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Le Canada et la lutte pour la démocratie à l’étranger
Robert Miller

Les législateurs canadiens ont entrepris de réexaminerles moyens de soutenir la démocratie dans le monde. En 2007, le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes s’est penché sur les programmes canadiens d’aide à la démocratie et a déclaré que le Canada pouvait et devait faire mieux. L’automne dernier, le gouvernement a répondu qu’il allait réorienter le soutien à la démocratie et aider les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux à offrir une aide de haut calibre. Par ailleurs, il instituera un groupe d’experts pour évaluer la capacité canadienne actuelle et recommander des façons de la bonifier. Dans le présent article, l’auteur dresse un bilan de l’aide canadienne à la démocratie à l’étranger dans le but de dissiper le mythe voulant que le Canada fasse peu dans ce domaine. Il s’attarde ensuite à l’approche adoptée par le pays et suggère l’existence de caractéristiques propres à la coopération canadienne en matière de développement démocratique. En dernier lieu, il parle du récent constat fait par le Parlement et le gouvernement à l’égard des politiques et des programmes et il conclut par des réflexions personnelles tournées vers l’avenir. 

Le monde est aux prises avec un marasme démocratique. Les partisans de la démocratie écrivent aujourd’hui des articles sur la stagnation de la liberté. Selon Freedom House, le nombre de nouvelles démocraties électorales a cessé de croître, tandis que les situations de régression augmentent. Ainsi, des pays comme la Thaïlande et le Kenya, qui semblaient pourtant bien rangés du côté des démocraties il y a quelques années encore, ont sombré dans la crise et l’incertitude politiques. Ailleurs, les atteintes à la démocratie se multiplient, des pays comme la Chine et la Russie affirmant de plus en plus leur volonté de poursuivre leur cheminement politique à leur rythme. Entre-temps, dans les démocraties avancées, comme le Canada et les États-Unis, les citoyens ressentent une insatisfaction grandissante à l’égard du fonctionnement de leur démocratie et choisissent de ne pas y participer. Devant toutes ces observations, il est permis de se demander si l’heure de la démocratie est révolue. Au lieu d’aboutir à la fin de l’histoire en devenant tous des démocraties libérales, serions-nous en train d’entrer dans une ère post-démocratique? 

À mon sens, la période qui s’ouvre à nous est plus caractéristique de la démocratie que celle que nous venons de quitter. Après des années d’arrogance et de suffisance démocratiques, nous commençons à nous heurter à la difficulté et à la complexité réelles d’édifier des démocraties et de les soutenir par la suite. Au lendemain de la guerre froide est apparue une nouvelle sagesse conventionnelle voulant que la démocratie soit plus ou moins inévitable et que, une fois établie, elle puisse fonctionner en mode automatique. Voilà qui explique le zèle missionnaire avec lequel on a défendu la démocratie à l’étranger et l’indifférence générale avec laquelle elle a été réformée chez nous. Nous commençons à peine à constater à quel point cette supposée troisième vague de la démocratie était stupide et faisait fi des enseignements de l’histoire. Loin de se renouveler d’elle-même, la démocratie est et sera toujours un combat. 

Il est temps d’admettre que les miracles démocratiques soudains n’existent pas. Certes, l’histoire de la démocratie a connu des jours glorieux, comme au moment du pouvoir populaire aux Philippines et de la révolution orange en Ukraine. Mais nous savons aujourd’hui que de tels événements sont toujours suivis de lendemains douloureux, marqués de conflits, de compromis et de progrès entremêlés d’échecs. Inévitablement, les gens se demandent, tôt ou tard, si les résultats justifient le combat mené. Certains, las des efforts consentis, optent pour les certitudes apparentes mais profondément trompeuses de l’autoritarisme. Et puis, alors que le peuple semble renoncer à la démocratie, il arrive qu’on assiste à un retour en force, comme les Vénézuéliens l’ont fait récemment en refusant de donner carte blanche à leur président. 

Le bilan canadien 

Notre première tâche consiste à dissiper le mythe voulant que le Canada fasse peu et même rien du tout pour soutenir la démocratie à l’étranger. Le pays compte beaucoup de réalisations à son actif, et ce, depuis près d’une vingtaine d’années. Aussi étonnant soit-il, de nombreux Canadiens croient ce mythe, ce qui donne à penser que le travail d’éducation des concitoyens et des dirigeants politiques du pays a été mal accompli. 

