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Analyse comparative des assemblées législatives du Canada
Jill Anne Joseph

Les organismes se servent souvent de l’analyse comparative, un outil utile, pour confronter leurs pratiques et leurs procédures administratives avec celles d’organismes concurrents ou modèles. Cet outil leur offre des éléments externes en fonction desquels ils peuvent mesurer leur rendement. Tandis que l’administration du Sénat continue d’élaborer le cadre d’évaluation de son rendement, on incite les directeurs à intégrer des points de référence externes à leurs indicateurs de rendement afin d’établir des mesures comparatives. Les points de référence sont regroupés en diverses catégories, constituées d’éléments qualitatifs ou quantitatifs. Le présent article donnera des exemples de points de référence qualitatifs et quantitatifs dans le contexte parlementaire.

Pour déterminer des points de référence qualitatifs visant à améliorer le fonctionnement d’un organisme, il faut d’abord préciser les traits qui caractérisent le succès ou l’efficacité, c’est-à-dire qu’il faut établir un profil des meilleures pratiques qui serviront de points de comparaison. Les points de référence quantitatifs prennent surtout la forme de statistiques ou de ratios concernant une opération. Si l’on veut améliorer un processus ou une opération, il vaut mieux disposer de mesures indiquant la nature des améliorations qu’on pourra effectuer. Les deux types de points de référence s’avèrent donc souvent utiles.

Efforts internationaux en matière d’établissement de points de référence qualitatifs pour les assemblées législatives

Diverses institutions d’un peu partout dans le monde se servent de points de référence qualitatifs sur le mieux-être démocratique des assemblées législatives pour en évaluer les forces et les faiblesses et mettre au point des plans stratégiques en vue de réformes démocratiques. En 2009, les greffiers de la Chambre des communes et du Sénat ont invité les planificateurs stratégiques des deux chambres à préparer un processus initial d’auto-évaluation en fonction des critères définis par l’Association parlementaire du Commonwealth (APC)1. Il fallait évaluer 87 critères se rapportant à tous les sujets, du règlement de l’assemblée législative à la neutralité politique du personnel. Dans la plupart des cas, l’évaluation était simple et directe. Ces évaluations ont ensuite été sanctionnées par les conseillers en procédure du Bureau de la procédure et des travaux de la Chambre et du Service de recherches pour le Bureau du Sénat et de la Chambre des communes. On a laissé le soin aux parlementaires d’évaluer certains points de référence jugés trop politiques ou subjectifs, par exemple la gouvernance éthique. En effet, comme tout ce que nous faisons repose sur l’éthique et que l’exemple doit venir d’en haut, les membres du personnel ont laissé les parlementaires évaluer eux-mêmes les critères de la gouvernance éthique. Les parlementaires ont discuté des points de référence, évalué individuellement les critères et établi la moyenne des réponses en vue de déterminer une cote unique pour chacun des points de référence.

Quelques mois après ma participation à cet exercice d’auto-évaluation, l’APC m’a demandé d’en parler lors de la Conférence internationale sur l’analyse comparative et l’auto-évaluation des parlements démocratiques, organisée à Paris par l’Institut de la Banque mondiale. Que ce soit à titre de concepteur, d’administrateur ou de participant, les représentants d’au moins dix organismes ont présenté un exposé sur leur expérience des processus d’analyse comparative2.

Les divers ensembles de critères que peuvent employer les pays pour leur auto-évaluation se recoupent tous dans une large mesure. À titre d’exemple, la formulation des critères appliqués par l’APC et l’Assemblée parlementaire de la Francophonie est pratiquement identique dans certains cas. Toutefois, les critères peuvent être conçus en vue d’évaluer des caractéristiques précises. Par exemple, l’APC a élaboré un ensemble de critères distinct pour évaluer les assemblées législatives démocratiques des Îles du Pacifique. Parmi ces critères supplémentaires, mentionnons le niveau acceptable de rémunération et l’existence des ressources nécessaires à la rédaction des mesures législatives. Parmi les nombreux ensembles de critères qui ont été élaborés, certains se concentrent davantage sur certains aspects de la démocratie, ce qui, en théorie, les rend plus intéressants pour les assemblées législatives qui pourront obtenir de bons résultats dans ces domaines.

