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Gilles Bisson, député provincial
Le député provincial Gilles Bisson représente une vaste circonscription du Nord de l’Ontario. Pour maximiser son accès aux électeurs dans les collectivités éloignées, il a commencé à partager des bureaux avec deux de ses collègues fédéraux. Dans cette entrevue, M. Bisson décrit les nombreux avantages de cette entente pour les électeurs et il explique comment les employés de chaque bureau gèrent leurs différents dossiers.
RPC : Comment l’idée de partager des bureaux de circonscription avec ces deux députés (Carol Hughes et Charlie Angus) vous est-elle venue?
Gilles Bisson : Lorsque j’ai été élu comme député néo-démocrate en 1990, il me semblait logique d’essayer de trouver une manière de partager des locaux parce que les électeurs venaient nous voir, sans savoir si le problème qu’ils voulaient résoudre relevait du gouvernement fédéral ou du gouvernement provincial. Ils se présentaient donc dans nos locaux, nous racontaient toute leur histoire, et nous nous apercevions que cette question relevait du gouvernement fédéral. Je devais alors les diriger vers le bureau du député fédéral. À l’époque, nous n’aurions pas pu partager les mêmes locaux parce qu’il avait signé un bail et que l’espace dont il disposait n’était pas assez grand pour accueillir nos deux bureaux. Je gardais toujours cette solution en tête et lorsque j’ai demandé à Charlie Angus de se présenter aux côtés de Jack Layton, je lui ai notamment dit que s’il était élu, nous pourrions partager des bureaux. De fait, cette idée faisait partie de sa plateforme électorale et elle a connu un certain succès. Les gens voyaient cela comme un guichet unique : il suffisait de se présenter à un endroit pour obtenir des réponses, les députés ne pouvaient plus se renvoyer la balle.
RPC : Savez-vous si d’autres parlementaires ont conclu des ententes semblables?
Bisson : La plupart des députés ne le font pas pour une foule de raisons. Tout d’abord, il faut faire partie du même parti politique. Il serait insensé de partager des bureaux avec un député d’un parti adverse. Mais de nombreuses autres raisons entrent en jeu. Il peut y avoir des modalités de location qui rendent cette option impossible. Dans d’autres cas, des députés peuvent vouloir agir à leur guise. Cette solution ne suscite pas beaucoup d’intérêt parce que tant le député fédéral que le député provincial doivent déployer des efforts considérables. Et c’est également un peu fastidieux pour les employés. Ce n’est donc pas une solution utilisée par la plupart des députés, mais elle fonctionne pour nous. C’est ce qui nous distingue et les électeurs de nos circonscriptions y sont habitués. Je crois néanmoins que la plupart des députés trouveraient cette situation difficile.
RPC : Pouvez-vous nous donner un exemple de la manière dont ce « guichet unique » aide les électeurs?
Bisson : L’autre soir, une électrice de la circonscription du Nord que je partage avec Carol Hughes m’a appelée sur mon téléphone cellulaire. Elle avait un problème d’assurances et un problème avec l’Agence du revenu du Canada (ARC). Elle m’a dit qu’elle était propriétaire d’une petite entreprise, que les autorités s’en prenaient à elle, et que si les choses ne changeaient pas, elle allait probablement devoir fermer les portes de son entreprise dans quelques semaines. Elle avait donc un problème qui relevait du gouvernement provincial (les assurances) et un problème qui relevait du gouvernement fédéral (l’ARC). Le lendemain matin, j’ai appelé les employés de mon bureau de Kapuskasing pour voir ce que nous pouvions faire pour elle. Nous avons décidé qu’une seule personne s’occuperait des deux volets de son dossier. C’est avantageux parce que les différentes questions des électeurs sont souvent liées entre elles. Le problème avec l’ARC est lié au problème d’assurances. C’est donc préférable que l’employé qui effectue le suivi soit familier avec les deux problèmes et sache comment les aborder. C’est beaucoup plus facile de régler les problèmes de cette manière. L’électeur, quant à lui, n’a pas à raconter son histoire deux fois. Et si la question est sur le point d’être résolue, il n’y a pas deux bureaux qui traitent les dossiers différemment, ce qui risquerait de causer des problèmes. Cette solution est très intéressante pour les électeurs, mais pour fonctionner, elle requière un travail considérable de la part des employés et des députés.
RPC : Comment procédez-vous pour diviser les dépenses entre les différentes administrations?
Bisson : Essentiellement, nous divisons tout en deux. Nous avons conclu des ententes avec nos fournisseurs de services pour qu’ils divisent nos factures en deux. Un député paie la moitié, l’autre député paie l’autre moitié. Dans d’autres cas, nous faisons des échanges : un député paie une facture qui s’élève à 100 $ par mois, l’autre député paie une facture d’un montant semblable. Mais la plupart des fournisseurs de services ont accepté de diviser nos factures de cette façon.
RPC : Cette solution permet-elle de réduire les coûts ou êtes-vous en mesure d’assurer un niveau de service plus élevé?
