Yvon Thériault
L'Assemblée Nationale En Devenir: Pour un meilleur
équilibre de nos institutions, Denis Vaugeois, Assemblée nationale du Québec.
1982, 202 pages.
Au lendemain des élections d’avril 1981, le premier ministre du Québec, M.
René Lévesque, confiait au député de Trois-Rivières,
M. Denis Vaugeois (P.Q.), le mandat d’étudier le
fonctionnement de l’Assemblée nationale et de recommander des avenues de
réforme parlementaire. Le projet s’inscrivait dans la foulée des travaux et
études du comité Robert Lamontagne (1975), de ex
député Claude Forget (1977), du ministre Robert Burns (1978), du comité Gilles
Michaud (1979).
Ce souci de la rationalité du parlementarisme avait déjà été manifeste dans
d’autres Parlements. On se souvient des interrogations du député français André
Chandernagor, Un Parlement, pour quoi
faire et de son collègue britannique Anthony King.
How to Strengthen Legislatures Assuming That We want To.
C’est dans ce contexte d’introspection que M. Vaugeois s’est penché sur le
devenir de l’Assemblée nationale du Québec. D’entrée de jeu, il formule un
diagnostic un peu gênant :
« A défaut
d’avoir réussi à trouver des bons remèdes, écrit-il
dans son introduction, puissions-nous tout au moins avoir réussi à cerner de plus près l’anémie qui affecte notre Parlement
et menace notre vie démocratique. »(p.7)
La situation cependant ne semble pas irrémédiable, puisque le député propose
un ensemble d'objectifs et une série de moyens de nature à
améliorer le fonctionnement de l’Assemblée nationale du Québec. Les
recommandations s'ordonnent autour de deux grands axes de reforme : procurer
à l’Assemblée une plus grande
indépendance et lui permettre d'assumer des responsabilités législatives plus
authentiques. Pour redonner à l'Assemblée « un minimum d'indépendance », M.
Vaugeois recommande que le Parlement établisse lui-même son budget et organise
son fonctionnement selon le caractère propre à l'institution. Il estime
nécessaire de remplacer l’actuelle commission de régie interne par un Bureau
composé du président de l'Assemblée nationale et de sept autres députés
désignés par leur caucus, dont quatre provenant de la majorité. Le Bureau exercerait
un contrôle sur l’administration générale de l'Assemblée, approuvant
les estimations budgétaires annuelles, le plan
d'organisation administrative sans l'autorisation du
ministre des Finances.
Dans la même visée, le rapport propose de soumettre l’organisation du
travail parlementaire à une Conférence des présidents, qui regrouperait, outre
le président de l’Assemblée nationale, les présidents des commissions
parlementaires, les présidents des groupes parlementaires et les leaders des
partis reconnus. Bien sûr, la priorité serait donnée aux propositions du
gouvernement, mais le leader de la majorité devrait
réserver du temps à l’initiative parlementaire.
À ces préoccupations relatives à l’indépendance du Parlement s’ajoutent des
orientations vers plus de responsabilité des parlementaires. C’est ainsi que le
second objectif proposé à la réforme vise à
reconnaître à l’Assemblée la responsabilité du contrôle de l’administration et
des entreprises publiques (sociétés d'État). Une fois terminée l’étude des rapports
du vérificateur général, du Protecteur du citoyen et de la commission des droits de
la personne, l'Assemblée nationale formerait des sous-commissions chargées de
« questionner » l’administration et de formuler par la suite des propositions de
réforme. De plus, la commission de l’Assemblée
nationale serait chargée d’étudier les rapports des entreprises publiques et
d’y faire témoigner leurs dirigeants.
Le rapport présente une autre proposition destinée à permettre à
l’Assemblée nationale une étude plus attentive du budget et une surveillance
plus poussée des dépenses publiques. Le moyen serait ce confier
à une commission des finances présidée par un député de la majorité, la responsabilité d'étudier les propositions budgétaires du
gouvernement et d'évaluer à l’année longue la situation des finances publiques.
