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Assemblée législative minoritaire de 2018 au Nouveau-Brunswick : L’étrange trilogie
Don Desserud; Stewart Hyson

Les 30 dernières années à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick ont été marquées par une trilogie d’étrangetés. Tout d’abord, en 1987, un parti a remporté tous les sièges à l’Assemblée, si bien qu’il n’y avait pas d’opposition parmi les députés. Ensuite, en 1994, la situation des partis à l’Assemblée s’est modifiée par suite de différents événements, et il en a découlé que deux partis d’opposition – disposant d’un nombre égal de sièges – se sont disputé le droit d’être reconnus en tant qu’opposition officielle. Enfin, plus récemment, la dernière élection générale au Nouveau-Brunswick a donné lieu au premier gouvernement minoritaire depuis 1920. Ce dernier a tenté de démontrer qu’il avait conservé la confiance de l’Assemblée malgré la perte de sa majorité, mais il a été défait lorsque la Chambre s’est réunie pour l’étude de l’Adresse en réponse au discours du Trône. Après un bref retour sur les deux premiers éléments de cette étrange trilogie, les auteurs se penchent sur le troisième élément et expliquent comment la précarité d’un gouvernement minoritaire et la disparité politique des quatre partis à l’Assemblée pourraient ramener les électeurs aux urnes bien avant la prochaine date fixe des élections.

Les dernières élections généralesnéo-brunswickoises, qui ont eu lieu le 24 septembre 2018, n’ont pas donné de résultats très nets. Le Parti libéral sortant a remporté 21 des 49 sièges et obtenu 38 % du vote populaire. Le Parti progressisteconservateur (PPC), quant à lui, a remporté 22 sièges avec 32 % des voix. Le Parti vert et l’Alliance des gens (AG) se sont séparé les six sièges restants à égalité. Pour la deuxième fois seulement dans son histoire – la première fois remontant à près d’un siècle – le Nouveau-Brunswick a élu un gouvernement minoritaire. Il s’agit d’une situation remarquable, mais ce qui est peut-être encore plus intéressant, c’est qu’il s’agit de la troisième étrangeté qu’un gouvernement de la province vive en une trentaine d’années.

Jusqu’à présent, le Nouveau-Brunswick a presque toujours été gouverné par un parti détenant la majorité à l’Assemblée1. Dans cette province, seuls les libéraux et le PPC ont formé le gouvernement et, à l’exception de 1991, année où le tout nouveau Confederation of Regions Party (CoR) a remporté huit sièges, le statut d’Opposition officielle est toujours revenu à l’un des deux grands partis. En 1987, les libéraux ont remporté tous les sièges de l’Assemblée législative. En soi, cela constitue une première étrangeté. Puis, en 1994, le PPC et le CoR se sont retrouvés à égalité, détenant chacun six sièges dans l’opposition : le Président dut alors décider quel parti formerait l’Opposition officielle. Voilà la deuxième étrangeté. Or, nous nous retrouvons maintenant devant une troisième curiosité : un gouvernement minoritaire. Élu de justesse, le gouvernement minoritaire a pris le pouvoir après avoir orchestré la défaite de l’Adresse en réponse au discours du Trône.

Les deux premiers événements de cette étrange trilogie ont déjà fait l’objet d’articles dans nos pages et seront brièvement abordés plus loin. Le troisième événement, le plus récent, a cependant de quoi laisser perplexe : comment les partis élus du Nouveau-Brunswick composeront-ils avec la précarité de l’Assemblée?

Première étrangeté : un parlement à parti unique

En 1987, les libéraux de Frank McKenna ont remporté l’entièreté des 58 sièges de l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick en récoltant environ 60 % des suffrages exprimés. Cette situation a entraîné des problèmes logistiques intéressants au sein de l’Assemblée. Qu’adviendrait-il de la période des questions en l’absence d’un parti d’opposition? Qui prendrait place sur les banquettes de « l’opposition »? Quel rôle, s’il en est un, les partis sans siège joueraient-ils dans le fonctionnement de l’Assemblée?

