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Michel Bissonnet; George Hickes; Peter Milliken; Kenneth Kowalski; Murray Scott; Bev Harrison
La confiance en l’impartialité du président est une condition
indispensable au bon fonctionnement de la procédure. Bien des
conventions ont pour objet d’assurer son impartialité, mais elles
diffèrent d’une assemblée législative à
l’autre. Ce sujet a été l’objet d’un
débat lors de la Conférence des présidents
d’assemblée canadiens, qui s’est tenue à Ottawa en
janvier 2004.
Le président
Michel Bissonnet (Québec): Il y a deux conditions indispensables pour être
un bon président : l’indépendance envers
l’exécutif et l’impartialité à
l’égard de tous les députés.
Qu’est-ce que l’impartialité parlementaire? Premièrement, le
président doit défendre les droits et privilèges de tous
les députés sans exception. Il doit protéger les droits de
la minorité en s’appuyant sur les principes fondamentaux du
parlementarisme. Le président doit être à
l’écoute de tous les députés. Je pense à la
situation politique que nous vivons dans nos parlements respectifs. Selon moi,
le président doit être de plus en plus à
l’écoute de tous ses députés et rendre ses
décisions au mérite des revendications, sans égard aux
fonctions occupées par les parlementaires. Il doit appliquer le Règlement
avec fermeté pour tous. Il doit appuyer les décisions sur le Règlement,
la jurisprudence et les usages. Il doit être respectueux des fonctions des
leaders et des whips et savoir transiger avec eux.
Le président doit aussi s’abstenir d’influencer les
débats ou d’intervenir dans les discussions à
l’Assemblée et se rappeler régulièrement qu’il
est le serviteur de tous les députés et de l’institution.
Différents moyens sont prévus par l’institution
elle-même pour soutenir l’impartialité du président.
D’abord,
on assiste, depuis une quinzaine d’années, à des
élections du président au scrutin secret. Cela a commencé
à la Chambre des communes et l’Ontario a suivi. Au Québec,
nous avons eu deux élections au scrutin secret. La troisième
élection était prévue au mois de juin. Cependant le Règlement
de l’Assemblée nationale n’ayant pas été
modifié, il fallait tenir une élection au scrutin secret par
consentement. Le 3 juin, il n’y a pas eu de consentement
lorsqu’on s’est réuni. Donc, j’ai été
élu par vote secret à l’intérieur de ma formation
politique.
Autrement
dit, ce ne sont pas tous les membres de l’Assemblée nationale qui
ont voté. Faute de consentement, le vote a été tenu
à l’intérieur de ma formation politique. Le premier
ministre a proposé la nomination selon le résultat du vote qui a
été tenu à l’intérieur du parti. On ne
connaît donc pas le résultat, comme cela se fait pour les votes
dans les assemblées législatives.
Le
fait d’élire un candidat par scrutin secret peut apporter des
surprises. Lors d’une élection, l’appui des
députés pour un candidat risque d’être
différent de celui du premier ministre. Cela confère une
indépendance d’action et de la crédibilité au
président. L’impartialité du président est
renforcée par l’élection au vote secret.
Parlons
maintenant de l’aspect cérémonial, de la tradition et du
décorum. Dans chaque Assemblée, il y a l’entrée du
président. C’est la parade. Cela donne un prestige exceptionnel au
président. Lorsque le sergent d’armes annonce
« Monsieur le président », tous les gens se
lèvent dans l’Assemblée. Il y a aussi la masse qui
représente son autorité. On veut donc souligner visuellement
l’impartialité du président par son entrée et par sa
façon de se comporter dans son Assemblée. Dans la majorité
des Assemblées au Canada, le président porte encore la toge. Au
Québec, cela fait plus de 35 ou 40 ans que la toge n’est plus
portée par le président et les vice-présidents.
Aucun
pupitre n’est réservé au président et cela indique
que le président n’intervient pas dans les
délibérations. Sa place est dans le fauteuil. Lorsque le
président n’est pas en Chambre, ses vice-présidents ont des
endroits pour s’asseoir. Le président a sa place lorsqu’il
préside les débats.
Celui-ci
a le soutien d’un personnel neutre, soit les greffiers de la table.
J’ai travaillé 17 ans à la Ville de Montréal au
bureau du greffier. Je connais le système des greffiers, qui sont les
collaborateurs les plus précieux d’un président.
Lorsqu’un président est efficace, c’est parce qu’il a
une bonne collaboration avec ses greffiers à la table. C’est la
première priorité.
Le secrétaire général de l’Assemblée nationale
et son équipe apportent un soutien extraordinaire à son
président, qui qu’il soit, et cela renforce toujours
l’impartialité du travail du président.
Comment un président peut-il demeurer un député actif et conserver
son impartialité? La situation est claire à Londres. Dès
son élection, le président rompt tous liens avec son parti
politique. Au Canada, Beauchesne affirme, afin que soit conservée son
impartialité absolue, qu’il est d’usage que le
président renonce à tous les liens officiels qu’il pourrait
entretenir avec son parti. Il ne participe pas aux réunions du parti ni
à aucune forme d’activité politique partisane.
Au Québec, le président ne participe jamais aux caucus de son parti.
Il n’assiste pas aux réunions partisanes, aux congrès de sa
formation politique et aux conseils généraux. Il est impartial.
J’ai été vice-président pendant neuf ans, quatre ans
et demi avec le gouvernement libéral et quatre ans et demi comme
vice-président faisant partie de l’opposition.
Donc, j’ai respecté, comme mes collègues vice-présidents,
un devoir de réserve. Les vice-présidents ont un devoir de
réserve, mais ils vont aux caucus. Ils font de la politique partisane et
font des campagnes de financement. À Québec, nous sommes
très sévères de ce côté.
