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Graham White

Des socialistes nouvelle vague : Le PSD/NPD en Ontario, étude historique de J.T. Morley, Kingston et Montréal, Presses des Universités McGill et Queen's, 1984, 265 pages.

Le PSD/NPD jouit, auprès du monde universitaire, d'une plus grande faveur que les libéraux et les conservateurs – s'il était avec l'électorat, ce parti connaîtrait certainement un franc succès. Cet ouvrage est le troisième qui soit exclusivement dédié au PSD/NPD en Ontario alors que rien de tel n'a été publié sur les libéraux et les conservateurs de cette province. Comparativement aux deux précédentes études de Gerry Caplan et Léo Zakuta, le livre de Morley non seulement remonte plus loin dans l'histoire du parti mais il élargit aussi le champ de l'enquête.

Une mise en garde s’impose : l'auteur a omis de préciser que le livre couvre seulement l'évolution du PSD/'NPD jusqu'en 1972, bien qu'une brève conclusion de huit pages conduise le lecteur jusque dans les années 80. Loin de moi l'idée de contester la décision de l'auteur de ne pas mener plus loin l'essentiel de son enquête, mais j'estime qu'une livre publié en 1984 et qui se veut l'historique d'un parti aurait dû, par honnêteté intellectuelle, porter dans son titre ou au verso de la couverture, une mention quelconque indiquant que le récit s’arrête en 1972.

Morley axe son travail sur une analogie entre la croissance physique et psychologique de l'homme et celle des partis politiques. C'est pourquoi, il retrace les premiers pas du parti, les diverses étapes de son développement, son comportement, son adaptation au monde, ses crises d'identité, son cheminement vers la maturité, etc. Cette personnification constante du parti donne plus de vie au récit et soulève certaines questions qui mériteraient d'être approfondies. Mais elle peut à l'occasion paraître forcée et superflue. Qui plus est, raconter l'histoire d'un parti en évoquant toutes ses étapes et en lui donnant une personnalité cohérente et intégrée, pousse le lecteur à se demander quand le parti atteindra le stade de la sénilité et celui du jugement dernier.

Le premier chapitre est plutôt décevant, l'auteur passe rapidement d'une discussion générale sur la notion de culture politique à un bref aperçu de l'histoire politique de l'Ontario, puis à une analyse de la culture politique de cette province qu'il qualifie de libérale coloniale, assortie d'une sous-culture syndicaliste. Les lecteurs profanes auront probablement de la difficulté à suivre certains passages assez longs de ce chapitre qui leur sembleront sans grand rapport avec le reste du livre. Les spécialistes, eux, n'auront aucune difficulté à se retrouver dans ce chapitre introductif mais ils déploreront que Morley ait simplement exposé, sans l'étayer, sa vision assez originale de la société ontarienne qui, pour lui, est moins conservatrice rouge ou progressiste conservatrice que libérale coloniale.

Mais Morley est plus rigoureux lorsqu'il traite de la structure et de l'idéologie du parti dans une section intitulée : Le parti en maturation : vers une plus grande stabilité; ou lorsqu'il parle de la discipline de parti, de la démocratie au sein de la formation politique, du rôle du caucus et de la direction du parti, dans une autre section intitulée : « La maturité : l'adaptation au changement ».

L'auteur rappelle les triomphes et les échecs du PSD dans les années 30, 40 et 50 ainsi que la formation et l'évolution du NPD dans les années 60. Mais l'aspect le plus intéressant dans la première section est l'attaque de Morley contre ce qu'il appelle le mythe du virage à droite. En analysant les principaux énoncés de principe du parti et la position qu'il a prise sur les questions de l'heure, l'auteur estime que le PSD/NPD s’est toujours conformé à sa politique sociale et économique fondamentale depuis les années 30. Selon lui, les revirements sur des questions aussi accessoires que la prohibition, l'OTAN et l'avortement ont nourri l'impression générale que le parti avait sensiblement modéré son idéologie au cours des années. Les arguments de Morley sont convaincants, encore qu'ils ne réussissent pas à expliquer l'importante réorientation de la pensée politique en Ontario qui tend à faire siennes les positions du PSD/NPD. Le credo du parti est demeuré le même, mais il semblait beaucoup moins radical, vers les années 70, que celui des conservateurs et des libéraux, comparativement à ce qu'il avait été durant la Grande crise et les premières années de l'après-guerre. Pourtant, les questions d'idéologie ont été facilement confondues avec celles de style et d'approche et, comme l'explique Morley, le parti, de ce point de vue, s’est nettement actualisé en rejetant son sectarisme initial.

Morley excelle tout particulièrement dans l'art de traiter des mécanismes officieux et internes qui sont essentiels à tous les partis. Il examine les liens et les tensions qui ont existé entre le caucus et l'appareil du parti (découvrant qu'à l'occasion l'un avait pris le pas sur l'autre) jusqu'à la fin des années 60 lorsque le caucus réussit à affirmer sa primauté. Abordant la question de la démocratie au sein du parti, l'auteur s’attache à reconnaître et à décrire les petits groupes de meneurs qui ont été les véritables dirigeants. Cette oligarchie a remarquablement bien traversé les années grâce à la longévité des principaux dirigeants et à l'homogénéité de sa composition sociale où dominaient les professionnels de la classe moyenne. L'auteur considère que les congrès à l'investiture sont des occasions particulièrement propres à l'expression démocratique du parti et il les analyse finement sous l'angle des conflits que suscitent la candidature des diverses éminences du parti. Enfin, le chapitre qui traite de la discipline de parti porte essentiellement sur le traumatisme causé en 1972 par l'expulsion des Waffle.

Ce livre bien écrit est dépourvu de jargon. Le rythme de la narration et de l'analyse va bon train dans les deux premiers chapitres. Il faut féliciter Morley de son style puisqu'à la fin de chaque chapitre, le lecteur souhaite en savoir plus long.

La participation personnelle de Morley aux événements qu'il relate et sa connaissance des protagonistes lui ont été d'une aide précieuse et lui ont permis de présenter une chronique analytique et vivante du PSD/NPD ontarien jusqu’en 1972.

Graham White
Erindale Collège
Université de Toronto


Canadian Parliamentary Review Cover
Vol 8 no 1
1985






Dernière mise à jour : 2020-09-14