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Marian C. Horne, MAL
Le 1er avril 2003, aux termes de l’Accord de transfert d’attributions, le gouvernement du Canada a transféré à celui du Yukon des responsabilités relevant du Programme des affaires du Nord en matière de terres publiques, d’eau, de forêts et de ressources minières, ainsi que d’évaluation environnementale. Les ententes sur l’autonomie gouvernementale sont en train de transformer la façon de gouverner au Yukon et de modifier la relation entre les gouvernements des Premières nations, du Yukon et du Canada. Onze des quatorze Premières nations du Yukon ont réglé leurs revendications territoriales. Le présent article porte sur l’évolution récente de ce dossier.
Dans la Loi constitutionnelle de 1982, « peuples autochtones du Canada » s’entend des Indiens, des Inuits et des Métis. Environ 25 % (ou 8 500) des 34 000 résidants du Yukon sont les descendants de membres des Premières nations1. Nous, les Premières nations, nous sommes gouvernées et avons vécu selon nos croyances et traditions culturelles depuis le début des temps. Les rôles et responsabilités traditionnels des chefs représentent les principes sous-jacents de nos sociétés. Les citoyens connaissent d’instinct leurs rôles et responsabilités dans la collectivité et respectent le rôle et les valeurs des autres. Autrefois, tous avaient la ferme volonté d’honorer et de vénérer ce qui les entourait, du plus petit brin d’herbe à leurs pieds aux oiseaux dans le ciel et au Créateur de toutes choses vivantes. De nombreux missionnaires de la première heure croyaient, à tort, que notre vénération d’autres êtres vivants, reproduits dans des objets comme les totems, était blasphématoire. Or, il ne s’agissait que de l’affirmation du lien spirituel qui nous unissait à la terre et au Créateur.
Jusqu’aux années 1950, les politiques gouvernementales tentaient d’assimiler les Premières nations à la population non autochtone. Le pouvoir de décision principal reposait entre les mains du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien ou des fonctionnaires du Ministère. Le gouvernement du Canada nous percevait comme des enfants, des pupilles de l’État, et nous traitait comme si nous étions des êtres peu évolués ou incompétents, même si nous nous étions gouvernés pendant d’innombrables générations.
Au lieu de tenter de vous expliquer les conséquences de cet état de choses, je vais plutôt vous poser les questions suivantes : Combien de personnes pourraient être propriétaires de leur logement sans pouvoir obtenir d’hypothèque? Combien pourraient se lancer en affaires sans pouvoir obtenir de crédit? Où en serait aujourd’hui le Canada si seules quelques personnes étaient propriétaires de leur logement ou si seuls les riches pouvaient lancer une petite entreprise?
En nous privant de nos droits et de nos responsabilités, le gouvernement du Canada nous a empêchés d’être des citoyens à part entière, ce qui a eu des conséquences dévastatrices sur notre culture. En 1927, la Loi sur les Indiens a été modifiée pour interdire à quiconque (Autochtones ou autres) de solliciter des fonds destinés à des revendications autochtones fondées en droit sans avoir obtenu un permis spécial délivré par le surintendant général, bloquant ainsi toute revendication territoriale émanant des Premières nations.
Dans les années 1950, a commencé le transfert des programmes des Affaires indiennes aux bandes, aux provinces et à d’autres organismes fédéraux, transfert qui se poursuit toujours. Les Premières nations ont défendu leurs droits à l’autonomie gouvernementale depuis leurs premiers contacts avec les Européens. La lutte pour l’autonomie gouvernementale a commencé dans les années 1970, pour ensuite s’amplifier et mener aux ententes sur l’autonomie gouvernementale que nous connaissons aujourd’hui.
Sous l’effet des fausses idées véhiculées dans les premiers temps, on n’a pas tenu compte de notre mode de vie et de nos lois ou on les a légalement abolis dans les faits, tandis que le gouvernement fédéral cherchait à imposer aux sociétés autochtones un ensemble uniforme d’idéaux politiques eurocanadiens très différents des leurs. Nous avons été forcés de nous adapter à un mode de gouvernance d’influence européenne. Nos structures de gouvernance, tout comme nos langues, constituent l’expression de notre perception du monde et de notre philosophie, dont l’élaboration s’est étendue sur d’innombrables générations. Nous avons conçu nos structures de gouvernance afin de défendre et de propager notre culture.
