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Renforcer l'examen parlementaire des prévisions budgétaires
TinaLise LeGresley; Lindsay McGlashan; Alex Smith

Le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires a pour mandat, notamment, de se pencher sur le processus d’examen des prévisions budgétaires et des crédits et d’en faire rapport. Le Comité a commencé l’étude de cette question en février 2012. Il a tenu 13 réunions et entendu 31 témoins, dont des observateurs versés en la matière, des universitaires, des fonctionnaires et des experts internationaux. Le 20 juin, le Comité a présenté, son rapport dans lequel il a formulé 16 recommandations visant à améliorer la procédure, la structure et le soutien relatifs à l’examen parlementaire des prévisions budgétaires. Le gouvernement a présenté sa réponse au rapport le 18 octobre. On trouvera dans le présent article un résumé des observations faites dans le rapport, aussi bien que la réponse du gouvernement.

L’une des fonctions essentielles du Parlement consiste à examiner et à autoriser l’engagement de fonds publics par le gouvernement. Avant d’engager des dépenses, le gouvernement présente ses plans de dépenses au Parlement sous forme de « prévisions budgétaires », lesquelles sont ensuite renvoyées au comité permanent concerné qui les examine. Le Parlement peut ainsi demander au gouvernement de justifier ses dépenses. Cependant, on sait depuis longtemps que le Parlement ne remplit pas cette fonction de manière efficace et que les comités permanents ne font, au mieux, qu’un examen superficiel des plans de dépenses du gouvernement.

Deux vastes études du processus d’examen des prévisions budgétaires ont été réalisées au niveau fédéral, une première en 1998 et une seconde en 2003, mais peu de changements ont été apportés par suite de ces études1. Compte tenu de l’insatisfaction toujours présente quant au rôle du Parlement dans l’examen des dépenses gouvernementales, tant de la part des observateurs que de nombreux députés, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes (ci-après appelé le Comité) a entrepris, en février 2012, une étude du processus d’examen des prévisions budgétaires et des crédits. Pendant plusieurs mois, le Comité a entendu des ex-députés, des fonctionnaires, des universitaires, des experts internationaux, le vérificateur général, le directeur parlementaire du budget, des ex-greffiers de la Chambre des communes, des députés de la Nouvelle-Zélande, des sénateurs de l’Australie et d’autres observateurs.

Le Comité a centré son étude sur l’examen du processus budgétaire à trois niveaux : la procédure, la structure et le soutien. Le Comité estimait qu’on pouvait améliorer l’examen des prévisions budgétaires en bonifiant les processus parlementaires entourant celui-ci, afin que les parlementaires aient accès à une information sur les prévisions budgétaires qui soit claire et compréhensible et qu’ils obtiennent le soutien voulu pour pouvoir interpréter les données fournies. Comme il est souligné ci-dessous, le Comité s’est employé à faire, dans son rapport, des recommandations ciblées et modestes qui entraîneraient des progrès dans ces domaines.

Observations et recommandations

Affectation des crédits suivant la comptabilité d’exercice ou la comptabilité de caisse : Problème préoccupant aux yeux du Comité, il est difficile de comparer les plans de dépenses du gouvernement, qui sont présentés dans le budget principal et les budgets supplémentaires des dépenses, avec les dépenses réelles, énoncées dans les comptes publics, parce que les deux sont établis selon des méthodes comptables différentes. Les budgets des dépenses sont dressés selon la méthode de comptabilité de caisse, tandis que, depuis 2001, les comptes publics le sont selon celle de la comptabilité d’exercice. Selon la méthode de la comptabilité de caisse, les opérations sont constatées au moment où elles font l’objet d’un encaissement ou d’un décaissement; par contre, selon la méthode de comptabilité d’exercice, les faits économiques sont constatés au moment où ils se produisent. Le Comité a entendu de nombreux arguments tant favorables que défavorables à l’adoption de la méthode de comptabilité d’exercice pour les prévisions budgétaires. Cette méthode assurerait une plus grande uniformité avec les comptes publics, mais les parlementaires pourraient mieux comprendre la méthode de comptabilité de caisse. Comme le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada étudie actuellement la question, le Comité a décidé d’attendre qu’il ait terminé son étude pour se pencher de nouveau sur le problème.