Ma circonscription est celle qui compte le plus de membres, soit 4 000. Elle
a le financement démocratique le plus élevé et est
deuxième au Québec de la formation que je représente.
Depuis que je suis président de l’Assemblée nationale, je
me dois d’être impartial. Je me demande si je pourrai contribuer
à ma formation politique sur le plan du financement. Je n’en suis
pas rendu là. Cette impartialité me touche profondément.
C’est difficile.
On doit éviter de participer à des cérémonies
officielles en présence de dirigeants de son parti d’origine. Par
exemple, si dans ma circonscription, un ministre du gouvernement fait une
annonce, je ne serai pas présent parce que c’est un dirigeant du
gouvernement, en l’occurrence un ministre. C’est
sévère.
Ma circonscription fait des campagnes de financement. Le député aide
beaucoup dans une campagne de financement. Il faut appeler les gens et, pour ce
faire, il faut être au téléphone. Depuis ma nomination en
tant que président, je ne touche pas au recrutement ni à la
campagne de financement. Celle-ci se fera avec mes militants et je ne pourrai y
être présent. C’est une situation difficile à
expliquer à des commettants.
Lors de mon élection en tant que président, j’ai réuni
l’exécutif de mon association pour lui dire que,
dorénavant, je me devais d’être impartial et qu’il
était de mon devoir de veiller à ce qu’il n’y ait
plus de politique partisane, de quelque façon que ce soit, à
l’intérieur de mon bureau de circonscription. Un de mes militants
qui m’appuie depuis longtemps a dit un jour qu’il pensait que je
n’étais plus libéral ou pas autant qu’il le pensait.
Je n’ai pas changé, mais mon rôle a changé. On doit
éviter de se prononcer sur des questions nationales, surtout si elles
sont controversées. Je reçois, à l’Assemblée
nationale, 200 courriels par semaine. Lorsqu’un citoyen, qui qu’il
soit, vous envoie un courriel, il faut y répondre. Il n’y a rien
de pire que de recevoir un courriel d’un citoyen et de ne pas y
répondre. Il nous renvoie un courriel la semaine suivante. Le
président doit répondre, mais doit toujours répondre en
fonction de son impartialité. Il faut transmettre l’information
avec délicatesse. Une demande exige une réponse et une
réponse se fait dans l’impartialité. On ne peut donner une
opinion, à moins que ce soit sur un sujet très local. Prenons
l’exemple de notre ancien président, M. Jean-Pierre
Charbonneau, député de Borduas, qui s’est prononcé
publiquement en faveur d’un train de banlieue qui partait de son
comté de Saint-Hilaire à Montréal. Lorsqu’il
s’agit d’un problème local, il n’y a pas de
difficultés.
Nous devons tout de même, et c’est vital pour nos citoyens, jouer notre
rôle d’intermédiaire auprès de l’administration
gouvernementale. Les citoyens font leurs demandes au niveau provincial. Environ
80 p. 100 des problèmes quotidiens des citoyens, comme ceux touchant la
CSST, les accidents de travail, la régie des rentes, l’assurance
automobile, la santé, l’éducation, doivent être
dirigés au bureau du député, parce qu’ils sont de
compétence provinciale. Le président est député et
il doit s’occuper de ses citoyens. Il doit leur apporter sa collaboration
pour faire cheminer chaque dossier d’une façon appropriée.
Il ne peut pas intervenir comme président pour un député d’une
autre circonscription. Il est fréquent que des citoyens qui nous
connaissent bien nous demandent d’étudier le dossier de membres de
leur famille habitant une circonscription différente. Si j’accepte
de représenter un citoyen qui n’habite pas ma circonscription, je
ne peux agir comme président de l’Assemblée nationale. Je
dois le faire comme président à l’intérieur de ma
circonscription mais pas à l’extérieur de celle-ci. Il faut
faire attention de ce côté. Il faut aussi souhaiter que les
demandes soient traitées avec égard par les ministériels,
compte tenu du devoir de réserve que lui impose la charge de
président.
En conclusion, un président doit être excessivement prudent dans ses
interventions. Chaque intervention doit être faite avec dignité et
de manière non partisane pour éviter d’entacher son
impartialité et sa crédibilité auprès de tous ses
collègues.
Le président George Hickes (Manitoba) : Je crois que le
concept de neutralité revêt une importance cruciale et a une
incidence majeure sur la vision qu’ont les autres parlementaires, les
collègues et le public du rôle de président. La
neutralité est importante, car elle permet aux députés de
savoir que le président n’agit pas de façon partiale,
qu’il est là pour chacun d’entre eux, quel que soit leur
parti, et qu’il les mettra tous sur un pied d’égalité.
C’est pourquoi j’essaie de traiter l’ensemble des
députés de la même manière, qu’ils soient
néo-démocrates, conservateurs, libéraux,
députés d’arrière-ban, membres de l’opposition
ou premier ministre. C’est toujours ce que je me suis efforcé de
faire.
Je suis le premier président du Manitoba élu par scrutin secret. En
1999, il y avait quatre candidats. J’ai été
réélu en juin 2003, alors que nous étions deux
à briguer la présidence. Nous comptons
57 députés. Pour être élu président, il
faut obtenir une majorité de 50 p. 100 plus un, soit
29 députés.
J’ignore
comment cela se passe dans d’autres provinces, mais je sais que le
premier ministre n’a pris part à aucune des deux élections
à la présidence. Il est resté en dehors du processus et a
fait savoir très clairement qu’il n’appuierait aucun
candidat en particulier. Tout comme les 57 autres députés,
il a un droit de vote et c’est tout. Autant que je sache, c’est
ainsi que cela s’est passé.