Selon le diagramme de la page suivante, l’Agence canadienne de développement international (ACDI) a, pendant l’exercice 2004-2005, consacré quelque 341 millions de dollars au développement et à la gouvernance démocratiques. Toutefois, au dire même du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes, une mise en garde s’impose à l’égard de cette somme, en raison de problèmes de définition et autres. Quoi qu’il en soit, il ne fait aucun doute que le Canada finance aujourd’hui cet effort à hauteur de plusieurs dizaines et même de plusieurs centaines de millions de dollars. 

Toujours selon le diagramme, d’autres organismes fédéraux y consacrent environ 18 millions de dollars. Quant aux acteurs qui acheminent l’aide, le triangle de gauche les regroupe en trois catégories. En haut se trouve l’ACDI, au milieu figurent le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international plus six « organismes indépendants » qui constituent le Conseil pour la démocratie, soit le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique (CIDPDD), le Centre de recherches pour le développement international (CRDI), Élections Canada, le Centre parlementaire, le Forum des fédérations et l’Institut national de la magistrature (INM). Nous n’allons pas décrire chacun d’eux en détail. Qu’il suffise de dire que la liste comprend des organismes indépendants qui sont établis et financés entièrement par le gouvernement canadien ainsi que d’autres instaurés avec l’aide des organes parlementaire et judiciaire du gouvernement canadien. 

Au bas du diagramme se trouvent les nombreux partenaires non gouvernementaux, allant d’associations nationales variées (p. ex., la Fédération canadienne des municipalités), des organisations non gouvernementales (p. ex., l’Association du Barreau canadien) et des universités canadiennes regroupées au sein de l’Association des universités et collèges du Canada (AUCC). Le Comité le dit d’ailleurs dans son rapport intitulé Renforcer le rôle du Canada dans le soutien international au développement démocratique : « Interviennent dans la contribution du Canada au développement démocratique à l’échelle internationale des dizaines d’organismes et des centaines, voire des milliers de Canadiens qui travaillent pour des ministères d’État, des ONG et des institutions internationales. » La mention des « institutions internationales » soulève un point intéressant. De nombreux Canadiens ont fait du développement démocratique pour le compte d’organismes non canadiens comme le National Democratic Institute aux États-Unis ou des organisations multilatérales comme les Nations Unies, l’OEA et bien d’autres. Certains Canadiens, dont moi-même, y voient une très bonne chose, une manifestation de l’internationalisme de leurs compatriotes, tandis que d’autres trouvent presque scandaleux que leurs concitoyens intéressés par ce travail n’aient pas tous la chance d’être employés par un organisme canadien. 

Le Canada et les Canadiens œuvrent aujourd’hui généreusement en faveur de la démocratie, mais ce n’a pas toujours été le cas. Le Canada a pris un peu plus de temps que les États-Unis à faire sienne cette cause et à l’intégrer au cœur de sa politique de relations étrangères et de développement. Les raisons étaient nombreuses, mais elles se ramenaient à la crainte que de tels programmes puissent donner une impression d’ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, un point hautement sensible au Canada. Pendant que l’intérêt pour l’aide à la démocratie s’intensifiait aux États-Unis et, à un degré moindre, en Europe dans les années 1970 et 1980, le gouvernement canadien était confronté à la montée d’un mouvement indépendantiste puissant au Québec. Lors d’une visite officielle au Canada dans le contexte des célébrations du centenaire en 1967, le président de la France s’est exclamé devant une foule de milliers de personnes : « Vive le Québec, vive le Québec libre! » Le gouvernement canadien s’est indigné de cette immixtion dans cet enjeu des plus délicat et le président de la France est rentré chez lui en hâte. Étant lui-même très sensible aux ingérences, le Canada a tenu à éviter d’offenser les susceptibilités des autres pays, surtout les pays en développement qui s’efforçaient d’affirmer leur identité d’État après l’indépendance. 

