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L'hon.
John McCallum, député
L’auteur présente quatre mesures qui pourraient être prises pour moderniser le processus budgétaire. Il porte également sur le prochain examen stratégique et fonctionnel et les problèmes que cela représente pour les parlementaires qui essaient de comprendre le programme gouvernemental de lutte contre le déficit.
La fonction première de la Chambre des communes et de ses députés consiste à examiner et à approuver les demandes de crédits du gouvernement, ainsi que les voies et moyens utilisés pour couvrir ces dépenses. C’est précisément pour cette raison que les premiers parlements britanniques se sont réunis il y a des siècles. En effet, notre rôle de député est simple : avant que la Couronne puisse taxer les Canadiens et dépenser leur argent, elle doit les écouter et tenir compte de leurs préoccupations de façon satisfaisante. Tant que la Chambre n’est pas satisfaite, nous pouvons refuser d’accorder des crédits à la Couronne.
Quoique cette vision d’un gouvernement parlementaire soit valable, il est évident que le rôle de pétitionnaire qu’assumait le Parlement au XVIIe siècle a pris de l’ampleur pour devenir l’entité législative moderne et complexe qu’il est aujourd’hui. Cette croissance reflète la nature exponentielle du gouvernement et résulte de la complexité croissante de la vie moderne.
Or, peu importe que nous, députés, soyons appelés à jouer un rôle nouveau et élargi au sein du Parlement d’aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre de vue notre raison d’être initiale, qui est d’examiner à la loupe les demandes de fonds publics de la Couronne et de les approuver. Selon moi, les outils et les méthodes que le gouvernement utilise pour demander des fonds et ceux dont les députés se servent pour examiner et approuver ces demandes sont dans un état de désuétude avancée.
Il faut accorder plus d’importance à l’examen que chaque comité fait du budget de son ministère respectif. La Chambre des communes a déjà consenti des efforts en ce sens en renvoyant automatiquement les prévisions budgétaires de chaque ministère au comité approprié. Or, trop peu d’importance est accordée à l’examen de ces documents. Pour de nombreux comités, il ne s’agit que d’une question secondaire — une tâche pénible qui leur est imposée et à laquelle ils doivent consacrer une réunion pendant laquelle ils examinent et approuvent ces documents. Certains comités, comme celui des Opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, reçoivent les documents des dépenses de plusieurs gros ministères et, soit ils ne les étudient pas du tout, soit ils ne consacrent qu’une quantité négligeable de temps à chaque ministère. Cela ne rend nullement justice au concept de surveillance parlementaire.
Le gouvernement devrait envisager abolir l’article 81 du Règlement, qui permet que les comités « soient réputés avoir fait rapport » des prévisions budgétaires. Selon le système actuel, les comités disposent d’un temps limité pour étudier le budget principal et le budget supplémentaire des dépenses que présente le gouvernement. Une fois ce temps écoulé, les budgets sont réputés avoir été retournés à la Chambre sans modification. Cela veut dire que, si un comité ne parvient pas à discuter de ces documents, il n’y a pas de conséquences. En fait, aux termes du Règlement, un gouvernement majoritaire peut bloquer l’étude des budgets sans pénalité. Si le gouvernement veut que la Chambre approuve des fonds, il doit s’assurer que sa demande fait l’objet d’une audience en bonne et due forme.
Afin d’accroître la responsabilité des comités à l’égard du processus d’audiences, le Règlement devrait être modifié pour exiger un minimum (et possiblement un maximum) de temps pendant lequel ils étudieraient les budgets. Cette façon de faire ne serait pas sans précédent au Canada puisqu’en Alberta et en Saskatchewan, un minimum de temps est requis pour examiner le budget du gouvernement. En Alberta, chaque ministère doit faire l’objet d’un examen d’au moins trois heures. En Saskatchewan, la limite est d’au moins deux heures par ministère et d’au moins 75 heures au total. Il n’y a aucune raison que la Chambre ne puisse pas adopter de nouvelles règles qui garantiraient à la fois un examen adéquat du plan de dépenses du gouvernement et qui empêcheraient l’opposition d’engorger inutilement la machinerie parlementaire.
Enfin, à moyen terme, la Chambre des communes doit trouver une nouvelle façon, plus moderne, de traiter les documents portant sur l’affectation de crédits. Les documents que le gouvernement présente actuellement sont affreusement désuets et, à certains égards, ils ressemblent à s’y méprendre aux budgets que le gouvernement canadien présentait au XIXe siècle! Ces documents doivent être rendus plus accessibles aux parlementaires et au public. L’information doit aussi être numérisée. Le gouvernement actuel a fait des progrès à cet égard : par exemple, il veille à ce que de plus en plus de documents soient publiés par voie électronique et non en copie papier. Toutefois, les versions électroniques ne sont que des livres numérisés. Les parlementaires, leur personnel, les médias et le public doivent avoir accès à cette information dans un format utilisable, notamment des tableurs. Il serait ainsi possible de faire des comparaisons adéquates entre plusieurs années et divers ministères.
