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Monica Cop
En 2016, la Bibliothèque de l’Assemblée législative de l’Ontario célèbre son 200e anniversaire. C’est l’occasion par excellence de réfléchir à sa riche histoire et de faire un retour sur l’évolution de la manière dont elle et ses homologues fournissent leurs services aux assemblées législatives du Canada.
La première incarnation de la Bibliothèque de l’Assemblée législative de l’Ontario remonte à la fin des années 1700 dans la province du Haut-Canada. Au début, c’était une modeste collection d’ouvrages destinés à aider les élus dans leur travail de législateur. C’est cependant le 1er avril 1816 que la Bibliothèque de la province du Haut-Canada voit officiellement le jour. Ce jour-là est adoptée une loi intitulée An Act to appropriate a sum of Money for providing a Library for the use of the Legislative Council and House of Assembly of this Province, qui prévoit l’affectation d’un montant de 800 £ à l’achat de livres et de cartes pour meubler une bibliothèque. Elle est fondée seulement neuf ans après la bibliothèque de la Chambre des communes britannique et 16 ans après celle du Congrès américain.
Il faut attendre 1827 pour que soit nommé le premier bibliothécaire, l’étudiant en droit Robert Baldwin Sullivan. À l’époque, la présence du bibliothécaire n’est exigée que lorsque siège l’Assemblée législative, soit en moyenne neuf semaines par année. Fait intéressant, Sullivan fait usage de ses temps libres pour être admis au barreau, faire campagne pour l’élection de son oncle, exercer le droit et même devenir maire de Toronto. Parmi ses successeurs d’avant-garde, on compte William Winder, médecin et membre de la guérilla « Bully Boy » ayant combattu dans la péninsule du Niagara lors de la Guerre de 1812, et Alpheus Todd, prodige de l’indexation employé de la Bibliothèque depuis l’âge de 15 ans. À ses débuts, la Bibliothèque peine à conserver ses ressources documentaires intactes. On y attribue comme cause le défaut des députés de retourner les livres, les déménagements fréquents de l’Assemblée législative dans des lieux de fortune à cause d’incendies et les piètres conditions d’entreposage qui en découlent.
Après la création de la province du Canada en 1841, les fonds de bibliothèque du Haut et du Bas-Canada sont amalgamés pour former la Bibliothèque de l’Assemblée législative et la Bibliothèque du Conseil législatif. Elles s’établiront dans divers sites suivant les déménagements fréquents de l’Assemblée législative : Kingston (1841-1843); Montréal (1844-1849); Toronto (1850-1851); Québec (1852-1855); Toronto (1856-1859); Québec (1860-65); et Ottawa (à partir de 1865) en prévision de la Confédération. Certains de ces déménagements sont dus à des incendies, phénomène qui demeure courant à l’époque.
En 1865, la collection des deux bibliothèques, composée de près de 55 000 volumes, est relogée à l’édifice du Centre de la colline parlementaire à Ottawa. Elle constituera le fonds documentaire de la Bibliothèque du Parlement fédéral que nous connaissons aujourd’hui. Les nouvelles provinces de l’Ontario et du Québec sont indemnisées pour la perte de leurs collections et entreprennent bientôt de les reconstituer. En 1896, la Bibliothèque de l’Assemblée législative de l’Ontario compte près de 50 000 volumes; en 1908, on en recense près de 90 000.
Entre 1886 et 1893, on construit un nouvel édifice pour accueillir l’Assemblée législative de l’Ontario à Queen’s Park, à Toronto. La bibliothèque y est aménagée à la mezzanine de l’aile ouest. Comble de l’ironie, en 1909, année où débute la construction d’une aile nord destinée à recevoir une nouvelle bibliothèque moderne, un incendie ravage l’aile ouest, y compris la bibliothèque existante; seuls 10 400 volumes sont réchappés. La collection est une fois de plus reconstituée, à l’initiative cette fois du bibliothécaire de longue date Avern Pardoe, qui est l’un des visionnaires de la nouvelle bibliothèque de l’aile nord.
L’aile nord est achevée en 1912. Elle présente des caractéristiques ignifuges comme des étagères d’acier ultramodernes, des planchers de marbre, des cadres de fenêtre en métal et l’aménagement d’un long corridor reliant la bibliothèque à l’édifice principal doté à chaque extrémité de portes d’acier rétractables pour empêcher la propagation du feu de l’édifice principal vers la bibliothèque et vice-versa. Un siècle plus tard, la Bibliothèque occupe toujours l’aile nord de l’édifice de l’Assemblée législative. Heureusement, elle a su résister aux flammes.
Après 1912, la Bibliothèque évolue beaucoup, innovant sur le plan technologique pour améliorer ses services. En 1953, elle fait l’acquisition d’un lecteur de microfilms. En 1974, elle loue une photocopieuse Xerox. En 1978, elle commence à s’inscrire à des bases de données en ligne à l’aide de son premier ordinateur. En 1979, elle obtient son premier logiciel de traitement de texte, et en 1989, son premier télécopieur. En 1998, avec l’arrivée et le développement d’Internet, la Bibliothèque commence à publier des pages sur le site Web de l’Assemblée législative et à offrir des produits d’information en ligne. Il va sans dire qu’Internet a profondément changé la manière de créer, de chercher et de disséminer l’information.