Vers la fin des années 1980, toutefois, le gouvernement canadien s’est senti prêt à franchir un premier pas d’essai pour soutenir la démocratie à l’étranger et a créé, à cette fin, un petit organisme indépendant appelé Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, devenu aujourd’hui Droits et démocratie. Au début des années 1990, l’ACDI avait commencé à établir ses propres programmes pour financer des projets de défense des droits de la personne, de bonne gouvernance et de développement démocratique. Cette orientation reposait sur la preuve de plus en plus évidente que le bon gouvernement constituait une condition préalable au développement économique et social et qu’une reddition de comptes démocratique faisait partie intégrante du bon gouvernement. Une fois sur ses rails, l’appui du Canada à la démocratie n’a cessé de grandir, comme en fait foi le diagramme fourni par le Comité des affaires étrangères. Les programmes entrepris par les organisations gouvernementales, indépendantes et non gouvernementales étaient semblables, à bien des égards, à ceux des autres pays donateurs, à une exception près. Le Canada a continué d’éviter la sphère du développement des partis politiques, à ses yeux la plus délicate et la plus risquée du développement démocratique. Autrement, il appuie le travail de développement parlementaire et électoral, l’administration publique et locale, la primauté du droit et la formation judiciaire, pour ne nommer que quelques-uns des secteurs où il a concentré son aide. 

L’approche canadienne 

Dans leur appui à la démocratie dans le monde, certains pays se présentent comme des modèles à suivre et s’expriment comme s’ils étaient des démocrates de la première heure, ce à quoi le Canada ne peut pas prétendre. Au moment de sa fondation en 1867, il avait mis en place un système de « gouvernement responsable » qui contenait les germes de la démocratie mais était loin d’être une démocratie à part entière. Le droit de vote était accordé seulement aux hommes de race blanche et propriétaires de biens et les élections se tenaient à main levée lors de séances publiques. À l’époque, les votes revêtaient souvent un caractère commercial entre acheteurs et vendeurs consentants. L’aphorisme « Un politicien honnête est celui qui, une fois acheté, demeure acheté » est tout à fait pertinent au Canada du XIXe siècle.  

Le premier premier ministre du pays, sir John A. MacDonald, était passé maître dans cette facette sombre de la politique. Néanmoins, sans son talent et son approche « pratique » de la politique, il n’y aurait peut-être pas eu de Canada. Ce qui motivait John A. MacDonald, c’était sa crainte des États-Unis et de sa démocratie, qu’il jugeait excessive. Rien d’étonnant alors à ce que le Canada n’épouse la cause de la démocratie que graduellement et avec une certaine réticence. Dans le cas des femmes, il a fallu une cinquantaine d’années après la Confédération pour qu’elles acquièrent leurs droits civils et politiques en dépit de puissants intérêts bien établis et des attitudes et valeurs de l’époque. Une autre trentaine d’années s’est écoulée avant que tous les Canadiens adultes obtiennent le droit de vote sans égard à la race ou à la couleur. 

Ce bref historique de la démocratie canadienne nous rappelle qu’aucune démocratie établie ne l’était au départ ni ne l’est devenue du jour au lendemain, et qu’aucune n’a atteint la perfection ou pourrait y aspirer pour bientôt. Ce constat empreint d’humilité façonne l’approche canadienne du soutien à la démocratie à l’étranger. Cette approche n’est peut-être pas unique, mais elle est typiquement canadienne. Trois aspects en ressortent, en particulier. 

Nous ne cachons ni nos réussites ni nos échecs. Comme nous l’avons souligné, les Canadiens se sont initiés graduellement à l’exercice de la démocratie et, parfois, un peu à contrecœur. Il n’y a donc pas eu de conversion subite. Les Canadiens souscrivent, dans l’ensemble, à cette maxime de Churchill : « La démocratie est le pire système de gouvernement, à l’exception de tous les autres qui ont été essayés. » Ils sont douloureusement conscients du manque de dignité et du fouillis qui se rattachent souvent à la démocratie, notamment aux délibérations de la Chambre des communes. Ils sont très fiers de leurs institutions démocratiques, mais déplorent souvent leur fonctionnement. Ceux qui s’engagent dans des programmes d’aide à la démocratie à l’étranger ne manquent pas, d’habitude, de décrire les points forts et les points faibles des institutions et des pratiques canadiennes. Ainsi, la démocratie parlementaire et l’évolution du régime de partis politiques ont donné, dans l’ensemble, un bon gouvernement aux Canadiens, mais bon nombre d’entre eux détestent l’esprit partisan extrême qui le caractérise. 

