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Dennis Gruending
Demeurer loyal : la social-démocratie au Québec et en Saskatchewan, de David McGrane, Presses de l’Université McGill-Queen’s University, Montréal et Kingston, 373p.
David McGrane est l’auteur d’un ouvrage ambitieux sur la social-démocratie en Saskatchewan et au Québec. Sa thèse est que les gouvernements du CCF-NPD et du PQ étaient sociaux-démocratiques dans le sens traditionnel sous le règne de premiers ministres comme Tommy Douglas et Allan Blakeney, en Saskatchewan, et René Levesque et Jacques Parizeau, au Québec. McGrane croit que les gouvernements subséquents ont évolué vers la troisième voie de la social-démocratie sous le règne d’autres premiers ministres, notamment Roy Romanow et Lorne Calvert, en Saskatchewan, et Bernard Landry et Pauline Marois, au Québec.
Professeur agrégé en études politiques au St. Thomas More College de l’Université de la Saskatchewan, McGrane construit un modèle complexe sur lequel il fonde sa thèse. Il définit des idéologies qui comprennent la social-démocratie traditionnelle et la troisième voie, et il les compare à sa définition du néolibéralisme. McGrane déclare que les partisans des deux formes de social-démocratie se préoccupent principalement de l’inégalité économique inhérente dans un capitalisme débridé, tandis que les partisans du néolibéralisme se tracassent à propos de l’État providence et de l’intervention publique excessive dans l’économie. Prenons par exemple le premier ministre de l’Ontario, Mike Harris, qui, après son élection, est entré dans le moule néolibéral lorsqu’il a réduit les impôts, privatisé des organismes publics, mis sur pied des programmes de travail obligatoire et réduit radicalement les taux d’assurance-emploi.
McGrane estime que les sociaux-démocrates traditionnels s’intéressaient surtout aux programmes sociaux universels et qu’ils utilisaient les impôts progressifs et les recettes en redevances provenant des ressources pour aider à payer ces programmes. Prenons l’exemple du système de soins de santé universel au Canada, mis sur pied par le CCF en Saskatchewan, en 1962. Le gouvernement Douglas a également instauré des sociétés de la Couronne dans les domaines de l’assurance automobile, du téléphone, de l’électricité et de la distribution de gaz. De son côté, le premier ministre Allan Blakeney a adopté une approche énergique pour diriger le secteur public vers le développement des ressources, principalement par l’intermédiaire de partenariat entre les sociétés de la Couronne et des partenaires du secteur privé. Blakeney a consciemment utilisé des revenus des sociétés de la Couronne, de même que les recettes découlant d’une augmentation des loyers sur les ressources, pour payer des programmes comme l’assurance-médicaments provinciale et le programme des soins dentaires pour enfants dans les écoles.
Sous Lévesque, le PQ a créé plusieurs nouvelles entreprises publiques et fait acheter à la Caisse de dépôt, qui gère les régimes publics de pension au Québec, des actions dans des entreprises francophones pour aider ces dernières à étendre et à consolider leurs activités. Le programme universel de garde d’enfants, clairement le plus généreux au Canada, a été lancé en 1997 par Pauline Marois, alors ministre du cabinet du PQ.
McGrane déclare que dans les années 1990 et suivantes, les gouvernements du NPD et du PQ ont été forcés par le fil des événements, notamment la mondialisation et les accords de libre-échange, à se réorienter vers la droite, ce qui a eu pour effet de réduire le spectre politique. Il affirme que ces sociaux-démocrates de la troisième voie se sentaient plus à l’aise avec le capitalisme de marché et le secteur privé que leurs prédécesseurs. Ils ont également réduit les impôts, allégé les exigences en matière de réglementation et de surveillance, et ciblé certains programmes sociaux au lieu d’adhérer à l’universalité. Il estime, cependant, que les leaders du NPD et du PQ sont demeurés de fervents défenseurs des principes de base de la social-démocratie. McGrane ajoute que si l’on compare ces politiciens avec des premiers ministres comme Ralph Klein et Mike Harris, on constate bien plus de différences que de chevauchements.
Il semble exagéré, par contre, d’aller jusqu’à inclure des politiciens comme Lucien Bouchard dans le mouvement social-démocratique. Bouchard avait servi sous le gouvernement de Brian Mulroney avant de lancer le Bloc Québécois et de revenir dans sa province natale pour être élu premier ministre. McGrane soutient, sans toutefois convaincre selon moi, que Bouchard a été forcé de coopérer avec un nombre important de ministres sociaux-démocratiques provenant de l’ère Parizeau. Dans les faits, il faut aussi se demander si, historiquement, le PQ a principalement été un parti séparatiste ou social-démocratique. McGrane répond que le PQ a été aussi bien l’un que l’autre, mais selon moi, le séparatisme a pris le dessus sur la social-démocratie.
Je salue l’érudition de McGrane, mais la structure complexe de son ouvrage le rend très dense. J’ai également constaté de nombreuses répétitions, notamment des phrases identiques dans divers chapitres. Une bonne révision aurait permis d’éliminer ces maladresses. McGrane nous donne tout de même matière à réflexion et il montre que la social-démocratie a grandement contribué à la société et à l’intérêt collectif en Saskatchewan, au Québec et au Canada.
Dennis Gruending
Auteur, blogueur et également un ex-parlementaire de la Saskatchewan.
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