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Roy Norton
Traditionnellement, les ambassades traitent surtout avec les dirigeants des gouvernements et les démarches se font par le ministère des Affaires étrangères. L’ambassade du Canada se distingue en cherchant à influencer non seulement le Département d’État et la Maison Blanche, mais également les divers secrétaires et les milliers de hauts fonctionnaires du gouvernement américain. Elle vise à établir un « partenariat » avec autant d’Américains de même opinion que possible, puisqu’ils constituent le moyen le plus efficace de parvenir à des résultats jugés mutuellement souhaitables. En 2004, afin de faciliter un vaste partenariat, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a mis sur pied le Secrétariat de la représentation à l’ambassade. Le présent article explique les objectifs et les travaux du Secrétariat.
Depuis des décennies, le Canada se démarque de la plupart des autres gouvernements étrangers représentés à Washington, car il entreprend des démarches directement auprès des dirigeants et des membres du Congrès et des présidents de commission. Partant du principe que le Congrès, à titre d’ordre de gouvernement « égal », possède le pouvoir de présenter des projets de loi qui ont des effets importants sur ses intérêts, le Canada le juge aussi important que l’exécutif. La nouvelle ambassade à Washington a été inaugurée il y a 20 ans, en mai, et elle est la seule à avoir pignon sur rue entre le Capitole et la Maison Blanche. Cet emplacement a renforcé l’efficacité du Canada dans ses démarches auprès du Congrès.
Le Secrétariat de la représentation comporte trois sections : Affaires juridiques et du Congrès, Affaires publiques (la plus importante) et Affaires provinciales, territoriales et parlementaires.
La Section des affaires juridiques et du Congrès
La Section établit et entretient des relations avec les membres du Congrès et leur personnel, organise des activités de sensibilisation, surveille l’évolution des travaux législatifs et en fait rapport, et élabore et met en œuvre des stratégies adaptées à chaque enjeu. Usant de discrétion et de calme persuasion, le Canada réussit parfois à convaincre un membre du Congrès de laisser tomber un amendement néfaste à ses intérêts. En revanche, certaines questions l’obligent à travailler au grand jour : par exemple, à l’automne 2007, le Congrès a voté pour que soit retardée de 17 mois l’entrée en vigueur de l’Initiative relative aux voyages dans l’hémisphère occidental aux frontières terrestres [les provinces et les territoires ont été largement consultés sur le sujet, surtout en ce qui a trait au permis de conduire amélioré que des provinces délivrent]. La campagne-éclair « Toute politique est locale », que réalisent chaque année les 13 consuls généraux du Canada aux États-Unis auprès des dirigeants du Congrès au Capitole, constitue un autre exemple d’activité de sensibilisation fructueuse d’une grande visibilité. La Section organise les audiences des visiteurs officiels, surtout des ministres canadiens, sur la Colline à Washington. De plus, elle tient de vastes banques de renseignements cruciaux sur les prises de position exprimées par les membres du Congrès et leur personnel lors de leurs échanges avec des responsables canadiens, y compris des députés fédéraux.
La Section des affaires publiques
La Section des affaires publiques s’occupe de multiples aspects de la représentation, y compris des relations avec les médias. En plus de traiter avec la trentaine de journalistes canadiens en détachement dans la capitale américaine, elle s’adresse aux centaines de journalistes des médias électroniques, écrits et Internet américains, tant généraux que spécialisés, dont les informations et les analyses sont consultées par les décideurs. Les visiteurs officiels canadiens apportent un soutien précieux lorsqu’il s’agit de cultiver les relations avec les médias américains.
La Section des affaires publiques produit des outils d’information et de représentation très ciblés et fait l’acquisition de bases de données de haute technicité dont se servent l’ambassade et les consulats généraux du Canada pour faciliter le travail de sensibilisation effectué par le pays à la grandeur des États-Unis. Elle a recours à la gamme de nouveaux outils informatiques (dont des sites Web, Facebook et Twitter) afin de joindre des auditoires ciblés. Elle collabore également avec des spécialistes des affaires publiques militaires : ensemble, ils ont obtenu de brillants résultats, par exemple la campagne « Boots on the ground » (Présence sur le terrain) de l’ambassade, qui a attiré l’attention des Américains sur l’importante contribution militaire du Canada en Afghanistan.