En ce qui concerne l’attribution des sièges, la solution de McKenna consista à diviser son gouvernement en deux groupes : un groupe à la droite du Président, et l’autre, à gauche. Le premier ministre, quant à lui, prenait place à gauche. Pendant la période des questions, les députés libéraux d’arrièreban posaient des questions plutôt faciles aux ministres du Cabinet. Le nombre d’employés et les services de recherche de la Bibliothèque législative ont été accrus, notamment pour permettre aux représentants non élus du PPC et du NPD de mieux préparer les prises de position de leur parti sur les questions stratégiques. Les deux partis se sont aussi vu offrir des locaux gratuits. En outre, ils ont pu nommer un membre sans voix délibérative au sein du Comité sur l’administration législative. Lorsque la Chambre siégeait, les chefs des partis d’opposition étaient invités à s’asseoir sur les bancs normalement réservés aux médias. Enfin, au lendemain des grandes annonces, on tenait une « journée des médias », au cours de laquelle les partis d’opposition pouvaient présenter leur position adverse respective devant les journalistes2.

Deuxième étrangeté : des partis d’opposition à égalité

Certains des changements apportés en 1987 ont bien fonctionné, tandis que d’autres, non. Ainsi, certains ont accueilli avec soulagement les résultats du scrutin de 1991, où huit députés du CoR, trois conservateurs et un néo-démocrate ont été élus à la Chambre. Au moins, il y avait maintenant une opposition officielle. Mais les députés inexpérimentés du CoR n’ont pas été en mesure de présenter un front uni et deux députés du CoR ont finalement choisi de siéger comme indépendants. À l’automne 1994, les progressistes-conservateurs avaient remporté trois élections partielles, les menant à l’égalité avec le CoR. Dans la Chambre, on comptait alors 43 libéraux, six députés du CoR, six progressistes-conservateurs, deux indépendants et un néo-démocrate.

Le fait d’être reconnu comme l’Opposition officielle confère à un parti un statut particulier, des privilèges et du financement. Les progressistes-conservateurs ont immédiatement soutenu qu’en raison de son rôle historique dans la politique néo-brunswickoise, leur parti était beaucoup plus apte à former l’Opposition officielle que le CoR, alors en voie de désintégration. Cependant, le CoR s’est dit en désaccord, estimant qu’en tant qu’Opposition officielle déjà en place, il devait conserver ce statut. En fin de compte, la Présidente Shirley Dysart a tranché en faveur du CoR. Dans sa décision rendue le 16 décembre 1994, elle expliquait qu’étant donné que les deux partis détenaient un nombre égal de sièges, deux facteurs permettaient de conclure que le CoR devait demeurer l’Opposition officielle, à savoir l’antériorité et la commodité, la prochaine élection devant avoir lieu dans seulement un peu plus d’un an3.

Ces deux controverses se sont avérées éphémères. Et c’est là que nous voyons ressortir l’un des grands atouts du modèle de Westminster : il s’adapte remarquablement bien à de nouvelles situations. Comme l’a souligné
C. E. S. Franks, le modèle de régime parlementaire à la Westminster permet une variété de configurations de pouvoir4. Les caractéristiques constitutionnelles qui définissent ce modèle lui sont inhérentes; cela dit, le parlement à parti unique du Nouveau-Brunswick et la décision de Dysart montrent bien à quel point le modèle est flexible. L’actuel gouvernement minoritaire constitue d’ailleurs la preuve que la souplesse du régime est toujours d’actualité.

Troisième étrangeté : un gouvernement minoritaire à la tête du Nouveau-Brunswick

Du point de vue constitutionnel

Le soir de l’élection de 2018, les résultats inusités ont laissé de nombreux Néo-Brunswickois perplexes : mais quel parti avait « remporté » l’élection? Sur le plan constitutionnel, la bonne réponse était à la fois simple et insatisfaisante : jusqu’à ce que la Chambre se réunisse et se prononce sur l’Adresse en réponse au discours du Trône, impossible de déterminer les vainqueurs5.

