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Maya Fernandez; Kate Russell; Vanesa Tomasino Rodriguez; Rebecca Whitmore
Deux niveaux de participation des jeunes électeurs aux élections récentes ont suscité des préoccupations publiques au sujet de la perte d’intérêt des jeunes pour les politiques parlementaires. Dans cet article, les auteures font valoir que les programmes de stages parlementaires et la présence de jeunes législateurs sont deux exemples contraires à la tendance du désengagement des jeunes, et la preuve que certains jeunes participent activement aux politiques parlementaires. Forts de leur expérience en tant que stagiaires parlementaires en Colombie Britannique, elles offrent quelques stratégies pour mobiliser les jeunes.
Ces dernières années, les parlementaires et le public ont décrié le déclin de l’engagement des jeunes dans la vie politique parlementaire. Ce désengagement est le plus manifeste dans la faible participation des jeunes électeurs aux élections provinciales et fédérales1. Par exemple, lors de l’élection fédérale de 2011, 38,8 % des électeurs admissibles âgés de 18 à 24 ans ont exercé leur droit de vote2. Lors de l’élection provinciale tenue en Colombie Britannique en 2009, seulement 26,9 % des électeurs admissibles âgés de 18 à 24 ans ont voté, et 33,69 % des électeurs admissibles âgés de 25 à 34 ans ont voté3. Bon nombre de jeunes ne votent pas, ce qui menace la nature représentative de nos institutions démocratiques.
Bien qu’un faible taux de participation des jeunes électeurs révèle un désengagement, il existe des exemples qui vont à l’encontre de cette tendance. À titre de stagiaires parlementaires en Colombie-Britannique, nous soutenons que certains jeunes sont engagés de façon significative dans l’apprentissage des politiques parlementaires et la participation à celles ci. Outre l’existence de programmes de stages parlementaires partout au pays, il y a des jeunes qui participent activement aux politiques parlementaires à titre de législateurs fédéraux et provinciaux. L’objet de cet article a deux volets : premièrement, analyser le rôle des programmes de stages parlementaires pour ce qui est d’engager les jeunes dans les politiques fédérales et provinciales; deuxièmement, documenter la présence de jeunes législateurs à Ottawa et en Colombie-Britannique. Nous concluons en offrant quelques suggestions en vue de l’établissement de stratégies de mobilisation des jeunes inspirées par nos expériences en tant que stagiaires parlementaires.
Programmes de stages : une voie vers l’engagement
Les programmes de stages parlementaires offrent aux récents diplômés universitaires l’occasion de participer au processus législatif provincial ou fédéral. Par exemple, au cours du Programme de l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique (BCLIP) de six mois, les stagiaires sont affectés à un caucus, soit du gouvernement ou de l’opposition, pendant que la Chambre siège. En plus de travailler auprès d’un caucus, les stagiaires travaillent auprès d’un ministère provincial. Les programmes de stages parlementaires de partout au Canada ont des processus de demande de participation concurrentiels et attirent un nombre important de candidatures. Au cours des trois dernières années, le BCLIP a reçu 196 candidatures relatives à 30 postes (10 chaque année). David Mitchell, ancien stagiaire parlementaire de la Colombie-Britannique a écrit, dans la Revue parlementaire canadienne, que les programmes de stages canadiens, qui ont connu un immense succès, « profitent en fait à tout le pays puisqu’ils permettent d’initier des groupes de jeunes gens au régime parlementaire et à ses rouages4 ». En effet, les programmes de stages parlementaires créent des ambassadeurs parlementaires.
Pendant la durée du BCLIP, les stagiaires discutent avec d’autres stagiaires fédéraux et provinciaux dans le cadre de visites pédagogiques qui fournissent l’occasion d’acquérir une compréhension approfondie des autres compétences parlementaires. Cette année, les stagiaires de la Colombie-Britannique ont eu la chance de voyager à Ottawa et à Olympia (Washington) pour visiter les stagiaires du programme de stages parlementaires ainsi que les stagiaires parlementaires de l’État de Washington, respectivement. De plus, le BCLIP a accueilli à Victoria les stagiaires de l’État de Washington, ainsi que les stagiaires du Programme de stages de l’Assemblée législative de l’Ontario (PSALO).
