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Gordon Campbell; Chris Gregoire
L'Initiative relative aux voyages dans l'hémisphère occidental (IVHO),
adoptée en 2004, est une loi américaine exigeant que toute personne qui
entre ou retourne aux États-Unis présente un passeport valide ou une autre
pièce d'identité sûre. L'article donne un aperçu des mesures prises par
la province de la Colombie-Britannique et l'État de Washington pour appliquer
l'IVHO, notamment l'adoption d'un permis de conduire amélioré, spécialement
conçu pour faciliter le commerce et les relations entre leurs territoires
voisins.
Les États-Unis et le Canada sont alliés et amis depuis longtemps. Nous
avons en commun des liens sociaux et culturels, des voies de communication,
des références culturelles et des écosystèmes. Nos pays se sont développés
côte à côte, en suivant des voies semblables, mais propres à chacun : deux
expériences de démocratie et de développement, uniques au monde.
Les ressemblances entre la puissance et l'influence relatives des gouvernements
de Washington et de Colombie- Britannique nous donnent l'occasion de développer
des relations uniques lorsque nous avons l'intelligence d'en profiter.
En effet, les relations entre nous n'ont jamais été aussi fortes.
La Colombie-Britannique et le Washington réunis ont une population de 10 millions
d'habitants, un PIB de presque 450 milliards de dollars et un commerce
bilatéral de quelque 10 milliards. Nous avons aussi tissé des liens d'amitié
et de parenté : nos habitants franchissent régulièrement la frontière par
plaisir ou pour affaires.
Nos gouvernements ont intensifié cette relation étroite. Depuis 2005, l'État
de Washington et la Colombie-Britannique s'emploient à créer un réseau
structuré de partenariats transfrontaliers qui est peut-être le plus efficace
en Amérique du Nord. Il s'agit d'un réseau tant multilatéral que bilatéral
dont les partenaires sont situés de part et d'autre de la frontière.
Ces relations nous aident à mieux cerner et résoudre nos préoccupations
mutuelles ainsi qu'à profiter d'occasions communes.
La Colombie-Britannique et l'État de Washington sont tous deux d'ardents
partisans et protagonistes de la Pacific NorthWest Economic Region (PNWER).
Ce partenariat public-privé, binational et multilatéral réunit des législateurs,
des dirigeants du secteur privé et des collectivités de la région pour
discuter des façons d'aborder ensemble nos priorités communes frontières
ouvertes et sûres, développement économique, énergie, environnement, commerce,
etc. L'Alberta, le Yukon, et les États de l'Alaska, de l'Idaho, du Montana
et de l'Oregon font aussi partie de cet organisme.
L'édition 2008 du sommet annuel de la PNWER aura lieu à Vancouver du 20
au 24 juillet. En plus de servir de vitrine à la Colombie-Britannique,
le sommet mettra l'accent sur les priorités internationales des gouvernements
de la région du Nord-Ouest du Pacifique. On y traitera notamment des moyens
de renforcer la sécurité à la frontière canado-américaine, tout en facilitant
le commerce et les déplacements transfrontaliers légitimes; des problèmes
de mobilité transfrontalière de la main-d'uvre qui sont liés au vieillissement
des travailleurs; du rôle de la région comme porte d'entrée vers l'Asie-Pacifique,
non seulement pour l'Amérique du Nord, mais aussi pour l'Europe occidentale;
de la nécessité d'agir face aux changements climatiques, car ceux-ci et
les émissions de gaz à effet de serre font fi des frontières.
Dans le cadre de la PNWER, l'État de Washington et la Colombie-Britannique
ont poursuivi leurs objectifs prioritaires avec succès et obtenu des résultats
débouchant sur des actions qui ont dépassé les frontières, créé des partenariats
et inspiré des programmes nationaux en particulier pour que les frontières
soient sûres, mais ouvertes aux activités commerciales et aux déplacements
légitimes.
