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Évolution de l'usage des déclarations en vertu de l'article 31 du Règlement
Kelly Blidook

Conformément à l’article 31 du Règlement, chaque jour, 15 minutes des activités de la Chambre sont consacrées aux déclarations de députés. Au cours de ces déclarations, les députés choisis peuvent parler pendant au plus une minute pour attirer l’attention sur divers problèmes ou événements. Les députés s’en sont souvent prévalus pour féliciter des groupes ou des citoyens en particulier, attirer l’attention sur un problème ou commenter un enjeu politique. Ils semblent toutefois y avoir de plus en plus recours pour formuler des commentaires négatifs sur les autres partis politiques ou leur chef, ou encore pour encenser leur propre parti. Le présent article vise à démontrer que la nature de cette procédure a évolué vers des fins partisanes, et à faire ressortir les tendances de cette évolution et de l’usage qu’en ont fait les partis ces dernières années.

L’une des procédures de la Chambre des communes les moins visibles, et probablement les moins connues, a suscité passablement d’attention au cours de la dernière année. Cet intérêt récent aux déclarations de députés en vertu de l’article 31 du Règlement est attribuable, d’une part, aux députés qui se sont affirmés devant ce qu’ils considéraient comme un contrôle excessif des partis sur cette procédure, et, d’autre part, à l’analyse générale des universitaires et des médias sur l’évolution de ces déclarations au fil du temps.

Il n’y a pas longtemps, le député conservateur Mark Warawa a été perçu comme l’instigateur d’une « révolte ouvertement exprimée »1 des députés de ce parti lorsqu’il a tenté de faire une déclaration sur l’avortement sélectif en fonction du sexe après qu’un comité a jugé irrecevable sa motion à ce sujet. M. Warawa a décidé de tout simplement se rabattre sur une occasion d’exprimer son point de vue sur la question durant le temps prévu à cette fin en vertu de l’article 31. Constatant que son parti lui refusait aussi cette occasion de prendre la parole, il a fait valoir que les partis choisissent les déclarations qu’ils souhaitent voir prononcer, laissant ainsi moins de place (et aucune place dans son cas) aux députés pour s’exprimer. D’autres députés conservateurs ont appuyé la demande adressée au Président par M. Warawa pour que les simples députés se voient accorder une certaine autonomie à cet égard.

Cette procédure parlementaire peut ne pas sembler particulièrement « importante », en ce sens qu’elle n’est guère susceptible d’entraîner de changements importants, mais la position adoptée dans le présent article est qu’elle revêt tout de même une grande importance pour les observateurs de la scène politique canadienne. Tout d’abord, le ton et la nature des interactions au sein de notre Parlement transcendent de loin l’activité parlementaire dans le cadre de laquelle ils sont étudiés. Au Canada, les députés ont récemment dénoncé le caractère partisan et négatif des interventions qui, de ce fait, étaient moins constructives. Les déclarations de députés en vertu de l’article 31 du Règlement, comme outil de mesure du ton généralement adopté au Parlement, sont de bons baromètres du comportement des parlementaires et de leur glissement vers la partisanerie et l’affrontement. Ensuite, la nature même de la partisanerie conditionne le degré auquel les députés peuvent défendre des dossiers locaux et innover dans l’élaboration de politiques. S’il est vrai qu’en général, on ne considère pas que les députés d’arrièreban au Canada aient une grande influence sur l’aboutissement des politiques, il n’en demeure pas moins qu’ils représentent les points de vue d’électeurs et que leurs propositions témoignent de cette variété de points de vue. De plus, leurs gestes et l’intérêt qu’ils suscitent peuvent aussi, à l’occasion, avoir une certaine influence sur les résultats des politiques. Enfin, le Parlement étant le principal organe législatif au pays, il va de soi qu’il est important de chercher à connaître et à comprendre l’ensemble de ses activités. Autrement dit, si le Parlement consacre des périodes précises de son ordre du jour à une activité, qu’elle soit représentative ou législative, il y a tout lieu d’en explorer et d’en comprendre la nature.

J’ai donc recueilli le texte de toutes les déclarations de députés en vertu de l’article 31 du Règlement pour la période de 2001 à 2012 (soit 22 248 déclarations en tout). J’ai ensuite utilisé un programme2 pour coder le contenu de chaque déclaration afin de déterminer combien de fois les députés mentionnent le nom de leur propre parti ou celui d’un autre. Les résultats, présentés dans les lignes qui suivent, révèlent des changements importants au cours de la période à l’étude.