Bisson : Ce que les gens ne savent pas, c’est que les budgets dont disposent les députés pour leurs bureaux n’ont pas augmenté depuis plusieurs années maintenant, particulièrement du côté provincial, mais aussi du côté fédéral. Cet arrangement nous permet d’économiser un peu d’argent et sert en quelque sorte de coussin. Il nous permet d’embaucher un peu plus d’employés pour travailler à la réception, mais la majeure partie des sommes économisées servent de coussin pour absorber la hausse des tarifs d’électricité et la hausse de tous les autres frais. La plupart des députés ont plusieurs bureaux, particulièrement ceux qui représentent des circonscriptions du Nord de l’Ontario. La situation est différente dans les circonscriptions situées au centre-ville de Toronto, où les députés n’ont qu’un seul bureau de circonscription. J’ai deux bureaux de circonscription permanents, Charlie a deux bureaux de circonscription permanents et Carol a deux bureaux de circonscription permanents. Nous organisons aussi des services de consultation, en raison de la vaste étendue des circonscriptions. La majeure partie de l’argent sert à payer les déplacements des employés du point A au point B, ou à payer les téléphones cellulaires, les ordinateurs, etc.
RPC : Comment gérez-vous les questions de dotation? Déléguez-vous vos responsabilités? Y a-t-il des moments où la charge de travail d’un député est plus lourde que celle de l’autre député?
Bisson : Je gère tout cela avec Charlie depuis son élection, il y a plus de dix ans. Il y a eu certains ajustements à faire parce que mes employés étaient habitués de faire les choses d’une certaine manière, et il a fallu un certain temps pour mettre les choses au point, mais nous y sommes arrivés. Et les charges de travail s’équilibrent. Prenez par exemple mon bureau avec Carol Hughes. Deux de mes employés y travaillent et un de ses employés y travaille. Évidemment, mes employés s’occupent d’un plus grand nombre de dossiers, mais tout cela s’équilibre en fin de compte et dépend du type de travail à faire. Généralement, la politique provinciale a tendance à toucher les gens plus directement que la politique fédérale. Nous nous occupons de l’indemnisation des accidentés aux demandes de prêts, en passant par les permis d’exploitation de carrières. De fait, le gouvernement provincial entretient des contacts plus directs avec les gens parce que les compétences provinciales sont liées à des éléments de leur vie quotidienne.
RPC : Vous dites que vous avez deux employés dans ce bureau et que Carol Hughes en a un. Est-ce que cela signifie que vous embauchez vos propres employés?
Bisson : Bien sûr, les employés doivent figurer sur la liste de paye d’un seul député. Mais nous tentons de diviser les dossiers de manière logique. À Kapuskasing, les employés se sont opposés à des divisions rigides entre les dossiers fédéraux et les dossiers provinciaux. Il y a donc des chevauchements dans les dossiers parce que les employés ont constaté que c’est ce qui fonctionne pour eux, compte tenu du volume de travail. Au bureau de Timmins, cependant, les employés préfèrent établir une distinction un peu plus marquée entre ce qui relève du gouvernement fédéral et ce qui relève du gouvernement provincial, et cette stratégie semble bien fonctionner à cet endroit. Tout cela dépend donc des personnes.
RPC : Avez-vous parlé de cette solution à d’autres députés provinciaux et fédéraux et avez-vous vanté les mérites de ce système?
Bisson : J’en ai parlé, surtout au début lorsque nous avons mis cela en place, mais également lors des dernières élections, lorsque des gens sont venus me poser des questions. Je leur ai dit que cette solution ne convenait pas à tout le monde. Les députés nouvellement élus qui songent à cette option doivent prendre un certain nombre d’éléments en considération. Tout d’abord, si un député de l’autre administration est en place, il a peut-être signé un bail. Le cas échéant, son bureau n’est peut-être pas assez grand pour vous accueillir, ainsi que vos employés. De plus, ce ne sont pas tous les députés qui souhaitent former des équipes. Et bien entendu, l’autre député doit appartenir au même parti. Comprenez-moi bien, j’ai établi de bonnes relations de travail avec des députés d’un autre parti depuis que j’ai été élu. Il serait néanmoins très difficile, voire impossible, d’essayer de partager des locaux et des employés avec quelqu’un qui adhère à une philosophie politique différente quant à la manière dont les choses doivent se faire.
RPC : Avez-vous des réflexions finales, qui n’ont pas encore été abordées dans le cadre de cette entrevue, à formuler sur ce sujet?
Bisson : Je crois que l’un des points les plus positifs de cet arrangement est qu’il nous oblige à avoir d’excellentes communications avec nos collègues de l’autre administration; à tel point qu’il est devenu très avantageux de savoir ce qui se passe ailleurs. Nous nous tenons mutuellement au courant. Cela nous permet aussi de couvrir facilement un plus grand territoire dans nos circonscriptions et de nous prononcer sur diverses questions si le député de l’autre administration ne peut être présent. Nous sommes tous invités à assister à des événements, mais nous ne pouvons pas toujours être présents en raison de notre horaire. Cette étroite communication nous permet aussi de formuler des remarques déjà préparées par un autre député s’il ne peut être présent.
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