Plusieurs ensembles de critères ne couvrent pas les sources de financement externes des campagnes électorales ou des activités parlementaires. Or, il semble évident que cet aspect constitue un critère important du caractère démocratique des assemblées législatives. La variété des critères existants découlerait du grand nombre de pays participants et du caractère unique de leur histoire et de leur culture. Un représentant du Centre parlementaire a exprimé une opinion que presque tous semblaient partager, à savoir qu’il est difficile de proposer un ensemble de critères qui serait jugé idéal par tous les intervenants. Toutefois, cet avis ne semble pas tenir compte des importants recoupements entre les ensembles, recoupements qui laisseraient entrevoir la possibilité d’élaborer un ensemble commun de critères qui serait acceptable à l’échelle internationale. À la fin de mon exposé sur le processus d’auto-évaluation du Canada, un participant m’a demandé si nous avions comparé les systèmes de critères en vue d’adopter le plus utile. La réponse était bien sûr négative.

Bien qu’on ait invité des pays de toutes les tailles et de tous les degrés de développement, il semble que les auto-évaluations fondées sur un ensemble de points de référence s’adressent davantage aux petits pays qui reçoivent de l’aide au développement. Des intervenants de l’USAID et du National Democratic Institute ont déclaré que la situation démocratique d’un pays, qui peut être mesurée à l’aide des critères d’évaluation, est inextricablement liée à la santé économique de celui-ci. Toutefois, on n’a fourni aucune preuve pour étayer cette affirmation. L’auto-évaluation a effectuée par le Canada pour l’APC a été saluée par les participants, notamment par les Américains. Par ailleurs, il semble que le Canada ait été le seul pays industrialisé ou la seule « puissance moyenne » à s’être conformé à la demande de l’organisme. Nous avons certes donné un très bel exemple d’auto-évaluation aux petits pays3, mais, outre le fait de servir d’exemple, quelle a été la valeur de cet exercice?

L’auto-évaluation du Canada pour l’APC : une étude de cas

Les critères d’évaluation établis par l’APC couvrent des aspects généraux, comme l’éligibilité des candidats aux élections, l’immunité des parlementaires et leur rémunération. Certaines sections se penchent sur la procédure et les sessions. Certains critères plus spécialisés portent sur les comités, les partis politiques et les caucus, le personnel parlementaire, la fonction législative, la fonction de supervision, la fonction représentative et l’accessibilité. Comme l’APC n’a imposé aucun système d’évaluation, nous avons élaboré une échelle simple à cinq valeurs, la cote 5 signifiant que le Parlement répond entièrement au critère évalué et la cote 4, qu’il répond partiellement au critère. La cote 3 indique que le Parlement est en train de mettre en œuvre des mesures visant à répondre au critère, et la cote 2, qu’il étudie la possibilité de répondre à ce critère. Enfin, la cote 1 signifie qu’on ne prévoit actuellement aucune mesure pour répondre au critère étudié. Toutes les évaluations inférieures à 5 étaient accompagnées d’une explication.

Bien que la majorité des 87 critères ait clairement reçu la cote 5, l’une des deux chambres fédérales, ou les deux, ne répond pas entièrement à 10 critères, qui ont obtenu la cote 4. Comme les critères mentionnent parfois l’existence d’une norme ou d’un principe formellement codifié, la cote 4 a été donnée à certains critères auquel le Canada répond entièrement dans les faits, mais où aucune codification n’existe. Prenons l’exemple du critère suivant : « Des mesures spéciales visant à favoriser la participation politique des groupes marginalisés sont clairement définies afin de répondre, dans un temps limité, à des objectifs précis. » Ce n’est pas le Parlement, ni Élections Canada, qui prend de telles mesures, mais plutôt les partis politiques, qui gagnent beaucoup à appliquer cette norme, compte tenu de la mosaïque culturelle du Canada.