Comme nous ne pouvions plus nous gouverner comme auparavant, nous avons dû effectuer des changements et des ajustements au sein de nos nations. Toutefois, les valeurs, l’identité, les institutions et les pratiques traditionnelles des Premières nations ont résisté aux politiques et aux lois en vigueur. Il faut garder en tête que les membres des Premières nations n’ont eu le droit de voter aux élections provinciales qu’en 1949 et aux élections fédérales qu’en 1960. En outre, ils n’avaient ni le droit de se présenter comme candidats à une élection ni de faire valoir leurs revendications devant un tribunal. Nous étions complètement sous le contrôle du gouvernement fédéral.
En tant que société, nous avons essuyé des revers temporaires, mais nous avons su nous ressaisir, nous rebâtir et demeurer une race distincte et unique. Nous sommes toutefois aussi conscients que l’élaboration de méthodes de gouvernance en remplacement de nos structures actuelles ne se fera pas sans heurts.
Nous nous adaptons, nous évoluons et nous continuerons de croître et d’évoluer afin que toutes nos décisions soient prises dans l’intérêt de nos terres, de nos ressources, de notre culture, de notre langue et de l’avenir de nos nations respectives. Pour y parvenir, il faut absolument sensibiliser les populations et les citoyens doivent s’impliquer.
L’autonomie gouvernementale est perçue comme une façon de redevenir maître de la gestion des activités qui touchent directement les Premières nations et de préserver leurs identités culturelles uniques. Elle est aussi considérée comme un droit « inhérent », c’est-à-dire un droit préexistant fondé sur la longue occupation et régie des terres par les Premières nations, bien avant que les Européens viennent s’y établir.
Les Premières nations ne cherchent pas à obtenir des gouvernements du Canada qu’ils leur accordent leur autonomie gouvernementale, mais plutôt qu’ils reconnaissent que l’existence de leurs gouvernements remonte à bien avant l’arrivée des Européens et qu’ils mettent en place les conditions visant à permettre le renouveau de ces gouvernements.
Par exemple, les Tlingit ont été le premier groupe à former un conseil pour gouverner leur peuple en Amérique du Nord, sous la direction du chef Shaikes, en Californie. Les Tlingit vivaient sur la côte de l’Alaska et voyageaient à l’intérieur des terres pour faire du commerce. Ils ont fini par s’y installer quand les Européens ont commencé à peupler l’Alaska. Ma mère est d’ailleurs née sur la route du commerce, en 1908.
Autonomie gouvernementale : repères historiques
En 1973, le processus qui mènera à l’autonomie gouvernementale est amorcé, lorsque la Yukon Native Brotherhood, composée des 12 bandes des Premières nations du territoire existantes à l’époque et dirigée par le chef Elijah Smith, présente Together Today for Our Children Tomorrow au premier ministre Pierre Trudeau. Ce geste a marqué le début des négociations entre le gouvernement du Canada et les Premières nations du Yukon. Plus tard cette année-là, la Yukon Native Brotherhood et la Yukon Association of Non-Status Indians créent le Conseil des Indiens du Yukon (CIY), chargé de négocier les revendications territoriales au nom des Premières nations du Yukon. Le CIY est aujourd’hui connu sous le nom de Conseil des Premières nations du Yukon (CPNY).
Vingt ans plus tard, le 29 mai 1993, quatre Premières nations du Yukon, dont la mienne, le Conseil des Tlingit de Teslin (aussi connu sous l’acronyme TTC), signent les premiers accords définitifs. Depuis, sept autres Premières nations ont réglé leurs revendications territoriales. À ce jour, la Première nation de White River, la Première nation de Liard et le Conseil Déna de Ross River, qui se trouvent dans ma circonscription, demeurent toujours des bandes aux termes de la Loi sur les Indiens.
Comme je représente à la fois les collectivités de Teslin et de Ross River, je peux voir de mes propres yeux les différences entre les deux. À Ross River, il n’y a pas d’administration municipale. Même pour gérer une situation aussi simple qu’un problème avec un chien, il faut faire venir un agent de contrôle des animaux de Whitehorse.
Ententes
Avant de se gouverner elles-mêmes, alors qu’elles étaient des bandes aux termes de la Loi sur les Indiens, les Premières nations du Yukon étaient des agents chargés d’appliquer des programmes conçus par Affaires indiennes et du Nord canadien et par d’autres organismes fédéraux, sans pouvoir vraiment y apporter de modifications. Or, des négociations ont mené à la conclusion d’une série d’ententes et à l’élaboration de plans faisant ainsi passer le statut des Premières nations yukonnaises de celui de bandes à celui de Premières nations autonomes.