Les étrangers qui viennent étudier nos institutions chez nous apprécient qu’on leur donne l’heure juste, soit les bonnes comme les moins bonnes nouvelles. Le président d’une assemblée provinciale sud-africaine a bien résumé l’utilité de sa visite d’étude du Parlement canadien. « Je vous remercie beaucoup. J’ai une bien meilleure idée de ce qu’il ne faudra pas faire chez moi, en Afrique du Sud. » Le point sérieux à retenir, c’est que toutes les institutions et pratiques démocratiques ont des points forts et des points faibles. Chacune fonctionne mieux que les autres à un certain endroit et dans certaines conditions. Aux yeux de nos partenaires étrangers, la valeur de l’expérience canadienne est grandement bonifiée par une évaluation honnête du fonctionnement de ses institutions et pratiques démocratiques ainsi que du lent et difficile cheminement qui a mené graduellement à leur adoption. Ainsi communiquée, l’expérience canadienne peut véritablement aider les autres à découvrir ce qui leur convient chez eux. Le soutien à la démocratie prend alors tout son sens. 

Nous privilégions la dimension pratique et technique davantage que l’inspiration. Les Canadiens connaissent les deux ingrédients essentiels de la démocratie : les croyances et les valeurs, d’une part, et les institutions et les pratiques, d’autre part. Ils savent aussi qu’un ingrédient est incomplet sans l’autre et risque d’échouer. Il est également vrai que les Canadiens ne sont pas à l’aise de prêcher la partie « valeurs et croyances » de l’équation, préférant, de loin, se concentrer sur la discussion des aspects pratiques et techniques. Cet état de choses découle de la conviction que les valeurs démocratiques doivent germer dans la terre locale, tandis que le savoir-faire peut facilement être communiqué et appris. La conséquence concrète de cette attitude est qu’on évite de recourir à des gens en misant sur leurs antécédents politiques ou idéologiques, et qu’on préfère des personnes pouvant partager leur expérience pratique. Le Centre parlementaire que je dirige a constaté que les échanges entre pairs constituent le moyen le plus utile d’apprendre, parce qu’en démocratie, l’expérience représente souvent la seule méthode d’apprentissage. Nous avons compris que les parlementaires, pragmatistes au plus haut degré, accueillent l’avis des experts occidentaux avec une dose  considérable de scepticisme. Ils préfèrent échanger avec des collègues parlementaires du monde entier qui évoluent dans l’arène politique depuis longtemps. En général, les Canadiens se gardent bien de se présenter comme des apôtres du développement démocratique, parce que cette attitude ne fait que susciter le ressentiment de leurs partenaires. 

Nous croyons que la démocratie est importante, mais qu’elle ne constitue pas la seule clé du royaume. Les Canadiens reconnaissent que le bon gouvernement représente un élément essentiel du progrès économique et social et que la démocratie fait partie intégrante du bon gouvernement, mais que ce n’est pas tout. La constitution canadienne voit dans la « paix, l’ordre et le bon gouvernement » les pierres angulaires de la nation. Il s’agit là d’un credo très conservateur et pragmatique, si on le compare à la trinité inspirante de « la vie, la liberté et la quête du bonheur » qu’on peut lire dans la Déclaration d’indépendance des États-Unis. Lorsqu’ils apportent un soutien à l’étranger, les Canadiens voient la démocratie comme un ingrédient parmi d’autres dans la recette complexe du développement humain. Nous sommes conscients qu’un peuple ne peut pas manger de démocratie, mais que la démocratie peut lui donner les moyens d’améliorer sa condition économique. Nous estimons que la transition vers la démocratie se fait en parallèle avec d’autres transitions entre pauvreté et prospérité et entre guerre et paix. Cette vision polyvalente et complexe de la démocratie ne se prête pas à des slogans accrocheurs qui, de toute façon, seraient démodés. 

Nouvel accent du Canada sur l’aide à la démocratie 

Tout compte fait, on peut qualifier l’approche canadienne du soutien à la démocratie de concrète et d’axée sur une aide utile à ceux qui s’efforcent de développer leur démocratie. Mais, justement, dans quelle mesure cette aide est-elle utile? Quel impact a-t-elle véritablement? Ces mêmes questions reviennent dans tous les pays qui font la promotion de la démocratie en dehors de leurs frontières, y compris au Canada. 