On a également donné la cote 4 lorsque l’une ou l’autre des chambres ne répondait pas au critère. Par exemple, le président du Sénat n’est pas élu par des pairs selon certaines règles de procédure, mais plutôt nommé par le gouverneur général sur la recommandation du premier ministre. Un autre critère qui a reçu la cote 4 indique que les comités du Sénat et de la Chambre des communes ne peuvent pas convoquer des responsables du pouvoir exécutif, bien que, en pratique, ceux-ci acceptent habituellement de comparaître.

Aucune cote 2 ou 3 n’a été attribuée, mais il est frappant qu’on a donné la cote 1 à deux critères, ce qui signifie qu’aucun plan ne prévoit vraiment y répondre. Ces deux cotes sont particulièrement intéressantes et méritent un examen approfondi. La première cote 1 témoigne peut-être de l’âge de notre constitution, qui donne les pleins pouvoirs au Sénat, une assemblée non élue, de rejeter un projet de loi de finances. En fait, cette situation ne s’est jamais produite. L’autre critère qui a obtenu la cote 1 indique que le Parlement n’a pas le pouvoir d’aller à l’encontre des vetos du pouvoir exécutif. Or, en pratique, le veto de la Couronne n’a jamais été exercé au palier fédéral.

Le groupe de critères auquel le Parlement du Canada ne répond pas en tout ou en partie constitue, en fait, une liste de référence pour tout débat sérieux sur la modernisation ou la réforme de l’appareil démocratique. Les résultats obtenus ne remettent pas vraiment en question le bon fonctionnement de la démocratie au pays. Les critères de l’APC font plutôt le résumé des pratiques exemplaires, qui mettent en évidence certaines lacunes de notre système. Comme on peut le lire dans l’intéressante introduction du document Évaluer le Parlement : outils d’auto-évaluation à l’intention des parlements de l’Union interparlementaire, « la démocratisation n’est pas une occurrence ponctuelle, mais un processus continu, tant dans les jeunes démocraties que dans celles qui sont établies de longue date ». Toutes les assemblées législatives devraient évaluer périodiquement leur fonctionnement démocratique en fonction des critères internationaux et considérer ce processus comme une occasion d’améliorer les choses et de progresser.

La quantification des critères qualitatifs

L’APC n’a pas cherché délibérément à quantifier ses critères, et ce, peut-être afin d’éviter les possibles pièges liés au fait d’attribuer des valeurs à des qualités, et afin d’assurer aux parlements participants qu’ils seront libres d’utiliser à leur guise les résultats de leur évaluation. Pour pouvoir comparer les données, il serait peut-être préférable, toutefois, de concevoir un système de notation pour un ensemble de critères, comme l’a fait l’Union interparlementaire. Les outils d’auto-évaluation de l’Union interparlementaire demandent aux évaluateurs de porter un jugement pour chacune des questions, en donnant à l’assemblée législative une cote allant de 5, soit « très élevé ou très bon », à 1, soit « très bas ou très faible ». La quantification de ces évaluations qualitatives a l’avantage de donner aux évaluateurs la possibilité de distinguer des différences d’opinion parmi les groupes d’intérêt et les groupes de parties prenantes et, dans certains cas, de les expliquer, ce qui permet une évaluation plus complète.

La quantification des critères qualitatifs comporte plusieurs difficultés, entre autres : le choix des bons indices; le fait de couvrir tous les aspects d’une question, sans en négliger, notamment lorsque les critères font partie d’un ensemble; la création d’une échelle de valeurs qui signale la conformité partielle à un critère dans une large mesure (c’est-à-dire que les valeurs « oui » et « non » sont insuffisantes); l’élaboration d’une bonne pondération entre les critères. M. Steven Fish, professeur à l’Université de la Californie à Berkeley, affirme que « la force de l’assemblée législative d’un pays constitue probablement l’un des principaux facteurs institutionnels de sa démocratisation, voire le facteur clé »4. Les professeurs Fish et Kroenig ont créé un index des pouvoirs parlementaires fondé sur 32 critères en fonction desquels ils ont évalué des assemblées législatives nationales (dans le cadre d’une étude sur les pays postcommunistes). Ils ont créé cet index « en divisant simplement le nombre de réponses affirmatives par le total de questions posées ». Un résultat de valeur 1 correspondrait donc au respect de tous les critères. À leur tour, on a comparé ces résultats avec ceux de l’étude menée par Freedom House, allant de « plus libre » à « moins libre ». On a établi une corrélation entre ces résultats, bien que le lien de causalité, si tant est qu’il y en a un, n’ait pas été déterminé de façon concluante5.