Il est bon de rappeler les leçons qui se sont dégagées du compte rendu d’Eugene Forsey6 sur l’affaire King-Byng de 1925-1926, ainsi que celles tirées d’autres événements semblables. D’un point de vue constitutionnel, le premier ministre n’est pas élu directement par l’électorat, mais plutôt nommé par le représentant de la Reine. Lorsqu’un parti remporte une majorité de sièges, cette nomination va de soi. Mais si aucun parti ne détient la majorité, le premier ministre sera celui qui pourra rallier l’appui de la plupart des élus. Sur un plan strictement constitutionnel, le gouvernement en place conserve le droit de rencontrer la Chambre afin de déterminer s’il peut obtenir le soutien de la majorité, quel que soit le résultat des élections. Or, lorsqu’un appui majoritaire est peu probable, l’usage veut que le premier ministre se rende à l’évidence et démissionne avant que la Chambre ne se réunisse. Peter Hogg s’est demandé si cette pratique constituait désormais une « convention constitutionnelle7 ».

Parfois, comme dans le cas de l’élection générale de mai 2017 en Colombie-Britannique, il n’est pas facile de prédire quel parti sera en mesure d’obtenir l’appui des députés indépendants ou des députés de petits partis. Dans cette conjoncture, la Constitution prévoit que le gouvernement en place a le droit de rencontrer la Chambre. Il s’agit ensuite de déterminer si les députés élus appuieront le gouvernement. L’Assemblée a une première occasion de faire connaître son soutien au moment du discours du Trône. Après le discours du Trône (et après l’élection du Président et la présentation du projet de loi fictif), un débat s’ensuit, et la Chambre est invitée à voter sur ce que l’on appelle « l’Adresse en réponse au discours du Trône ». Il s’agit essentiellement de la réponse de l’Assemblée législative au programme présenté par le gouvernement.

Il existe d’autres façons par lesquelles les gouvernements peuvent être défaits et perdre la confiance de la Chambre8, mais le vote sur l’Adresse est le premier et le plus concluant des tests. Si le gouvernement l’échoue, le premier ministre est alors tenu par la Constitution de démissionner ou de demander la dissolution. Cette dernière est rarement accordée lorsque la nouvelle assemblée se réunit tout juste après un scrutin général. Par conséquent, normalement, le gouvernement démissionne et le représentant de la Reine demande au chef du parti le plus susceptible d’obtenir l’appui de la majorité à la Chambre d’être le nouveau premier ministre.

C’est ce qui s’est produit au Nouveau-Brunswick. Le premier ministre Brian Gallant a tenu à faire valoir son droit de rencontrer l’Assemblée législative et a demandé à la lieutenante-gouverneure de prononcer le discours du Trône. Avant que le discours du Trône ne puisse être prononcé, la Chambre a dû élire un Président. Les députés des trois autres partis (PPC, Parti vert et AG) ont annoncé publiquement qu’ils n’accepteraient pas d’être candidats à la présidence. Dans la foulée, les députés libéraux ont fait une déclaration dans le même sens, car ils ne souhaitaient pas voir leurs troupes diminuer davantage. Finalement, le député libéral Daniel Guitard a accepté de poser sa candidature et a été dûment déclaré Président.

Les Présidents sont tenus de briser l’égalité et, traditionnellement, d’offrir leur vote au parti au pouvoir afin que le débat se poursuive. Ce n’était pas la première fois qu’une telle situation se produisait au Nouveau-Brunswick : en 2004, alors que le gouvernement et l’opposition comptaient le même nombre de députés, le Président Bev Harrison était constamment appelé à trancher. Cependant, la situation avec laquelle Gallant devait composer était encore plus désastreuse. Sur le parquet, les libéraux n’avaient que 20 sièges. Même en ralliant les trois votes du Parti vert, le gouvernement de Gallant ne pouvait obtenir que 23 votes. En unissant leurs forces, les progressistes-conservateurs et les députés alliancistes totalisaient 25 voix. Après que les libéraux ont tenté de modifier leur propre discours du Trône, les députés du PPC et de l’Alliance des gens ont réussi à battre le gouvernement libéral de Gallant. Pour déclarer leur manque de confiance envers le gouvernement Gallant, ils ont proposé un amendement à la motion du gouvernement portant approbation du discours du Trône. Cet amendement a été adopté et la motion amendée, qui visait à rejeter le discours du Trône, a également été adoptée.