Avant, nos présidents étaient toujours nommés par le premier
ministre. Ils n’étaient pas élus par les
députés. Le premier ministre désignait qui il voulait pour
occuper ce poste.
Je suis sûr que cela a provoqué des problèmes, en ce sens
qu’on avait la perception que le président était
l’agent du gouvernement. Nul doute que certains députés le
voyaient comme un prolongement du gouvernement élu à
l’époque. J’ignore si c’était vrai ou pas, mais
je suis convaincu que beaucoup de personnes pensaient ainsi.
Avant 1999, les agissements du président à l’extérieur de
la Chambre n’étaient assujettis à aucune règle
précise.
Il était clairement entendu que, pendant les sessions parlementaires, le
président ne pouvait assister aux réunions du caucus. Toutefois,
en dehors de ces sessions, la participation du président aux
réunions du parti ou du caucus pouvait varier. Certains choisissaient de
prendre part aux rencontres du caucus, aux journées de réflexion
du parti ou encore aux campagnes de financement; d’autres préféraient
ne pas le faire. Il n’y avait pas de ligne directrice.
Étant donné que je suis le premier président élu par scrutin
secret au Manitoba, je trouve vraiment important de me comporter d’une
manière qui reflète la neutralité du poste que
j’occupe. Je crois que mes faits et gestes marqueront la voie à
suivre par mes successeurs. Par conséquent, j’ai choisi de
n’assister à aucune réunion du caucus, ni aux
journées de réflexion ou aux événements
organisés par le parti.
Quand le gouvernement envoie un chèque dans ma circonscription, je reste
à l’écart. J’ai vu des chèques du gouvernement
passer par mon bureau, et je les ai renvoyés. J’ai dit que je ne
voulais distribuer aucun chèque au nom du gouvernement ni aider
quiconque à recueillir des fonds pour mon parti.
Par ailleurs, je ne participe à aucune rencontre ou cérémonie
organisée dans ma circonscription au nom du gouvernement, même si
un ministre doit y assister. C’est un choix que j’ai fait.
Devenir président de l’assemblée législative donne beaucoup
de visibilité dans la province. On est plus exposé dans les
médias. On obtient également plus de reconnaissance du public
qu’un simple député de l’opposition.
On m’a demandé de faire campagne pour mon parti à
l’extérieur de ma circonscription. J’ai refusé, car
j’étais encore président jusqu’aux élections
du 3 juin 2003. J’ai fait campagne dans ma propre
circonscription, évidemment, mais tous les autres sont restés en
dehors. Le premier ministre n’est pas venu me voir et aucun autre
représentant élu n’a fait campagne pour moi dans ma
circonscription.
Lorsque des électeurs m’invitent, j’assiste à des
événements organisés dans ma propre circonscription. Je
précise toutefois que je le fais en ma qualité de
député provincial. Je ne vais pas à ces rencontres en tant
que président de l’Assemblée législative du
Manitoba. Je ne me suis jamais présenté officiellement comme tel
dans ma circonscription puisque je participe à titre de
député provincial et non de président
d’assemblée.
Lorsque je m’exprime publiquement, j’insiste sur le fait que je ne suis pas
un représentant du parti au pouvoir. Quand on me demande
d’intervenir en ma qualité de président, je précise
que je parle au nom des 57 députés de
l’Assemblée législative.
Je crois fermement qu’il est important que mes faits et gestes traduisent
mes convictions en la matière. Par conséquent, je m’arrange
pour ne pas participer à des activités pouvant être
perçues comme tendancieuses. J’avoue que parfois c’est
très difficile à faire. Cela signifie que je ne peux pas passer
beaucoup de temps en compagnie d’autres députés qui ont
été mes collègues au caucus.
J’ai noué d’agréables et de solides amitiés au fil du
temps. Le fait de ne plus assister, du jour au lendemain, aux réunions
du caucus représente tout un changement. J’ai fait partie du
caucus pendant neuf ans, période au cours de laquelle j’ai aussi
été le whip de mon parti. Nous connaissons tous le rôle du
whip. Il y a beaucoup d’interaction entre les collègues; cela
permet de développer des relations profondes entre les personnes. En
outre, en tant que whip, on travaille en très étroite
collaboration avec les partis d’en face, car on doit s’entendre
avec eux sur le pairage des députés et tout le reste. On
crée donc des amitiés avec des députés
d’autres partis.
En tant que président, je me sens très seul parfois. Beaucoup de
députés ne veulent pas qu’on les voie sortir de mon bureau.
C’est presque comme dans l’ancien temps, quand on était
convoqué au bureau du directeur. Je trouve triste que des députés
pensent de la sorte, mais cela arrive. Je ne suis pas leur patron; c’est
au Règlement qu’ils doivent se conformer. C’est lui
qui dicte la conduite des députés, pas moi. Je me contente
d’appliquer des règles qui valent pour tous les
députés de la Chambre. Mais ce n’est pas moi qui les
rédige. Ce sont les greffiers les véritables interprètes
du Règlement. Je me limite à suivre les directives
qu’ils me donnent. Il faudrait être fou pour ne pas écouter
les conseils de ses greffiers quand on est président
d’assemblée.
On me demande souvent en quoi le fait d’être président nuit
à ma capacité de représenter mes électeurs. On me
pose assez souvent cette question. Les gens me disent: « En tant que
président de l’Assemblée législative, il vous est
impossible de soulever des questions litigieuses à la Chambre. Vous ne
pouvez pas vous lancer dans des attaques partisanes sur certains
dossiers. » Si j’étais député de
l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest ou du
Nunavut, je répondrais différemment.