Un certain nombre de critères définis dans l’étude de Fish et Kroenig sur les pouvoirs législatifs semblent être discutables. Mentionnons les exemples suivants :

  • 13. Les lois adoptées par l’assemblée législative sont suprêmes et ne peuvent pas faire l’objet d’un contrôle judiciaire. (Il ne convient pas dans le contexte de la Charte canadienne des droits et libertés.)
  • 17. Les membres de l’assemblée législative ne peuvent pas faire l’objet d’une arrestation ou de poursuites pénales. (Ces mesures sont populaires en France et en Italie.)
  • 19. Il n’y a que l’assemblée législative qui puisse modifier la constitution, et ce, sans la participation de tout autre organisme. (On n’a qu’à penser à la Russie.)

Le petit nombre de critères donne à penser qu’ils comportent peut-être de sérieuses lacunes. La pondération égale des critères pose également problème. Les critères 25, soit « Le président de la banque centrale est nommé par l’assemblée législative », et 28, soit « Chaque législateur dispose d’un adjoint administratif personnel », ont le même poids que le critère 12, à savoir « Les lois adoptées par l’assemblée législative ne peuvent pas faire l’objet d’un veto ». En outre, le fait de ne pas pouvoir accorder une valeur signifiant que le critère est partiellement respecté donnerait au Canada une marque nulle pour les critères 13, 17 et 19. Bien que l’exercice ait une valeur certaine, il y a lieu de remettre en question la validité de la quantification des résultats.

Critères qualitatifs appliqués à d’autres aspects de l’assemblée législative

La conférence de Paris sur l’analyse comparative des assemblées législatives démocratiques a porté principalement sur l’importance de ces institutions pour la démocratie. Toutefois, les excellents critères d’évaluation employés par les participants à la conférence ne devraient pas nous empêcher de réfléchir à d’autres critères qualitatifs applicables aux assemblées législatives démocratiques. Les critères établis ont peut-être fait abstraction de certains principes les plus fondamentaux sur lesquels repose le bon fonctionnement de la démocratie, par exemple la liberté des législateurs de représenter efficacement les électeurs, sans la menace de subir la discipline de parti, ou l’importance du travail effectué dans leur circonscription.

Au cours des dernières années, des chercheurs canadiens se sont penchés sur l’exercice de la démocratie au Canada dans le contexte d’un important projet quinquennal intitulé Le Canada aujourd’hui : une enquête sur la démocratie. Ce projet étudie « plusieurs instances décisionnelles, dont les assemblées législatives, les tribunaux, les cabinets et les gouvernements », en se servant de « points de repère, soit la participation, l’inclusivité et la sensibilité, pour structurer l’évaluation des institutions et des composantes de la démocratie canadienne »6. L’un des participants de l’enquête, David C. Docherty, de l’Université Sir Wilfrid Laurier, pose la question suivante : « Estimons-nous être représentés de façon adéquate et démocratique? Il semble que non, car les taux d’approbation des assemblées législatives provinciales et fédérale n’ont jamais été aussi bas7. »

