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Myrna Driedger, députée provinciale
L’ordre du jour de la plupart des conférences de l’APC contient au moins un point sur la question des femmes en politique. Si le présent article traite de certaines stratégies nécessaires pour que plus de femmes soient élues, il précise toutefois que les femmes doivent aller au-delà de l’idée de mesures distinctes pour elles.
La question des femmes en politique est un domaine d’une importance cruciale qui a évolué depuis le jour où les femmes ont obtenu le droit de vote. Au Canada, c’est dans ma province, le Manitoba, que les femmes ont obtenu, de haute lutte, le droit de vote pour la première fois, en 1916. Une femme nommée Nellie McClung a été une figure de proue de ce combat. Femme fougueuse, elle s’est opposée au premier ministre de l’époque, pour qui le rôle de la femme consistait à rester au foyer et à aller chercher les pantoufles de son mari quand celui-ci rentrait à la maison, après une dure journée de travail.
Personnellement, je ne crois pas que des mesures particulières pour les femmes dans les parlements et les assemblées législatives soient utiles, pour des raisons que j’exposerai plus loin. Je crois cependant que nous avons besoin de mettre en place certaines stratégies pour encourager les femmes à se lancer en politique en plus grand nombre. Il ne suffit que d’examiner le nombre de femmes élues dans nos parlements et nos assemblées législatives. Les chiffres sont éloquents.
Au Parlement canadien, seuls 24 % des parlementaires élus sont de femmes. En 2007, au Manitoba, nous avons dépassé le taux symbolique de 30 % de femmes élues. Aux élections de 2011, ce taux a cependant chuté à 27 %. Un recul!
La sous-représentation des femmes dans le système politique canadien ne diffère en rien de la situation dans de nombreux autres pays. On peut aborder de diverses façons les raisons pour lesquelles il n’y a pas davantage de femmes en politique. Il est facile d’en accuser le système, qui est effectivement en partie responsable du problème, mais il faut aussi se demander : pourquoi plus de femmes ne se portentelles pas candidates?
Jeune fille, je voulais être infirmière ou institutrice. Je suis devenue infirmière. Il s’agissait là essentiellement des deux seules carrières qui me semblaient accessibles pour une fille d’un petit village du Canada rural. Aujourd’hui, les jeunes filles peuvent envisager de nombreuses carrières. Mais la politique est loin de faire partie de leurs projets! L’une des stratégies qu’il nous faut mettre en œuvre consiste à déterminer comment sensibiliser les jeunes filles et les encourager à considérer la politique comme un domaine où elles ont beaucoup à offrir.
Certains obstacles découragent les femmes de se présenter. Il me semble que le public, au Canada du moins, se désintéresse de plus en plus de la politique. Ils sont nombreux à ne pas y prêter attention, à croire qu’elle ne les touche pas, à faire preuve de cynisme à l’égard de la politique et des politiciens et à ne pas tenir les politiciens en haute estime. De nombreuses personnes ne connaissent pas les enjeux au moment des élections et donnent leur vote en fonction de divers critères. Une femme a voté pour moi parce qu’elle aimait ma coiffure. Les membres d’une famille m’ont accordé leur vote parce que je réponds moi-même au téléphone.
La façon dont les médias dépeignent les femmes en politique n’arrange souvent pas les choses. Qu’importe si le sac à main d’une femme est assorti à ses chaussures. On considère la politique comme un sport extrême et, sincèrement, elle peut parfois l’être. Disons les choses franchement : la quantité de travail peut être très exigeante et la vie sous les feux de la rampe peu attrayante. Un jour, pendant le weekend, je suis allée au supermarché sans maquillage ni rouge à lèvres. Une femme que je ne connaissais pas s’est approchée et m’a dit : « Myrna, vous n’avez pas l’air bien du tout! Qu’est-ce qui ne va pas? » Maintenant, peu importe les circonstances, je porte toujours du rouge à lèvres.
Les efforts pour concilier la vie professionnelle et la vie familiale peuvent être massifs. De nombreuses femmes préfèrent dire « non merci ». Beaucoup n’envisageront jamais de se présenter à moins qu’on leur demande. Puis, si on leur demande, elles craindront de ne pas avoir l’intelligence ou les compétences nécessaires.