Je suis député depuis 1990. Évidemment, je suis membre
d’un parti politique. Le parti auquel j’appartiens est maintenant
au pouvoir au Manitoba. S’il y avait quelque chose de négatif ou
une question controversée concernant le parti auquel
j’adhère, il ne serait absolument pas question que j’en
fasse état à la Chambre. Pourquoi porter atteinte à la
réputation de mon parti? S’il faut parler de problèmes, je
préfère m’asseoir avec un ministre ou avec le premier
ministre plutôt que de le faire publiquement et de risquer ainsi de
mettre mon parti dans l’embarras.
En tant que président, je représente un atout de taille pour mes
électeurs. Étant donné le rôle que j’occupe,
j’ai des entrées auprès des ministres et du premier
ministre. Ils savent que mes possibilités d’évoquer
certains problèmes et de faire des apparitions publiques au nom du parti
sont limitées. Si j’ai besoin d’aide pour répondre
à la question d’un électeur et que je doive consulter un
ministre ou le premier ministre, leur porte m’est automatiquement ouverte.
Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous autres, mais je suis sûr
que cela doit être à peu près la même chose dans
l’ensemble des provinces et des territoires compte tenu de nos
rôles uniques et de nos contraintes.
Lorsque mon assistant ou moi-même appelons au bureau d’un ministre au sujet
d’un problème, la réaction est immédiate. Ils
essaient de le régler le plus vite possible.
Cela va-t-il à l’encontre de mon rôle de représentant de
ma circonscription? Je ne crois pas. Je n’en ai pas l’impression.
Je n’ai rien remarqué le confirmant et je ne vois pas comment cela
pourrait avoir une incidence négative. À mon avis, le fait
d’être président m’ouvre beaucoup plus de portes
qu’auparavant. Je ne sous-estime personne, mais je sais que, même
quand j’ai eu besoin de m’entretenir avec le lieutenant-gouverneur
sur certaines questions, il m’a rappelé sans délai. Nous
travaillons en très étroite collaboration dans le cadre de
différents événements et dossiers et nous avons
noué des liens d’amitié. Nous en sommes même
arrivés à nous connaître un peu mieux sur le plan
personnel.
J’ai observé que mes électeurs avaient réagi de façon
très positive à mon élection à la présidence
de l’Assemblée législative. Mon rôle à la
Chambre m’a donné beaucoup plus de visibilité que je
n’en avais eu par le passé. Beaucoup d’électeurs
à qui j’ai parlé — particulièrement
à l’occasion de notre dernière campagne électorale
de juin 2003, alors que je faisais du porte-à-porte — me
l’ont affirmé. Il y a neuf résidences pour personnes
âgées dans ma circonscription et beaucoup des commentaires
venaient des aînés, mais aussi de nombreuses autres personnes. Ces
gens se sont sentis très honorés et fiers que leur
député provincial soit président de la Chambre.
Le fait de devenir président m’a aidé de bien des
façons. Les gens sont venus me dire en face qu’ils n’avaient
pas voté pour moi aux dernières élections, mais
qu’ils se raviseraient maintenant que j’étais
président de l’Assemblée. Je ne sais pas quelle est la
situation dans les autres provinces et territoires, mais c’est ainsi que
ça s’est passé pour moi.
La preuve en est qu’en 1999, j’ai obtenu 56 p. 100 des voix
aux élections et que, la dernière fois, soit en 2003,
j’ai raflé 76 p. 100 des suffrages. Cela
représente une augmentation de 20 p. 100 essentiellement
attribuable au fait que je suis président. Je le sais. Beaucoup de gens
ont apprécié que je ne fasse pas de politique partisane. Quelle
qu’en soit la raison, je crois qu’il est important que
j’agisse de manière impartiale. Mon rôle consiste à
veiller à ce que la population du Manitoba en général et
mes électeurs en particulier comprennent mon objectif en tant que
président.
En fin de compte, j’estime que les inconvénients inhérents
à la neutralité de la présidence, comme la solitude, sont
de loin compensés par les avantages que procure une plus grande
visibilité, un meilleur accès aux ministres et le
développement continu du rôle d’impartialité et
d’indépendance que joue le président. C’est pour
cette raison que je continuerai de m’abstenir de participer à
toute activité susceptible de donner l’impression que le bureau du
président agit de manière partisane. Dans mon cas, cela
fonctionne.
Voilà donc mon point de vue sur la question. Je suis sûr que le prochain
président du Manitoba fera ce qu’il considère opportun.
Le président Peter Milliken (Chambre des communes) : Ce
que les autres ont dit coïncide avec ma propre expérience, à
l’exception de quelques détails. J’y reviendrai. Les
campagnes de financement, entre autres, soulèvent beaucoup de questions.
Je recueille des fonds entre les élections, ce que je ne pourrais pas faire
si j’étais député indépendant. La Loi
électorale du Canada ne m’autoriserait pas à
délivrer des reçus aux personnes qui font des dons en argent, car
tous les fonds doivent être acheminés à un parti politique inscrit.
Par conséquent, je maintiens mon allégeance politique, afin de
pouvoir délivrer des reçus pour les dons versés au Parti
libéral, à Kingston, puisque j’appartiens à ce
parti. Ces sommes pourraient servir à ma campagne électorale. En
fait, j’espère réunir suffisamment de fonds pendant la
campagne pour que cela soit inutile. Voilà pourquoi je ne veux pas
renoncer à mon allégeance politique. D’ailleurs, mes deux
prédécesseurs avaient adopté la même
démarche.