Après la défaite de son gouvernement, survenue le 2 novembre 2018, le premier ministre Gallant se serait rendu à pied à la résidence de la lieutenante-gouverneure et lui aurait remis sa démission9. Par chance, à l’été 2018, la lieutenante-gouverneure Jocelyne Roy-Vienneau avait été l’hôte d’une conférence vice-royale qui portait sur les gouvernements minoritaires et les règles et procédures parlementaires. Elle était donc bien au fait de la situation constitutionnelle qui se présentait à elle et de la marche à suivre. L’exemple récent de la Colombie-Britannique pouvait aussi lui servir de guide10.

La lieutenante-gouverneure a donc accepté la démission de M. Gallant et a demandé à M. Higgs de former un nouveau gouvernement. M. Guitard a décidé de demeurer Président (au soulagement de M. Higgs, sans doute) et les progressistes-conservateurs n’ont donc pas été affaiblis par le fait de devoir assurer la présidence de la Chambre. Grâce au soutien de l’Alliance des gens, M. Higgs a réussi à obtenir l’appui de l’Assemblée législative et, le 30 novembre 2018, le discours du Trône de son gouvernement conservateur a été adopté par 25 voix contre 2311.

Du point de vue de la politique de partis

La question constitutionnelle portait sur le rôle central joué par le lieutenant-gouverneur, l’élection alambiquée du Président de la Chambre et la tentative du gouvernement libéral de récolter un appui multipartite pour assurer sa survie. Le modèle de Westminster s’est montré résilient : le choix d’un nouveau gouvernement s’est fait en entraînant un minimum de perturbations. Cependant, au Nouveau-Brunswick, une dimension plus pragmatique entre en jeu, et elle concerne la politique de partis, le leadership et, surtout, la compatibilité. C’est l’absence de cette dernière qui pourrait éventuellement faire tomber le gouvernement Higgs.

Très rares au Nouveau-Brunswick, les gouvernements minoritaires sont plus fréquents ailleurs au Canada. Par conséquent, les difficultés et les défis auxquels sont confrontés ces gouvernements sont abondamment documentés12. En outre, de nombreux gouvernements minoritaires parviennent à fonctionner plutôt rondement, ce qui prouve une fois de plus la capacité d’adaptation du modèle de Westminster. Mais comment ces gouvernements minoritaires parfaitement fonctionnels parviennent-ils à survivre? Il est intéressant de noter que les ententes officielles, comme les coalitions ou les tentatives de « pacte » en bonne et due forme, en vertu desquelles un petit parti accepte d’appuyer un gouvernement minoritaire pendant une période donnée, ont été assez rares au Canada13. Apparemment, les positions campées et antagonistes que l’on observe au Canada, y compris au Nouveau-Brunswick, sapent les efforts de coopération formels.

Au lieu de recourir à ces mécanismes officiels, le gouvernement minoritaire bâtit son travail de façon graduelle grâce à des ententes informelles. Le parti au pouvoir, par exemple, sait qu’il peut généralement compter sur l’appui d’un petit parti lorsqu’il présente des projets de loi qui correspondent aux priorités politiques de ce dernier, ou qu’il évite les politiques qui sèment la division. Pour le parti au pouvoir, une autre tactique efficace consiste à rechercher des compromis politiques sur des enjeux particuliers avec différents partis d’opposition. À l’occasion, le parti au pouvoir incitera un ou plusieurs députés de l’opposition à rompre avec leur ligne de parti et à voter pour appuyer le gouvernement sur un projet de loi donné, ou à quitter leur parti pour se joindre au parti au pouvoir.