Après avoir étudié les trois points de repère, soit la participation, l’inclusivité et la sensibilité, Docherty fait l’observation suivante : « L’absence de sensibilité interne semble actuellement toucher son plus bas niveau. Outre le fait que les décisions sont de plus en plus centralisées, les acteurs du centre n’estiment pas important de consulter ou de répondre. » À propos de l’inclusivité, il remarque que des obstacles informels affectent la composition des assemblées législatives canadiennes, et que « la proportion de députés fédéraux faisant partie de groupes minoritaires, bien qu’en croissance, est beaucoup moindre que la proportion de Canadiens faisant partie de ces groupes, et ce, même si on remarque une tendance générale en faveur de l’inclusivité au Parlement ». Quant à la participation, Docherty souligne que les députés ont trop peu l’occasion de mettre leurs talents à profit dans les assemblées législatives canadiennes. Il conclut, entre autres recommandations, que ce sont leurs efforts continus en vue de réformer les comités qui leur offriront la meilleure possibilité d’accroître leur participation. Par conséquent, ces trois points de repère peuvent nous en dire long sur le caractère démocratique de nos assemblées législatives. La nécessité de tenir compte des trois points de repère évalués par Docherty a, depuis, été sanctionnée par les résultats des dernières élections fédérales d’octobre 2008, alors que la participation des électeurs est descendue à un taux record de 58,8 p. 100. Le Conference Board du Canada, entre autres, a souligné que la faible participation de la population laisse entendre que le système démocratique ne reflète peut-être pas les intérêts de tous les citoyens. Bien que les points de repère utilisés dans le contexte de l’enquête Le Canada d’aujourd’hui soient larges et permettent de dégager beaucoup de données, il s’agit de solides principes directeurs qui sont utiles pour étudier le bon fonctionnement de notre démocratie.

Il faudrait élaborer d’autres critères pour évaluer les fonctions de soutien parlementaire, par exemple le soutien en matière de procédure et de rédaction législative, ainsi que les services administratifs. En fait, les parlementaires et les responsables procèdent de façon informelle à une analyse comparative lorsqu’ils font connaître leurs pratiques exemplaires à leurs collègues des autres assemblées législatives au pays ou à l’étranger. La tendance naturelle à se servir de la comparaison pour améliorer le rendement est évidente lorsqu’on tient compte des possibilités que nous nous donnons d’échanger des renseignements et des pratiques exemplaires dans le cadre de réseaux, comme les assemblées interparlementaires. La situation est la même sur le plan procédural et administratif dans le cadre de la Society of Clerks-at-the-Table in Commonwealth Parliaments, de l’Association des greffiers parlementaires du Canada et de l’Association des administrateurs parlementaires du Canada.

Analyse comparative quantitative des assemblées législatives

On trouve les meilleurs exemples d’analyse comparative quantitative des assemblées législatives du Canada dans les travaux de Robert J. Fleming. M. Fleming était directeur de l’administration de l’Assemblée législative de l’Ontario, en 1979, lorsqu’il a publié une étude comparative des structures administratives des assemblées législatives du Canada qui portait sur l’organisation administrative des assemblées législatives des provinces et des territoires. L’étude présentait également le détail de la rémunération des députés et des services qui leur sont offerts, y compris les diverses indemnités qu’ils reçoivent : les privilèges téléphoniques et postaux, les services de soutien, etc. L’étude de Fleming ne propose aucune analyse des résultats, mais il est possible de tirer des conclusions quant aux assemblées législatives qui disposaient des meilleures ressources.

Les deux premières parties de l’ouvrage Canadian Legislatures 1992: Issues, Structures and Costs, étude subséquente de Fleming, contiennent divers essais. La troisième partie présente une multitude de données comparatives, dont la plupart constituent des critères quantitatifs. Elle contient, par exemple, des données intéressantes sur le coût par habitant des assemblées législatives et des données comparatives sur la rémunération des députés. Fait intéressant, l’assemblée législative la moins chère (à l’époque et encore aujourd’hui : voir le tableau 1) était le Sénat, qui coûtait 1,61 $ par citoyen. En 1992, la deuxième assemblée la moins chère était la Chambre des communes, qui coûtait 8,49 $ par habitant. Dans le contexte particulier des assemblées législatives, ce genre d’analyse comparative quantitative peut servir à repérer les écarts anormaux flagrants entre les dépenses de certaines assemblées, ce qui mériterait probablement une étude plus approfondie8.