Ces obstacles, parmi tant d’autres, sont tout à fait réels et sont difficiles à surmonter. Pourquoi le petit nombre de femmes en politique importe-t-il? Qu’est-ce que cela change? Selon les Nations Unies, le nombre de législateurs féminins doit atteindre un seuil minimum de 30 % pour que les politiques publiques tiennent compte des besoins des femmes. Au cœur même de cette question se trouve donc l’enjeu de la démocratie. Si le monde est formé de 50 % de femmes, celles-ci sont-elles bien représentées si seulement 8 % ou 28 % de leurs représentants élus sont des femmes? La réponse est « NON ». Un déficit démocratique existe.
En quoi est-ce important? La question est importante parce que les femmes apportent une expérience unique dans l’arène politique. Leur expérience de vie diffère de celle des hommes et leurs points de vue sur les enjeux peuvent être différents de ceux des hommes. Leur apport rehausse la qualité du débat, en plus d’élargir et d’équilibrer les points de vue sur de nombreux enjeux d’importance.
Ce n’est pas que le point de vue des femmes soit meilleur que celui des hommes, c’est qu’il est différent. Permettez-moi de vous donner un exemple. Pendant la guerre au Kosovo, Nancy Pelosi, législatrice américaine, était membre du Comité des affaires étrangères. Le Comité affectait des milliards de dollars à la reconstruction du Kosovo. Mme Pelosi est allée plus loin. Elle s’est enquise des femmes qui avaient été victimes de mauvais traitements et de viol au cours du conflit. Elle a voulu savoir ce qui était advenu de ces femmes. Elle savait que si l’on ne s’occupe pas des difficultés des femmes, il n’existera pas d’unité familiale et jamais on ne développera une société dynamique. Si elle n’avait pas été là pour faire valoir cet enjeu, le Comité aurait tout simplement trouvé l’argent nécessaire pour reconstruire le Kosovo. Mme Pelosi est allée plus loin, pour reconstruire la famille.
Il nous faut des stratégies pour encourager plus de femmes à se présenter. Il nous faut des stratégies pour appuyer les femmes quand elles se présentent et une fois qu’elles ont gagné. Mais personnellement, je ne crois pas que l’adoption de mesures particulières pour les femmes dans les parlements et les assemblées législatives soit une solution saine pour les femmes. Je crois que ce genre d’initiative nous dessert, en continuant à nous marginaliser. Si la femme veut être traitée comme l’égale de l’homme, je crois qu’elle doit concourir de la même façon que les hommes. Les hommes respecteront une collègue qui a mené les mêmes luttes et parcouru le même chemin qu’eux. En obtenant un passe-droit, nous serons forcées de toujours faire nos preuves autour de la table du caucus.
La politique est encore essentiellement un monde d’hommes. Nous avons voulu faire partie de ce monde. Je crois que nous devons apprendre à mieux jouer le jeu. Le fait d’être une femme ne m’a pas nui en politique. J’avais décidé de me présenter. J’ai remporté l’investiture en ayant le dessus sur deux femmes et un homme. J’ai gagné cinq élections, la plupart du temps contre des hommes. Je suis la première femme à représenter ma circonscription. J’ai été chef intérimaire de notre parti politique et la plupart de mes collègues sont des hommes!
Le point de vue que j’exprime aujourd’hui est une opinion personnelle, qui a évolué dans le contexte canadien. Je respecte pleinement le choix d’autres pays qui optent pour des quotas ou des formes de représentation proportionnelle. Si ces méthodes leur conviennent, tant mieux. Certains pays, en Afrique notamment, ont réalisé de grands progrès en utilisant des quotas.
Nous avons accru la sensibilisation du public à l’égard de la question de la sous-représentation des femmes en politique. De plus en plus d’hommes jouent un rôle de champion pour nous aider à changer les choses. Eux aussi ont compris que la sous-représentation des femmes crée une situation de déficit où la moitié de la population est mal représentée dans les processus décisionnels. Nous devons en faire des partenaires pour améliorer les choses!
En fin de compte, le débat sur la participation des femmes en politique, s’il est intéressant sur le plan statistique, doit être approfondi. Je nous mets au défi d’aller au-delà de la question qui consiste à se demander : « Les femmes devraient-elles bénéficier d’un traitement spécial au Parlement? » Nous devons travailler à l’élaboration de stratégies réalistes, durables et dynamiques pour accroître la participation des femmes dans le processus politique.
Pour conclure, voici une dernière idée intéressante : peut-être devrionsnous cesser de vouloir briser le plafond de verre et songer à construire une nouvelle maison. Peut-être le moment est-il venu de redéfinir les règles du jeu, pour imposer les nôtres!
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