Comme pour faire contrepoids à cette mesure, le
rapport recommande la formation d'une commission des engagements financiers présidée cette fois par un député de l'Opposition, qui
aurait la responsabilité d'examiner deux fois par année les engagements
financiers de chacun des ministères.
Au chapitre de la législation, M. Vaugeois recommande la création d'une
commission parlementaire chargée d'étudier la législation déléguée pour
vérifier la concordance entre les lois issues du Parlement et les règlements
préparés ensuite par le gouvernement. Le Barreau du Québec a déjà formulé des
recommandations dans le même sens. Dans une entrevue qui a suivi son rapport,
M. Vaugeois insistait sur la nécessité de simplifier les 1 956 règlements
actuels répartis dans 11 000 pages de textes réglementaires. Dans le même sens,
il recommandait de favoriser le débat public sur la législation et d'améliorer
le travail législatif de l'Assemblée nationale. A cette fin, le rapport suggère
de spécialiser trois ou quatre commissions parlementaires dans l’étude des
projets de loi, de manière à
présenter des textes clairs que la plupart des citoyens pourraient comprendre.
Au sujet du travail des commissions parlementaires, le rapport Vaugeois
recommande que les présidents des commissions soient affectés de façon
permanente à leur commission et qu’un personnel technique compétent soit mis à leur disposition
et au service de tous les membres des commissions parlementaires. L'Assemblée
nationale est également invitée à former des commissions d'initiative
parlementaire (des Select Committees). Cette recommandation a déjà été mise à
l’essai puisque l’Assemblée nationale a formé, le 24
novembre 1981, une commission spéciale chargée de la révision de la Loi de la
Fonction publique (mandat prolongé le 25 mars 1982).
Une série de recommandations concernent, dans un dernier chapitre, le
député de l'Assemblée nationale : son rôle, son statut, ses moyens et ses
« possibilités d'avancement ». Le rapport recommande
de réduire le quorum ou de le réserver aux votes. Il suggère aussi qu’on
profite du projet de loi sur l'Assemblée nationale (Avant-projet de loi de
l'Assemblée nationale, 1980) pour améliorer les
conditions de travail du député. Les adjoints parlementaires (ou adjoints
législatifs) devraient, selon M. Vaugeois, être
principalement concernés par l'étude des projets de loi et surtout par la
préparation de la législation déléguée et son évaluation par l’Assemblée
nationale. En ce qui a trait au salaire des députés, M. Vaugeois suggère la
formation d’un comité spécial chargé d'étudier cette question et de soumettre
des recommandations au Parlement. Sans prendre position sur cette question. M.
Vaugeois indique quand même une préférence pour la formule proposée par le comite Jean Charles Bonenfant en 1974 qui proposait de
lier directement la rémunération des parlementaires au traitement d'une
catégorie de hauts fonctionnaires (les administrateurs, classe IV). Selon cette
formule, le salaire des députés varierait entre 39 100
$ et 48 470 $. Au cours d’une entrevue consécutive à la publication de son
rapport (La Presse, 12 février 1982), M. Vaugeois estimait que ses propositions
n’avaient pas pour objet de transformer radicalement le rôle du Parlement mais
d’éviter que sa stagnation devienne synonyme d'échec pour notre régime
démocratique. A son avis, la réforme du Parlement est une invitation à
l'ouverture et à la transparence afin de combattre l’absolutisme et
l’arbitraire. Il souhaite que les deux caucus parlementaires mandatent des
représentants à un comité spécial qui serait charge de dégager des consensus,
de préciser des choix et de retenir des avenues pour l'avenir.
Ce futur comité spécial, en plus d’étudier le rapport Vaugeois, pourrait
examiner la bibliographie sélective de 150 titres, qui se présente en annexe au
rapport. Les parlementaires, les chroniqueurs et les politicologues y
trouveront une documentation de base sur les problèmes soulevés dans le rapport
du député de Trois Rivières.
Yvon Theriault
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