L’analyse comparative de données quantitatives peut être révélatrice. À titre d’exemple, les quelques données que contiennent les tableaux suivants permettent de faire certaines observations préliminaires. Toutefois, il faudrait mener une étude plus approfondie pour prouver la justesse de certaines de ces observations.

Le tableau 1 révèle des faits intéressants sur les assemblées législatives du Canada. Le Sénat, la seule chambre non élue, est l’assemblée la plus économique. Il ne coûte que 2,79 $ par habitant, ce qui le place au 15e rang dans la dernière colonne. La somme des dépenses par habitant du Sénat équivaut au cinquième de la somme des dépenses par habitant de son partenaire fédéral, la Chambre des communes. Pour pouvoir comparer les chiffres, on doit considérer que les députés sont presque trois fois plus nombreux que les sénateurs et que les députés doivent avoir un bureau dans leur circonscription. Actuellement, la Chambre des communes se classe après l’Ontario en ce qui concerne les dépenses par habitant. Ce sont les territoires qui ont les dépenses par habitant les plus élevées, ce qui est prévisible lorsqu’on tient compte de la taille et des problèmes de transport dans les régions éloignées à faible population. On doit, en effet, prévoir des coûts plus élevés par passager. Une autre corrélation peut être établie dans le tableau 1 entre la valeur du budget qui augmente en fonction de la taille de la population (ainsi que du PIB, qui n’est pas indiqué ici).

Tableau 1 - Dépenses des assemblées législatives en 2009-2010

Assemblée législative

Budget

Nombre de députés

Dépenses par député

Population

Dépenses par citoyen

Chambre des communes

440 312 000 $ (1)

308

1 429 584 $

33 327 300

13,21 $

Ontario

132 276 200 $ (2)

107

1 236 226 $

12 936 300

10,23 $

Québec

119 988 000 $ (3)

125

959 905 $

7 753 500

15,48 $

Sénat

92 871 000 $ (4)

105

884 486 $

33 327 300

2,79 $

Colombie-Britannique

74 279 000 $ (5)

85

873 871 $

4 383 800

16,94 $

Alberta

58 099 000 $ (6)

83

699 988 $

3 595 900

16,16 $

Saskatchewan

23 950 000 $ (7)

58

412 931 $

1 013 600

23,63 $

Manitoba

23 401 000 $ (8)

57

410 544 $

1 206 100

19,40 $

Nouvelle-Écosse

22 077 000 $ (9)

52

424 558 $

936 600

23,57 $

Terre-Neuve-et-Labrador

16 062 100 $ (10)

48

334 627 $

506 400

31,72 $

Territoires du Nord-Ouest

15 405 000 $ (11)

19

810 789 $

43 700

352,52 $

Nouveau-Brunswick

13 236 000 $ (12)

55

240 655 $

747 100

17,71 $

Nunavut

12 970 000 $ (13)

19

682 632 $

31 600

410,44 $

Yukon

5 630 000 $ (14)

18

312 778 $

33 200

169,58 $

Île-du-Prince-Édouard

4 487 900 $ (15)

27

166 219 $

139 500

32,17 $

1. http://www.tbs-sct.gc.ca/est-pre/20102011/me-bpd/parl-fra.asp

2. http://www.fin.gov.on.ca/fr/budget/estimates/2009-10/volume2/OLA_818.html

3. http://www.tresor.gouv.qc.ca/fileadmin/PDF/budget_depenses/10-11/Volume_I_FR.pdf

4. http://www.tbs-sct.gc.ca/est-pre/20102011/me-bpd/parl-fra.asp

5. http://www.bcbudget.gov.bc.ca/2010/estimates/2010_Estimates.pdf

6. http://www.finance.alberta.ca/publications/budget/estimates/est2010/legislative-assembly.pdf

7. http://www.finance.gov.sk.ca/default.aspx?DN=edffb244-348a-4aa8-9d32-3940437923c6

8. http://www.gov.mb.ca/finance/budget10/papers/r_and_e.fr.pdf

9. http://www.gov.ns.ca/finance/site-finance/media/finance/budget2010/EstimatesAndSupDetail2010-11.pdf