Pour mieux comprendre le mode d’analyse des déclarations, voici deux exemples de déclarations dont la forme correspond à l’étude du présent essai. Le premier exemple est une déclaration de la députée bloquiste Pauline Picard, en octobre 2001 :

Monsieur le Président, à l’instar de milliers de Québécoises et de Québécois, je me demande ce que le ministre des Finances attend pour nous faire connaître son plan d’action, alors que des pans complets de notre économie sont affectés par les attentats terroristes survenus aux ÉtatsUnis et le ralentissement économique perceptible avant le 11 septembre.

À maintes reprises, nous avons interrogé le ministre des Finances pour tenter de savoir ce qu’il entend faire pour soutenir l’économie. Pendant que les problèmes sont réels et concrets, le ministre, lui, tient un propos vague et sans consistance.

Ce ne sont pourtant pas les moyens qui lui manquent pour revigorer la croissance économique et la création d’emplois, car dans les pires scénarios, il disposera d’un surplus de 13 milliards de dollars d’ici au 31 mars 2002.

Le Bloc [Q]uébécois lui demande de n’utiliser que cinq des 13 milliards, afin de donner de l’oxygène à l’économie. Il est urgent que le gouvernement libéral sorte de son mutisme pour exposer aux parlementaires un plan stratégique pour gagner cette lutte contre le ralentissement économique.

Dans cette déclaration, la députée fait mention de deux partis politiques : son propre parti (le Bloc Québecois) et un autre parti (le Parti libéral). Elle le fait une fois pour chaque parti mentionné.

Le deuxième exemple est la traduction (tirée du hansard) d’une déclaration faite par le député conservateur Jeff Watson, en septembre 2006 :

Monsieur le Président,
Miroir, miroir sur le mur,
Dis-moi quel parti n’a aucune éthique

Le miroir réfléchit et répondit:
« Le dernier gouvernement libéral dont nous avons été libéré[s]. »

« Mais ne me crois pas sur parole », ajouta le miroir.
« Je me reporte simplement à un rapport libéral de la semaine dernière. »

Les libéraux ont admis avoir eu des normes d’éthique très basses;
Ils ont vérifié jusqu’où ils pouvaient s’abaisser :

Ont laissé à Dingwall une commission illégale de lobbyiste;
Y ont ajouté une généreuse indemnité de départ;

Ont subventionné le quai du beau-frère d’un libéral,
Ont permis la rénovation de la maison de Frulla sans dire un mot;

Ont laissé des personnes nommées par eux assister à leur congrès;
Ont fait des entorses à l’éthique sans se poser de questions.

Les millions versés pour les navires de la famille
Montrent bien jusqu’où ils se sont abaissés.

Des fourrures furent achetées aux frais des contribuables.
Les libéraux du scandale des commandites devraient être condamnés.

Admettre leur faillite morale est trop peu.
Ils devraient parler à leurs collègues sénateurs,

Leur dire de cesser de se traîner les pieds
Et d’adopter la loi sur la responsabilité pour éviter d’autres fautes d’éthique libérales.

Dans cette déclaration, le député fait 18 mentions d’un autre parti que le sien, et ce qui la rend unique, c’est qu’elle détient le record du nombre de mentions d’un autre parti dans une seule déclaration pour la période à l’étude.

Dans les lignes qui suivent, j’ai fait le compte des déclarations où les députés mentionnent leur propre parti et de celles où ils mentionnent d’autres partis, pour évaluer dans quelle mesure les déclarations comportant ces mentions ont augmenté ou diminué au fil du temps au Parlement. Pour ce faire, je tiens compte des déclarations comportant au moins une mention, et ensuite du nombre total de mentions en proportion de l’ensemble des mots prononcés.

La principale hypothèse avancée dans le présent article est qu’en général, lorsque les députés mentionnent un autre parti, c’est pour l’attaquer ou formuler un commentaire négatif à son égard (comme dans le cas des exemples ci-dessus), et qu’inversement, lorsqu’ils mentionnent leur propre parti, c’est pour en reconnaître les mérites ou en faire l’éloge. Bien sûr, ce n’est pas toujours vrai. Dans le dernier cas du moins, il arrive que des députés formulent un commentaire positif lorsqu’ils mentionnent un autre parti, habituellement lorsqu’ils reconnaissent le travail d’un autre député ou une certaine forme de collaboration avec lui. De tels cas sont extrêmement rares cependant. Selon mon interprétation des déclarations en vertu de l’article 31 du Règlement, ces cas surviennent approximativement une à deux fois sur 1 000 déclarations, mais une analyse plus poussée serait nécessaire pour quantifier avec précision ce genre de comportement. Force est de constater cependant que la grande majorité des mentions de partis corroborent l’hypothèse énoncée.