Les voyages dans d’autres provinces et territoires et l’accueil de stagiaires à Victoria ont fourni l’occasion de comparer les programmes de stages et de partager des récits au sujet des différentes expériences du programme. Par exemple, les stagiaires de l’Ontario étaient intéressés à prendre connaissance des placements ministériels uniques du BCLIP et ainsi, nous avons pu partager nos pensées sur les différences entre le travail auprès de caucus et le travail auprès d’un ministère. Nous avons également pu apprendre comment présenter des documents universitaires à la conférence annuelle de l’Association canadienne de science politique, qui est une composante du programme propre au PSALO.
Outre l’engagement dans des discussions, les visites et l’accueil de stagiaires ont également fourni l’occasion de comparer les pratiques parlementaires d’autres compétences. Pendant notre séjour à Ottawa, nous avons assisté à la Période de questions fédérale et noté en quoi elle diffère de la Période de questions de la Colombie-Britannique, le plus manifestement en termes d’échelle. Dans l’État de Washington, nous avons pu observer un système bicaméral au niveau étatique, qui diffère du système unicaméral de la Colombie-Britannique. Dans l’ensemble, les échanges dans le cadre des stages fournissent aux stagiaires des possibilités importantes de réseauter avec d’autres jeunes engagés politiquement, dont de jeunes législateurs, et d’élargir leurs connaissances des politiques parlementaires.
Le nombre de diplômés du BCLIP qui continuent de participer aux politiques parlementaires tout au long de leurs carrières est un témoignage de la valeur du programme. D’anciens stagiaires du BCLIP ont occupé des postes de cabinet en Colombie-Britannique, et sont devenus sous ministres, sous ministres adjoints, directeurs des communications, et agents de recherche du gouvernement et de l’opposition. Bien que les données d’emploi ayant trait aux stagiaires du BCLIP soient incomplètes, il est clair qu’un grand nombre de diplômés du programme travaillent auprès de législatures ou dans le secteur public. Mitchell a décrit les programmes de stages parlementaires comme « l’une des expériences les plus importantes de l’histoire parlementaire canadienne5 ». L’indicateur de leur influence peut être le plus important est leur capacité d’inspirer les jeunes à poursuivre des carrières dans le cadre desquelles ils continuent d’être engagés dans les politiques parlementaires.
Les jeunes législateurs au Canada et en Colombie-Britannique
Outre les programmes de stages parlementaires, la présence de jeunes représentants auprès des législatures fédérale et provinciales est une preuve convaincante de l’engagement des jeunes et a le potentiel de susciter davantage d’intérêt pour la politique chez les jeunes. Les jeunes parlementaires ont un rôle à jouer dans le mentorat et la défense des droits des jeunes. Aux fins du présent document, nous empruntons à Lewis la définition de jeunes législateurs comme étant ceux qui sont âgés de 40 ans ou moins6. À titre de stagiaires parlementaires, nous avons eu l’occasion de rencontrer de jeunes parlementaires et de travailler avec eux, à Ottawa ainsi qu’à l’Assemblée législative de la Colombie Britannique.
Lors de l’élection fédérale de 2011, on a constaté une augmentation du nombre de jeunes députés. L’âge moyen des parlementaires est passé de 52 ans, lors de la 40e législature, à 51, lors de la 41e législature et, actuellement, il y a 51 députés âgés de moins de 40 ans qui représentent diverses régions du Canada au niveau fédéral.