10. http://www.budget.gov.nl.ca/budget2010/estimates/estimates2010.pdf

11. http://www.fin.gov.nt.ca/documents/budgetdocuments/mains/Main%20Estimates%202010-11.pdf

12. http://www.gnb.ca/0160/budget/buddoc2010/ME2010-11_Final.pdf

13. http://www.finance.gov.nu.ca/apps/authoring/dspPage.aspx?page=budgets&year=2010

14. http://www.finance.gov.yk.ca/pdf/budget/2010-11om_01.pdf

15. http://www.gov.pe.ca/budget/2010/estimates.pdf

 

En divisant le nombre de législateurs par la population qu’ils représentent, on constate que la proportion de citoyens par député diminue en fonction de la population des provinces, ce qui signifie que les citoyens des provinces les moins peuplées sont mieux représentés que ceux des provinces les plus peuplées. En outre, le tableau 2 montre que la participation électorale est plus élevée dans les provinces et les territoires dont la population est la plus faible. Enfin, il semble qu’on puisse établir une corrélation entre une faible proportion de citoyens par député et une participation électorale accrue, ce qui appuierait l’argument de Docherty concernant l’importance de la sensibilité pour le bon fonctionnement de la démocratie. Au cours des dernières élections, la participation électorale n’a augmenté qu’en Saskatchewan, au Manitoba et à l’Île-du-Prince-Édouard.

 

Tableau 2 - Participation des électeurs lors des élections fédérales, provinciales et territoriales

Assemblée législative

Députés

Population

Ratio député-citoyen

Participation électorale

Vatiation de la participation

Chambre des communes

308

33 327 300

1:108 206

58,8 %

-5,9 %

Ontario

107

12 936 300

1:120 900

52,1 %

-4,8 %

Québec

125

7 753 500

1:62 028

57,43 %

-13,8 %

Sénat

105

33 327 300

1:317 403

s.o.*

s.o.**

Colombie-Britannique

85

4 383 800

1:51 574

50,99 %

-7,2 %

Alberta

83

3 595 900

1:43 324

40,6 %

-4,53 %

Saskatchewan

58

1 013 600

1:17 476

76,02 %

+5,07 %

Manitoba

57

1 206 100

1:21 160

56,75%

+2,58 %

Nouvelle-Écosse

52

936 600

1:18 012

57,91 %

-1,98 %

Terre-Neuve-et-Labrador

48

506 400

1:10 550

60,20 %

-12,32 %

Territories du Nord-Ouest

19

43 700

1:2 300

67,02 %

-1,52 %

Nouveau-Brunswick

55

747 100

1:13 584

67,52 %

-1,15 %

Nunavut

19

31 600

1:1 663

67,46 %

-13,76 %

Yukon

18

33 200

1:1 844

72,86 %

-5,27 %

Île-du-Prince-Édouard

27

139 500

1:5 167

83,84%

+0,57 %

* Actuellement, le seul sénateur élu, l’honorable Bert Brown, de l’Alberta, a été candidat aux élections sénatoriales de l’Alberta le 22 novembre 2004. Le taux de participation a été de 44,2 p. 100. Toutefois, 9,7 p. 100 des électeurs ont refusé leur bulletin de vote et 9,6 p. 100 des bulletins de vote ont été rejetés. Le nombre de votes valables correspond à une participation de 35,7 p. 100 (http://www.elections.ab.ca/Public%20Website/589.htm).

** Les données sur la participation électorale lors des élections sénatoriales du 19 octobre 1998 en Alberta ne sont pas publiées dans le site d’Elections Alberta.

Les taux de participation électorale sont tirés des données d’Élections Canada et des organismes provinciaux et territoriaux responsables des élections.

