Susan McCorquodale
A History of
Newfoundland and Labrador, de Frederick W. Rowe, McGraw-Hill Ryerson, Toronto, 1980, 563 p.
Dans cet ouvrage., l'auteur
se propose d'écrire une histoire générale pour adultes et on doit dire qu'il y
parvient admirablement. Sans être historien, le sénateur Rowe est, comme en
témoignent ses précédents ouvrages sur l'histoire de l'éducation à Terre-neuve
et sur les Beothuks, un auteur doué et expérimenté dans le récit historique. Il
indique qu’il a rédigé ce livre parce que depuis la publication de la fameuse
étude de Prowse en 1895. il s'est accumulé une
documentation primaire et secondaire à laquelle le grand public n'a pas
facilement accès et parce que, depuis une quarantaine d'années, il y a eu un
regain d'intérêt pour les événements passés et présents à Terre-neuve M. Rowe a
comme atout d'effectuer des recherches approfondies et d'être un bon écrivain;
son livre constitue une bonne source d'information et il est rédigé clairement.
L'auteur commence par un survol de l'île et du
Labrador, une introduction à la géographie physique, au climat, à la flore et à
la faune de la province. Suivent huit ou neuf chapitres sur les débuts de la
colonisation, les relations avec l'ouest de l'Angleterre, la piraterie et les
guerres, et un chapitre dans lequel l'auteur traite avec lucidité de la façon
dont l'ignorance de l'homme blanc et ses maladies ont, plus que son penchant
destructeur, contribué à éliminer tout un peuple, les Beothuks. Les huit ou
neuf chapitres suivants traitent du XIXe siècle, notamment de la création d'un
gouvernement représentatif et responsable, de la question de la French Shore et
des aspects politiques et économiques du chemin de fer de Terre-neuve Le
privilège de la French Shore, issu du Traité d'Utrecht en 1713, assura à la
France un accès direct au territoire de Terre-neuve jusqu'en 1904, lorsque la
Grande Bretagne et la France se sont entendues pour y mettre fin et que
Terre-neuve a pu alors recouvrer tous ses droits sur l'ensemble de son
territoire. A l'époque de la construction du chemin de fer, le Canada et
Terre-neuve ont vécu une expérience commune même s'ils constituaient des
dominions distincts puisque ce projet a
façonné leur évolution politique. Le chemin de fer a coûté cher aux deux pays,
mais il a été particulièrement ruineux pour Terre-neuve Les huit premiers
chapitres abordent le XXe siècle et les deux conflits mondiaux. L'épisode de la
Commission spéciale y est traité de façon impartiale. L'ouvrage comporte
également un chapitre bien documenté sur la Confédération, mais les deux
derniers chapitres sur la période d'après 1949 sont plutôt décevants.
Au fil des pages, le plan des chapitres se dégage. M.
Rowe s'attache a exposer les faits tout en faisant la
part entre les points de vue opposés et les conclusions des divers auteurs
"anciens" et modernes. Un universitaire trouverait ennuyeux toutes
les citations sans renvois aux sources, mais peut-être l'auteur et l'éditeur
ont ils raison de penser que cette habitude distrait le lecteur à qui l'ouvrage
est destiné. A mon avis, il v aurait plutôt lieu de se plaindre de l’ absence de titres et sous-titres à l'intérieur des
chapitres. En terminant chaque chapitre par des considérations sur les progrès
sociaux et économiques, M. Rowe a voulu indiquer que l'histoire n'est pas faite
que de politique. Néanmoins, il n'est pas rare que le lecteur, absorbé par un
paragraphe traitant des conflits confessionnels en matière d'éducation (p. 289)
aborde, sans transition, des questions de progrès économique au paragraphe
suivant. Un bon éditeur aurait pu facilement indiquer par un titre que la
question de l'industrie forestière, par exemple faisait place à celle des
traités de pêche internationaux. Il aurait suffit de peu de chose pour
améliorer la qualité du livre aux yeux de lecteur ordinaire. Ainsi, l'ouvrage
ne comporte aucune illustration pour atténuer la longueur du texte. On n'y
rencontre que deux excellentes cartes et cinq titres. Par contraste ' j'ai reçu
un récent ouvrage d'histoire, intitulé Canada Since 1945, qui comporte de
nombreuses photographies, des cartes et même des caricatures. L'ouvrage de M.
Rowe aurait certainement gagné à contenir des illustrations de ce genre sans
que son prix en soit augmenté de beaucoup.
La qualité d'un livre dépend dans une certaine mesure
de la quantité et de la qualité des sources. L'auteur a su exposer de façon
équilibrée et impartiale des questions comme le chemin de fer ou la Commission
du gouvernement dont une bonne partie de la documentation a un caractère
professionnel. Le texte demeure cependant pauvre en ce qui concerne des
questions comme les conséquences sociales de la seconde guerre mondiale,
domaine où la recherche de base reste à l'aire. Il ne faut pas croire pour
autant (que M. Rowe n'est pas historien,
j'ai particulièrement apprécié la façon dont il traite les mythes entourant le
système de crédit et les marchands des villages de pêcheur! (p. 354). Il évolue
habilement entre Ies écueils des conflits religieux et sociaux résultant de la
Confédération, mais, dans l'ensemble. et je suis sûr
qu'il le reconnaîtrait lui même, il demeure à la remorque de ses sources. Dans
les deux derniers chapitres. qui traitent d'événements
auxquels il a été mêlé personnellement. on serait en
droit de s'attendre à un exposé original, mais il n’en est rien. Ce bon ouvrage
souffre d'une certaine superficialité empruntée à M. J.R. Smallwood: "En 1949,
il n'y avait que 10000 automobiles à Terre-neuve; en 1980. on
en compte plus de 140000" (p, 505). J'espérais mieux, niais il faudra sans
doute attendre le prochain ouvrage de M. Rowe. Celui-ci demeure cependant un
excellent choix pour le lecteur qui s'intéresse à Terre-neuve.
Susan
McCorquodale,
Département des sciences politiques, Memorial University Saint-Jean
(Terre-neuve)
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