Depuis la fin des années 1980, le gouvernement du Canada ne cesse d’accroître les fonds qu’il verse aux programmes internationaux qui soutiennent la démocratie, le bon gouvernement et les droits de la personne. Cette politique a amené un nombre important d’organismes canadiens à mieux s’outiller pour offrir des programmes axés sur le renforcement de divers aspects de la gouvernance démocratique. En 2007, le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes a effectué le premier examen approfondi de ce travail et, en juillet 2007, il a rendu public un rapport intitulé Renforcer le rôle du Canada dans le soutien international au développement démocratique

Au cours de son enquête, le Comité s’est attardé aux moyens et aux avantages comparatifs potentiels dont dispose le Canada pour faire la promotion du développement démocratique. Il a constaté que les atouts du pays se situent notamment dans les domaines des élections, du renforcement parlementaire, de la réforme de la magistrature, de la formation de la police, des activités anti-corruption et de la gouvernance locale. Il a, par contre, souligné une lacune, à savoir « l’impact et la visibilité d’ensemble ». Il a trouvé que l’aide canadienne était éparpillée à plusieurs endroits et passait souvent presque inaperçue, ce qui l’a amené à conclure que « le Canada n’en fait toujours pas suffisamment à cet égard ». 

Voilà pourquoi le Comité a formulé une série de recommandations visant à renforcer la politique et la capacité du Canada en matière de soutien à l’étranger. Ce faisant, il a prévenu qu’il ne suffisait pas de saupoudrer plus « de ressources sur une multitude de petites organisations pour faire du Canada un “intervenant sérieux” » au chapitre du développement démocratique international. Le Comité a recommandé la création de nouvelles institutions pour porter le soutien canadien de la démocratie à un niveau plus élevé. Il a notamment préconisé la mise sur pied d’une fondation pour la démocratie par le gouvernement et d’un centre pour la démocratie multipartite et parlementaire doté d’un mandat du Parlement. Cette dernière recommandation avait pour but d’amener les parlementaires de tous les partis à doter le Canada d’une capacité de développement des partis politiques, aspect du développement démocratique qui, jusqu’à présent, a suscité peu d’enthousiasme au Canada.  

En novembre 2007, le gouvernement du Canada a rendu publique sa réponse au rapport du Comité. Intitulée Nouvel accent sur l’aide à la démocratie, celle-ci souscrit à la recommandation générale du Comité voulant que l’aide à la démocratie devienne une priorité internationale de premier plan et qu’à cette fin, il faut améliorer la politique et les programmes aux chapitres des connaissances, de la coordination entre les organisations, de l’évaluation et de la communication des résultats ainsi que du renforcement de la capacité institutionnelle. Mais, surtout, le gouvernement indique dans sa réponse qu’il maintiendra son approche d’investissement dans le vaste secteur du développement démocratique et qu’il « se concentrera davantage sur l’aide à la démocratie à titre de secteur distinct de ses politiques et de ses programmes ». Par « aide à la démocratie », on entend des programmes conçus pour renforcer « les processus démocratiques qui donnent aux citoyens une plus grande voix au chapitre des décisions qui affectent leur vie, avec un accent sur les élections, les parlements, les médias indépendants, les partis politiques et la société civile ». 

Quant aux recommandations du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international qui invitent le gouvernement à créer de nouvelles institutions, le gouvernement a annoncé en guise de réponse qu’un groupe d’experts se verra confier le soin d’évaluer la capacité des organisations canadiennes existantes « à offrir une aide à la démocratie qui soit efficace, de haute qualité et adaptée ». L’étude évaluera les capacités des organisations canadiennes en ce qui concerne leur rôle et leurs créneaux et elles « présentera des stratégies pour renforcer les capacités des organisations existantes et déterminera comment améliorer les résultats du Canada ». Dans ce contexte, le groupe sera invité à réfléchir au besoin de créer de nouvelles institutions. 

Conclusion 

La toile de fond du présent article repose sur la conviction qu’il faut acquérir une compréhension plus réaliste et plus honnête de la nature de la démocratie et, par conséquent, des moyens de soutenir celle-ci. La première génération de programmes d’aide à la démocratie a été caractérisée par des approches et des techniques basées sur des formules et des idéologies. Les pays donateurs ont eu beau le nier, ils se sont comportés comme si la démocratie constituait un autre produit d’exportation dans le commerce mondial des idées. Nous sommes aujourd’hui confrontés aux réalités beaucoup plus difficiles des transitions vers la démocratie. J’ai l’impression que le pragmatisme du Canada en matière de démocratie est tout indiqué pour jouer un rôle de leadership dans la nouvelle ère de l’aide dans ce domaine. 


Canadian Parliamentary Review Cover
Vol 31 no 1
2008






Dernière mise à jour : 2020-09-14