Nous n’avons pas été en mesure de trouver de données suffisamment uniformes sur les provinces et les territoires en ce qui concerne d’autres aspects intéressants. Par exemple, il pourrait être éclairant de comparer le nombre d’employés des assemblées législatives (qu’il soit question ou non du personnel politique), la proportion de membres du personnel par député, la moyenne des dépenses de déplacement des députés en fonction de la superficie des circonscriptions, et la moyenne des dépenses de bureau par député. À titre d’exemple d’utilisation possible des données, nous avons découvert que certaines assemblées législatives disposent de moins d’un employé par député, tandis que d’autres comptent jusqu’à six employés par député, sans compter le personnel politique. Les assemblées qui manquent de personnel pourraient utiliser ces données pour justifier une demande de ressources supplémentaires.

Conclusions

Le parlement a beau être une institution historique, ses pratiques et ses systèmes doivent rester en phase avec la société s’il veut conserver sa pertinence et continuer de bien fonctionner au cours du XXIe siècle. En outre, il est presque aussi important que ses efforts d’adaptation soient reconnus. Comme outil d’évaluation et de renouveau, l’analyse comparative peut contribuer à restaurer la confiance de la population à l’égard de l’intendance de ces institutions. Elle permet de comparer les assemblées législatives et la façon dont elles se fixent des objectifs pour améliorer leur appareil démocratique, ce qui est une véritable source d’inspiration. Le Parlement du Canada, en tant qu’institution démocratique bien établie, doit relever le défi de s’améliorer. Il serait possible au ministre d’État à la Réforme démocratique et aux comités des assemblées législatives chargés des questions de procédure d’ajouter des éléments à leur programme et de fixer de nouveaux objectifs sérieux en se servant de points de référence pour appuyer leur analyse critique. Sur le plan administratif, il faudrait qu’un ensemble de critères soit élaboré, mis en commun et intégré dans les pratiques de gestion des assemblées législatives.

Notes

1. Association parlementaire du Commonwealth, Benchmarks for Democratic Legislatures: A Study Group Report, décembre 2006. Internet : www.cpahq.org.

2. Certaines agences de développement, comme l’Institut de la Banque mondiale, le Programme des Nations Unies pour le développement et le National Democratic Institute, travaillent en étroite collaboration avec les assemblées interparlementaires, comme l’Association parlementaire du Commonwealth, l’Union interparlementaire, l’Assemblée parlementaire de la Francophonie, le forum parlementaire de la Communauté de développement de l’Afrique australe et le Parlement latino-américain, afin d’élaborer les critères démocratiques qu’emploiera leur institution membre. Certains de ces organismes aident en plus les assemblées législatives à élaborer et à mettre en œuvre des plans stratégiques en vue de réformes démocratiques fondées sur les évaluations réalisées lors des analyses comparatives.

3. Il vaut la peine de mentionner que d’autres pays, notamment ceux qui collaborent avec des organismes internationaux, procèdent à des analyses comparatives beaucoup plus rigoureuses que celle qu’a entreprise le Parlement fédéral du Canada. Ils effectuent souvent un sondage auprès de nombreux groupes de parties prenantes, par exemple la population, les médias, le personnel parlementaire et les parlementaires eux-mêmes, afin d’établir leurs différents degrés de perception du rendement par rapport aux critères établis.

4. M. Steven Fish. « Stronger Legislatures, Stronger Democracies », Journal on Democracy, vol. 17, no 1 (janvier 2006), National Endowment for Democracy et Johns Hopkins University Press.

5. Les professeur Fish et Kroenig ont aussi coécrit The Handbook of National Legislatures: A Global Survey. New York, Cambridge University Press, 2009. L’ouvrage évalue les assemblées législatives nationales de 158 pays en fonction des 32 critères établis pour l’enquête de Fish et Kroenig sur les pouvoirs législatifs.

6. William Cross, The Canadian Democratic Audit, Université Carleton. Communication préparée pour le 20e congrès mondial de l’Association internationale de science politique, organisé à Fukuoka du 10 au 13 juillet 2006.

7. David Docherty, Legislatures, Vancouver, UBC Press, 2005, p. 3. Canadian Democratic Audit Series,

8. Robert J. Fleming, Canadian Legislatures 1992: Issues, Structures and Costs, Agincourt (Ontario), Global Press, 1992.


Canadian Parliamentary Review Cover
Vol 33 no 3
2010






Dernière mise à jour : 2020-09-14