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John Hollins
LOntario est lune des trois provinces à avoir adopté une législation
prévoyant la tenue délections à date fixe. Les autres provinces sont la
Colombie-Britannique et Terre-Neuve-et-Labrador. Mais que se passe-t-il
si la date prévue par la loi coïncide avec une journée qui revêt une importance
culturelle ou religieuse pour un segment de la population? Le présent article
explique comment lOntario a abordé la situation lorsque la date définie
dans la loi, soit le 4 octobre2007, sest avérée être une journée revêtant
une importance religieuse.
Les élections à date fixe en Ontario ont dabord fait lobjet dune promesse
au cours de la campagne électorale de 2003. Le gouvernement a ensuite procédé
à ladoption de la législation en ce sens et jai alors eu la responsabilité
de ladministrer.
Le paragraphe 9.1(6) de la Loi électorale se lit comme suit :
Sil est davis quun jeudi qui serait autrement le jour du scrutin ne
convient pas à cette fin en raison de son importance culturelle ou religieuse,
le directeur général des élections choisit un autre jour conformément au
paragraphe (7) et le recommande comme jour du scrutin au lieutenant-gouverneur
en conseil, lequel peut prendre un décret en ce sens.
Le paragraphe 9.1(7) se lit comme suit :
Le jour de rechange correspond à lun des sept jours qui suivent le jeudi
qui serait autrement le jour du scrutin.
Cétait la cible ou, comme nous devions lappeler plus tard, la marge de
manuvre que lon nous donnait.
Le paragraphe 9.1(8) stipule que :
Dans le cas dune élection générale visée au paragraphe 9(2), le décret
prévu au paragraphe (6) ne doit pas être pris après le 1er août de lannée
pendant laquelle doit être tenue lélection générale.
Je vais revenir sur les trois mots que jai trouvés très importants : «
culturelle », « religieuse » et « importance ». Il sest avéré essentiel
pour nous de comprendre ces mots et de les définir.
En ce qui concerne la culture, vu labsence de définition dans la Loi électorale,
dans les autres lois provinciales ou sur les sites ministériels, nous avons
utilisé la définition de lOrganisation des Nations Unies pour léducation,
la science et la culture (UNESCO). « [L]es cultures englobent les arts et
les lettres, ainsi que les modes de vie, les systèmes de valeurs, les traditions
et les croyances ». Pour définir ce quest un groupe culturel, nous nous
en sommes remis principalement à la dernière partie de cette définition
et nous avons envisagé lorigine ethnique et le pays dorigine.
La Loi électorale ne définit pas le terme « religion ». La Loi sur les
biens-fonds des organisations religieuses de la province définit « organisation
religieuse » comme étant une association de personnes qui, entre autres,
« est organisée pour la promotion de la religion et pour la pratique du
culte, de services et de rites religieux » et « est établie de façon permanente,
à la fois du point de vue de la continuité de son existence et sur le plan
de ses croyances, pratiques et rituels religieux. Ce terme sentend notamment
de toute association de personnes qui est une uvre de bienfaisance au
sens de la loi de lOntario et qui est organisée pour la promotion et pour
la pratique du culte, des services et des rites de la foi bouddhique, chrétienne,
hindouiste, islamique, judaïque, bahaie, indienne Longhouse, sikhe, unitarienne
ou zoroastrienne, ainsi que toute subdivision ou secte de celle-ci. »
Selon la définition traditionnelle, « une religion est un système solidaire
de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées, cest-à-dire
séparées, interdites, croyances et pratiques qui unissent en une seule
communauté morale, appelée Église, ceux qui sen réclament »1.
Comme la Loi électorale ne comporte pas de définition du mot « importance »,
nous avons interprété celui-ci comme signifiant quun électeur ne peut
se rendre à un bureau de vote le jour de lélection en raison dune prescription
culturelle ou religieuse, et que, par extension, il ne peut participer
au processus électoral tel quil existe à lheure actuelle. Par extension,
cela comprendrait également le fait dêtre candidat à lélection ou de
travailler comme membre du personnel électoral, privilège dont le reste
de la collectivité jouit.
En ce qui concerne le processus, Élections Ontario a effectué un sondage
auprès dorganisations représentant des intérêts culturels ou religieux
dans lensemble de la province entre le 24 octobre et le 15 décembre 2006.
Nous avons aussi examiné le courrier que des gens nous ont fait parvenir
à titre personnel, et nous avons affiché un message sur notre site Web
pour encourager les gens à participer au sondage.
Nous avons fait parvenir ce dernier à 278 organisations. Nous avons joint
56 communautés culturelles au sein des 10 grandes communautés religieuses.
Il a été nécessaire de créer une base de données des organisations de manière
à représenter la diversité culturelle et religieuse de lOntario, et nous
avons consulté tout un éventail de personnes-ressources faisant autorité
dans le domaine. Principalement, il sagissait de représentants de Statistique
Canada et de Citoyenneté et Immigration Canada.
Pour la création de la base de données, nous avons utilisé des paramètres
qui, à notre avis, permettaient de donner à celle-ci une portée suffisamment
grande, mais pas trop, pour que ce travail ne dépasse pas le mandat du
Bureau du directeur général des élections. Nous avons consulté tout un
éventail de personnes-ressources faisant autorité dans le domaine. Le regroupement
des communautés culturelles et religieuses a offert une certitude supplémentaire
quant au fait de joindre tous les groupes visés.