Premier à être négocié, l’Accord-cadre définitif a servi de modèle pour les accords définitifs de chaque Première nation. L’Accord-cadre crée des institutions gouvernementales publiques, établit la superficie des terres désignées et prévoit un engagement de négocier des ententes sur l’autonomie gouvernementale. Fondés sur l’Accord-cadre, les accords définitifs comportent des dispositions particulières à chaque Première nation. Quant aux accords financiers, ils prévoient des indemnités financières, recensent les terres désignées de chacune des nations et définissent les régimes de propriété des terres et des ressources.
Le Plan de mise en œuvre de l’Accord-cadre définitif prévoit les activités, les échéanciers et les ressources sur lesquels se sont entendues les parties pour que l’accord définitif puisse entrer en vigueur. Une entente sur l’autonomie gouvernementale, qui confère au gouvernement d’une Première nation le statut de « personne morale », garantit à la Première nation une constitution établissant sa structure gouvernementale — de sorte que la Première nation peut agir en son propre nom et se gouverner.
Après l’obtention de l’autonomie gouvernementale, la Loi sur les Indiens cesse de s’appliquer. La bande assujettie à la Loi n’existe plus et est remplacée par le gouvernement de la Première nation, une entité juridique ayant les mêmes capacités et pouvoirs qu’une personne physique, notamment la capacité de conclure des contrats et le droit à la propriété.
Les Premières nations autonomes sont des gouvernements reconnus qui possèdent nombre des pouvoirs et responsabilités conférés au gouvernement territorial et aux administrations municipales. Lorsque je discute avec des gens de l’extérieur du Yukon, la plupart d’entre eux croient que leurs bandes sont investies des mêmes pouvoirs que les Premières nations du Yukon. Je ne crois pas que ce soit le cas, puisque les Premières nations du Yukon possèdent des pouvoirs considérables.
En qui concerne la Première nation dont je suis membre, certaines de nos lois sont liées à notre citoyenneté et s’appliquent peu importe où nous vivons, tandis que d’autres sont fonction du territoire et s’appliquent à tous ceux qui habitent sur nos terres, qu’ils soient ou non citoyens du Conseil des Tlingit de Teslin. Parmi les domaines faisant l’objet de lois fondées sur la citoyenneté et s’appliquant à nos citoyens où qu’ils habitent au Yukon, citons la protection de l’enfance, les soins de santé, la langue, la culture et l’éducation.
La Première nation dispose aussi du pouvoir d’adopter des lois fondées sur le territoire, lesquelles s’appliquent à nos terres désignées et à tous ceux qui y vivent. Parmi les domaines faisant l’objet de telles lois, citons l’utilisation des terres et le zonage, les terres et les ressources naturelles comme les forêts et la faune, ainsi que les activités commerciales.
Nos accords définitifs portent également sur le piégeage, l’accès aux terres pour y procéder à des récoltes commerciales ou non, les forêts, l’eau, les ressources non renouvelables et les ressources patrimoniales.
Nos premières nations se gouvernent elles-mêmes et assurent des programmes à tous leurs citoyens partout au Yukon. Nous collaborons avec les autorités fédérales et territoriales dans le cadre d’une relation de gouvernement à gouvernement, afin que nos citoyens puissent compter sur des programmes et des services comparables à ceux fournis sur l’ensemble du territoire.
Aux termes de l’accord définitif, nous disposons de droits et d’avantages et nous sommes responsables de nos terres, de nos ressources, ainsi que de la gestion et de l’administration de notre gouvernement. C’est également nous qui concevons, gérons, exécutons et budgétons les programmes et les services.
Nous sommes chargés d’élaborer et de mettre à jour une constitution qui serve de cadre juridique définissant notre gouvernement, notamment la prise de décisions et les processus d’élaboration de lois, ainsi que le choix de nos dirigeants. En outre, la constitution établit et protège les droits et libertés de nos citoyens. À ce sujet, la Charte canadienne des droits et libertés s’applique aux gouvernements des Premières nations.
La Première nation possède un pouvoir de négociation dans tout domaine relevant de sa compétence législative, qu’elle ait ou non adopté une loi à ce sujet. Les lois des Premières nations fondées sur la citoyenneté et le territoire priment sur les lois du Yukon. En général, ces dernières continuent de s’appliquer jusqu’à ce qu’une Première nation adopte une loi sur le même sujet; la loi du Yukon cessera de s’appliquer si la loi de la Première nation porte sur le même sujet.