Deuxièmement,
je me rends aux rencontres de mon parti dans ma circonscription. Je demeure
membre d’office de l’exécutif libéral de Kingston et
les Îles, et j’assiste à ses réunions à
l’occasion. Je participe également aux rassemblements du parti qui
se tiennent à Kingston, par exemple les barbecues ou les
réceptions en l’honneur des ministres en visite, mais jamais si
cela se passe à l’extérieur de la circonscription. De fait,
je ne me rappelle pas avoir été présent lors d’une
annonce faite par un ministre dans ma circonscription, à Kingston. Les
annonces ont généralement lieu lorsque je ne suis pas disponible,
car je suis retenu à Ottawa beaucoup plus qu’autrefois. En tout
cas, je n’ai pas assisté à la remise d’un
chèque depuis longtemps.
Je n’assiste pas aux rencontres qui se tiennent dans une circonscription
voisine ou ailleurs au pays. Même chose pour les congrès du parti
et les réunions du caucus. Je fais exception à Noël. Je suis
invité et j’assiste aux célébrations du temps des Fêtes
tenues par les cinq partis politiques de la Chambre.
Je suis d’accord avec mon collègue lorsqu’il déclare que
le poste de président modifie les perceptions à
l’égard des fonctions que nous exerçons au Parlement. Le
poste est vu comme apolitique, et je pense que cela réduit le niveau de
partisanerie chez les électeurs de la circonscription.
Hier soir, j’ai discuté avec John Fraser, le premier président
élu de la Chambre des communes. Il m’a expliqué la
façon dont il s’était comporté dans sa
circonscription, en tant que candidat président de la Chambre, pendant
la campagne de 1988, et comment, à ce titre, il avait
évité d’attaquer les autres partis. Chose certaine, lorsque
je prends la parole dans des réunions politiques à Kingston, je
ne dénonce pas les autres partis. Je ne parle même pas de
politique. J’évoque mes fonctions de président et la ville
de Kingston, et j’évite toute position partisane. J’ai perdu
l’habitude d’exprimer mes idées politiques, moi qui aimais
tant le faire autrefois. Toutefois, cela vaut mieux, je crois. Les gens
semblent l’apprécier et, en particulier, les électeurs
locaux qui appartiennent aux autres partis. Cela aide les gens à
comprendre que j’exerce mes fonctions de façon impartiale à
la Chambre, contrairement aux autres députés qui jouent un
rôle plus politique.
On me demande souvent comment un président de la Chambre peut assurer
correctement la représentation de ses électeurs. La
vérité, c’est que les ministres se rendent toujours
disponibles pour moi, et il m’est facile de prendre contact avec eux, au
besoin.
Trois fois par année, environ, j’organise une réception pour un
groupe de six ou sept députés d’une région
quelconque du Canada. Je leur demande d’inviter 50 personnes pour une
rencontre sans cérémonie. Je prends la parole devant eux et
j’explique les responsabilités des députés et des
ministres à la Chambre et dans les divers comités.
Ensuite, je présente chacun des députés et j’explique les
fonctions et responsabilités individuelles dont ils sont chargés
dans les comités parlementaires. Ces rencontres ont du succès et
constituent une excellente occasion d’expliquer ce que font les
députés à un grand nombre de personnes d’une
même région. Souvent, les députés y invitent leurs
travailleurs de campagne.
À mon avis, il est tout aussi important pour eux de comprendre les fonctions et
responsabilités du député. Les invités ont la
possibilité de rencontrer des gens utiles, car ces réceptions
regroupent habituellement des représentants des autres partis en
même temps. À Calgary, par exemple, je pense que nous avons
réuni cinq députés de l’Alliance et un
député conservateur. Cela se passait avant la fusion des deux
partis. Il me semble qu’aucun député libéral
n’était présent cette fois-là. Selon l’endroit,
les combinaisons de députés et de partis politiques
diffèrent.
Une autre initiative qui m’a servi dans mon travail à la Chambre,
c’est le dîner que j’organise deux fois par mois lorsque la
Chambre siège. J’y invite environ vingt députés.
Dans mon plan de table, je fais en sorte de ne pas les regrouper par parti,
mais de les mélanger, pour qu’ils se rencontrent et discutent dans
un contexte purement social. Il n’y a pas d’ordre du jour. Il
s’agit simplement de s’asseoir, de converser et de manger ensemble.
Souvent, lorsqu’ils assistent aux autres réceptions, les
députés ne se mêlent qu’avec les membres de leur
propre parti. Ces dîners sont l’occasion pour eux de se mieux
connaître et ils ont d’ailleurs permis la formation de nombreuses
amitiés « interpartis ». À mon avis, les
tensions à la Chambre s’en trouvent un peu réduites, car les
gens sont moins désagréables les uns avec les autres
lorsqu’ils se connaissent. C’est très utile, et ces
rencontres ont beaucoup de succès. Les députés me
demandent : « Quand donnerez-vous votre prochain dîner?
J’aimerais bien revenir. » C’est une méthode
efficace de rapprocher les députés sans dépenser une
fortune.
Le président Bev Harrison (Nouveau-Brunswick) :
J’aimerais commencer par vous dire que je suis pour la neutralité,
mais d’une autre façon. J’essaye de demeurer impartial
à la Chambre. Lorsque les présidents prennent des
décisions qui ne vont pas dans le sens que souhaitent les
députés, ce qui arrive fréquemment, comme nous le savons
tous, ils font face au tollé général et à des
regards désapprobateurs ou à des commentaires négatifs après
coup. Dans ces moments-là, les présidents ne sont certes pas
populaires. Les députés comprennent souvent ce qui se passe et se
contentent de sourire, sans plus. Le travail de président est le plus
difficile qui soit. À moins que ses collègues ne connaissent bien
les principes qui sous-tendent le poste — ce qui n’est pas le cas
la plupart du temps —, la tâche demeure ardue.