On s’attend évidemment à ce qu’il y ait de la résistance institutionnelle et politique à ces changements. Cela fait des décennies que notre gouvernement gère l’affectation de crédits de la même façon. Mais nous sommes maintenant à l’ère d’un gouvernement moderne, accessible et responsable. Ce malaise doit être surmonté et nous devons apporter de vraies réformes.
À titre d’exemple pratique des problèmes que représente un cycle budgétaire désuet, pensons à la publication du prochain examen stratégique et fonctionnel du gouvernement, conçu pour réaliser 11 milliards de dollars d’économies pendant les quatre prochaines années. Le gouvernement s’est engagé à révéler les résultats de l’examen dans le budget de 2012. À ce jour, il n’a cependant donné aucune indication du genre d’information qu’il entend publier. Il y a des exemples importants à considérer ici. On peut soutenir que les examens stratégiques continus que le gouvernement actuel effectue sont loin d’être des exemples de transparence! Par exemple, le budget de 2011 indique qu’Infrastructure Canada réalisera des économies de 39 millions de dollars pendant l’exercice 2011-2012 en « [améliorant] l’efficience, l’exécution des programmes et la prestation de services » (p. 257). Ce sont des propos vides de sens et exempts des détails dont le Parlement et le public ont besoin.
En revanche, le processus d’examen des dépenses de 2005 de l’ancien gouvernement a généré une quantité incroyable de données accessibles au public. Même aujourd’hui, ces détails peuvent toujours être consultés à l’adresse : www.expenditurereview-examendesdepenses.gc.ca. Je dois admettre que j’ai un préjugé favorable pour cette comparaison, puisque j’étais président du Comité d’examen des dépenses de 2005. Cependant, à l’époque, nous estimions très important que les Canadiens soient clairement informés des compressions que le gouvernement s’apprêtait à faire. On ne peut qu’espérer que le gouvernement actuel en fasse autant.
Plus précisément, comme ce fut le cas en 2005, nous demandons au gouvernement de fournir de l’information sur les compressions qu’il entend apporter à chaque programme dans le budget de 2012. Sinon, les Canadiens pourraient ne jamais savoir le détail des compressions, étant donné que le budget supplémentaire des dépenses et les comptes publics ne fournissent généralement pas d’information spécifique à chaque programme. La norme pour ce niveau de transparence a été établie dans le budget de 2005. Je ne vois aucune raison de réduire le niveau de transparence pour le budget de 2012.
Tout cela pour dire que le cadre dont le gouvernement se sert actuellement pour publier ses demandes de pouvoir de dépenser est tragiquement inadéquat, surtout quand on pense aux changements importants qui sont apportés dans le contexte de l’examen stratégique et fonctionnel. Ce problème persiste depuis plusieurs gouvernements. Mais, aujourd’hui, si le gouvernement a vraiment à cœur la transparence et la responsabilité, il doit déployer un effort concerté pour changer le système actuel et fournir aux Canadiens un niveau adéquat d’information et de données.
Quiconque consacre passablement de temps à étudier les demandes d’attribution de crédits du gouvernement arrive à la douloureuse conclusion que le système n’a pas suivi le rythme de croissance de la taille et de la portée de notre gouvernement, ni tenu compte que le public demande plus de responsabilité et de transparence. Si les parlementaires veulent renverser la vapeur, ils devront travailler ensemble et concevoir une nouvelle façon d’examiner à fond le plan de dépenses du gouvernement. Moderniser l’examen et l’approbation des pouvoirs de dépenser du gouvernement est un processus à deux volets : d’abord, il faut changer les règles régissant l’approbation du plan de dépenses du gouvernement afin de rendre l’examen plus efficace. Et puis, il faut repenser la présentation matérielle du plan de dépenses du gouvernement. Les documents budgétaires dont nous nous servons actuellement ont été conçus au XIXe siècle pour transmettre de l’information sur le gouvernement du XIXe siècle. La modernisation de ces documents doit tenir compte à la fois du rôle élargi du gouvernement et des nouvelles technologies mises à la disposition des députés, des médias et du public. Nous ne pouvons pas risquer de voir la Chambre des communes abandonner son rôle le plus fondamental de gestionnaire des fonds publics.
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