Fiscalité
Une Première nation peut adopter des lois relatives à l’imposition foncière sur ses terres désignées. Elle dispose également du pouvoir de légiférer afin de prélever des impôts directs, comme l’impôt sur le revenu et la taxe de vente. Certaines Premières nations du Yukon ont d’ailleurs négocié des ententes de partage fiscal avec le Yukon et le Canada relativement à la taxe sur les produits et services et à l’impôt sur le revenu. Par exemple, le gouvernement du Yukon est en train de renouveler des conventions fiscales avec les gouvernements des Premières nations pour la perception d’impôts fonciers. Aux termes des ententes actuelles, d’une durée de 10 ans, les Premières nations conservent 95 % des impôts sur le revenu perçus sur leurs terres désignées chaque année.
Chaque accord définitif établit la part de l’indemnisation financière que versera le gouvernement du Canada à une Première nation. Les négociations préalables tiennent compte, entre autres, de la population, des sources de revenus de la Première nation, des économies d’échelle et des politiques budgétaires en vigueur.
Chaque Première nation peut négocier avec le Canada ou le Yukon les modalités d’administration des programmes et des services destinés à sa population. Par exemple, les ententes sur l’administration de la justice peuvent inclure des dispositions relatives aux procédures de jugement, aux recours civils, aux sanctions (amendes, pénalités et peines d’emprisonnement), aux poursuites judiciaires, aux services correctionnels et policiers, à la relation entre les tribunaux des Premières nations autonomes du Yukon et les autres tribunaux, et tout autre sujet apparenté.
Le gouvernement du Yukon a créé le Forum du Yukon pour officialiser les relations bilatérales entre le Yukon et les Premières nations autonomes du territoire. La Loi sur la collaboration en matière de gestion des affaires publiques précise que les Premières nations et le Yukon possèdent la compétence et l’autorité requises pour légiférer sur de nombreux sujets semblables. Le Forum du Yukon est le lieu de discussion de ces gouvernements et a pour objectif d’encourager la coopération et la collaboration en matière de gouvernance dans le territoire.
Terres
Au Yukon, les 14 Premières nations ont reçu des terres désignées d’une superficie totale de 41 438 kilomètres carrés, ce qui représente 8,5 % de la superficie totale du Yukon. Chaque Première nation est propriétaire en droit de ces terres désignées, dont il existe trois catégories : les terres rurales, les terres communautaires et les sites spécifiques. Dans l’ensemble du Yukon, les Premières nations sont propriétaires :
- d’une superficie de 25 899 km2 constitués de terres de catégorie A, c’est-à-dire des terres appartenant intégralement à la Première nation, sol et sous-sol confondus (dont les mines et les minéraux) et des droits exclusifs de pêche et d’exploitation des ressources fauniques;
- d’une superficie de 15 539 km2 constitués par des terres de catégorie B, pour lesquelles les droits détenus par la Première nation ne portent que sur le sol, le gouvernement du Yukon gardant les droits relatifs au sous-sol. La population du Yukon a accès à ces terres pour y pêcher et profiter des ressources fauniques à des fins non commerciales seulement.
Certains droits issus de traités, comme celui de procéder à des récoltes, s’appliquent à une région beaucoup plus grande à l’intérieur de ce
que l’on nomme le territoire traditionnel de chaque Première nation. Un territoire traditionnel est une région revendiquée comme ayant été utilisée et occupée traditionnellement par cette Première nation en particulier. Certaines régions ont été utilisées par plus d’une Première nation et sont appelées régions de « chevauchement ».
L’accord définitif et l’entente connexe sur l’autonomie gouvernementale comportent également des dispositions portant sur l’accès, la fiscalité, l’évaluation des activités de développement, les droits de surface et de nombreux autres aspects de l’utilisation des terres.
Les gouvernements doivent consulter les Premières nations si l’utilisation des terres non désignées risque d’avoir des répercussions importantes sur des terres adjacentes appartenant aux Premières nations. L’accord définitif de chaque Première nation prévoit la création d’une commission régionale d’aménagement du territoire dont l’objectif est de recommander un plan pour les terres désignées et non désignées. Les ententes prévoyaient aussi la création du Conseil d’aménagement du territoire du Yukon, qui gère ce type de planification dans toutes les régions assujetties aux accords définitifs.
Les accords définitifs prévoient la création de zones spéciales de gestion pour lesquelles toutes les parties aux négociations ont convenu qu’elles devraient être protégées ou administrées différemment des terres publiques ou désignées. En voici quelques exemples : la réserve du parc territorial de Tombstone, le parc national Vuntut, le parc territorial de Kusawa, l’habitat protégé de Ddhaw Ghro et l’habitat protégé de Lewes Marsh.