Structure des crédits : Les documents du budget principal et des budgets supplémentaires des dépenses établissent des pouvoirs de dépenses séparés, les crédits, pour chaque organisme fédéral. Ces crédits constituent, une forme de contrôle parlementaire en fixant des limites de dépenses gouvernementales par crédit. Nombre d’organismes fédéraux ont des crédits séparés pour leurs dépenses de fonctionnement et leurs dépenses en immobilisations. Nombreux ont été les témoins qui ont dit au Comité qu’une structure de crédits fondée sur les programmes serait préférable parce qu’elle serait liée plus étroitement à la façon dont les parlementaires considèrent les dépenses gouvernementales, à la façon dont les ministères sont organisés et rendent compte de leur rendement et à la façon dont les ministres annoncent les dépenses. Le Comité a recommandé que le gouvernement adopte un système où les crédits seraient fondés sur les activités de programme, croyant qu’il serait plus pertinent et que cela aurait pour effet qu’on s’intéresserait davantage aux prévisions budgétaires et à l’examen qu’en effectuent les comités permanents.

Rapports sur les plans et les priorités : Le Comité a souligné que, si le gouvernement est d’accord, la modification de la structure des crédits budgétaires pourrait prendre plusieurs années. Entre-temps, les parlementaires pourraient faire un meilleur usage de l’information maintenant à leur disposition. Par exemple, les rapports ministériels sur les plans et les priorités (RPP) renferment de l’information sur les ressources financières et humaines qui sont consacrées à chaque activité de programme ainsi que sur les résultats attendus et les indicateurs et cibles de mesure du rendement. Ces rapports sont certes communiqués aux comités permanents, mais il arrive souvent que ceux-ci ne les examinent pas lors de leur étude des prévisions budgétaires. Le Comité était d’avis que les RPP susciteraient une attention accrue s’ils étaient présentés en même temps que le budget principal des dépenses. De plus, les RPP se trouveraient améliorés si on présentait l’information financière relative aux activités de programme pour les trois exercices précédents et les trois exercices suivants et si on expliquait les changements apportés aux dépenses planifiées ainsi que les écarts entre les dépenses planifiées et les dépenses engagées.

Harmonisation du budget et du budget principal des dépenses : Pour les membres du Comité, l’un des principaux problèmes réside dans la mauvaise harmonisation entre le budget principal des dépenses et le budget. Le budget principal des dépenses, qui présente les plans de dépenses du gouvernement pour l’exercice à venir, ne comprend pas la plupart des nouvelles initiatives de dépenses annoncées dans le plan budgétaire du ministre des Finances, présenté habituellement en février ou en mars. Le Comité s’est fait dire que ce défaut d’harmonie est principalement attribuable au fait que le budget principal des dépenses est dressé avant le budget, même si ce dernier peut être présenté avant le budget principal des dépenses. Les dépenses annoncées dans le budget figurent généralement dans les budgets supplémentaires des dépenses ou dans un budget principal des dépenses subséquent. Le Comité était d’avis que l’absence d’harmonie entre le budget principal des dépenses et le budget fait qu’il est difficile, pour les parlementaires d’avoir un portrait complet des dépenses fédérales planifiées au début de l’exercice. Les témoins ont proposé au Comité une variété de solutions pour résoudre ce problème. Le Comité a recommandé que le budget soit présenté au plus tard le 1er février et que tous les nouveaux fonds ajoutés aux crédits, avec un renvoi aux sources budgétaires pertinentes, soient indiqués séparément dans le budget principal et les budgets supplémentaires des dépenses.

