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Grace Lore
À linstar des femmes du monde entier, les Canadiennes ont traditionnellement
et systématiquement été sous-représentées sur la scène politique. Les luttes
pour une représentation juste et équitable et létude de la question dans
les établissements denseignement supérieur sont relativement récentes.
Bien que de grands progrès aient été réalisés depuis que le droit de vote
a été accordé aux femmes (blanches) en 1920, les Canadiennes continuent
de figurer parmi les moins représentées du monde. Même si 68 femmes ont
été élues au suffrage national de 2008, elles continuent de ne former quenviron
20 % des députés de la nouvelle législature. En Colombie-Britannique, la
législature actuelle compte 46 libéraux et 33 néo-démocrates, 17 femmes
représentant environ 21 % des députés de chacun des partis. Larticle qui
suit porte sur la participation des femmes à lAssemblée législative de
cette province.
Les niveaux de représentation au sein des assemblées législatives des provinces
sont également insuffisants. La Colombie-Britannique ne fait pas exception
à cet égard, les femmes ne représentant que 21 % des députés provinciaux.
La sous-représentation des femmes est incontestable, mais la mesure dans
laquelle cette situation est problématique pour les femmes, le processus
démocratique et les politiques gouvernementales qui en résultent suscite
de vives discussions. Une façon dexaminer la question consiste à étudier
sil existe un lien entre la représentation numérique et la représentation
de fond. Autrement dit, un nombre peu élevé de députées de lAssemblée
législative de la province se traduit-il par un faible niveau de représentation
des femmes de la Colombie-Britannique?
Lapproche adoptée pour le présent article consiste à examiner dans quelle
mesure les femmes prennent la parole pour attirer lattention sur les préoccupations
féminines. Si elles le font plus fréquemment que leurs homologues masculins,
on peut conclure que moins il y a de femmes à lAssemblée législative,
moins souvent ces questions sont soulevées et moins souvent on sy arrête.
La présente étude portera sur les déclarations prononcées par les députés
(ordre permanent 25B) depuis le début de la 38e législature (après lélection
de mai 2005) jusquà lajournement de la quatrième session, le 29 mai 2008.
Une comparaison sera ensuite établie entre le nombre de déclarations faites
par des femmes au sujet de préoccupations féminines et le nombre de déclarations
du même genre faites par des hommes à lAssemblée législative.
Les déclarations constituent un outil utile (bien quimparfait) pour examiner
le problème, parce quelles permettent aux députés de se faire les porte-parole
de leurs électeurs à lAssemblée législative et quelles doivent être de
nature non partisane. La question de savoir en quoi consiste exactement
une « préoccupation féminine », voire si une telle chose existe, est très
controversée. Une définition stricte pourrait rapidement éroder les différences
importantes qui existent entre les femmes et leurs intérêts, expériences
et besoins variés. Le présent article tentera dutiliser les mesures les
moins controversées possible des préoccupations féminines. Le compte sera
fait de toutes les préoccupations relatives à la fréquence ou à la prévention
de la violence envers les femmes, à la prévalence des troubles de lalimentation
chez les jeunes femmes, aux cancers du sein et de lovaire, au financement
des centres pour femmes, à la parité salariale, aux incidences de la polygamie
sur les femmes, et à la reconnaissance dune journée des femmes ou à celle
de femmes de la collectivité qui ont fait avancer les causes féminines.
La plupart de ces questions ne prêtent pas à controverse peu de femmes
se prononceraient contre la parité salariale ou la fin de la violence familiale
ou prétendraient que certains cancers ne constituent pas un problème pour
les femmes.
La présente étude est abordée selon une approche apolitique et non partisane.
Ni le nom des partis ni celui des députés ne seront utilisés en ce qui
a trait aux déclarations et aux résultats. La sous-représentation des femmes
en Colombie-Britannique est une question non partisane (le faible nombre
de femmes étant semblable pour les deux partis) et ce serait une erreur
que den faire une.
Entre la première session suivant lélection de 2005 et lajournement de
la dernière session, les femmes ont fait plus de déclarations relatives
aux préoccupations féminines que les hommes, tant pour le nombre de déclarations
que pour le pourcentage de lensemble de leurs déclarations qui portait
sur ce sujet. Au cours de la première et de la deuxième session, les femmes
ont prononcé respectivement onze et six déclarations relatives aux préoccupations
féminines, tandis que les hommes en ont fait cinq et quatre.
Au cours de la session de 2005, 16,7 % de toutes les déclarations des femmes
ont porté sur une préoccupation féminine, par rapport à 3 % de celles des
hommes. En 2006, cette proportion a été de 9 % chez les femmes et de 2 %
seulement chez les hommes. Cet écart entre les femmes et les hommes sest
aussi manifesté au cours des troisième et quatrième sessions. En 2007,
les femmes ont prononcé 18 déclarations sur des enjeux touchant les femmes
(soit environ 14 % de lensemble des déclarations), notamment sur le cancer
du sein et sur les femmes dans le milieu des affaires. Au cours de la même
session, les hommes ont fait trois déclarations (environ 1 %) sur des préoccupations
féminines, dont une au sujet des troubles de lalimentation. Au cours de
la quatrième session, les femmes ont prononcé 12 déclarations sur des dossiers
féminins (15,2 % de toutes leurs déclarations), tandis que les hommes en
ont fait seulement 5 (soit un peu plus de 2 % de toutes les déclarations).