En outre, les Affaires publiques gèrent les activités de sensibilisation s’adressant aux dizaines de milliers de Canadiens établis aux États-Unis qui sont membres du réseau Lien Canada. Ce dernier a constitué une diaspora canadienne informée qui sert de mécanisme de représentation efficace à l’appui du réseau diplomatique du pays en sol américain. À l’aide de moyens exclusivement électroniques, l’ambassade tient les ressortissants canadiens au courant des enjeux importants et leur procure des outils pour faire connaître aux personnes influentes et aux décideurs de leur collectivité américaine la perspective et les positions du Canada.
De surcroît, la Section cible les « penseurs » les plus influents et les plus prolifiques des établissements d’enseignement et des centres d’études et de recherches américains, qui constituent souvent une source d’idées, de recommandations et de conseils en matière de politiques pour la Maison Blanche, le Congrès et les médias. Des gouvernements américains successifs ont souvent puisé dans les universités et les centres d’études et de recherches pour doter des postes de haut rang. À Washington seulement, on compte une centaine de ces centres, qui emploient plus de 4 000 personnes. Certains disposent d’un budget annuel supérieur à celui de l’ambassade du Canada. La Section des affaires publiques veille à ce que les universités et les centres d’études et de recherches soient au courant des opinions du Canada au moment où ils préparent, donnent et diffusent leur avis aux décideurs américains.
En plus de faire de la promotion auprès des centres d’études et de recherches, la Section des affaires publiques s’adresse aux universités et aux écoles secondaires : elle y encourage les études canadiennes aux États-Unis et l’inscription dans les universités canadiennes. C’est en grande partie grâce à ces efforts que les Américains sont plus nombreux qu’avant par milliers à étudier dans nos collèges et nos universités.
La Sous-section des relations culturelles, qui fait partie des Affaires publiques, se sert des produits culturels canadiens (expositions, films, artistes, auteurs et figures emblématiques) pour promouvoir le Canada et attirer à l’ambassade des auditoires cibles de décideurs influents en poste à Washington. De plus en plus, ces activités culturelles sont rendues possibles grâce au Programme de partenariat nord-américain, un groupe de ministères et d’organismes fédéraux qui s’emploie à faire progresser les intérêts canadiens aux États-Unis et au Mexique. L’ambassade collabore étroitement avec les provinces et les territoires pour faire la promotion de la culture canadienne.
La Section des affaires provinciales, territoriales et parlementaires
Si la Section était une entreprise, son slogan serait « Fière d’être au service des provinces, des territoires et des parlementaires depuis 2004 ». Elle a été créée à la suite de deux constats :
- Les provinces et les territoires ont, à Washington, des intérêts véritables qu’ils peuvent faire progresser le plus avantageusement en travaillant de concert avec l’ambassade du Canada;
- Les parlementaires, en raison des rapports qu’ils peuvent établir avec leurs homologues américains, contribuent sensiblement à l’atteinte des objectifs canadiens au Capitole.
Provinces et territoires
Les « groupes constitutifs » de la Section tirent pleinement avantage des services disponibles. De 2004 à la mi-2009, la Section a organisé 19 visites de premiers ministres provinciaux, de dirigeants territoriaux et de leur délégation, de même que 40 autres visites de ministres et de hauts fonctionnaires provinciaux et territoriaux à Washington. Ensemble, ces activités comptent pour 65 p. 100 des visites dont la Section a la responsabilité depuis sa création il y a cinq ans.
Comme le veut la politique du gouvernement fédéral, les provinces et les territoires peuvent détacher un représentant de leur gouvernement à l’ambassade du Canada. Au milieu de 2009, trois provinces canadiennes avaient envoyé en tout 36 représentants dans les ambassades du Canada dans le monde (Alberta : 7, Ontario : 11 et Québec : 8). Plusieurs raisons, notamment l’économie de coûts, motivent les provinces et les territoires à envoyer un représentant dans telle ou telle ambassade. L’Alberta est présente à l’ambassade de Washington, tandis que le Québec possède son propre bureau dans le district de Columbia. D’autres provinces et territoires font appel à une aide permanente ou temporaire.