L'État de Washington et la Colombie-Britannique ont aussi établi un important
partenariat bilatéral grâce à des dialogues de haut niveau entre la gouverneure
et le premier ministre et leurs principaux ministres. Au cours des deux
dernières années, nos gouvernements ont conclu divers accords, pour collaborer
à la lutte contre les changements climatiques et à la conservation de l'océan
Pacifique, plafonner et réduire sensiblement les émissions de gaz à effet
de serre, et collaborer à la création et à la mise en place de technologies
propres. Nous avons amélioré le service ferroviaire passagers entre Vancouver
(Washington) et Vancouver (Colombie- Britannique), nous coopérons sur les
questions de sécurité frontalière et de transport transfrontalier et nous
nous employons à améliorer la commercialisation et les infrastructures
des programmes NEXUS et FAST à la frontière.
Nous avons conçu, mis au point et instauré conjointement des permis de
conduire améliorés, qui ont été lancés officiellement par nos deux gouvernements
durant la semaine du 21 janvier 2008 et qui peuvent remplacer le passeport
comme pièce d'identité valide aux postes frontaliers maritimes ou terrestres.
Le projet de permis de conduire améliorés ne constitue pas seulement une
réponse innovatrice à un changement de politique fédérale important et
potentiellement dommageable. Il illustre aussi le genre d'interventions
que des gouvernements infranationaux peuvent réaliser pour susciter un
programme national, par la collaboration bilatérale et multilatérale et
des initiatives de sensibilisation.
L'évolution de notre frontière internationale est à l'origine de ce projet,
conçu lors d'un forum bilatéral transfrontalier, et proposé et défendu
par un partenariat transfrontalier. Les citoyens en profiteront, grâce
à une efficacité et une efficience accrues des contrôles à la frontière.
Depuis janvier 2008, pour satisfaire aux exigences du département de la
Sécurité et du département d'État des États-Unis, tous les citoyens américains
et les ressortissants étrangers doivent présenter un passeport ou d'autres
pièces indiquant leur identité et leur citoyenneté à leur entrée aux États-Unis
par voie maritime ou terrestre. L'IVHO constitue le moyen conçu par l'Administration
pour remplir ce mandat.
L'impact potentiel de l'IVHO est important. Récemment encore, pour franchir
la frontière par voie terrestre, le voyageur n'avait qu'à déclarer oralement
sa citoyenneté. Depuis le 11 septembre 2001, on a resserré les mesures
de contrôle à la frontière, ce qui a nui au tourisme et aux voyages spontanés
et rendu la frontière trop imperméable, ce qui risque de freiner le commerce,
le développement et la croissance des économies régionales.
Il n'y aurait que 23 p. 100 de détenteurs de passeport aux États-Unis et
peut-être 55 p. 100 au Canada. Le tourisme et les déplacements transfrontaliers
avaient déjà chuté avec l'incertitude à propos du passeport. Compte tenu
des liens culturels, commerciaux et touristiques de longue date entre l'État
de Washington et la Colombie-Britannique, nous avons constaté qu'il fallait
créer une carte pour franchir la frontière qui réponde aux normes fédérales
de sécurité prévues par l'IVHO, mais qui serait plus économique pour les
familles qu'un passeport. Nous étions d'avis qu'il était particulièrement
important de le faire avec la tenue prochaine des Jeux mondiaux des policiers
et pompiers de 2009, dans l'État de Washington, et des Jeux olympiques
et paralympiques d'hiver de 2010, à Vancouver.
Le poste frontalier Peace Arch, entre Surrey (Colombie-Britannique) et
Blaine (Washington), est un des postes frontaliers canado-américains les
plus achalandés. Plus de 32 000 véhicules franchissent la frontière Colombie-Britannique-Washington
quotidiennement, et plus de 1,3 million de camions franchissent celle entre
la Colombie-Britannique et les É. U. chaque année. Et, selon un sondage
récent, les camionneurs de la Colombie-Britannique et du Washington estiment
que la congestion à la frontière coûte 60 millions de dollars par année
aux opérateurs.
En octobre 2005, la Colombie-Britannique et l'État de Washington ont signé
un protocole d'entente afin de faciliter le commerce et de renforcer les
liens entre les deux territoires. Les deux gouvernements s'y engagent à
collaborer à la réalisation de leurs objectifs communs dans divers domaines :
commerce, Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2010, environnement,
tourisme, technologie, éducation et transports. Le protocole indique également
notre intention de nous réunir régulièrement pour discuter des enjeux d'importance
mutuelle.