Ces chiffres laissent entendre quune augmentation du nombre de femmes
à lAssemblée législative permettrait de faire mieux connaître les préoccupations
féminines et que la sous-représentation des femmes pourrait avoir pour
résultat quon accorde moins dimportance à des questions essentielles
pour les femmes.
Une autre façon détudier ce phénomène consiste à comparer les pourcentages
de femmes et dhommes qui font des déclarations sur des préoccupations
féminines. Invariablement, ce sont les femmes qui émettent la majorité
de ces déclarations, en dépit du fait quelles forment une minorité à lAssemblée
législative. En 2005, au cours de la première session, les femmes ont prononcé
68,8 % de toutes les déclarations sur les femmes et les préoccupations féminines,
même si elles ne représentaient que 21,6 % de tous les députés provinciaux.
Cest ce qui sest répété au cours des trois sessions suivantes : en 2006,
elles ont prononcé 60 % de ces déclarations, en 2007, 85,7 %, et en 2008,
70 %.
Non seulement les femmes utilisent-elles un plus grand nombre de déclarations
pour représenter les femmes et soulever des préoccupations féminines, mais
encore elles émettent, en moyenne, un plus grand nombre de déclarations
que leurs homologues masculins. Au cours de la première session, chaque
femme a prononcé, en moyenne, 6 déclarations, par rapport à seulement 4,27
de la part des hommes. En 2006, au cours de la deuxième session, le nombre
moyen de déclarations par femme était de 5,58, soit 0,5 de plus que chacun
des hommes. En 2007, la différence a été plus marquée, les femmes ayant
exprimé 47 % de déclarations de plus que les hommes (soit en moyenne 10,83
déclarations par femme, par rapport à seulement 7,36 par homme). Au cours
de la dernière session, la différence a été moins prononcée, mais, en moyenne,
les femmes continuaient de faire plus de déclarations que les hommes. Même
sil est vrai que ce ne sont pas toutes les femmes qui font plus de déclarations
que les hommes, la différence révélée dans les moyennes est constante et
importante. Une explication possible, cest quen raison de leur faible
présence à lAssemblée législative, les femmes se sentent peut-être responsables
de représenter les femmes en plus de représenter leurs électeurs et leur
parti et quelles prennent donc la parole (en faisant des déclarations
à tout le moins) plus souvent que leurs collègues masculins.
Ces analyses laissent entendre que les femmes représentent de façon importante
les autres femmes et les préoccupations féminines. Dans la mesure où lanalyse
des déclarations faites par les députés permet de tirer une conclusion,
on peut avancer que les dossiers féminins reçoivent moins dattention et
que lélaboration de politiques et la prise de décisions ne prennent peut-être
pas en compte les expériences, les perspectives et les enjeux particuliers
des femmes. On ne peut toutefois faire abstraction du fait que, même chez
les femmes, les déclarations concernant les préoccupations féminines étaient
rares et nont représenté quentre 9 et 15 % des déclarations faites au
cours des quatre sessions. De plus, un grand nombre des déclarations sur
les préoccupations féminines étaient répétitives et faites de manière stratégique.
En effet, beaucoup de ces déclarations sont émises lors doccasions comme
la Journée internationale de la femme et la Journée nationale de commémoration
et daction contre la violence faite aux femmes. Par exemple, au cours
de la troisième session, 5 des 18 déclarations (environ 27 %) ont été prononcées
ces jours-là ou au sujet de ces occasions. On pourrait avancer que ce genre
de déclarations vise davantage à prononcer des « audioclips » opportuns quà
assurer une représentation importante des femmes.
Dautres critiques, qui portent notamment sur la prise de mesures purement
symboliques, alors quon présume que le caucus a nommé des femmes pour
faire des déclarations, présenter des motions ou participer à des débats
concernant des préoccupations féminines, ne devraient pas être rejetées
du revers de la main. En dépit des progrès accomplis depuis quelles ont
obtenu le droit de vote et celui de participer activement au processus
politique, les femmes sont encore loin davoir une représentation équitable
au sein de lAssemblée législative de la Colombie-Britannique. Le débat
se poursuit pour savoir dans quelle mesure la situation constitue un problème
et pour déterminer les divers moyens qui pourraient (ou devraient) être
pris pour corriger la sous-représentation des femmes. Pendant ce temps,
la présente étude des déclarations des députés de la 38e législature semble
indiquer que les préoccupations féminines nont quune importance minimale
et que les voix des femmes sont relativement peu entendues.
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