Participation aux institutions du gouvernement du Yukon
Les accords définitifs établissent plusieurs conseils ou comités qui sont dotés de responsabilités importantes et qui garantissent tous une représentation des Premières nations, laquelle s’élève habituellement à 50 % des membres. Par exemple, le Conseil de gestion de la faune aquatique et terrestre du Yukon constitue le principal instrument de gestion des ressources halieutiques et fauniques du territoire, tandis qu’un conseil des ressources renouvelables joue ce rôle pour un territoire traditionnel. On compte aussi d’autres institutions, soit le Conseil des ressources patrimoniales du Yukon, l’Office des droits de surface du Yukon et le Conseil d’aménagement du territoire du Yukon.
La conservation et le partage constituent les principes directeurs du chapitre 16 des accords définitifs, qui porte sur la pêche et la faune. Nous avons le droit de prendre toutes les espèces, peu importe la quantité ou la saison, pour survenir à nos besoins, à l’intérieur de notre territoire traditionnel.
Chaque Première nation administre et gère les droits de récolte des Indiens du Yukon sur son territoire traditionnel. Par conséquent, un membre d’une Première nation peut également exercer son droit de récolte sur le territoire traditionnel d’une autre Première nation lorsque cette dernière lui en donne la permission.
Le gouvernement du Yukon peut limiter la capacité d’une Première nation à exploiter ses ressources fauniques, mais uniquement pour des raisons très précises, comme la sécurité publique, la santé publique et la conservation, et seulement après avoir satisfait à des exigences strictes en matière de consultation qui sont prévues dans l’accord définitif.
L’Accord définitif du Conseil des Tlingit de Teslin
Je suis une descendante des Tlingit et une citoyenne du Conseil des Tlingit de Teslin. Avant d’être élue au Parti du Yukon, en octobre 2006, j’ai siégé à titre de conseillère à notre conseil général. Comme je connais bien le fonctionnement de notre gouvernement, je vais vous en donner un bref aperçu.
Le Conseil des Tlingit de Teslin est représentatif de ses clans et citoyens. Il est responsable des organes exécutif et législatif. Ainsi, le Conseil exécutif, qui élabore la politique et veille à l’application de la loi, travaille en harmonie avec le Conseil général, qui adopte les lois et définit l’orientation générale de la politique. Par souci d’efficacité, les membres du Conseil exécutif siègent au Conseil général, devant lequel ils sont responsables en tout temps.
Le Conseil des Tlingit de Teslin est conscient de l’importance fondamentale de la séparation entre les pouvoirs. C’est pourquoi le Conseil exécutif assure la liaison entre le Conseil général et la haute direction de l’organisation. Le Conseil des Tlingit de Teslin croit également qu’une bonne reddition de comptes passe par la divulgation de renseignements, la transparence et la réparation.
La structure du système de gouvernement par clan du Conseil des Tlingit de Teslin intègre la culture de clan traditionnelle des Tlingit aux principes contemporains d’organisation et de gestion. Le résultat traduit les valeurs traditionnelles et un modèle de gouvernement exemplaire : les organismes de direction sont indépendants et coordonnent leurs activités, tandis que la séparation des pouvoirs législatif et exécutif, dont les principes sont consacrés dans la Constitution, est respectée.
La constitution du Conseil précise :
- qu’il s’agit d’un gouvernement consensuel;
- que nous avons un premier dirigeant et non un chef;
- que notre premier dirigeant est choisi et non élu;
- que la citoyenneté et l’organisation de chaque clan sont établies en fonction de la coutume observée par le clan et reconnue par les autres clans;
- que chaque clan possède un dirigeant et que les aînés sont reconnus comme faisant partie du clan;
- que les clans ont des emblèmes qui font partie de leur tradition.
Le Conseil général, organe législatif des Tlingit de Teslin, est composé de cinq représentants nommés par chacun des cinq clans pour un mandat de quatre ans. Il est l’organe où ses 25 membres débattent des affaires du gouvernement. Doté des pouvoirs d’adopter et de modifier la Constitution, de légiférer et de rendre des décisions juridiques et de répondre aux revendications de la population, le Conseil général est l’instance de décision suprême du gouvernement des Tlingit de Teslin.