Apparemment, les trois présidents qui se sont exprimés jusqu’à
présent se sont arrangés pour se dissocier de leur parti. Faire
cela au Nouveau-Brunswick se solderait par la destitution du président.
Je dois donc décider habilement comment rester neutre, tout en sachant
que j’ai été élu député du Parti
progressiste-conservateur et que je devrai un jour ou l’autre me
représenter à une élection et faire campagne comme
député progressiste-conservateur. Je dois toujours être
conscient de cela. Je trouve difficile d’expliquer cette situation aux
gens de ma circonscription qui se demandent qui est leur représentant,
maintenant que je suis président de l’Assemblée
législative du Nouveau-Brunswick. Je dois prendre le temps de leur faire
connaître mon travail et trouver le moyen de mieux faire certaines choses
en ma qualité de président. D’autres sont plutôt
fiers que le président soit leur député. Au bout du
compte, je dois compenser mon impossibilité de parler de certains
problèmes ou de les résoudre en participant à chaque
événement qui se tient dans ma circonscription, y compris les
célébrations d’anniversaires. À cause de cela, je
travaille même les fins de semaine; d’ailleurs, les samedis et
dimanches sont, pour moi, les journées les plus chargées. Je ne
suis jamais chez moi parce que je dois assister à toutes les rencontres.
Si je ne le faisais pas, je n’aurais aucune visibilité, si ce
n’est lorsqu’on me voit à la télévision, assis
dans mon fauteuil, sans jamais faire une allocution ou voter. C’est
pourquoi je dois faire ces choses.
Oui, j’assiste aux réunions et aux activités de financement du
parti. Je fais également partie du caucus du sud du Nouveau-Brunswick du
Parti progressiste-conservateur et je vais à toutes les réunions
organisées dans ces circonscriptions. J’y participe notamment
lorsque des chèques y sont présentés.
Je ne perds pas mon temps à fustiger l’opposition, car je crois que
c’est inutile. Toutefois, je parle des enjeux de la circonscription. Par
exemple, lorsque les médecins se sont mis en grève au
Nouveau-Brunswick, j’ai été invité par chaque groupe
d’aînés de ma circonscription et j’ai fait une tournée
de conférences pour présenter l’autre version des faits.
Cela ne m’a posé aucun problème. Cela n’avait rien
à voir avec le parti d’opposition, car c’était une
question qui se limitait strictement aux revendications des médecins et
aux attentes du gouvernement.
Je vais aussi expliquer de manière plus académique dans des
écoles d’autres circonscriptions, en plus de la mienne, le
rôle du président du Parlement et du gouvernement en
général.
Au Nouveau-Brunswick, on n’a guère le choix, mais j’ai cette
possibilité et je m’arrange pour participer aux réunions du
caucus lorsque la Chambre ne siège pas. Quand elle siège, je
n’y vais pas. C’est un choix personnel. Les présidents qui
m’ont précédé avaient peut-être fait le choix
de ne jamais y assister. C’est à chacun de décider.
Quelqu’un a dit que certains députés n’aimaient pas être vus en
train de sortir du bureau du président. Moi, j’invite les
députés des deux côtés à discuter dans mon
bureau, car je pense que c’est sain. C’est une bonne façon
d’aborder les questions et de maintenir un certain respect entre les
députés des deux camps. Je travaille d’arrache-pied pour
promouvoir la coopération, car j’estime que c’est important,
même si le président n’obtient pas toujours, de la part du
gouvernement, la collaboration voulue.
Ce qui m’intéresse, c’est qu’on facilite la tâche
du président. Oui, les présidents sont censés être
aidés dans leurs activités; c’est d’ailleurs ce
qu’on nous dit et ce qui devrait se produire, même si cela
n’arrive pas très souvent au Nouveau-Brunswick. Je dois me battre
comme n’importe quel autre député. J’ai un chef de
cabinet qui doit faire tout ce qu’il faut pour ma circonscription.
J’ai énormément de respect pour la fonction publique. Lorsque je
laisse un message téléphonique, le sous-ministre me rappelle
très rapidement. De ce point de vue, le président est
respecté.
Je conclurai en disant qu’au Nouveau-Brunswick, le problème comporte
un autre élément. La seule différence est que je dois
apprendre à marcher sur la corde raide, car je dois maintenir mon
engagement envers le parti tout en demeurant neutre. Je pense que j’y
suis arrivé, dans la mesure où le respect que me
témoignent le gouvernement et l’opposition est toujours manifeste.
Le président Ken Kowalski (Alberta) : En tant que
groupe, je pense que nous avons une bonne compréhension de ce que nous
sommes et du rôle que nous jouons. Essentiellement, nous sommes les
serviteurs des Chambres, mais pas ses esclaves. Nous devons faire preuve de
fermeté, d’équité et de respect, et nous devons
suivre les traditions d’impartialité et de dignité
inhérentes à notre profession, ce qui nous permet de survivre.
À ce sujet, permettez-moi d’apporter quelques petites précisions. La
décision de participer à une réunion de caucus en Alberta
relève strictement du président. Lorsque l’Assemblée
siège, je n’assiste pas à ces réunions. Mais, quand
elle ne siège pas, j’estime que je peux faire ce que je veux.
J’ai participé à sept élections et je ferai encore campagne, ce
qui fera huit. Je suis élu avec un parti politique. Je participe aux
rencontres partisanes à l’intérieur et à
l’extérieur de ma circonscription. J’ai fait clairement
savoir aux chefs des partis de l’opposition de l’Alberta que, si
j’étais invité à une de leurs réunions, j’irais
probablement.