À l’ambassade, la Section constitue le principal centre de services pour les provinces et les territoires. Elle veille à ce que les renseignements produits par l’ambassade soient pertinents pour ceux-ci et leur soient communiqués. Elle coordonne les conseils prodigués aux provinces et aux territoires sur les options et les possibilités en matière de représentation, et transmet les commentaires provinciaux et territoriaux à ses collègues. En outre, elle voit généralement à ce que les spécialistes de l’ambassade soient au courant des aspects provinciaux et territoriaux des dossiers qui les occupent.
Par ailleurs, la Section contribue à l’harmonisation des objectifs fédéraux, provinciaux et territoriaux, afin que le Canada s’exprime efficacement et d’une voix forte, tant à Washington qu’auprès de la population américaine. En 2009 seulement, la Section a participé aux visites très médiatisées de trois premiers ministres provinciaux qui étaient venus dans la capitale américaine pour favoriser la concrétisation de leurs priorités stratégiques. Le premier ministre de la Saskatchewan, M. Wall, est venu inviter le gouvernement américain à soutenir davantage la technologie de capture et de stockage du carbone. Le premier ministre du Manitoba, M. Doer, a prononcé un discours lors d’une importante conférence sur l’environnement et a souligné l’importance d’une collaboration étroite du Canada et des États-Unis dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Quant au premier ministre de l’Ontario, M. McGuinty, il a rencontré des représentants de l’industrie afin d’exercer des pressions pour la modification des politiques d’approvisionnement exclusif en produits américains. La Section avait la responsabilité de la participation de l’ambassade aux activités organisées à Washington à l’occasion de chacune de ces visites.
Certaines des meilleures activités de représentation en faveur des intérêts et des objectifs provinciaux et territoriaux se tiennent dans les capitales des États. Pour faciliter cette représentation dans les régions américaines, la Section travaille en étroite collaboration avec les treize consulats généraux du Canada situés ici et là aux États-Unis. Les premiers ministres, les ministres et les législateurs des provinces et des territoires ont établi de bonnes relations de travail avec leurs homologues de divers États. Ils jouissent d’un accès privilégié à ceux-ci — surtout dans le cas des premiers ministres avec les gouverneurs —, que ce soit sous l’égide de la National Governors’ Association (NGA) ou lors de rencontres individuelles.
Même si les premiers ministres rencontrent les gouverneurs, ils n’ont aucune relation officielle avec la NGA. En revanche, la plupart des provinces et des territoires du Canada sont membres d’une des grandes organisations nationales qui représentent les gouvernements et les assemblées législatives des États (le Council of State Governments [CSG] et la National Conference of State Legislatures [NCSL]), ou, dans le cas du CSG, d’une de ses associations régionales. La Section garde un contact étroit et constant avec le personnel de ces organisations qui est en poste à Washington ainsi qu’avec les bureaux des 47 gouverneurs américains qui ont délégué, dans la capitale nationale, du personnel afin de défendre les intérêts de leur État. Tous sont des « partenaires » potentiels du Canada au chapitre de la représentation.
Parlementaires
Les parlementaires fédéraux, provinciaux et territoriaux figurent parmi les porte-parole les plus efficaces du Canada aux États-Unis, surtout lorsqu’ils rencontrent des législateurs américains dans le contexte de groupes bilatéraux ou multilatéraux. Faire valoir le plus possible les avantages corollaires constitue l’une des principales fonctions de la Section en matière de représentation.
L’ambassade jouit d’un accès remarquable aux membres du Congrès. Ces derniers sont, par contre, très occupés, d’où l’avantage pour le Canada de pouvoir en rencontrer beaucoup en même temps lors de visites de parlementaires dans les moments cruciaux. Comme il se doit, l’ambassade accompagne les parlementaires aux audiences, fait le suivi s’il y a lieu et obtient des informations de première main sur les principales préoccupations des législateurs américains. Lorsque des parlementaires canadiens de divers partis politiques collaborent bien pour faire entendre un message unique sur les objectifs du Canada aux États-Unis, le programme global de représentation de notre pays s’en trouve consolidé.
