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Nancy Ford
La Commission de ladministration publique de lAssemblée nationale du
Québec a été créée le 10 avril 1997 à titre provisoire. Elle a été reconnue
permanente cinq mois plus tard, à la faveur de modifications au Règlement
de lAssemblée nationale. Cest à cette commission quil revenait dorénavant
dentendre le vérificateur général du Québec sur son rapport annuel et
dexaminer, en présence des sous-ministres et des dirigeants dorganismes
publics, les différents dossiers contenus dans ce rapport. La Loi sur ladministration
publique, adoptée en 2000, a, par ailleurs, instauré de nouveaux mécanismes
de reddition de comptes dans le cadre dune politique de gestion axée sur
les résultats, conférant un rôle essentiel à cette commission. Le présent
article examine le travail de ce comité pendant la dernière décennie.
Parrainée par un député de la majorité ministérielle, Henri-François Gautrin,
la Loi québécoise sur limputabilité des sous-ministres et des dirigeants
dorganismes publics a connu un cheminement long, mais couronné de succès
en 1993. En effet, cest cette loi qui a ouvert la porte à la responsabilisation
des hauts fonctionnaires quant à leur gestion et qui a permis leur convocation
devant une commission parlementaire pour en discuter. À cette époque, la
responsabilité à cet égard était répartie entre les commissions sectorielles
en fonction de leur champ de compétences respectif, mais cette initiative
législative allait préluder à lavènement dune commission parlementaire
permanente, dont la mission serait axée exclusivement sur le contrôle de
ladministration gouvernementale.
Responsabilités de la Commission
La Commission de ladministration publique se voit confier par règlement
trois responsabilités principales.
La vérification des engagements financiers des ministères
La Commission doit revoir lensemble des engagements financiers de 25 000 $
et plus de chaque ministère et organisme dont les crédits sont votés par
lAssemblée nationale. Lobjet de ce mandat, unique au Canada, est dassurer
une surveillance parlementaire continue de lutilisation des crédits budgétaires
alloués aux ministères et organismes, en particulier eu égard au respect
des règles et des normes gouvernementales qui encadrent loctroi des contrats
et des subventions.
Il sagit dune tâche considérable, puisque cela représente quelque 20 000
engagements par année. Afin de respecter ses obligations, la Commission
a dû faire preuve dinnovation dans son mode dexécution de cet important
mandat.
Traditionnellement, une séance de vérification des engagements financiers
se déroulait toujours en présence du ministre concerné lors dune audition
publique. Or, en mars 2004, dans un effort de rattrapage important et pour
rendre lexercice plus efficace, la Commission a réformé en profondeur
ses façons de faire et ses outils de travail. Presque chaque mois, la Commission
tient une séance de travail pour étudier les engagements financiers récents.
Elle adresse ensuite ses demandes de renseignements supplémentaires par
écrit aux ministères concernés. Laudition dun ministre nest pas exclue
du processus de vérification, mais la Commission ny recourt que si les
renseignements obtenus ne léclairent pas suffisamment ou si la situation
justifie une audition. Plus récemment, afin de renforcer la responsabilité
administrative qui incombe désormais à la haute direction des ministères
et organismes, la Commission a favorisé les rencontres avec les sous-ministres
et les présidents dorganisme, plutôt quavec les titulaires de ministères,
pour effectuer lexamen des engagements financiers.
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Présidents |
Vice-présidents |
35e législature |
Jacques Chagnon (WestmountSaintLouis) |
Michel Côté (La Peltrie) |
36e législature |
Geoffrey Kelley (Jacques-Cartier) |
Cécile Vermette (Marie-Victorin)
Solange Charest (Rimouski)
Hélène Robert (Deux-Montagnes) |
37e législature |
Rita Dionne-Marsolais (Rosemont) |
Pierre Marsan (Robert-Baldwin)
Sarah Perreault (Chauveau) |
38e législature |
Gilles Taillon (Chauveau) |
Vincent Auclair (Vimont) |
Laudition du vérificateur général sur son rapport annuel à lAssemblée
nationale
Le mandat dentendre le vérificateur général sur son rapport annuel constitue,
en quelque sorte, la raison fondamentale de la naissance de la Commission
de ladministration publique, puisque les parlementaires voulaient donner
loccasion au vérificateur général de leur présenter le contenu de son
rapport annuel à lAssemblée nationale. En outre, la Loi confiait à la
Commission de ladministration publique le pouvoir dexaminer plus en détail
les chapitres du rapport annuel et de tenir des auditions pour questionner
les sous-ministres et les dirigeants sur leur gestion lorsque celle-ci
faisait lobjet dobservations et de recommandations par le vérificateur
général.
La Commission examine aussi annuellement les engagements financiers du
vérificateur général et lentend sur son propre rapport de gestion, qui
fait état des résultats obtenus eu égard aux objectifs prévus dans son
plan stratégique. Cet exercice permet un échange privilégié entre les parlementaires
et le vérificateur général quant à la façon dont il sacquitte de son mandat,
aux difficultés quil éprouve dans la réalisation de ses obligations et
à lutilisation des ressources qui lui sont confiées par lAssemblée nationale.