Depuis une dizaine années, les bibliothèques des assemblées législatives du Canada cherchent à améliorer l’accès aux ressources là où elles sont demandées. Pour ce faire, elles numérisent des collections, optimisent les bases de données et élaborent des documents de référence comme des guides de recherche. À l’heure actuelle, les documents numériques, à l’exclusion des bases de données, représentent environ 26,5 % de la collection de la Bibliothèque. Étant donné la place qu’occupe maintenant le numérique, le nombre de livres sur les étagères n’est plus une indication fiable de la réputation d’une bibliothèque. La somme de renseignements qu’on peut dorénavant obtenir sans se déplacer fait en sorte que les questions des clients se complexifient et nécessitent désormais une recherche et une analyse plus poussées.
En plus d’adopter de nouvelles technologies pour fournir des services existants, la Bibliothèque de l’Assemblée législative de l’Ontario diversifie son offre au fil du temps. Dans les années 1970, une commission omnipartite présidée par Dalton Camp examine le fonctionnement de la Bibliothèque à la recherche de solutions pour l’améliorer. L’une des recommandations de la Commission Camp formulées dans son rapport de 1973 et mises en œuvre dans les années qui suivront consiste à créer un service de recherche et à limiter les services de la Bibliothèque à l’Assemblée législative. Jusque-là, elle desservait l’ensemble de la fonction publique provinciale ainsi que le public. En 1979 les Services de recherche de l’Assemblée législative voient le jour. Ils ont pour mandat d’effectuer des recherches et des analyses pour les députés et les comités législatifs. En 1986, la Bibliothèque inaugure le Toronto Press Today (TPT), revue de presse des trois quotidiens de Toronto qu’elle distribue tôt chaque matin. Bien que la Bibliothèque distribue aussi à ses abonnés une revue électronique de l’actualité de tout l’Ontario, les députés de Queen’s Park et leur personnel sont restés fidèles aux copies imprimées du TPT.
Depuis quelques années, la Bibliothèque améliore l’accès à ses installations et à son catalogue en ligne. Son objectif : devenir entièrement accessible partout et pour tous. En 2014, elle publie son tout premier survol complet des enjeux provinciaux devant servir d’introduction aux députés nouvellement élus et réélus, intitulé Provincial Affairs : An Overview for Ontario Legislators, 41st Parliament. Ce recueil de fiches d’information de deux pages portant sur quarante-trois sujets dans huit secteurs politiques s’accompagne en outre de données illustrées. Il remporte un énorme succès auprès de ses lecteurs.
Partout au Canada, les bibliothèques des assemblées législatives adaptent les modalités de leurs services pour répondre aux besoins de leurs collectivités. Par exemple, celles du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve-et-Labrador et des Territoires du Nord-Ouest offrent des services de référence et de recherche à leur succursale civile et au public tout en accordant la priorité à l’organe législatif. Dans les Territoires du Nord-Ouest, en particulier, la bibliothèque est une source d’information pour tout le monde étant donné l’absence de bibliothèque universitaire. Plusieurs autres bibliothèques comme celles de la Nouvelle-Écosse et de l’Alberta distribuent aussi des revues de presse, mais en format électronique seulement. Au Manitoba et à Ottawa, plusieurs points de services ont été établis pour mieux servir la clientèle.
Soucieuses d’offrir toujours de meilleurs services, les bibliothèques s’unissent en 1975 pour fonder l’Association des bibliothèques parlementaires du Canada (ABPAC). L’Association se veut une tribune collaborative où les membres échangent des connaissances et des sources d’information législative. En 2013, elle lance le Portail des publications gouvernementales et parlementaires électroniques, ou PGPE. Cette compilation bilingue offre un accès bilingue aux publications électroniques produites par les administrations publiques et les assemblées législatives fédérales, provinciales et territoriales. Lors de son lancement, le portail rassemble plus de 320 000 publications remontant jusqu’en 1995.
Autrefois, les incarnations antérieures de la Bibliothèque de l’Assemblée législative de l’Ontario participaient avec d’autres bibliothèques parlementaires du Commonwealth à des programmes d’échange de publications datant parfois des années 1800. L’association perpétue cette précieuse tradition de mise en commun des ressources et des publications entre les bibliothèques.
La Bibliothèque de l’Assemblée législative de l’Ontario a connu une remarquable évolution depuis sa fondation il y a 200 ans, mais une constante a marqué son histoire, comme celle de ses homologues : sa détermination à offrir un service non partisan, confidentiel et de haute qualité aux représentants élus. Individuellement et ensemble, les bibliothèques aident nos législateurs provinciaux et fédéraux à trouver et à analyser l’information dont ils ont besoin pour accomplir leur travail à l’ère des technologies florissantes. Les bibliothèques continueront de se transformer au même rythme que les technologies. Qui sait ce que nous réservent les 200 prochaines années?
*Les renseignements historiques ayant servi à rédiger cet article sont tirés de l’ouvrage de Fiona M. Watson, A Credit to this Province : A History of the Ontario Legislative Library and its Predecessors, 1792-1992 (Toronto, Bibliothèque de l’Assemblée législative de l’Ontario, 1993). Les renseignements sur les services offerts par les autres bibliothèques et sur les tendances en matière de gestion de l’information proviennent de contributions sollicitées sur la liste de distribution de l’ABPAC.
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