Tendances relatives à l’emploi de termes partisans dans les déclarations en vertu de l’article 31

Le tableau 1 illustre toute déclaration dans laquelle un autre parti est mentionné. Ainsi, malgré son nombre de mentions d’un autre parti, la déclaration de M. Watson (le deuxième exemple susmentionné) reçoit la même valeur que n’importe quelle autre déclaration comportant au moins une mention d’un autre parti.

Tableau 1
Proportion de déclarations comportant au moins une mention d’un autre parti

 

Libéral

PPC/
Conservateur

AC

NPD

BQ

Tous

2001

6

25

24

24

14

13

2002

4

35

33

26

13

15

2003

4

28

34

38

11

15

2004

5

40

-

30

14

18

2005

10

42

-

44

12

23

2006

30

30

-

41

16

28

2007

24

36

-

43

22

30

2008

29

48

-

37

28

37

2009

19

41

-

22

21

29

2010

18

35

-

20

24

27

2011

19

25

-

19

27

22

2012

10

29

-

37

37

29

On constate que la proportion de déclarations comportant une mention d’un autre parti que celui du député intervenant a nettement augmenté depuis le début du millénaire. Elle a atteint un sommet de près de 37 % en 2008, mais sa hausse générale, d’environ 13 % en 2001 à 29 % en 2012, révèle tout de même une augmentation assez importante de l’intérêt porté aux partis rivaux dans ce type de déclarations.

Une autre remarque intéressante s’impose sur la façon dont chaque parti adopte ce comportement. Le Parti conservateur a tendance à compter la plus forte proportion (ainsi que le nombre le plus élevé de déclarations de ce genre, étant donné que le nombre de déclarations faites par ce parti dépasse celui des plus petits partis affichant des proportions similaires). Par contre, même si le NPD comptait moins de députés et, par conséquent, moins de déclarations au total, la proportion de ses déclarations mentionnant d’autres partis était comparable, et même supérieure, à celle de l’Alliance canadienne (AC) et du Parti conservateur jusqu’aux environs de 2007. Quant au Bloc Québécois (BQ) et au Parti libéral, ils n’ont porté ce comportement que beaucoup plus tard à des niveaux comparables à ceux des néodémocrates et des conservateurs.

La proportion de déclarations mentionnant d’autres partis a radicalement chuté en 2009 chez les néo démocrates et en 2011 chez les conservateurs. Cela s’explique peutêtre par l’appel à un plus grand respect du décorum et à la réduction du climat négatif à la Chambre lancé par Jack Layton, chef du NPD, quand ce parti est devenu l’Opposition officielle après les élections fédérales de 2011. Toutefois, le NPD a par la suite renversé cette tendance, devenant le parti à la plus forte proportion de mentions d’un autre parti en 2012. Le recul chez les conservateurs s’explique peut-être par l’élection de ce parti en tant que gouvernement majoritaire et par un déclin de l’intérêt porté à l’électoralisme à la Chambre. Malgré le pourcentage relativement élevé de 29 % affiché par les conservateurs en 2012, il correspond à peu près à ceux du Parti progressisteconservateur (PCC) et de l’Alliance canadienne au début de la période, en 2001.

Une autre façon d’analyser le ton partisan au Parlement consiste à examiner la proportion de mentions parmi tous les mots prononcés. Il n’est pas rare qu’un député mentionne un parti adverse à plusieurs reprises dans une seule déclaration (l’exemple de M. Watson en étant l’un des cas les plus extrêmes). Ce genre de mentions répétitives semble être à la hausse, comme en témoignent les augmentations dans le tableau cidessous.

Tableau 2 
Mentions d’un autre parti par 1 000 mots

 