J’ai dit aux deux chefs de l’opposition que s’ils m’envoyaient une
invitation pour participer à leurs réunions de caucus, je me
présenterais. Je l’ai déjà fait par le passé.
Le chef du parti de l’opposition officielle m’avait demandé
de venir à une rencontre et j’ai accepté. Je ne suis
resté que pour discuter des questions officielles de la Chambre, et cela
a vraiment détendu l’atmosphère.
Aucun ministre ne viendrait jamais dans ma circonscription sans ma permission. Nous
avons une tradition au caucus du gouvernement albertain selon laquelle aucun
ministre n’oserait jamais se présenter dans la circonscription
d’un autre député sans y avoir été
autorisé. Cela favorise grandement le travail d’équipe.
Lorsque j’étais ministre, nous insistions sur cette pratique. Quand un
ministre vient dans ma circonscription, je le présente aux gens. Je
précise bien que je suis le député provincial, en plus
d’être le président de l’Assemblée législative,
et que le ministre est là pour faire certaines choses.
J’aime beaucoup faire de la politique sur le terrain. Je présente souvent des
chèques. C’est une manière agréable
d’être en contact avec les électeurs. Je vais
également aux célébrations d’anniversaires, aux
rencontres scolaires et aux funérailles. Je distribue des cartes
à cette occasion. C’est aussi une façon de faire de la
politique sur le terrain. Je suis très engagé dans les
activités locales du parti, comme je l’ai toujours
été.
Néanmoins, il y a une série d’événements auxquels je ne
participe pas en tant que président. Je ne vais pas aux dîners
organisés par le premier ministre ou les chefs de partis. Je ne prends
pas part aux conférences d’orientation ni aux congrès de
partis. J’y assiste, mais je demeure discret. Je n’essaie pas
d’attirer l’attention.
Depuis 25 ans que je suis en politique, je n’ai jamais mentionné le
nom d’un opposant dans quelque discours que ce soit. Je participe aux
discussions en mettant l’accent sur le message que je veux livrer.
Pourquoi voudrais-je dénigrer quelqu’un? Cela me permet de rester
loin des débats partisans.
Je n’ai pas à critiquer un opposant. Mon travail consiste à
faire passer mon message. On ne pourra jamais me reprocher d’avoir
attaqué un parti politique ou quelqu’un d’autre. Ma
philosophie est de ne pas parler des opposants. Pourquoi le ferais-je?
La vaste majorité de mes électeurs est fière que je sois
président de l’Assemblée législative. Cela m’a
surpris. Je suis ancien vice-premier ministre et ancien ministre de plusieurs
portefeuilles en Alberta. Lorsque je suis devenu président, mes
électeurs pensaient, d’une certaine manière, que
j’étais meilleur que tous les autres. Cela m’a secoué
pendant quelque temps.
Quand vous faites de la politique sur le terrain, vous vendez l’idée
qu’être président est une bonne chose, que c’est
être au-dessus de la mêlée, que cela confère de la
dignité. Oui, les présidents se voient ouvrir toutes grandes les
portes.
En Alberta, 74 des 83 députés appartiennent au parti de la
majorité. Le groupe avec lequel il le plus difficile de traiter est
celui du gouvernement, le parti majoritaire, car il vous considère
toujours sien. Vous lui appartenez encore. Vous êtes toujours son
député. Vous avez combattu pour lui. La plupart du temps,
pourtant, ils sont très à l’aise avec la situation.
Ma porte est toujours ouverte et l’a toujours été, quel que
soit le poste que j’ai occupé. Les députés
provinciaux et les ministres s’y succèdent sans cesse, et je les
encourage à continuer de le faire.
Ma politique d’ouverture va encore plus loin. J’organise une
série de dîners privés. J’invite des
représentants des trois partis, habituellement par groupes de huit. Tous
les printemps, j’organise 11 dîners, que ce soit dans les
appartements du président ou ailleurs. Il n’y a pas d’ordre
du jour. Les convives prennent place devant un bon dîner pendant une
heure et demie ou deux, et des barrières tombent.
Ce que j’ai trouvé le plus difficile à faire par le
passé, c’était de réunir dans une même
pièce les chefs des différents partis de l’opposition et le
premier ministre. On se retrouvait à quatre. En fonction de ce qui
arrivera au printemps, l’un des trois partis peut décider
qu’il en veut tellement aux deux autres qu’il refuse
d’assister au dîner. L’an dernier, la rencontre a
été annulée pour ce type de raisons, mais, avant, les gens
venaient. Ces dîners étaient assez réussis. Nous avons
évolué pour la plupart d’entre nous.
Une bonne nouvelle importante, c’est que la Chambre des communes élit
le président par scrutin secret. Comme la pratique est répandue
dans tout le pays, cela favorise une plus grande indépendance.
Après les élections de 1993 en Alberta, le premier ministre et moi-même
avions beaucoup d’affinités et d’affection l’un pour
l’autre. Dix-huit mois plus tard, nous avons eu une grosse dispute, qui a
fait couler beaucoup d’encre des médias. J’ai erré
dans le désert pendant trois ans.
Je n’ai pas été sacré en 1997. Il était
très clair que le premier ministre de l’Alberta ne voulait pas de
moi comme président, mais j’ai gagné. C’est là
que l’indépendance du rôle du président a
été nettement établie.
J’ai été réélu à la présidence en 2001.
Personne ne s’y est opposé. Cela confirmait une bonne structure.
Le président doit être un serviteur, et non pas un esclave.