Depuis sa création en 2004, la Section organise des visites, dont 35 p. 100 sont effectuées par des parlementaires. La majorité d’entre elles concernent des comités entiers de la Chambre des communes ou du Sénat. Au cours des six premiers mois de 2009 seulement, cinq comités sont venus à Washington. Même si la collecte de renseignements, l’établissement de relations et la représentation font partie du programme de tels séjours, le plus important est que les visites de comités offrent des possibilités supplémentaires de faire valoir le point de vue canadien auprès d’acteurs de premier ordre du processus américain d’élaboration des politiques.
Parmi les exemples récents d’activités de représentation fructueuses par des parlementaires canadiens, on trouve la réalisation, durant le printemps 2009, de plusieurs visites de comités de la Chambre des communes. Le Comité de l’agriculture et de l’agroalimentaire s’est surtout employé à convaincre ses homologues américains que la mention du pays d’origine sur l’étiquette des produits nuit aux intérêts de leur pays. Le Comité des finances a fait valoir à ses vis-à-vis que la réforme réglementaire du système financier américain doit tenir compte du marché intégré de l’Amérique du Nord, y compris pour les services financiers. Le Comité du commerce international a présenté l’avis du Canada sur une myriade de différends commerciaux, surtout les dispositions protectionnistes du projet de loi sur la relance économique des États-Unis. Le Comité des affaires étrangères et du développement international a fait part de l’intérêt du Canada envers une collaboration étroite avec les États-Unis sur des objectifs généraux communs. Le Comité spécial sur l’Afghanistan a encouragé les États-Unis à se concentrer sur la paix et la stabilité en sol afghan.
Faire connaître la perspective canadienne constitue aussi un aspect important des visites des groupes parlementaires à Washington, surtout du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis.
Même si les visites du Groupe interparlementaire sont relativement peu nombreuses, leur impact est considérable. Comme toujours, la délégation se divise en petits groupes qui peuvent s’installer dans les bureaux des membres. Après une séance d’information exhaustive à l’ambassade, les membres de la délégation du Groupe interparlementaire se rendent sur la Colline et rencontrent à tour de rôle des sénateurs et des représentants américains ou leurs employés. Pendant ces visites, une vaste gamme de dossiers est abordée. Par exemple, lors de leur visite de février 2009, les parlementaires canadiens ont insisté auprès de leurs homologues américains sur diverses questions, dont la facilitation des passages frontaliers (notamment l’Initiative relative aux voyages dans l’hémisphère occidental aux frontières terrestres), les obstacles en matière d’agriculture et les mesures commerciales protectionnistes des États-Unis.
Comme ils tendent à avoir des contacts répétés avec leurs homologues américains, les membres du Groupe interparlementaire s’efforcent de cultiver des relations personnelles durables. Les sections canadienne et américaine se rencontrent une fois par année pendant deux jours; des sénateurs et des représentants américains se joignent à leurs collègues canadiens et passent ensemble un temps précieux. De plus, les membres de la section canadienne assistent aux conférences annuelles et régionales de certaines organisations qui représentent les États américains, et ce, partout aux États-Unis.
Les défis de la représentation
À Washington, la concurrence est forte pour attirer l’attention des décideurs et des personnages influents. Des représentants du milieu des affaires et des syndicats, des ONG et plus de 35 000 lobbyistes enregistrés travaillent à temps plein afin de persuader les puissants du mérite de leur cause. Les porte-parole américains possèdent un avantage dont les gouvernements étrangers ne disposent pas. Durant le dernier cycle d’élections, les candidats à la présidence et les législateurs nationaux en poste ont dépensé plus d’un milliard de dollars. En revanche, le Canada doit compter sur la seule force de ses arguments et l’innovation de ses stratégies.
Le 1er juin 2009, le Globe and Mail a expliqué, dans un éditorial inhabituel, les fonctions de représentation exercées par l’ambassade. Il a fait l’éloge de ses campagnes réussies et des outils qu’il a créés et employés pour les soutenir.
Le rôle de l’ambassade consiste à sensibiliser et à persuader. Le Canada figure en tête de liste des gouvernements étrangers présents à Washington, parce que nous nous sommes organisés pour recourir, d’une façon originale, à une gamme d’outils afin de le représenter et de retenir l’attention des décideurs lorsque nous le croyons important. Forte de cet objectif, l’ambassade agit comme un défenseur infatigable des intérêts du Canada à Washington.
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