L’Accord permet au Conseil des Tlingit de Teslin de mettre en œuvre le cadre juridique et politique des relations de gouvernement à gouvernement avec le Canada et le Yukon. À cette fin, le Conseil des Tlingit de Teslin peut promulguer ses propres lois selon un ensemble de conditions prédéfinies dans l’Accord :
- L’utilisation, la gestion et le bon gouvernement relatifs aux terres désignées et aux personnes vivant sur ces terres.
- L’administration, les activités et la gestion interne relatives aux citoyens du Conseil des Tlingit de Teslin, y compris les droits et les avantages dont ils jouissaient avant la conclusion de l’Accord définitif.
- L’application des pouvoirs législatifs aux citoyens du Conseil des Tlingit de Teslin, peu importe où ils habitent au Yukon.
Le Conseil des Tlingit de Teslin continuera d’accroître ses responsabilités dans des domaines qui relevaient autrefois du Canada ou du Yukon. Pour ce faire, on procédera à des négociations pour transférer les responsabilités relatives à la conception, à l’administration et à la prestation de services liés aux programmes. Le Canada fournira les ressources financières par la voie d’accords de transfert.
Le Conseil des aînés, composé de toutes les personnes de 58 ans et plus, est présidé par les chefs de clan. Il fournit des conseils et des directives à toutes les autres branches du gouvernement et est chargé de sauvegarder, d’encourager et d’inculquer le patrimoine, la culture, la langue et les autres traditions de la Première nation des Tlingit. On peut le comparer au Sénat du Canada, car il a un deuxième regard sur les lois et le choix des dirigeants.
L’administration du Conseil des Tlingit de Teslin applique la volonté politique du Conseil général et met en œuvre les lois que ce dernier adopte. C’est aussi elle qui exécute les décisions stratégiques et autres de la haute direction du Conseil exécutif, tout en prêtant assistance aux autres branches du gouvernement du Conseil des Tlingit de Teslin dans l’exercice de leurs rôles politiques respectifs. Bien que les organes de direction aient un rôle politique, seule la Commission de gestion du Conseil des Tlingit de Teslin, ou l’organe administratif, possède à la fois des pouvoirs politiques et exécutifs ainsi que l’expertise en administration.
Le Conseil exécutif est composé de neuf membres : le premier dirigeant, le premier dirigeant adjoint, le conseiller représentant les jeunes et un représentant de chacun des cinq clans, qui sont tous nommés pour un mandat de quatre ans par le Conseil général. En outre, un aîné est nommé à titre amovible par le Conseil des aînés. Le Conseil exécutif est l’équipe de haute direction qui dirige le gouvernement du Conseil des Tlingit de Teslin.
Le Conseil de justice, composé des cinq chefs de clan, est établi par le Conseil général en conformité avec les éléments traditionnels du droit coutumier des Tlingit et selon l’avis du Conseil des aînés.
Conclusion
Je me prends souvent à penser aux aînés des Premières nations, dont bon nombre sont toujours parmi nous, qui n’avaient vu que des Autochtones avant la construction de la route de l’Alaska en 1943. Ils n’avaient jamais entendu parler anglais et la plupart ont appris à parler cette langue couramment en un court laps de temps. Je suis née cette année-là, sous une tente, dans un camp de récolte situé au sommet du mont qui porte mon prénom, Marian, sur la route Canol. Au cours de ma vie, j’ai été témoin de changements incroyables, survenus si vite que j’ai l’impression d’en avoir rêvé.
En bref, la voie qui a mené à l’autonomie gouvernementale a été parsemée d’embûches, mais nous commençons aujourd’hui à récolter les fruits de notre labeur, dont bénéficient non seulement les citoyens des Premières nations, mais aussi les autres résidants du Yukon. Il est toutefois dommage que les premiers négociateurs ne soient plus parmi nous pour pouvoir en profiter eux aussi.
Jim Boss a autrefois écrit de toute urgence au roi, par la voie d’un interprète, pour lui demander de venir en aide aux Indiens, qui se voyaient privés de leurs terres et de leur gibier. Ne serait-il pas réconfortant qu’il revienne parmi nous pendant une journée pour voir que le roi a bien lu sa lettre et qu’aujourd’hui, nous sommes non seulement des participants actifs au « gouvernement du roi », mais que nous possédons aussi notre propre gouvernement.
Notes
1. Le gouvernement du Yukon a un site très utile, qui s’intitule Land Claims and Self Government Overview, qui peut être consulté à l’adresse
www.eco.gov.yk.ca/landclaims/overview.html. Le Conseil des Tlingit de Teslin a aussi son site, à l’adresse
www.ttc-teslin.com/government.html
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