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Gary O'Brien

The Sovereignty of Parliament : History and Philosophy par Jeffrey Goldsworthy, Oxford, Clarendon Press, 1999

Depuis que lord Bryce a publié The Decline of Legislatures en 1921, les universitaires passent largement sous silence, voire rabaissent, la fonction de légiférer des Parlements. Cela a conduit à une compréhension inadéquate de l’importance du système parlementaire et de la signification de concepts fondamentaux tels que la souveraineté du Parlement. Jeffrey Goldsworthy, professeur agrégé de droit à l’Université Monash en Australie, tente, dans cet ouvrage bien documenté et facile à lire, de renverser cette tendance en présentant une analyse très approfondie de la nature et de la source de cette doctrine qui est encore au cœur des systèmes juridiques au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Il décrit son évolution en Angleterre des tout débuts du Parlement jusqu’au XIXe siècle et examine de façon sérieuse le lien entre l’autorité parlementaire et la common law, le pouvoir judiciaire et le devoir moral de désobéir, ainsi qu’entre la souveraineté parlementaire et la souveraineté populaire et le droit de résistance.

Quoique son approche soit essentiellement historique, elle est également philosophique et l’auteur fait référence aux travaux de tous les grands philosophes anglais du Moyen Âge aux temps modernes, tels que sir Thomas More, Fortescue, Coke, Hobbes, Locke, Blackstone, Burke, Adam Smith, Bagehot, Dicey, Austin, H.L.A. Hart et Dworkin. Cette étude sur les penseurs qui se sont penchés sur le Parlement et le droit constitue un cours d’introduction ou de perfectionnement utile à ceux qui étudient le Parlement, bien que l’auteur ait invariablement (et à juste titre) fait peu de cas des contributions au débat de certains des plus grands penseurs, comme Jeremy Bentham et John Stuart Mill.

Selon M. Goldsworthy, la doctrine de la souveraineté parlementaire soutient que le Parlement a le pouvoir suprême de déterminer ce que doit être la loi. Les juges peuvent dire ce qu’est la loi, mais ils sont contraints d’accepter la validité de toutes les lois du Parlement. L’auteur attaque les mythes historiques qui entourent le concept, comme celui qui affirme que l’omnipotence du Parlement a été « inspirée par Hobbes et inventée par Blackstone ». Il montre de façon convaincante, en se basant sur des preuves historiques, que le pouvoir légal du Parlement était reconnu comme suprême et absolu bien avant le XVIe siècle. Il conteste également les opinions récentes présentées par les détracteurs de la doctrine, tels que Trevor Allen et Michael Detmold, qui affirment que les juges obéissent aux lois uniquement parce qu’ils sont contraints de le faire en raison des principes de justice, de primauté du droit et d’égalité des citoyens et que, de ce fait, le pouvoir de légiférer du Parlement est limité par ces principes. M. Goldsworthy examine les données historiques et conclut que ce n’est pas le cas. Selon lui, la doctrine précise bien que le Parlement a l’autorité légale de promulguer des lois et que les juges ont le devoir légal de les faire appliquer, mais elle ne dit pas que les juges auraient le devoir moral de les faire appliquer. La validité et l’autorité légales sont différentes de la validité et de l’autorité morales.

L’ouvrage explore des questions intéressantes. Les pouvoirs du Parlement dérivaient-ils de ceux du roi étant donné que le Parlement faisait partie de la Haute Cour du roi ou avaient-ils leur propre légitimité et leur propre autorité légales, indépendantes du roi? Le pouvoir de légiférer du Parlement est-il encore limité aujourd’hui par la Scottish Act of Union de 1707, dont les termes devaient être « immuables »? Quelle a été la portée du procès Stockdale c. Hansard (1839) pour l’existence et l’étendue des privilèges de la Chambre des communes? De telles questions mettent en cause notre connaissance de l’histoire parlementaire et l’excellente bibliographie de l’auteur nous permet de les examiner plus en détail.

M. Goldsworthy a décrit de façon convaincante les justifications et les avantages de la doctrine dans le contexte anglais. Il est indiscutable que le fait de confier un pouvoir illimité de légiférer à une institution démocratique unique reflétant la sagesse collective de la communauté y maintient une certaine stabilité depuis 1689. Son analyse nous aide à comprendre pourquoi la Grande-Bretagne a toujours montré une préférence pour l’adaptation  pragmatique et progressive des institutions coutumières. Toutefois, on se demande si cette doctrine, qui s’est développée dans le contexte historique spécifique de l’Angleterre et a été définie par ce contexte et que décrit avec tant de lucidité M. Goldsworthy, peut être appliquée ailleurs avec succès. Cette approche de la promulgation des lois a été couronnée de succès au Royaume-Uni, mais elle n’a pas toujours été acceptée comme le meilleur système constitutionnel dans d’autres pays. Comme nous le savons, après un long débat, le Canada a accordé aux tribunaux un rôle beaucoup plus important dans la révision des lois par l’adoption, en 1982, de la Charte canadienne des droits et libertés aux dépens de la souveraineté du Parlement.

On se demande également si, même au Royaume-Uni, la doctrine ne sera pas un jour considérablement modifiée. Dans son livre intitulé Constitutional Reform (Clarendon Press, 1998), le professeur R. Brazier indique que « la souveraineté parlementaire est maintenant plus complète que le droit divin des rois ». D’autres comme l’Institute of Public Policy Research ont mis en question l’exactitude de la supposition classique que le Parlement reflète la sagesse collective de la communauté. L’institut souligne les « plaintes au sujet d’un système électoral qui fausse sérieusement la représentation, exclut l’opinion moyenne et risque de donner le pouvoir au parti minoritaire le plus important; d’un Parlement qui est dominé par l’exécutif dans son contrôle de la procédure […]; d’une administration nationale qui cultive de façon excessive le secret et contre les activités de laquelle les réparations sont inadéquates […] » (IPPR, 1991). Les modifications très importantes de la Constitution et de la procédure auxquelles a procédé le Parlement britannique au cours des derniers mois constituent manifestement des efforts pour accroître la légitimité de la doctrine plutôt que de s’en passer, mais il est encore trop tôt pour pouvoir évaluer leur succès.

Nous félicitons Jeffrey Goldsworthy de cet ajout utile à la littérature parlementaire.

Gary O’Brien
Sous-greffier
Le Sénat

Publications récentes

Deliberative Democracy in Australia: The Changing Place of Parliament de John Gregory Uhr, Université Cambridge Press, 1988, 265 p.

Unfinished Business: Reforming the House of Lords de Ivor Richard et Damien Welfare, Vintage Books, Londres, 1999, 226 p.

Patterns of Democracy: Government forms and Performance in Thirty-six Countries de Arend Lijphart, New Haven, CT: Université Yale Press, 1999, 351 p.

Parliamentary Committees: Enhancing Democratic Governance, a report of the Commonwealth Parliamentary Association Study Group on Parliamentary Committees and Committee Systems,écrit et compilé par Gordon Barnhart, Londres: Cavendish, 1999, 187 p.

Great Britain: Royal Commission on the Reform of the House of Lords. A House for the future / Royal Commission on the Reform of the House of Lords. Londres: The Stationery Office, 2000, 216 p.

Reforming the House of Lords: Lessons from Overseas de Meg Russell, Londres: Université Oxford Press, 2000, 368 p.

La procédure parlementaire du Québec. Assemblée nationale du Québec, 2000, 493 p.

 


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Vol 23 no 3
2000






Dernière mise à jour : 2020-09-14