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Membre du United Farmers Party, Douglas Lloyd Campbell a été élu pour la première
fois en 1922 dans la circonscription de Lakeside. Il a ensuite fait partie du
cabinet du gouvernement de coalition libéral-progressiste de Stuart Garson dans
divers portefeuilles avant de lui succéder comme chef et premier ministre en
1948.
À la suite de sa défaite en 1958, M. Campbell est resté chef du Liberal-Progressive
Party du Manitoba et chef de l'opposition à l'Assemblée législative du
Manitoba jusqu'en 1961, date à laquelle M. Gil Molgat, aujourd'hui sénateur, a
été élu chef du Parti libéral du Manitoba. L'ancien premier ministre a continué
à représenter Lakeside comme député libéral de l'Assemblée législative jusqu'à
son départ à la retraite en 1969. Il a exercé ses fonctions de façon continue
pendant 47 années, soit une des périodes les plus longues de l'histoire du
Commonwealth britannique.
Howard Pawley a été élu pour la première fois à l'Assemblée législative du Manitoba au
moment de la victoire écrasante du NPD en 1969. Il a joué divers rôles au sein
du cabinet d'Ed Schreyer, comme celui de procureur général pendant quatre
années et de ministre responsable de la Société d'assurance publique du
Manitoba, nouvellement créée.
À la suite de la nomination de M. Schreyer au poste de gouverneur général, M. Pawley a été élu chef du NPD en janvier 1979 et a été chef de l'opposition
jusqu'à ce que son parti mette en minorité l'administration conservatrice de
Sterling Lyon le 13 novembre 1981. Battu le 8 mars 1988, M. Pawley a
démissionné comme chef du NPD dès le lendemain. L'entrevue est menée par
Christopher Guly.
Comment, à votre avis, la province a-t-elle changé depuis que vous en étiez le premier
ministre?
CAMPBELL : Le taux d'inflation et la récession actuelle ont contribué aux rapides
changements économiques. Je pense aussi que les Manitobains tiennent à
participer à tout débat constitutionnel. Dans leur immense majorité, les
Manitobains savaient fort bien que l'Accord du lac Meech était imparfait et ils
ont été, je pense, heureux de le voir tourner court.
PAWLEY : Sur le plan de l'environnement, en général. Je pense également qu'il est
beaucoup plus difficile de gérer l'économie. À mon avis aussi, les Manitobains
ont été déçus de la façon dont le gouvernement fédéral a mené les négociations
du lac Meech. Ils ont perdu toutes leurs illusions à cet égard.
Quelles sont les questions que vous aimeriez voir débattre sur la scène politique
d'aujourd'hui au Manitoba?
CAMPBELL : J'aimerais que l'on modifie la façon dont nous débattons des questions
constitutionnelles. Le débat sur le lac Meech, de triste renommée, a été mené
de façon peu perspicace et a semé la discorde, tant et si bien qu'il a fait
mauvaise impression sur l'ensemble des Canadiens. Je crains que les Québécois
ne pensent que les provinces opposées à l'Accord du lac Meech soient en fait
contre eux. Ce n'est pas du tout le cas.
Il faut par ailleurs absolument régler la situation financière, tant au plan fédéral
que provincial. Au Manitoba, l'ancien gouvernement minoritaire de Gary Filmon
a fait quelques compressions des dépenses. Mais nous devons vivre selon nos
moyens, ce qui est parfaitement possible si les politiciens ont le courage de
le faire.
PAWLEY : L'environnement et les questions autochtones doivent être les principaux sujets
de préoccupation. Mon gouvernement avait soumis à Ottawa une entente sur les
revendications foncières des Autochtones; elle a été bloquée lorsque les
libéraux ont perdu le pouvoir en 1984. Grâce à l'évolution des
télécommunications, nous devons envisager des solutions de rechange. Notre
province qui a également la chance d'avoir des ressources énergétiques devrait
continuer à mettre l'accent sur la production hydro électrique.
Selon vous, quel a été l'apport le plus important de votre administration?
CAMPBELL : Certains diraient le fait que nous soyons partis! Mais je pense que la
plupart des gens reconnaissent que le Manitoba a affiché un excédent à chacune
des années où nous étions au pouvoir. Nous avons remboursé la dette du
Manitoba. Nous avons réorganisé l'industrie de l'électricité et regroupé les
sociétés afin que la province n'ait jamais de pannes partielles, comme en
Ontario et dans d'autres provinces.
À mon avis, le fait que nous soyons parvenus à une représentation plus équitable de
la population est l'une des plus belles réussites de mon gouvernement. Nous
avons créé une commission chargée d'effectuer un redécoupage électoral pour
assurer une représentation équitable. Il n'était pas logique qu'une
circonscription se compose de 8 000 habitants et une autre de 25 000.
PAWLEY : Je pense que notre plus grande réussite se situe au niveau de l'économie;
en 1981, elle se trouvait en bas de l'échelle et nous l'avons hissée au premier
ou deuxième rang du pays. Nous avons corrigé le taux de chômage, provoqué la
croissance des investissements, assuré la parité salariale, adopté de nouvelles
lois dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail et diminué les
possibilités d'échappatoires fiscales. Nous avons également consolidé les lois
actuelles sur les droits de la personne.