Règle voulant qu’un comité soit réputé avoir fait rapport : Une fois déposés à la Chambre des communes, le budget principal et les budgets supplémentaires des dépenses sont renvoyés aux comités permanents pour qu’ils les examinent. Les comités disposent d’un laps de temps donné pour examiner les prévisions budgétaires qui leur sont renvoyées et pour en faire rapport à la Chambre. S’ils n’ont rien présenté à la fin de ce délai, ils sont réputés avoir fait rapport à la Chambre. Cette règle empêche les comités de nuire à l’examen et à l’approbation des prévisions budgétaires par la Chambre. Cependant, elle implique aussi la possibilité que certains comités n’examinent pas les prévisions budgétaires qui leur sont renvoyées ou n’en fassent pas rapport. Le Comité estimait qu’il fallait maintenir la règle voulant qu’un comité soit réputé avoir fait rapport, afin d’éviter les retards indus dans l’approbation des crédits par le Parlement. Le Comité n’en estimait pas moins que les comités permanents devraient examiner le budget des dépenses et a donc recommandé qu’ils soient tenus de consacrer un minimum de temps à l’examen des prévisions budgétaires et suffisamment de temps aussi à celui des budgets supplémentaires des dépenses ainsi qu’à la production d’un rapport sur ceux-ci.

Questions pour les fonctionnaires : Les comités permanents invitent souvent des ministres et des fonctionnaires à comparaître devant eux pour discuter des prévisions budgétaires. Le Comité s’est fait dire qu’une façon d’améliorer la qualité des réponses aux questions des membres des comités sur le budget des dépenses consiste à fournir à l’avance les questions aux fonctionnaires. Le Comité a appris que le Comité permanent des finances et des dépenses de la Chambre des représentants de la Nouvelle-Zélande rédige un questionnaire type sur le budget des dépenses qu’il envoie ensuite à l’ensemble des ministères et des organismes gouvernementaux. Pour aider les fonctionnaires à se préparer et rendre plus productives les audiences sur le budget des dépenses, le Comité a recommandé que, lorsque c’est faisable, les comités permanents fournissent leurs questions aux fonctionnaires avant les audiences sur les prévisions budgétaires et veillent à ce que seuls les fonctionnaires ayant compétence en la matière soient invités.

Dépenses législatives et dépenses fiscales : Les dépenses législatives, qui représentent les deux tiers environ des dépenses fédérales totales, sont autorisées par une loi précédemment adoptée et ne font pas l’objet du processus d’examen et d’approbation des prévisions budgétaires. Les dépenses fiscales, qui représentent essentiellement un manque à gagner en recettes fiscales découlant de mesures comme les exemptions, les déductions, les reports et les crédits d’impôt, s’élèvent à plus de 100 milliards de dollars par année. Malgré leur importance pour l’ensemble des dépenses fédérales, les dépenses législatives et fiscales ne sont guère examinées par les parlementaires. Le Comité était d’avis que, compte tenu de leur ampleur et de leur importance, les dépenses législatives et fiscales devraient être examinées systématiquement par les comités permanents compétents au moins tous les huit ans. De plus, les dépenses fiscales devraient être présentées dans les rapports sur les plans et les priorités des ministères concernés.

Soutien des comités : Les observateurs soulignent souvent que le manque de ressources et d’outils à la disposition des parlementaires pour effectuer un examen efficace des prévisions budgétaires gêne l’examen des dépenses publiques. Le Comité s’est dit d’avis que les parlementaires profiteraient d’une meilleure compréhension du cycle global des crédits et a recommandé que les comités permanents tiennent des séances d’information sur le processus d’examen des prévisions budgétaires et les documents connexes. En outre, compte tenu de l’utilité du travail du directeur parlementaire du budget pour les députés et les comités permanents, plusieurs témoins ont dit au Comité que le rôle du directeur parlementaire du budget pourrait être renforcé. Le Comité a recommandé qu’il soit chargé d’étudier le mandat et les fonctions du directeur parlementaire du budget. Précisons que cette recommandation n’a pas fait l’unanimité et que, selon deux avis dissidents, le directeur parlementaire du budget devrait devenir un haut fonctionnaire du Parlement.