Laudition des sous-ministres et des dirigeants dorganismes publics sur
leur gestion administrative
La Loi sur ladministration publique, qui a remplacé la Loi sur limputabilité
des sous-ministres et des dirigeants dorganismes publics, a consacré le
principe de reddition des comptes en confiant à la commission compétente
le mandat dentendre les sous-ministres et les dirigeants dorganismes
publics concernant leur gestion administrative. Elle prône, pour les services
offerts à la population, une meilleure gestion axée sur les résultats.
Ainsi, le gouvernement permet une certaine décentralisation et une plus
grande flexibilité du pouvoir décisionnel afin de responsabiliser davantage
les gestionnaires de ses ministères et organismes.
En contrepartie, la Loi exige une meilleure reddition de comptes et oblige
les ministères, organismes et agences à produire une déclaration sur les
objectifs quils visent quant à la qualité des services offerts à la population,
un plan stratégique faisant état de leurs orientations pour une période
de plusieurs années et un rapport annuel de gestion qui indique les résultats
atteints.
Près de 80 ministères et organismes sont assujettis aux dispositions de
cette loi, ce qui entraîne une tâche considérable détude de documents
pour une seule commission.
Au début, la Commission concentrait ses efforts sur les ministères et organismes
ayant fait lobjet dobservations dans le rapport du vérificateur général
à la suite des travaux de vérification, mais, depuis quelques années, elle
a ajouté lexamen denviron 16 rapports annuels de gestion par année. Létude
des rapports se fait en séance de travail, en fonction des résultats danalyses
exécutées au préalable par des recherchistes de lAssemblée nationale.
Les sept critères retenus pour lexamen des rapports annuels de gestion
sont cohérents avec les autres outils danalyse couramment utilisés pour
le suivi du rendement de ladministration publique, notamment ceux adoptés
par le vérificateur général du Québec. Ainsi, linformation contenue dans
les rapports annuels de gestion doit :
- être cohérente avec les autres documents exigés par la Loi sur ladministration
publique;
- fournir les renseignements de base pour lanalyse du rendement;
- permettre de comparer les résultats atteints et de les envisager dans leur
contexte;
- révéler le degré de satisfaction de la clientèle;
- expliquer les liens entre les coûts, les activités, les produits et services
et les résultats;
- faire état des correctifs ou des solutions de rechange;
- traiter de la capacité de lentité de maintenir et daméliorer ses résultats.
Les parlementaires de la Commission se prononcent donc sur leur degré de
satisfaction à légard de lapplication de ces critères, formulent des
observations à lendroit des entités visées et décident des ministères
et organismes quils souhaitent entendre au cours des prochains mois. Leurs
observations, conclusions et recommandations sont consignées dans leur
rapport sur limputabilité des sous-ministres et des dirigeants dorganismes
publics.
Fonctionnement de la Commission
La Commission de ladministration publique est composée de douze membres
permanents ainsi répartis pour refléter la situation minoritaire actuelle
du gouvernement : cinq députés du groupe parlementaire formant le gouvernement,
quatre députés de lopposition officielle et trois députés du deuxième
groupe dopposition. Des membres remplaçants ou temporaires peuvent se
joindre aux travaux dans une même proportion pour la durée de lexamen
dune affaire ou pour la durée dune séance.
À linstar des comités des comptes publics des autres législatures canadiennes,
cette commission est toujours présidée par un député de lopposition officielle,
tandis que la vice-présidence est assumée par un membre du parti ministériel.
Le tableau suivant indique des présidents et vice-présidents de la Commission
de ladministration publique depuis sa création, en avril 1997.
Dès ses premiers balbutiements, la Commission a adopté un comportement
non partisan autant dans le choix que dans le traitement de ses dossiers.
Au cours de ses dix années de vie, toutes ses décisions et chacune des
recommandations formulées à la suite de lexamen dune affaire ont fait
lunanimité de ses membres.
Pour favoriser le plus possible ce comportement de non-partisanerie et
de consensus, les membres de la Commission font porter leurs travaux essentiellement
sur lexamen de la gestion plutôt que sur les choix politiques ou sur leur
pertinence. Ils estiment quun climat de coopération est essentiel pour
réaliser de manière constructive leur mandat de contrôle parlementaire.
La disposition physique des lieux où se tiennent les séances de la Commission
de ladministration publique et le mode de gestion relativement souple
des débats, notamment quant à lalternance et au temps de parole, renforcent
cet esprit de collaboration entre les membres.
Bilan dune décennie
Au cours de la 35e législature, la Commission a tenu 71 séances dimputabilité
totalisant plus de 140 heures de travail.
Pendant la 36e législature, laccent a été mis sur lexamen des résultats
des suivis effectués par le vérificateur général à légard de ses vérifications
antérieures et sur les suites que les ministères et les organismes ont
données aux recommandations de la Commission. Les membres y ont accordé
le temps nécessaire : 210 heures de délibérations réparties dans une centaine
de séances.