Libéral

PPC/
Conservateur

AC

NPD

BQ

Tous

2001

0.6

2.4

2.4

2.6

1.1

1.3

2002

0.4

3.4

3.5

2.5

1.4

1.5

2003

0.4

3.0

3.7

4.2

0.8

1.5

2004

0.5

4.8

-

3.0

1.5

2.0

2005

1.5

6.1

-

4.3

1.4

3.1

2006

3.8

6.2

-

3.6

1.3

4.2

2007

2.4

6.3

-

3.2

2.4

3.9

2008

3.7

10.0

-

3.1

3.4

5.9

2009

2.6

8.5

-

1.8

2.5

5.1

2010

2.1

7.2

-

1.5

2.8

4.4

2011

2.1

4.4

-

2.2

3.2

3.4

2012

0.7

5.6

-

4.4

2.6

4.6

Pendant la période à l’étude, la proportion totale de mentions d’autres partis a augmenté, passant d’une moyenne d’environ 1,3 à 4,6 mentions par 1 000 mots – presque le triple. Le tableau 2 montre que le Parti conservateur dépasse largement les autres partis à cet égard. Entre 2007 et 2011, les députés conservateurs ont mentionné d’autres partis dans leurs déclarations de 2 à 3 fois plus souvent que les députés des autres partis, quoique, en 2012, les néodémocrates les suivaient de près (avec 4,4 mentions par 1000 mots, comparativement à 5,6 pour les conservateurs).

Ces dernières années, l’attitude négative dans la partisanerie a occupé un rang élevé dans les préoccupations à l’égard du Parlement, mais on peut aussi supposer que l’intensification de la partisanerie entraîne un plus grand nombre de coups d’encensoir de la part des députés à l’endroit de leur propre parti. Le tableau 3 illustre les importantes fluctuations de ce genre de mentions, mais rien de comparable à la hausse générale de la partisanerie négative représentée dans les tableaux 1 et 2.

Tableau 3
Proportion de déclarations comportant au moins une mention de son propre parti

 

Libéral

PPC/
Conservateur

AC

NPD

BQ

Tous

2001

4

10

7

14

34

10

2002

3

15

15

15

36

11

2003

4

24

19

25

35

14

2004

6

15

-

19

34

14

2005

6

21

-

29

42

19

2006

15

22

-

20

49

25

2007

13

17

-

19

47

21

2008

12

25

-

19

58

26

2009

10

21

-

15

48

23

2010

12

21

-

11

44

22

2011

15

17

-

12

47

17

2012

13

12

-

19

30

14

 Malgré leur forte augmentation au milieu de la période à l’étude, les mentions de leur propre parti par les députés semblent être revenues aux niveaux de 2001, à peu de choses près. . Pour tous les partis, la moyenne a augmenté de 10 à 14,5 % environ. Seul le Parti libéral affiche une augmentation importante au cours de la période (de 4,4 à 12,2 % environ), mais demeure pourtant le parti au plus faible niveau de cette catégorie. Le Bloc Québécois se démarque par sa différence par rapport aux autres partis, en ce sens que, même s’il termine la période au même niveau qu’au début, ses députés mentionnent leur parti beaucoup plus souvent que les autres. Il importe de souligner que les députés bloquistes terminent bon nombre de leurs déclarations par une référence à leur parti, en déclarant habituellement qu’ils appuient leurs collègues du Bloc Québécois, ou qu’ils font leur déclaration au nom de leur parti.

Tableau 4 
Mentions de son propre parti par 1 000 mots

 

Libéral

PPC/
Conservateur

AC

NPD

BQ

Tous

2001

0.4

0.8

0.5

0.8

2.8

0.8

2002

0.3

1.5

1.3

1.1

2.5

1.0

2003

0.5

2.9

1.5

2.0

2.2

1.2

2004

0.5

1.4

-

1.5

2.2

1.1

2005

0.5

1.9

-

1.8

3.2

1.7

2006

2.0

1.7

-

1.5

3.6

2.1

2007

1.0

1.2

-

1.1

3.7

1.6

2008

1.1

1.8

-

1.3

4.7

2.0

2009

0.9

1.6

-

0.9

3.3

1.6

2010

1.0

1.4

-

0.7

3.2

1.5

2011

1.3

1.4

-

0.8

3.1

1.3

2012

1.5

0.9

-

1.4

2.8

1.2

La tendance relative au total des mentions par 1 000 mots donne à penser que les mentions de son propre parti occupent une très grande place dans ce type de déclaration, avec une hausse d’environ 50 % chez tous les partis (de 0,8 jusqu’à 1,2 mention par 1 000 mots), ce qui se rapproche de la tendance illustrée dans le tableau précédente. Ici, la hausse chez les libéraux semble un peu plus prononcée, avec environ trois fois plus de mentions en 2012 qu’en 2001. La plupart des autres partis présentent des fluctuations importantes à cet égard, avec des sommets en 2006 et 2008, où on compte plus de deux mentions du parti du député par 1 000 mots.

Même s’il ressort clairement que les partis sont de plus en plus évoqués dans les déclarations de députés, dans l’ensemble, cette hausse relève incontestablement des mentions d’autres partis. S’il est vrai que les deux types de mentions par les députés, d’un autre parti et de leur propre parti, ont augmenté au cours de la période à l’étude, il n’en demeure pas moins qu’on retrouve les premières dans près de deux fois plus de déclarations et environ trois fois plus fréquemment par 1 000 mots que les secondes.