Au cours de notre visite à Ottawa, nous avons eu l’occasion de rencontrer certains de ces jeunes députés. Par exemple, nous avons rencontré le député néo démocrate Pierre Luc Dusseault, qui était âgé de 19 ans le jour de l’élection qui a fait de lui le plus jeune député de l’histoire à avoir été élu au Canada. Nous avons également rencontré le député néo démocrate Laurin Liu, qui a été élu à l’âge de 20 ans. Dusseault ainsi que Liu ont parlé des défis de siéger à la Chambre en qualité de jeunes députés, dont l’attention des médias. La « vague orange » des députés néo démocrates nouvellement élus, qui ont formé l’opposition officielle, a également créé un caucus de jeunes au sein duquel les jeunes députés se rencontrent pour discuter de questions pertinentes pour les jeunes Canadiens.
Les libéraux fédéraux n’ont pas connu la même poussée de représentation des jeunes à l’élection fédérale de 2011; toutefois, en 2013, le parti a élu Justin Trudeau, âgé de 42 ans, faisant de lui le second plus jeune chef de l’histoire du parti. Lors de notre rencontre avec Trudeau à Ottawa, il a décrit la mobilisation des jeunes en tant que priorité pour le parti libéral, sous sa direction. Il a dit qu’il voit les jeunes comme une partie intégrale de l’avenir du Canada et que leur participation et leur voix sont nécessaires en politique canadienne.
La récente victoire de Trudeau dans la course à la direction du Parti libéral a donné un exemple canadien de la puissance des médias sociaux pour mobiliser les jeunes Canadiens. Au cours de la campagne à la direction, Trudeau avait plus de suiveurs sur Twitter que les cinq autres candidats combinés. Trudeau compte maintenant plus de 230 000 suiveurs sur Twitter, dont un grand nombre sont des jeunes, et il communique avec les Canadiens presque chaque jour au moyen des médias sociaux comme Facebook et Instagram.
À la suite de l’élection de 2011, Andrew Scheer, député conservateur, est devenu le plus jeune Président de la Chambre de l’histoire du Canada, à l’âge de 32 ans. Lors d’une rencontre avec BCLIP à Ottawa, il a parlé de l’honneur rattaché au rôle et des défis liés à la gestion d’une Chambre de 308 membres. Trudeau (en dépit du fait qu’il est un peu plus vieux que les jeunes politiciens de notre définition) et le Président Scheer sont des exemples de jeunes occupant des postes d’une grande importance politique.
Contrairement au Parlement fédéral, ces dernières années, moins de jeunes législateurs ont été élus à la législature de la Colombie-Britannique; toutefois, sous un même angle au niveau fédéral, les jeunes députés de la Colombie-Britannique occupent des postes importants au sein de l’Assemblée législative. Par exemple, Michelle Stilwell, députée fédérale de la Colombie-Britannique élue en 2013, occupe actuellement le poste de présidente du caucus du gouvernement. De l’autre côté de la Chambre, Michelle Mungall et Spencer Chandra Herbert, députés néo démocrates de la Colombie-Britannique, sont responsables de portefeuilles de porte parole importants. Mungall, qui a d’abord été élue en 2009 alors qu’elle était âgée de 31 ans, agit actuellement à titre de porte parole de l’opposition en matière de développement social et a agi antérieurement comme présidente du caucus des femmes du NPD. Chandra Herbert, âgé de 33 ans, a occupé un certain nombre de portefeuilles de porte parole et a été nommé porte parole de l’opposition pour les dossiers concernant l’environnement au cours de la première session de la 40e législature. Dans la foulée de l’élection de 2013, Jennifer Rice, âgée de 38 ans, et Jane Shin, âgée de 34 ans, se sont jointes à Mungall et Chandra Herbert en tant que jeunes députées du NPD. Les participants au BCLIP de 2014 auront l’occasion de travailler avec ces jeunes législateurs et d’apprendre d’eux.
Alors que le débat sur l’apathie des jeunes en politique parlementaire se poursuit, le Canada et la Colombie-Britannique ont vu apparaître un fort effectif de jeunes représentants. En établissant en priorité les rencontres avec les stagiaires parlementaires et d’autres jeunes, les jeunes législateurs peuvent aider à contrer le stéréotype du désengagement des jeunes.