Quelle a été votre plus grave erreur?
CAMPBELL : Je n'avais aucun sens des relations publiques, aucun flair pour la publicité et
je ne me préoccupais pas de ma popularité. Je n'arrivais pas à faire comprendre
aux Manitobains que nous faisions du bon travail. Les gouvernements qui ont
suivi le nôtre ont depuis montré que tel était le cas. Je m'appuyais
habituellement sur deux ministres du cabinet, Ron Turner et Bud Jobin (ancien
lieutenant-gouverneur) pour corriger toute erreur de ma part.
PAWLEY : Je pense que nous étions peu ouverts et naïfs, notamment à l'occasion du
conflit sur la langue française en 1983 et 1984. Il aurait mieux valu, je
crois, aller jusqu'à la Cour suprême du Canada au lieu de présenter une loi.
Nous avons également fait une erreur de calcul à propos de la situation politique en
1986, alors que les chiffres nous laissaient si peu de marge. À l'Assemblée,
nous avions 30 sièges, les conservateurs 26 et les libéraux un seul. Nous
ne disposions pas vraiment d'une majorité, compte tenu du nombre de nos députés
et du mécontentement constant de l'un de nos membres, Jim Walding. Cela s'est
fait à nos risques et périls et nous a coûté très cher. Nous avons également
augmenté le taux d'assurance de 23 p. 100. Nous avions perdu un peu le contact
et ne nous donnions pas la peine de communiquer. Ce manque de réceptivité peut
s'expliquer par le grand nombre de pressions dont nous faisions l'objet.
D'après vous, quel souvenir les Manitobains ont-ils de vous et quel souvenir
aimeriez-vous qu'ils conservent?
CAMPBELL : Je n'étais pas très aimé des médias, mais je pense que les gens se souviendront
de moi comme de quelqu'un d'honnête et de sincère et, peut-être, de pas très
brillant. Si je l'avais été davantage, j'aurais probablement compris qu'il faut
bien s'entendre avec les médias pour qu'ils dorent votre image.
PAWLEY : Je pense qu'il est encore trop tôt. Mais j'aimerais croire que mon gouvernement
s'est fait remarquer pour ses réformes et qu'il a bien dirigé l'économie. Nous
avons défendu le Manitoba au moment où nous avons perdu le contrat des CF-8 au
profit du Québec, ainsi qu'au sujet du libre-échange. J'espère que les
Manitobains garderont le souvenir d'un gouvernement ouvert et soucieux de leur
bien-être.
Quels sont les avantages et les inconvénients d'être le premier ministre d'une
province? Occuperiez-vous encore de telles fonctions?
CAMPBELL : À mon avis, servir le public est l'une des vocations les plus louables de tout
citoyen. Elle représente beaucoup de travail. Je suis désolé de voir que les
politiciens, au gouvernement fédéral notamment, aient récemment obtenu de si
mauvais résultats. Jamais jusqu'ici le public ne les a tenus en si basse
estime.
La vie publique l'emporte sur les intérêts d'affaires et la vie de famille.
Heureusement pour moi, ma regrettée épouse Gladys m'a beaucoup aidé.
PAWLEY : Participer au changement rapide était certainement l'un des avantages de mes
fonctions de premier ministre. Par contre, le fait de représenter une petite
province était un inconvénient. Je me suis aperçu que le gouvernement fédéral a
tendance à beaucoup plus s'occuper de l'Ontario et du Québec. Les années 1980
ont été beaucoup plus complexes et ont connu bien plus de changements que les
années 1960 et 1970.
Oui, je serais prêt à recommencer tout en tirant les leçons de mes réussites et de mes
échecs et en misant sur l'acquis. Mais je ne pense pas que cela se produise. Il
est agréable de ne plus vivre comme dans un bocal en verre, surtout après 20
ans.
Que faites-vous depuis que vous avez laissé vos fonctions politiques?
CAMPBELL : Je suis retourné à la ferme, mais je ne fais pas d'agriculture étant donné que
je n'en ai pas suivi l'évolution. Ma vue s'est affaiblie, si bien que je passe
mon temps à écouter des disques tout en attendant que l'on m'amène à la ferme
où j'aime passer une semaine environ à la fois. Là, je m'occupe de la pelouse,
je fais quelques réparations et les voisins viennent habituellement me rendre
visite. J'aime me trouver là, c'est chez moi.
PAWLEY : Je me suis présenté aux élections fédérales pour la circonscription de Selkirk,
ma ville d'origine, mais j'ai perdu par 3 000 voix au profit du
conservateur Dave Bjornson. J'ai exercé la profession d'avocat pendant un an à
la firme Baker, Zivot and Company de Winnipeg et j'ai donné des cours de
politique canadienne à l'Université du Manitoba. Je suis actuellement professeur
invité de sciences politiques à l'Université de Windsor et j'aime énormément ce
travail. J'y suis pour une année. Après cela, qui sait?
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