La première réunion a eu lieu en juin 2006 : la Colombie-Britannique et
l'État de Washington ont alors tenu leur premier dialogue de haut niveau,
une réunion d'une journée à laquelle participaient le premier ministre,
la gouverneure et leurs cabinets respectifs. Une lettre y a été cosignée,
dans laquelle nous exprimons au président George W. Bush et au premier
ministre Stephen Harper nos inquiétudes au sujet de l'impact de l'IVHO
sur le tourisme transfrontalier.
Nous avons indiqué clairement que, tout en convenant de la nécessité de
protéger notre frontière contre les menaces, la Colombie-Britannique et
l'État de Washington étaient tributaires de la libre circulation des marchandises
et des personnes, et que l'incertitude au sujet des passeports avait déjà
eu un effet négatif sur le tourisme transfrontalier. Nous avons fait valoir
qu'il y avait des façons plus efficaces d'assurer notre sécurité et invité
les deux gouvernements fédéraux à examiner ces options avec nous.
Dès ce premier dialogue, la Colombie-Britannique et l'État de Washington
ont travaillé de concert sur divers dossiers pour que la frontière soit
à la fois sûre et ouverte au commerce et aux déplacements légitimes. C'est
à cette occasion que la création du permis de conduire amélioré a été proposée
à titre de projet conjoint en réaction aux répercussions éventuelles de
l'IVHO.
L'Initiative précise que les citoyens des États-Unis, du Canada, du Mexique
et des Bermudes doivent être munis d'un passeport « ou d'un autre document
sûr » pour franchir la frontière. La plupart des habitants du Washington
et de la Colombie-Britannique ayant un permis de conduire valide, notre
but consistait à trouver une façon de le rendre plus sûr afin qu'il puisse
servir aussi de pièce d'identité à la frontière.
Depuis ce premier dialogue de haut niveau, tenu à Vancouver en 2006, et
le deuxième, organisé à Seattle en 2007, la Colombie-Britannique et l'État
de Washington ont collaboré à la mise sur pied de leurs programmes respectifs.
Nous avons comparé les dispositifs de sécurité des permis de conduire du
Washington et de la Colombie-Britannique et découvert que nous avions tous
les deux adopté les normes de sécurité de l'American Association of Motor
Vehicles Administrators pour les règles de délivrance, les dispositifs
de sécurité et l'aspect de nos cartes ainsi que le matériel utilisé pour
leur fabrication.
Ensemble, nous avons créé des permis de conduire améliorés pour que les
déplacements de nos citoyens entre nos deux territoires demeurent sécuritaires,
rapides et commodes.
La participation à ce programme est facultative. Ceux qui veulent obtenir
le permis de conduire amélioré n'ont qu'à présenter des documents confirmant
leur citoyenneté, leur lieu de résidence et leur identité au service chargé
de délivrer les permis. Chaque permis contient une puce d'identification
par radio-fréquence (IRF). L'IRF est une technologie sans fil qui extrait
des données à distance.
Cette solution technologique permet aux agents de la U.S. Customs and Border
Protection Agency de faire un balayage électronique des permis de conduire
et des cartes d'identité des citoyens de l'État de Washington ou de la
Colombie- Britannique à leur entrée aux États-Unis depuis le Canada. Cela
permet également aux agents de faire un balayage des données exploitables
par une machine et de vérifier instantanément l'authenticité et la validité
de la carte.
Nos deux gouvernements ont aussi collaboré, par le truchement d'organismes
comme la PNWER, afin de promouvoir, auprès des gouvernements fédéraux des
États-Unis et du Canada, la mise au point et l'approbation du permis de
conduire amélioré.
En juillet 2006, à Edmonton, ont notamment participé au sommet de la PNWER
le secrétaire de la Sécurité intérieure, Michael Chertoff, et le ministre
canadien de la Sécurité publique, Stockwell Day. Les enjeux frontaliers
et l'impact de l'IVHO ont fait l'objet d'une discussion franche, et le
permis de conduire amélioré a été proposé comme solution possible. Chaque
représentant fédéral est retourné dans sa capitale avec des messages clairs :
les gouvernements devaient agir en prévision des répercussions de l'IVHO,
les membres de la PNWER les pressaient d'agir, et deux gouvernements
la Colombie-Britannique et l'État de Washington allaient de l'avant avec
un projet pilote.