Nous avons reçu 89 réponses provenant dune gamme étendue dorganismes
représentant 21 différentes communautés. Bon nombre de ces réponses étaient
celles de communautés chrétiennes, musulmanes et juives, et cela est attribuable
au fait que ces communautés observent certaines fêtes religieuses importantes
au cours de la période en question. Nous avons aussi examiné le courrier
que nous avaient envoyé des gens à titre personnel.
Nous avons expédié un sondage par la poste et nous avons affiché le questionnaire
sur notre site Web. Nous avons demandé aux gens de répondre à deux questions.
La première était la suivante :
Durant la période du 4 au 11 octobre 2007, y a-t-il une (ou plusieurs) date(s)
dimportance culturelle ou religieuse pour votre organisation et la communauté
quelle sert?
Nous avons demandé aux gens de répondre par oui ou non, et, sils répondaient
oui, de préciser. La deuxième question était la suivante :
La Loi électorale prévoit une période de onze heures consécutives pour
voter. Les heures de scrutin sont habituellement de 9 h à 20 h. La nature
particulière de cette (ou ces) date(s) revêt-elle une importance telle
que vos membres ne seraient pas en mesure daller voter au cours de ces
heures de scrutin? Le cas échéant, veuillez expliquer pourquoi.
Encore une fois, nous avons demandé aux gens de répondre par oui ou par
non, et, sils répondaient oui, de préciser.
Cest après la rédaction du rapport que les choses sont devenues intéressantes.
Jai toujours pensé que les Ontariens voteraient un jeudi; si le 4 octobre
nétait pas une bonne journée, alors on retiendrait directement le 11 octobre.
Un administrateur a tendance à avoir davance une idée de ce qui pourrait
marcher, ce qui constitue, bien entendu, une position de repli. On se surprend
à chercher une solution facile sur le plan administratif, et les choses
ne fonctionnent tout simplement pas de cette manière.
Il faut faire table rase et trouver la vraie solution. Il fallait que je
communique par écrit avec les gens pour qui la date posait problème.
Les réponses affirmatives et les précisions nétaient que le début. Une
fois que nous les avons obtenues, il fallait prendre contact avec les gens
qui en étaient à lorigine, pour mieux saisir exactement ce quils voulaient
dire et pour essayer de comprendre et mesurer limportance de leurs réponses.
Nous avons ensuite fait un pas de plus. Les réponses affirmatives nous
donnaient une opinion à considérer. Cest une chose que nous respections,
mais nous avons pensé quil était important dobtenir dautres avis au
sein des communautés dintérêt concernées, de façon à vérifier ce quon
nous avait dit. Par conséquent, nous avons communiqué avec des universitaires
de différents domaines, et nous leur avons dit : « Voici ce quon nous dit.
Voici les conséquences pour le calendrier. Quelle est votre opinion dexpert? »
Tout à coup, je me suis retrouvé à penser autrement quen fonction de telle
ou telle date. Je ne savais plus de quelle date il sagirait. Le problème
était devenu de trouver ce qui allait le mieux accommoder tout le monde.
Jai été assez surpris. La dernière date à laquelle je pensais est celle
que jai fini par recommander, et cest lensemble des renseignements que
nous avions recueillis qui ma poussé à faire ce choix.
Nous avons formulé une recommandation à lintention du lieutenant-gouverneur
en conseil et, le 7 février, il a pris un décret et adopté le 10 octobre
comme date de la prochaine élection dans notre province.
Je suis sûr que vous aimeriez que je fasse un commentaire au sujet des
élections à date fixe. Je nai jamais organisé de telles élections à léchelle
provinciale, mais je lai fait dinnombrables fois à léchelle municipale.
Comment cela sappliquera-t-il à lOntario? À léchelle provinciale, je
pense que cest différent. Je pense quon a dabord tendance à penser que
cela va coûter moins cher, que ce sera plus facile et que la participation
sera plus grande.
Cependant, je ne crois pas que toutes ces choses soient vraies. Je crois
que cela offre des occasions et que, si on les saisit, le processus va
sen trouver amélioré. Il est possible de faciliter lexercice du droit
de vote, la liste des électeurs sera plus complète, il y aura davantage
de bureaux de scrutin, puisquil y aura davantage de temps pour effectuer
une meilleure planification, et les choses vont mieux se passer le jour
du scrutin.
Est-ce que davantage de gens iront voter? Je ne crois pas que plus ou moins
de gens vont se présenter au bureau de vote parce que lélection est à
date fixe. Je dis cela parce que les municipalités ontariennes nont constaté
aucune amélioration après avoir adopté des élections à date fixe. Les États-Unis,
où les élections se tiennent à date fixe, ont probablement lun des taux
de participation les plus faibles de la planète. Je ne sais pas si la tenue
délections à date fixe constitue une solution au problème du taux de participation.
Note de la rédaction : La loi qui établit une date fixe pour les élections fédérales a reçu la sanction royale le 3 mai 2007.
Notes
1. Émile Durkheim, Les Formes élémentaires de la vie religieuse : le système
totémique en Australie, 4e éd., Paris, Presses Universitaires de France,
1960, p. 65.
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