Sources d’information : Enfin, les liens ne sont pas toujours clairs entre l’information financière et celle sur le rendement que l’on trouve dans divers documents du gouvernement fédéral (le budget, le budget principal des dépenses, les budgets supplémentaires des dépenses, les rapports sur les plans et les priorités, les rapports ministériels sur le rendement, les rapports financiers trimestriels et les comptes publics). Plusieurs témoins ont dit au Comité qu’un outil en ligne aiderait les parlementaires à y voir plus clair et à établir les liens nécessaires. Le Comité était du même avis et a recommandé au gouvernement qu’il conçoive une base de données en ligne interrogeable renfermant de l’information sur les dépenses ministérielles par genre de dépenses et de programmes.

Réponse au rapport

Présenté en juin 2012, le rapport du Comité a reçu un accueil favorable, notamment par l’équipe éditoriale du Globe and Mail et du National Post. Le Globe a qualifié les recommandations du Comité de mesurées et sensées et signalé que le rapport témoignait de la volonté claire des députés de tous les partis de mieux faire leur travail de surveillance des dépenses gouvernementales2. Pour sa part, le National Post a soutenu que le rapport renferme des propositions qui visent à améliorer les règles, dont celles concernant l’obligation de présenter les budgets fédéraux plus tôt et la réalisation d’un examen plus efficace des budgets par le Parlement, qui valent la peine d’être adoptées3.

Dans sa réponse présentée le 18 octobre 2012, le gouvernement a déclaré qu’il souscrivait à un certain nombre de recommandations du Comité et qu’il y donnerait suite, mais qu’il s’opposait à d’autres. Le gouvernement a convenu de présenter son étude de la budgétisation et de l’affectation des crédits selon la méthode de comptabilité d’exercice d’ici le 1er mars 2013. Il s’est engagé à présenter un modèle de structure des crédits aligné sur les résultats stratégiques et les activités de programme. Il indiquerait alors les estimations de coûts du modèle et un échéancier pour sa réalisation. Il a convenu aussi d’améliorer les liens entre les rapports, d’annoncer les nouveaux programmes dans les prévisions budgétaires avec la source de fonds du cadre fiscal et de réexaminer les options visant à rendre l’information plus accessible au moyen d’innovations technologiques. Le gouvernement n’était pas favorable à l’établissement d’une date fixe pour la présentation du budget, car cela limiterait la marge de manœuvre du gouvernement pour réagir aux impératifs nationaux et internationaux. Il s’opposait aussi à la proposition d’inclure dans les rapports ministériels sur les plans et les priorités de l’information sur les dépenses fiscales pour le motif que ces dépenses sont la responsabilité du ministre des Finances. Les autres recommandations ont été renvoyées à la Chambre des communes et le gouvernement n’y a pas répondu directement. Cependant, le gouvernement a souligné que le mandat du directeur parlementaire du budget avait été précédemment examiné par le Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement, qui avait jugé que les services du directeur parlementaire du budget constituaient une « extension naturelle » des services offerts aux parlementaires par la Bibliothèque du Parlement.

Notes

1 Voir Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, L’étude des crédits : boucler la boucle du contrôle, 51e rapport, 1re session, 36e législature, décembre 1998; Chambre des communes, Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, Pour un examen valable: améliorations à apporter au processus budgétaire, 6e rapport, 2e session, 37e législature, septembre 2003.

2 « Watching our money », éditorial, The Globe and Mail, 19 juillet 2012, p. A12.

3 « Lack of spending oversight is highly frustrating », éditorial, National Post, 17 juillet 2012.

Note de la rédaction : Le 7 novembre 2012, la Chambre des communes a décidé de renvoyer le rapport au Comité pour réexamen.


Canadian Parliamentary Review Cover
Vol 35 no 4
2012






Dernière mise à jour : 2020-09-14