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John Williams
Le monde développé a beau verser en aide aux pays sous-développés près
de 60 milliards de dollars américains par an, la pauvreté et le désespoir
que cette aide est censée soulager semblent perdurer. Les slogans continuent
« Éliminons la pauvreté », « Réduisons de moitié la mortalité infantile
dici 2015 », etc. , mais les progrès réels et durables sont difficiles
à discerner. Pourquoi tout cet argent semble-t-il tomber dans un puits
sans fond? Et vers qui pouvons-nous nous tourner pour augmenter lefficacité
de notre aide?
Peut-être faudrait-il nous regarder nous-mêmes et nous demander ce qui
apporte au monde développé la prospérité qui semble faire défaut ailleurs.
Un principe, quon peut résumer par un seul mot, est largement présent
dans le monde développé, mais est souvent peu présent ou absent ailleurs.
Cest la responsabilité, lidée simple que nous devons répondre de nos
faits et gestes. Nous devons respecter les règles ou accepter den payer
le prix lorsque nous les violons.
La responsabilité peut se définir comme « une force incontrôlable qui nous
pousse à penser et à agir dune certaine façon ». Dans le monde développé,
la responsabilité fait partie de la vie quotidienne. Notre rendement au
travail doit être satisfaisant pour que nous conservions notre emploi.
Nous devons payer nos factures à temps si nous voulons jouir dune bonne
cote de crédit. Nous devons respecter les feux de circulation et les limites
de vitesse pour éviter les contraventions et les points dinaptitude. Dans
chaque cas, lorsque nous violons les règles, il y a réaction de la part
de quelquun qui échappe à notre contrôle, mais qui a la capacité de nous
juger et de nous infliger une pénalité. Ce ne sont là que quelques exemples
de lécheveau de responsabilités que nous avons développé pour nous donner
une société prospère fondée sur léthique.
La responsabilité est omniprésente. Dans le secteur privé, ce sont la concurrence
et la réglementation par lÉtat qui la garantissent. Si la concurrence
échappe au contrôle du gestionnaire dentreprise, on peut affirmer quil
nen est pas toujours de même de la réglementation de lÉtat. Quand une
entreprise peut influencer la réglementation de lÉtat de manière à en
retirer un avantage particulier, comme dans le cas des appels doffres
rédigés de façon à se conformer aux caractéristiques du produit dune compagnie,
cette réglementation nest plus alors une force échappant au contrôle de
lentreprise.
Pour le gouvernement, il ny a toutefois pas de concurrence et sa réglementation
néchappe évidemment pas à son contrôle. Comment assurer alors sa responsabilité?
Dans une démocratie, le gouvernement est comptable au Parlement. Les parlementaires
sont choisis par leurs électeurs pour surveiller publiquement le gouvernement.
Au moment des élections, chaque parti politique cherche à former le gouvernement
et à obtenir une majorité au Parlement pour pouvoir mettre en uvre son
programme. Si on ajoute à cela les règles conçues pour récompenser ceux
qui appuient le gouvernement et punir ceux qui font bande à part, on voit
bien que le Parlement néchappe pas entièrement au contrôle du gouvernement.
Les parlements sont devenus des surveillants démocratiques du gouvernement
qui doivent assumer quatre fonctions précises :
-
débattre publiquement et approuver les lois conférant au gouvernement le
pouvoir de gérer la société et de fournir des services;
- débattre publiquement et approuver les textes conférant au gouvernement
le pouvoir de lever les taxes et impôts nécessaires (le budget);
- débattre publiquement et approuver les textes conférant au gouvernement
le pouvoir de consacrer les fonds publics à des services et programmes
utiles à la société (les documents budgétaires);
- veiller à ce que le gouvernement lui rende des comptes publiquement.
Lorsque le Parlement est indépendant, cest-à-dire quand il échappe au
contrôle du gouvernement, il travaille dans lintérêt de lélectorat pour
sassurer que le gouvernement exécute des programmes ciblés, allège la
fiscalité et améliore la santé de léconomie.
Tous les parlements subissent linfluence du gouvernement, mais, ce quil
faut se demander, cest dans quelle mesure. Jusquà quel point le Parlement
est-il indépendant? Dans quelle mesure lélectorat est-il bien informé
grâce à des médias libres et transparents? Les élections sont-elles justes
et équitables, de manière à tenir les parlementaires comptables de leurs
faits et gestes?
Dans le monde développé, le Parlement exerce un contrôle raisonnablement
indépendant, ouvert et transparent sur le gouvernement, doù notre prospérité.
Dans le reste du monde, il est dominé par le gouvernement les États à
parti unique offrant un exemple commun de Parlement complaisant. Les pots-de-vin
et la coercition des parlementaires sont souvent utilisés pour sassurer
que le Parlement néchappe pas au contrôle du gouvernement. Les mesures
dintimidation des parlementaires, y compris lemprisonnement et lassassinat,
garantissent lirresponsabilité du gouvernement.
Un parlement docile peut être une chose merveilleuse pour les gouvernants,
mais il engendre une société appauvrie. Lorsque les gouvernants volent
impunément les impôts nationaux, il ny a pas de responsabilité. Le Parlement
nest pas parvenu à exercer de surveillance démocratique et la société
se désagrège.
Je crois donc que laide étrangère doit viser à instiller dans le monde
en développement le concept de surveillance démocratique exercée par des
parlements fonctionnels et indépendants. Quand il est tenu responsable
de ses faits et gestes, le gouvernement écoute ses citoyens.
Personne ne vote pour la pauvreté, la mortalité infantile, lanalphabétisme,
des soins de santé insatisfaisants, des logements insalubres et des services
municipaux inexistants, mais, lorsque la corruption sévit, cest ce que
vivent les électeurs.
Quand un gouvernement na pas de comptes à rendre sur ses faits et gestes,
la corruption se développe sans frein. Les gouvernants continuent de voler
impunément les biens de lÉtat et les masses appauvries ont peu despoir
que lÉtat réponde à leurs besoins.
Laide étrangère est louable en soi, mais elle ne suffit pas. La solution
passe aussi par lamélioration de la gouvernance et de la responsabilisation
des gouvernements.
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