Le 28 septembre 2018, Kris Austin, chef de l’Alliance des gens, s’est empressé d’annoncer que son parti appuierait un gouvernement progressiste-conservateur durant 18 mois. Toutefois, il s’est également réservé le droit de retirer l’appui de son parti, au cas par cas pour chaque projet de loi, si ses députés estimaient que le contenu d’un projet allait à l’encontre des priorités stratégiques de l’AG14. Il ne s’agissait pas d’un pacte officiel, négocié et accepté d’un commun accord par le PPC et l’AG; il s’agissait plutôt d’une sorte de déclaration éclairant la position générale qu’entendait adopter l’AG.

Le succès relatif des alliancistes lors de cette élection les a peut-être amenés à penser que la tenue d’une élection hâtive leur serait favorable. En revanche, selon les déclarations des chefs des autres partis de l’Assemblée, le PPC est le seul qui accepterait de travailler avec l’AG pour faire adopter des lois. Une nouvelle élection pourrait donner lieu à un scénario où l’AG ne détient pas la balance du pouvoir malgré l’augmentation de son nombre total de sièges. En ce qui a trait au programme législatif, les progressistes-conservateurs comme les alliancistes sont en faveur de réductions d’impôt et se sont engagés à réduire les dépenses publiques, le déficit et la dette. Les deux partis ne devraient donc pas avoir de difficulté à trouver un terrain d’entente sur ce genre de questions. Toutefois, la position de l’AG sur le bilinguisme officiel de la province ne semble pas cadrer avec la politique du PPC.

Historiquement, les progressistes-conservateurs ont reconnu l’importance et la valeur du bilinguisme officiel dans la province; ce fut particulièrement le cas lors du premier mandat de Richard Hatfield (1970-1987) et à nouveau sous le gouvernement de Bernard Lord (1997-2006). Or, dans le programme actuel du PPC, le bilinguisme officiel fait figure de parent pauvre15. Notons toutefois que l’Alliance des gens est le parti qui a le plus critiqué la façon dont le bilinguisme a été mis en œuvre dans la province. De plus, en 2018, l’AG n’a présenté des candidats que dans les 30 circonscriptions à majorité anglophone, évitant les 19 circonscriptions francophones du Nord. Le Parti libéral et le Parti vert, en contrepartie, sont de fervents défenseurs du bilinguisme officiel et comptent dans leurs caucus des députés des deux communautés linguistiques.

Le chef du Parti vert, David Coon, est issu du mouvement environnementaliste de la province. Il a d’abord remporté son siège aux élections de 2014, puis de nouveau en 2018. M. Coon pourrait être considéré comme un conservateur sur le plan fiscal; il serait donc en mesure de trouver un terrain d’entente avec le gouvernement Higgs en ce qui concerne certaines politiques économiques. Cependant, les Verts s’opposent fermement à l’une des priorités du programme politique de Higgs : la reprise de la fracturation hydraulique en vue de l’extraction du gaz naturel.

Enfin, peu après la défaite de son gouvernement minoritaire, Gallant a annoncé son intention de démissionner de son poste de chef des libéraux. Ainsi, les libéraux seront dirigés par un chef intérimaire jusqu’à la tenue d’un congrès à la direction à la mi-juin 2019. D’ici à ce qu’un nouveau chef soit choisi et tienne les rênes du parti, les libéraux n’auront probablement guère envie de défaire le gouvernement conservateur et de tenir des élections générales.

Conclusion

L’élection générale de 2018 n’a pas donné de résultats nets, mais la souplesse du modèle de Westminster a permis l’émergence d’un gouvernement minoritaire. Cela est compréhensible, que l’on considère la situation sous l’angle constitutionnel ou du point de vue de la politique de partis. Cela dit, combien de temps le gouvernement minoritaire de Higgs durera-t-il? Réussira-t-il à gouverner efficacement en étant minoritaire? Nous ne pouvons pas nous prononcer avec certitude sur ces questions, car cela dépendra largement de la compatibilité des partis au sein de l’Assemblée législative.