Durant la 37e législature, la Commission a tenu un nombre record de 124
séances dans lexercice de son mandat de contrôle de lappareil gouvernemental.
Parmi les nombreux sujets qui ont retenu lattention des parlementaires,
plusieurs touchaient les secteurs névralgiques de la santé et de léducation.
La Commission a aussi consacré une part importante de ses travaux à examiner,
avec les hauts fonctionnaires concernés, la gestion administrative de ministères
et dorganismes publics dont les services sadressent directement à la
population, comme le ministère du Travail et le ministère de la Famille,
des Aînés et de la Condition féminine, de même que lOffice de la protection
du consommateur.
De plus, la Commission collabore régulièrement avec le Secrétariat du Conseil
du trésor sur toute amélioration envisagée aux lois et règlements touchant
la reddition de comptes. En 2005-2006, elle a participé activement à des
séances privées et publiques au sujet du rapport sur la mise en uvre de
la Loi sur ladministration publique, qui en dresse le bilan après cinq
ans dapplication. Elle est heureuse de constater que les préoccupations
exprimées lors dauditions publiques et formulées dans ses différents rapports
sur limputabilité se reflètent dans le contenu de la publication du Secrétariat
intitulée Cinq années de gestion axée sur les résultats au gouvernement
du Québec.
À ce jour, la Commission de ladministration publique a déposé à lAssemblée
nationale 19 rapports unanimes sur limputabilité des sous-ministres et
des dirigeants dorganismes publics. Ces documents comprennent 298 recommandations
sur une grande diversité de sujets.
Au terme de sa première décennie dexistence, la Commission note une transparence
de plus en plus tangible de la part des ministères et organismes entendus
et une ouverture desprit grandissante à légard du rôle quelle joue dans
le processus de reddition de comptes au sein de lappareil gouvernemental.
Elle note avec intérêt que ses auditions constituent souvent loccasion,
pour les dirigeants administratifs interpellés, de rendre public un plan
daction destiné à remédier aux lacunes signalées soit dans ses rapports
sur limputabilité, soit dans les rapports du vérificateur général sur
loptimisation des ressources. De plus, ces échanges en commission permettent
aux organisations de faire le point sur leurs programmes et de bien les
expliquer aux députés, complétant ainsi la vision dégagée par le vérificateur
général. Les dirigeants trouvent ainsi, au sein de la Commission, des alliés
objectifs pour la défense de leur action et lamélioration de leurs services.
La Commission de ladministration publique se révèle un outil indispensable
pour assurer une saine reddition de comptes de linstitution gouvernementale.
Elle favorise, entre autres, une meilleure compréhension des responsabilités
parlementaires par les citoyens, en amorçant publiquement un dialogue avec
les représentants de la fonction publique dans le but ultime dassurer
la saine gestion des deniers et lamélioration des services au citoyen.
Lavenir
À la lumière de lexpérience des dix dernières années, force est de constater
une progression constante et importante de la vision de la Commission face
à sa raison dêtre. Après avoir établi les bases mêmes de sa stratégie
de contrôle parlementaire, après avoir défini un cadre de travail et établi
des pouvoirs et des pratiques éprouvées, la Commission de ladministration
publique na cessé de raffiner ses façons de faire afin de réaliser le
mieux possible sa mission. Il reste, bien sûr, des défis à relever.
La difficulté de planifier les séances dans lensemble des activités parlementaires
constitue un défi dans lorganisation des travaux de la Commission. En
effet, le Règlement de lAssemblée nationale donne priorité à un mandat
confié à une commission par lAssemblée, ce qui entraîne souvent le report
ou lannulation de séances de la Commission.
Si elle peut se targuer de formuler des recommandations qui font consensus
et qui ajoutent de la valeur, la Commission doit cependant relever un autre
défi majeur, soit celui dassurer le suivi de leur mise en uvre par les
entités visées.
Les parlementaires ont également un défi important à relever quand il sagit
de sensibiliser autant le public que les médias à leur rôle de contrôleurs
de ladministration gouvernementale et quand il sagit de communiquer avec
eux. La Commission de ladministration publique sest démarquée par les
innovations quelle a apportées au fil des ans dans la réalisation de ses
mandats. Elle a été au cur des changements en matière de contrôle parlementaire
et elle continue à jouer un rôle central dans la poursuite de limplantation
de la gestion axée sur les résultats au sein de ladministration publique
québécoise. Elle doit maintenant servir de courroie de transmission entre
la population et ladministration gouvernementale, afin dassurer une gestion
des services qui soit efficace et efficiente.
Il reste donc des réalisations de taille à accomplir pour cette jeune commission
qui a vu le jour dans le cadre dun projet-pilote, il y a dix ans, et qui
est devenue un modèle dynamique et un guide pour lensemble des commissions
parlementaires qui se soucient des saines pratiques de gestion dans lappareil
gouvernemental.
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