guerre et à M. Humphrey
Mitchell, alors ministre du travail, dont il réclamait la démission. Très tôt,
le président de la Chambre dut le rappeler à l'ordre pour une infraction
mineure au règlement et M. Knowles en tira sa première leçon parlementaire;
apprendre le Règlement. Il s'est tellement attelé à cette tâche qu'est né en
lui un vif intérêt pour l'institution parlementaire elle-même et pour la façon
d'en assurer le fonctionnement harmonieux en dépit d'un règlement désuet et
d'attitudes encore plus désuètes de la part de nombreux députés. Cet intérêt
lui a valu de se faire offrir le poste de président par M. Diefenbaker ainsi
que par M. Pearson, offre qu'il a sagement déclinée. Il ne répugnait pas à
utiliser le règlement pour faire valoriser ses propres intérêts et ceux de son
parti, mais ses connaissances en la matière ont tôt fait de susciter en lui le
souci de la survie du Parlement en tant qu'institution. Aussi plaçait-il le
Parlement au-dessus du parti, ce qui l'a parfois rendu impopulaire auprès de
ses collègues.
M. Knowles se dévoua tout autant à la Chambre des
communes qu'à la situation des ouvriers canadiens et il déploya des efforts
inlassables en vue d'améliorer les prestations de retraite. À cet égard, la
liste de ses réalisations est remarquable et Mme Trofimenkoff décrit
méticuleusement comment son dévouement à la cause, la connaissance du Règlement
et son esprit indépendant ont valu d'importantes victoires à tous les
Canadiens. Ce qu'il n'avait pu réaliser par l'entremise de l'Église, il le
faisait par l'entremise du Parlement, pour éviter à la plupart des ouvriers
canadiens de subir le sort malheureux de son père.
Autre thème important du livre : la description du
rôle de M. Knowles dans la création du Nouveau parti démocratique. Les
électeurs de Winnipeg-Nord-Centre ont peut-être rendu un fier service à la
gauche canadienne en choisissant quelqu'un d'autre que M. Knowles en 1958. En
effet, cette défaite, bien que décevante sur le plan personnel, a permis à M.
Knowles de joindre les rangs du Congrès du travail du Canada et de jouer un
rôle de premier plan (cela faisait en fait partie de son mandat) dans la
création d'un nouveau parti au Canada, dont il a présidé le congrès de
fondation en 1961.
Ce livre est important pour toute personne qui
s'intéresse à la politique canadienne en général ou à des domaines comme la
procédure parlementaire ou la réforme des pensions. En dépit d'une longue
association personnelle avec M. Knowles, l'auteur a gardé ses distances et
c'est ce qui fait la faiblesse du livre. On en apprend beaucoup sur l'homme
politique, le réformateur et le parlementaire, mais peu sur l'homme. Certes, on
dit qu'il se fâche, fait des erreurs et met les gens dans l'embarras, mais la
preuve n'en est pas faite. Bien que ni John Diefenbaker ni Hazen Argue ne
fassent figure de héros, il n'y a pas de méchants dans ce livre et l'on peut se
demander si les relations personnelles de M. Knowles avec d'autres hommes politiques
et notamment ceux de son caucus ont toujours été faciles et harmonieuses. Le
lecteur en apprend beaucoup sur l'intérêt que portait M. Knowles à certaines
questions, mais on se demande s'il avait quelque chose à dire sur des questions
cruciales comme les relations du Québec avec le reste du Canada ou les
relations fiscales fédérales-provinciales.
Mais ces critiques sont mineures : Mme Trofimenkoff a
réussi à raconter l'histoire d'un homme politique canadien vraiment unique et
elle a mis en lumière les circonstances qui l'ont conduit à son succès.
William A. Matheson
Département des sciences politiques
Université Brock
St. Catharines (Ontario)
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