En novembre de la même année, à la réunion d'hiver de la PNWER, nous avons
continué à tenter de sensibiliser les diplomates et les fonctionnaires
fédéraux américains. À l'hiver de 2007, alors que les leaders de la PNWER
visitaient les capitales des provinces et des États ainsi que les capitales
fédérales, nous en avons aussi profité pour exhorter de nouveau les gouvernements
des États à nous appuyer et les gouvernements fédéraux à approuver notre
projet et à agir.
En mars 2007, l'État de Washington a signé une entente avec le département
de la Sécurité intérieure des États-Unis pour lancer un projet d'utilisation
d'un permis de conduire amélioré sur son territoire. La signature de cet
accord a constitué un moment décisif dans les efforts pour faire approuver
le permis de conduire amélioré comme solution possible à la congestion
frontalière. C'était un signal clair que ce permis était plus qu'un concept
ou un souhait : c'était désormais un élément valable d'une nouvelle approche
souple à la gestion efficace de la frontière.
En juillet 2007, au sommet annuel de la PNWER, les questions frontalières
étaient encore une priorité. L'État de Washington et la Colombie-Britannique
ont profité de cette tribune pour réclamer d'autres mesures dans le dossier
des permis de conduire améliorés et une approche de la gestion de la frontière
qui soit plus souple et axée sur les besoins des citoyens.
En janvier 2008, nos deux gouvernements ont donné le coup d'envoi aux premiers
programmes de permis de conduire améliorés (PCA) en Amérique du Nord, et
la réponse du public a été très forte. À peine 48 heures après son lancement,
le projet pilote de la Colombie-Britannique comptait déjà trop de participants,
et l'État de Washington avait reçu quelque 4 000 inscriptions et délivré
400 PCA environ une semaine après l'annonce de son programme.
Cette forte réaction en a peut-être surpris certains, même si l'État de
Washington et la Colombie-Britannique avaient prévu que le permis serait
bien accueilli par un public largement habitué à considérer la frontière
comme une simple formalité.
Toutefois, ce permis de conduire n'a pas séduit que la Colombie-Britannique
et l'État de Washington. Au Canada, l'Ontario, le Québec, le Yukon et le
Manitoba ont déjà commencé à mettre au point leurs propres permis. Aux
États-Unis, l'Arizona, le Vermont et le New York ont signé des ententes
semblables à celles de l'État de Washington avec le département de la Sécurité
intérieure.
Cette idée, issue d'une réunion transfrontalière bilatérale, défendue et
développée grâce aux efforts d'un organisme transfrontalier bilatéral et
multilatéral, s'est répandue et a donné lieu à un programme dans deux pays
et suscité des mesures nationales. Par ailleurs, elle s'inspirait d'un
besoin fondamental de nos citoyens : la frontière ne doit pas être une
barrière épaisse et imperméable qui nous sépare les uns des autres, qui
nous complique la vie et nos moyens d'existence; elle doit plutôt constituer
un outil efficace qui tienne compte de nos préoccupations communes en matière
de sécurité, réponde aux besoins de la population et facilite les voyages
et le commerce légitimes.
Des programmes comme celui du permis de conduire amélioré et d'autres initiatives
transfrontalières nous permettent de bâtir un meilleur avenir pour les
familles de l'État de Washington et de la province de la Colombie-Britannique,
mais aussi d'en faire profiter d'autres premiers ministres et gouverneurs
qui pourront décider, eux aussi, de faire de leur territoire un endroit
où il fait vraiment bon vivre et prendre des mesures pour que leurs citoyens
continuent de jouir des libertés auxquelles ils sont habitués.
Par ailleurs, ces programmes montrent ce que les régions frontalières peuvent
accomplir lorsqu'elles définissent leurs priorités communes et collaborent,
de part et d'autre de la ligne de démarcation, à la réalisation d'objectifs
d'importance nationale. Nous devons reconnaître la force qui est la nôtre
et la force symbolique qu'est la collaboration transfrontalière.
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