Quelques réflexions en conclusion

Il semble effectivement y avoir une hausse de partisanerie dans les déclarations des députés en vertu de l’article 31 du Règlement, où l’on a pu observer des hausses tant des références à leur propre parti qu’à celles d’un autre parti. Toutefois, le poids de la faute revient à la « partisanerie négative » plutôt qu’à la « partisanerie positive ». Au-delà de savoir si les Canadiens acceptent cette forme de discours au sein de leur Parlement (la plupart des recherches indiquent que ce n’est pas le cas), la question surgit quant à la capacité des députés de faire les déclarations de leur choix et à la représentativité des déclarations prononcées au Parlement.

Dans une décision rendue en avril 2013, le Président Andrew Scheer a déclaré que les députés peuvent se voir accorder la parole par la présidence même si leur parti ne les a pas inscrits sur la liste des députés censés prendre la parole ce jour-là. Comme il semble y avoir une demande à cet égard, il est à espérer que les députés réussiront à obtenir ces droits de parole pour exprimer les sujets de leur choix. Une préoccupation demeure cependant quant au traitement moins favorable que réservera leur parti aux députés qui prendront la parole quand « ce n’est pas leur tour ».

Les résultats laissent entrevoir une tendance générale quant à la manière dont nos politiciens communiquent entre eux, ce qui, par suite, influence la perception des citoyens à leur égard, et la façon dont les objectifs politiques sont atteints. Le Parlement canadien a changé au cours de ces 13 dernières années, et ces changements modifient nos attentes à l’égard du comportement des législateurs. L’examen du comportement des parlementaires au sein de la Chambre des communes ces 12 dernières années, d’une part, nous permet de mieux comprendre le comportement législatif en général et, d’autre part, nous renseigne sur ce qui semble être une réalité nouvelle et importante au sein du Parlement canadien.

D’un point de vue normatif, restreindre l’exploitation à leurs propres fins par les partis des déclarations de députés servirait sans doute deux intérêts importants : premièrement, le ton adopté au Parlement du Canada serait probablement moins hostile, et même si ce changement se limitait à la procédure prévue pour ces déclarations de députés, il n’en demeurerait pas moins souhaitable. Nos députés entretiendraient peut-être moins de sentiments négatifs envers l’enceinte dans laquelle ils exercent leurs fonctions, et un changement de ton et d’attitude dans le cadre d’une procédure pourrait contribuer à atténuer le même problème dans d’autres débats parlementaires. Deuxièmement, certains observateurs des assemblées législatives qualifient les procédures comme celle de l’article 31 de « soupapes de sécurité institutionnelles », en ce sens qu’elles allègent les tensions en offrant aux simples députés un exutoire par où aborder des sujets d’intérêt local ou spécialisé, et s’affranchir du contrôle des partis présent dans de nombreuses activités qu’ils doivent exercer. Quand ces « soupapes de sécurité » sont bloquées, nous assistons à des événements comme ceux qui se sont produits au printemps 2013 chez les députés conservateurs. Le plus souvent, dans de telles circonstances, les députés se vident le cœur et se servent des médias pour saper les efforts du parti, ce qui s’avère contreproductif tant pour les députés que pour les partis dans l’atteinte de leurs objectifs généraux. Certains partis peuvent croire qu’ils ont de meilleures chances de réaliser leurs objectifs en limitant l’utilisation de cette procédure à des fins partisanes, mais il y a fort à parier qu’une analyse globale des pour et des contre révélerait que ce n’est pas le cas. Au contraire, le risque d’agitation chez les députés augmente lorsque la capacité de ces soupapes de sécurité d’alléger les tensions diminue, ce qui entraine habituellement pour les partis des problèmes supérieurs aux avantages procurés, en particulier dans le cadre d’une procédure comme celle des déclarations de députés en vertu de l’article 31, principalement conçue à des fins d’expression symbolique.

Notes

1 Chase, Steven et Gloria Galloway. « Backbenchers plead for greater freedom », le Globe and Mail, le 28 mars 2013. Article consulté à : http://www.theglobeandmail.com/news/politics/backbenchers-plead-for-greater-freedom/article10487590/. [traduction]

2 Voir http://www.lexicoder.com (en anglais seulement).


Canadian Parliamentary Review Cover
Vol 36 no 4
2013






Dernière mise à jour : 2020-09-14