Recommandations pour renforcer la mobilisation des jeunes
La majorité des jeunes Canadiens ne votent pas et les jeunes en général sont souvent désengagés du processus électoral et de la politique parlementaire. Il s’agit d’une grave préoccupation, qui menace la représentation politique des jeunes et retarde les progrès relatifs aux dossiers qui ont des répercussions sur les jeunes. Bien que le Canada et la Colombie-Britannique soient dotés de jeunes législateurs, il faut travailler davantage à la question de la mobilisation des jeunes.
En tant que jeunes qui ont acquis des connaissances parlementaires dans le cadre de notre expérience de stage, nous proposons trois recommandations pour accroître l’engagement des jeunes dans la vie politique parlementaire :
1. Nous recommandons que les programmes de stages parlementaires se poursuivent, à la fois au niveau provincial et au niveau fédéral. Ces programmes donnent aux jeunes l’occasion de travailler dans le domaine des politiques parlementaires et de prendre connaissance des mécanismes de prise de décisions stratégiques. L’élargissement de ces programmes à toutes les provinces et tous les territoires fournirait un moyen d’encourager les jeunes de partout au Canada à devenir des ambassadeurs parlementaires.
2. L’accroissement des occasions pour les jeunes législateurs de rencontrer et d’encadrer d’autres jeunes pourrait inciter davantage les jeunes à s’impliquer dans la vie politique parlementaire. Les jeunes législateurs apportent avec eux dans la sphère politique des dossiers qui sont importants pour les jeunes. Ils agissent également comme un modèle de rôle, permettant aux jeunes de voir leurs contemporains travailler dans des rôles parlementaires.
3. L’utilisation continue des médias sociaux pour rendre publics les rouages de la démocratie parlementaire pourrait être bénéfique comme moyen de capter l’attention des jeunes engagés dans les technologies numériques. Les assemblées législatives et les partis politiques de partout au Canada ont intégré les médias sociaux dans leur travail, et ils devraient continuer de prendre connaissance des nouvelles technologies pour aider à communiquer avec les jeunes.
Malheureusement, les jeunes continuent d’accuser un certain retard par rapport aux cohortes plus vieilles lorsqu’il s’agit de la participation au scrutin et en termes de membres adhérents à des partis politiques, qui sont fondamentaux au sens classique de l’engagement politique. Néanmoins, les partis politiques, les groupes de défense des droits et les législatures élaborent de plus en plus des stratégies non traditionnelles, y compris l’utilisation des médias sociaux, pour mobiliser les jeunes. Pendant qu’on analyse de nouvelles façons de mobiliser les jeunes, la reconnaissance du succès continu des programmes de stages comme le BCLIP mérite toujours d’être soulignée. Pendant des décennies, les programmes de stages parlementaires partout au pays ont fourni un moyen efficace pour établir des rapports entre les jeunes engagés dans la vie politique et les parlementaires, et les uns avec les autres. Nous proposons que ces programmes soient maintenus et, si possible, qu’ils soient élargis.
Notes
1 Amanda, Clarke, « Dialogue sur les jeunes et la démocratie », Revue parlementaire canadienne, 33:2, été 2010, p. 25.
2 Élections Canada, Estimation du taux de participation par groupe d’âge et par sexe à l’élection générale fédérale de 2011, 23 juin 2013, consulté en ligne à : http://www.elections.ca/res/rec/part/estim/estimation41_f.pdf.
3 Elections BC, Report of the Chief Electoral Officer on the 39th Provincial General Election and Referendum on Electoral Reform, mai 2009, p. 39.
4 David Mitchell, « Une expérience concluante : les programmes de stages parlementaires au Canada », Revue parlementaire canadienne, 5:1, 1982, p. 12.
5 Ibid.
6 J.P., Lewis, « Identités et idées : participation des jeunes législateurs à la Chambre des communes », Revue parlementaire canadienne, 29:2, été 2006, p. 12.
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