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David M. Brock

Off and Running: The Prospects and Pitfalls of Government Transitions in Canada, David Zussman, Presses de l’Université de Toronto, 2013, 299 p.

Cet automne, 338 brefs d’élection seront délivrés et les partis politiques nationaux se livreront concurrence pour former notre prochain gouvernement fédéral. L’auteur David Zussman conseille aux grands partis fédéraux de mandater une équipe de transition 18 mois avant la tenue d’une élection. Si son conseil est suivi, les préparatifs en vue des prochaines élections doivent être en cours depuis un bout de temps. Si vous êtes un fonctionnaire dont le travail risque d’être touché par une transition gouvernementale, je vous suggère de commencer à vous préparer en lisant ce livre.

Il n’y avait peut-être personne de mieux placé que M. Zussman pour rédiger ce qui est déjà considéré comme l’ouvrage faisant autorité sur les transitions gouvernementales au Canada. M. Zussman a en effet été à deux reprises à la tête d’équipes de transition fédérales, il est titulaire de la Chaire Jarislowsky à l’Université d’Ottawa et a siégé comme président du Forum des politiques publiques. Bref, ses réseaux sont bien établis, il est doté d’une profonde intelligence et son expérience n’a pas d’égal. Ce livre est à l’image de ces trois grandes qualités.

Fondamentalement, ce livre nous rappelle la place qu’occupent les transitions gouvernementales dans l’appareil gouvernemental plus vaste : quand les brefs d’élection sont délivrés, la législature est dissoute, mais le gouvernement continue de siéger selon le bon vouloir du représentant de la Reine jusqu’à ce que, peut-être, un nouveau groupe de représentants obtiennent la confiance de l’assemblée du peuple et soient nommés pour gouverner. C’est à ce moment-là que la transition survient.

Les transitions gouvernementales pacifiques sont essentielles dans une démocratie. Dans une démocratie moins stable, il peut arriver que les perdants aux élections refusent de céder le pouvoir aux vainqueurs, ou que le chef d’État ne soit pas disposé à remettre le pouvoir entre les mains d’une nouvelle autorité gouvernementale. Dans les cas les plus extrêmes, la transition peut fomenter des violences ou une guerre civile. Au Canada, au pire, la transition peut provoquer une mauvaise presse, le mécontentement des partisans, la désorientation de la fonction publique ou des ratés dans la mise en œuvre des politiques.

Pour faire ressortir l’importance de l’enchaînement et du calendrier d’exécution lorsqu’on planifie une transition, M. Zussman structure son ouvrage selon quatre périodes, soit la période préélectorale (avant la délivrance des brefs), la période de campagne, la période postélectorale et la consolidation. Comme les leçons tirées de chacune de ces périodes sont beaucoup trop nombreuses pour les résumer dans ces lignes, je me contenterai d’en fournir un excellent exemple. M. Zussman écrit qu’il vaut mieux ne pas accaparer la période postélectorale d’un nouveau ministre, et qu’il importe de se rappeler que de nombreux experts et autres intervenants ne faisant pas partie du portefeuille peuvent contribuer à fournir des renseignements importants à un nouveau ministre (p. 123).

Grâce à l’étendue de ses connaissances, l’auteur est en mesure de prodiguer de sages conseils sur une grande variété de sujets, dont la longueur des notes d’information, l’influence des conjoints, la couverture médiatique adéquate, la formation d’un cabinet et la dynamique du leadership. En ce sens, les conseils pratiques fournis par M. Zussman sont inestimables. Qui plus est, les observations judicieuses qui garnissent les pages de ce livre ne proviennent pas seulement de M. Zussman, elles sont aussi tirées d’entrevues menées auprès d’éminents hauts fonctionnaires fédéraux comme Richard Dicerni, Jim Mitchell et Mel Cappe.

L’auteur, par son honnêteté et sa proximité avec les rouages du pouvoir, a produit un ouvrage qui non seulement tombe à point, mais est aussi intemporel. M. Zussman est une source digne de confiance en partie parce qu’il a l’expérience tant des ministères fédéraux que des sphères partisanes. Ses observations sont à la fois révélatrices et éclairantes. Les meilleures anecdotes sont insérées dans des encadrés, mais cela n’a aucune influence sur la fluidité du récit. Prenons comme exemple un témoignage livré par Ian Brodie, ancien chef de cabinet de Stephen Harper : « Tous les membres du personnel l’appelaient “Stephen” avant et durant l’élection. Puis, le lendemain de l’élection, j’ai insisté pour que tout le monde l’appelle “M. Harper”. Dès son assermentation, tout le monde, moi y compris, l’appelait monsieur le premier ministre. […] Ça le surprenait chaque fois puisque cette pratique était à l’opposé de notre habitude de l’appeler Stephen au quotidien. Les gens ne semblaient pas saisir l’ampleur du changement qui était en train de s’opérer. Pour nous, le monde changeait du tout au tout [TRADUCTION] » (p. 133). Le caractère politique de ces propos ne les rend pas moins pertinents pour les fonctionnaires. En effet, les employés de la fonction publique, qui perdure malgré les changements de gouvernement, peuvent très bien avoir le même emploi, ou du moins le même niveau de responsabilité, dans les semaines précédant et suivant une élection générale. Mais ils feraient bien de réaliser à quel point la vie change pour un nouveau ministre, sa famille et ses proches.

Bien peu de personnes prennent part à une transition lorsqu’elle est menée correctement. L’acteur central de ce processus, et celui qui en comprend toute l’ampleur, c’est le chef de la fonction publique. M. Zussman prend bien soin de souligner l’importance d’établir et de bâtir un lien de confiance entre les nouveaux ministres et les administrateurs généraux. Ce lien de confiance s’amorce dès la première rencontre entre le greffier et le premier ministre désigné. Selon M. Zussman, c’est à ce moment précis que les notions d’indépendance de la fonction publique et de conseils courageux qu’elle doit offrir sont mises à plus rude épreuve (p. 141). Ce n’est pas pour rien que [Nicolas] D’Ombrain propose une pension pour les greffiers (p. 142).

Outre ce livre, les deux principales sources de référence sur les transitions gouvernementales au Canada sont un recueil d’essais datant de 1993 et, plus récemment, un ouvrage primé portant sur la politique ontarienne. L’ouvrage de Zussman porte certes sur la scène politique fédérale, mais une grande part de son contenu sera utile à ceux qui participent aux transitions au sein des grandes provinces. Les bibliothèques législatives au Canada devraient toutes faire le plein d’exemplaires d’Off and Running.

David M. Brock
Adjoint spécial du secrétaire du Cabinet responsable
de la transition gouvernementale au gouvernement
des Territoires du Nord-Ouest


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Vol 38 no 3
2015






Dernière mise à jour : 2020-09-14