Le président Murray Scott (Nouvelle-Écosse) :
Quand j’ai pris les fonctions de président, je
n’étais député provincial que depuis une quinzaine
de mois. Je commençais à peine à pouvoir repérer
mon fauteuil, sans parler de connaître le Règlement de la
Chambre et le mode de fonctionnement de l’assemblée. Pour moi,
c’était un peu écrasant. Comme j’avais fait
carrière, avant cela, comme agent de police, où tout était
gravé dans la pierre, même si on a quelque discrétion,
j’ai trouvé qu’il n’y avait pas grand-chose qui me
soit d’un grand secours. Cependant, nous avons tous un
dénominateur commun, soit le personnel du bureau du greffier. Je
n’éprouve à l’égard de ces gens que le plus
grand respect. Grâce à leur expérience et à leurs
conseils, j’ai toujours pu trouver mon chemin dans la nuit. Les
présidents vont et viennent, mais le personnel du bureau du greffier
demeure généralement, et je sais que leurs conseils et leur
expérience sont très appréciés.
L’une des premières réunions auxquelles j’ai assisté après
être devenu président était une séance comme
celle-ci. Je me rappelle un entretien que j’ai eu, un soir, avec un
président d’une autre région du pays. Nous comparions ce
qu’il faisait dans sa région avec ce que moi je faisais dans la
mienne. Ce que je n’avais pas compris de cette conversation, c’est
que chacun de nous, en tant que président, trouve son propre style
à la longue. Ce qui fonctionne dans une région ne sera pas
forcément efficace ailleurs.
Au bout du compte, j’ai essayé de faire la distinction entre la
Chambre d’assemblée et ma circonscription. Bien que j’aime
beaucoup être président et que j’aime les fonctions de mon
poste, si je n’étais pas député provincial de
Cumberland-Sud, j’aurais peu de chances d’être
président de la Chambre d’assemblée de la
Nouvelle-Écosse. J’ai toujours donné la priorité
à ma circonscription en dehors de la Chambre et j’essaie de
demeurer impartial à l’intérieur de celle-ci.
Je me rappelle quand il y a eu des compressions, dans notre région, tout
comme partout ailleurs au pays, dans les soins de santé. Ma
circonscription est surtout composée d’aînés et de
personnes handicapées. Les soins de santé constituent un enjeu.
Mon gouvernement, mon parti à l’époque, était en
train de procéder à des compressions budgétaires. Ma
propre collectivité était confrontée à la
possibilité d’une réduction de l’effectif de notre
hôpital, ou même à sa fermeture. L’opposition dans ma
région — non pas l’opposition au parti, mais les
personnes qui s’opposaient à moi dans ma propre circonscription —
a profité de ce que j’étais président pour
m’entraîner dans cette controverse. Il y a eu plusieurs
réunions, et des ministres sont venus dans la région. Il y a eu
beaucoup de discussions. Je me rappelle un soir où l’aréna
local était comble. Ils se sont arrangés pour me faire monter sur
la scène et me confronter aux électeurs qui m’avaient
élu, pour que je prenne devant eux une décision, soit
d’être le président et ne rien dire, ou être le
député provincial de Cumberland-Sud, et faire ce que je pouvais.
Il y avait une pétition, qui comportait plusieurs milliers de noms. On
m’a présenté comme le président. Lorsque j’ai
pu avoir le micro, la responsable de l’événement avait mis
la pétition sur le podium. J’étais le dernier à
prendre la parole, et elle m’a remis cette pétition à
transmettre à Halifax. J’ai dit que j’étais le
député provincial de Cumberland-Sud, que j’avais
été élu par ce public et que j’étais,
d’abord et avant tout, un député provincial. J’ai
signé cette pétition devant tous ces gens-là, à
tire de député provincial de cette région et je l’ai
remise en main propre le lendemain matin au premier ministre, au nom de mes
électeurs.
J’ai entendu aujourd’hui que certains présidents assistent aux
réunions, et d’autres pas. Certains assistent aux
assemblées de caucus, et d’autres pas. Certains se mêlent
aux politiques partisanes, et d’autres pas. Je pense que nous devons
décider ce qui vaut mieux pour nous et pour notre circonscription. Si on
a l’appui d’autres membres des partis dans notre région,
alors, on sait qu’on est sur la bonne voie.
J’aimerais dire deux choses sur la manière dont je juge des résultats dans
ma propre région, après cinq années en tant que
président.
Tout d’abord, lors des dernières élections, notre gouvernement
majoritaire est devenu un gouvernement minoritaire. Après avoir
été président pendant quatre ans, j’ai pu retourner
comme député provincial pour Cumberland-Sud, avec la plus vaste
majorité qu’il y ait eu en Nouvelle-Écosse, ce qui
était un virement de cap complet depuis les élections
précédentes, parce qu’un autre parti représentait la
région.
Deuxièmement, lorsque nous sommes retournés à la Chambre en situation de
minorité, l’opposition a eu l’occasion de donner le fauteuil
du président à l’un de ses représentants. Ce
n’est pas le premier ministre qui a proposé ma candidature. La
motion a été appuyée par le chef de l’opposition
officielle. Le chef du troisième parti l’a aussi appuyée
à l’unanimité. Personne ne s’est
présenté contre moi.
J’arrive là où je veux en venir. Nous trouvons notre propre style. Nous
cernons ce qui fonctionne le mieux pour nous. Nous veillons à ne pas
tirer parti du poste de président et à assumer un rôle
impartial. En fin de compte, nous sommes les membres de
l’assemblée législative qui représentent la
population de nos propres régions. Il est très important que nous
trouvions le juste équilibre, car la distinction est mince. Ce qui peut
fonctionner dans une région ne fonctionnera pas nécessairement
dans une autre.
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