Gordon Barnhart
Gravy Train,How Saskatchewan's Taxpayers Are Ripped Off, By Its Cabinet Ministers and MLA's de F.L.
Dunbar, publié par F.L. Dunbar, 1982.
Le traitement des députés est toujours un sujet très controversé,
mais il est regrettable que ce débat repose souvent sur un manque d'information
ou sur une mauvaise compréhension du rôle du député. Les médias sont souvent
victimes et coupables à la fois de l'exagération et des malentendus entourant
les allocations et les indemnités versées aux députés pour l'exercice de leurs
fonctions.
Un récent numéro de la Revue contenait une critique de
deux études récemment publiées en Ontario sur les dépenses électorales et sur
la rémunération des députés. L'étude Fleming Mitchinson, en dépit de quelques
erreurs statistiques inévitables, a fourni d importantes données factuelles sur
la rémunération des députés, mais on
attend toujours la publication d'un ouvrage écrit en termes simples et fondé
sur des renseignements exacts. Un tel ouvrage pourrait informer le public et
l'inciter à discuter de ces questions en s'appuyant sur des faits et non sur
des idées préconçues.
Gravy Train aurait pu fournir une analyse objective du
traitement des députés en Saskatchewan, mais tel n’est pas le cas,
l’utilisation de termes incendiaires comme l’assiette au beurre, et volés par les
ministres du Cabinet et les députés de l'Assemblée législative, dans le titre
et le sous-titre indiquent que le livre a été écrit avec un certain parti pris.
Gravy Train est divisé en cinq chapitres dans lesquels
l'auteur examine les méthodes utilisés par l’Assemblée législative de la
Saskatchewan pour étudier et déterminer les salaires et les dépenses des
députés, il contient également une analyse du régime de pension, un examen des
dépenses téléphoniques et une comparaison des remboursements de dépenses
effectués à un député d'une circonscription urbaine et à un député du nord, en
Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba. La présentation du livre et les
raisons pour lesquelles l'auteur l'a écrit sont admirables. Cependant,
l'exagération de certaines statistiques et l'absence de tout examen du rôle du
député dans notre société réduisent considérablement la valeur de l'ouvrage.
Les deux députés que l'auteur prend comme cas typiques
en Saskatchewan représentent deux circonscriptions, une urbaine et une rurale, dans lesquelles il s'est lui-même porté
candidat, lors d'élections passées, sans toutefois s'y faire élire. Il aurait
pu choisir d'autres exemples qui n'auraient pas porté atteinte à sa
crédibilité.
M. Fred Dunbar critique à juste titre la façon dont
l'Assemblée législative de la Saskatchewan a, dans le passé, modifié la loi qui
établit la rémunération des députés. Il note avec justesse qu'au fil des ans,
le gouvernement y a apporté des modifications à la toute dernière minute, en
fin de session, si bien que l’examen public et les débats sur la question ont
été restreints, sinon éliminés. En organisant des débats libres et en
expliquant clairement les raisons pour lesquelles on modifie la loi dite The
Legislative Assembly and Executive Couricil Act, permettant de rajuster la
rémunération et les indemnités des députés, on éliminerait peut-être
l'accusation voulant que les députés, honteux du niveau de leur traitement, le
rajuste par des moyens détournés. Rien ne permet, toutefois, de dire si un
débat public plus poussé amènerait davantage le public à accepter le traitement
consenti aux députés. Chose certaine, un débat plus ouvert ne pourrait pas
aggraver la situation, il pourrait au contraire amener le public à mieux saisir la
question.
M. Dunbar trouve exagérées les sommes dépensées par
les députés en appels interurbains et en qualifie le remboursement de « pillage
éhonté du Trésor ». Cette accusation ne tient pas compte du fait que le public
aime pouvoir communiquer directement et sans tarder avec ses représentants
élus. L'efficacité du téléphone est de loin supérieure à celle de la lettre,
comme moyen de communication.
L'auteur conteste également les indemnités de
déplacement versées aux deux députés du Nord qui représentent chacun une
circonscription équivalant au quart de la superficie totale de la province. Il
ne signale nullement que ces indemnités sont plus élevées en raison des deux
voyages par an dans diverses localités du Nord qui ne peuvent être atteintes
que par avion. Il coûte fort cher de noliser des avions pour se rendre dans ces
localités. Prétendre que le remboursement du coût de ces voyages n'est pas
justifié équivaut à soutenir que les résidents du Nord ne devraient pas
rencontrer leur représentant élu qu'une fois tous les six mois. M. Dunbar
offre cependant un bon argument en alléguant que la possibilité qu’ont les
députés de se faire rembourser le coût des voyages en avion et d'autres
dépenses leur donne un avantage injuste aux élections suivantes. C'est souvent
vrai. Cependant, lors des dernières élections générales en Saskatchewan, qui
eurent lieu moins d'un mois après la publication de Gravy Train seulement 23
députés sur 64 ont été réélus.
Le livre nourrit un autre mythe répandu dans le
public, à savoir qu'un député ne travaille que lorsqu'il siège à l'Assemblée législative.
M. Dunbar prétend qu'un député qui vient dans sa circonscription pour écouter
les préoccupations de ses électeurs et les aider à résoudre leurs problèmes,
travaille en tant que représentant d'un parti politique et non pas comme membre
élu de l'Assemblée législative. La plupart de ceux qui étudient le système
parlementaire seront d'accord pour déclarer que le rôle d'un député n'est pas
seulement de participer aux débats et de voter pour ou contre des projets de
loi et des prévisions budgétaires, mais aussi de représenter ses électeurs et
d'écouter leurs commentaires. Le public s'attend maintenant à ce que son député
joue le rôle de protecteur du citoyen et de travailleur social rôle qui a pris de plus en plus d'importance
au cours de la dernière décennie. Prétendre que les députés ne devraient être
payés que pour leur rôle de législateurs est un argument qui traduit un manque
de compréhension du système parlementaire.
Gravy Train reproche à la presse de ne pas analyser et
évaluer objectivement les augmentations de salaire que les députés se
votent. Il est ironique qu'au moment où Gravy Train a été publié, la presse ait
fait une critique élogieuse du livre sans essayer d'en faire une analyse ou une
évaluation objective. Les médias ont paru vouloir perpétuer les mythes que le
public semble affectionner, plus particulièrement celui voulant qu'il soit « volé »
par des représentants élus trop payés.
La publication de Gravy Train arrive au moment où le
public discute de la rémunération et des dépenses des députés et où on aurait
bien besoin d'une analyse objective de la question. Mais en n'énonçant pas les raisons pour lesquelles
certaines indemnités sont aussi élevées qu'elles le sont, en n'examinant pas
les deux côtés de la médaille et en cherchant à choquer le public en utilisant
des mots aussi provocateurs que « voler, pilLage éhonté du Trésor » et
argent « mal acquis », l'auteur est loin d'avoir fait une analyse
objective. Osons espérer que quelqu’un prendra des informations statistiques
comme celles de Feming et de Mitchinson et s'en servira pour procéder à une
analyse objective des besoins du public et des députés et produire un livre que
l'on pourra suggérer au public. Un débat public de cette question ne
pourra qu’amener les citoyens à mieux comprendre le rôle et les responsabilités
de leurs députés et à les respecter davantage.
Il est dommage que Gravy Train ait pris la mauvaise
voie.
Gordon Barnhart
greffier
Assemblée législative de la Saskatchewan
Regina
|