La prochaine élection générale du Nouveau-Brunswick devrait avoir lieu le 26 septembre 2022, en vertu de la loi provinciale sur les élections à date fixe. Toutefois, la précarité inhérente aux gouvernements minoritaires pourrait modifier la donne. Si le gouvernement progressiste-conservateur se fatigue de solliciter l’appui des autres partis ou si ces derniers se lassent des modestes concessions du gouvernement du PPC, des élections générales pourraient être déclenchées plus tôt que prévu. Les fluctuations dans les sondages d’opinion publique influeront également sur la motivation et l’empressement des chefs de parti à s’engager dans une nouvelle campagne électorale. En outre, des litiges politiques particuliers surgiront inopinément, ce qui pourrait mener à la défaite du gouvernement et à une convocation aux urnes.

Une fois la poussière retombée sur cet épisode de la politique néo-brunswickoise, il sera intéressant d’évaluer dans quelle mesure les traditions et les institutions politiques de la province auront résisté à cette troisième étrangeté de l’histoire parlementaire de la province. On pourra également observer si les gouvernements minoritaires où l’équilibre des pouvoirs est précaire ne sont plus aussi rarissimes que par le passé.

Notes

  1. Don Desserud et Stewart Hyson, « L’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick à l’ère du XXIe siècle », Série de documents sur les assemblées législatives provinciales et territoriales, Ottawa, Groupe canadien d’étude des parlements, 2011.
  2. Stewart Hyson, « Où est passée l’Opposition loyale de sa Majesté» dans la province loyaliste? », Revue parlementaire canadienne, vol. 11, no 2, été 1988, p. 22-25.
  3. « Décision de la présidente : Égalité ou nombre égal de députés dans deux partis d’opposition », Journal des débats de l’Assemblée législative de la province du Nouveau-Brunswick, troisième session de la cinquante-deuxième législature, 16 décembre 1994, p. 330-335. Voir aussi : Stewart Hyson, « Désignation de l’opposition officielle au Nouveau-Brunswick et à la Chambre des communes », Revue parlementaire canadienne, vol. 19, no 3, automne 1996, p. 2-6.
  4. C.E.S Franks, The Parliament of Canada, Toronto, University of Toronto Press, 1987, p. 10.
  5. Andrew Heard, « Les conventions constitutionnelles et le Parlement », Revue parlementaire canadienne, vol. 8, no 2, été 2005, p. 21.
  6. Eugene Forsey, « The Problem of «Minority» Government in Canada », Revue canadienne d’économique et de science politique, vol. 30, no 1, février 1964, p.1-11.
  7. Peter Hogg, Constitutional Law of Canada: 2018 Student Edition, Toronto, Carswell, 2018 (9.7b).
  8. Voir par exemple : Don Desserud, « La convention sur la confiance dans le système parlementaire canadien », Perspectives parlementaires, no 7, Groupe canadien d’étude des Parlements, Ottawa, octobre 2006.
  9. Telegraph-Journal, Saint John, Nouveau-Brunswick, 3 novembre 2018, p. A1.
  10. Harry Forestell, CBC News for New Brunswick, Fredericton, Nouveau-Brunswick, 2 janvier 2019.
  11. Telegraph-Journal, Saint John, Nouveau-Brunswick, 1er décembre 2018, p. A3.
  12. Voir par exemple : Eugene Forsey, ouvr. cité, p. 1-11; Linda Geller-Schwartz, « Minority Government Reconsidered », Revue d’études canadiennes, vol. 14, no 2, été 1979, p. 67-79; Peter H. Russell, Two Cheers for Minority Government: The Evolution of Canadian Parliamentary Democracy, Toronto, Emond Montgomery Publications Limited, 2008.
  13. Pour en savoir plus sur ce qui semble être une aversion particulière pour les gouvernements de coalition au Canada, voir : Ian Stewart, « Of Customs and Coalitions: The Formation of Canadian Federal Parliamentary Alliances », Revue canadienne de science politique, vol. 13, no 3, septembre 1980, p. 451-79.
  14. Telegraph-Journal, Saint John, Nouveau-Brunswick, 29 septembre 2018, p. A1.
  15. Le discours du Trône du gouvernement Higgs a peu traité de la question du bilinguisme officiel. Telegraph-Journal, Saint John, Nouveau-Brunswick, 21 novembre 2018, p. A3.

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Vol 42 no 1
2019






Dernière mise à jour : 2020-09-14