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Marie Bountrogianni, députée provinciale; Gary Mar, député provincial; Benoît Pelletier, député provincial
Le 30 mai 2006, le gouvernement a présenté le projet de loi S-4, qui limiterait
à 8 ans le mandat des nouveaux sénateurs, en remplacement de la disposition
actuelle, qui prévoit que les sénateurs demeurent en fonction jusquà lâge
de 75 ans. Un comité sénatorial spécial, présidé par les sénateurs Dan
Hays et David Angus, a été créé en juin suivant pour étudier le projet
de loi, de même quune motion des sénateurs Jack Austin et Lowell Murray
qui vise à accroître la représentation de lOuest canadien. Le 7 septembre,
le premier ministre Stephen Harper a témoigné devant le Comité spécial.
Cétait la première fois quun premier ministre en exercice comparaissait
devant un comité sénatorial. Par la suite, des ministres de trois provinces
sont venus présenter au Comité leur point de vue sur la réforme du Sénat :
Gary Mar, ministre des Relations internationales et intergouvernementales
de lAlberta, Marie Bountrogianni, ministre des Affaires intergouvernementales
et ministre responsable du Renouveau démocratique de lOntario, et Benoît
Pelletier, ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes
du Québec. Suivent des extraits de leur témoignage devant le Comité sénatorial.
Gary Mar Alberta (le 19 septembre 2006) : La position de lAlberta est très
claire. Depuis plus dun quart de siècle, nous appuyons la réforme du Sénat.
Au fil de ces années, de nombreux comités, rapports et documents ont été
consacrés à ce sujet. Quasiment tous sont parvenus à la même conclusion,
soit que le Sénat du Canada doit être réformé.
Les Albertains et les Albertaines veulent un sénat selon la proposition
« des trois e », cest-à-dire un sénat élu, avec une représentation égale
des provinces et des pouvoirs efficaces pour sacquitter de son mandat
historique, qui est de représenter les intérêts des provinces. Cette position
a sa source dans la recommandation du comité spécial de lAlberta sur la
réforme du Sénat. En 1985, tous les partis de lAssemblée législative de
lAlberta ont approuvé les recommandations du comité. À deux autres reprises,
en 1987 et en 2002, lAssemblée législative a avalisé les recommandations
du comité. De nos jours, les Albertains veulent et appuient encore vivement
une vaste réforme du Sénat.
En juin 1989, lAlberta a adopté une mesure importante pour favoriser la
réforme du Sénat quand le gouvernement de lAlberta a proposé le Senatorial
Selection Act. Cette loi permet à notre province de procéder à lélection
de candidats au Sénat afin que la population albertaine puisse choisir
démocratiquement ses représentants au Sénat. Jusquici, trois de ces élections
au Sénat ont eu lieu, soit en 1989, 1998 et, plus récemment, en 2004. En
vertu de la loi, ce sont les Albertains et les Albertaines qui choisissent
des candidats de toute la province, quils soient indépendants ou membres
de partis politiques provinciaux enregistrés, qui pourront les représenter
au Sénat. La liste des élus est remise au premier ministre, dans lespoir
que ces candidats seront invités à combler les sièges sénatoriaux de lAlberta
qui sont devenus vacants.
En 1990, le gouvernement fédéral conservateur du premier ministre Brian
Mulroney a nommé le premier candidat au Sénat élu par lAlberta, Stan Waters.
Les gouvernements libéraux fédéraux suivants nont nommé personne de la
liste de candidats au Sénat. Actuellement, cette liste de lAlberta comporte
quatre noms de candidats au Sénat, tous élus lors des élections tenues
le 22 novembre 2004. En dépit du fait que trois sièges de lAlberta ont
été libérés après leur élection, aucun deux na été nommé au Sénat. Au
lieu de cela, les sièges vacants ont été comblés par des non élus, le 24
mars 2005.
LAlberta est convaincue de labsolue nécessité de réformer le Sénat canadien,
et continue dappuyer une refonte constitutionnelle fondamentale pour créer
une chambre haute selon la proposition « des trois e » qui donne corps aux
trois principes clés suivants.
(L'hon. Gary
Mar)
Le premier principe est celui de la représentation égale de chaque province
au Sénat. Ce que lon oublie parfois, ou que lon ne saisit pas facilement,
cest que, dans un régime parlementaire fédéral, les fonctions de représentation
du Sénat et de la Chambre des communes sont censées être très différentes.
La Chambre des communes, fondée sur une représentation par la population,
illustre le principe démocratique. Le Sénat, fondé sur la représentation
de chaque région du pays, doit illustrer lélément fédéral. Ensemble, les
deux chambres reflètent la volonté nationale. Cette structure est voulue
ainsi pour assurer une expression appropriée de la démocratie et du fédéralisme.
Certains membres de la fédération qui possèdent de vastes populations disposent
dune majorité de représentants à la Chambre des communes et leurs intérêts
sont reflétés en conséquence. En même temps, avec une chambre haute forte
où chaque membre de la fédération est représenté également, on fait en
sorte que les intérêts des plus petits membres ne sont pas laissés pour
compte ou éclipsés par ceux de la majorité écrasante. Cette chambre haute
savère un rouage essentiel dune fédération qui fonctionne bien, particulièrement
quand elle est aussi vaste que le Canada, où les priorités, les besoins,
les objectifs et les intérêts varient largement dune province à lautre.
Un grand érudit, K.C. Wheare, a écrit :
Les États peuvent être réticents à sintégrer à une union fédérale à moins
davoir la garantie de mesures de sauvegarde, dans une chambre de lassemblée
législative, contre un écrasement par les membres de cette union qui sont
plus peuplés [...] Une représentation équitable au Sénat donne une espèce
dassurance aux plus petits États que les pouvoirs qui ont été attribués
exclusivement au gouvernement fédéral ne seront pas exercés, en règle générale,
dans lintérêt de quelques États seulement. À moins quil y règne ce sentiment
de sécurité et à moins dun mécanisme régulateur et de restrictions quune
telle deuxième chambre suppose, il pourrait être impossible de créer une
fédération ou dassurer son fonctionnement efficace.
La majorité des fédérations du globe sont dotées de chambres hautes avec
une représentation équitable pour chacune de ses éléments constituants.
Par exemple, en Australie, chaque État, quelle que soit sa population,
est représenté par six sénateurs. La Chambre haute du Mexique est composée
de trois sénateurs de chaque État.
À lépoque de la Confédération, sir John A. Macdonald a reconnu la nécessité
de légalité au Sénat du Canada. Il a dit :
Afin de protéger les intérêts locaux et dempêcher des jalousies régionales,
on a jugé nécessaire que les trois grandes divisions qui composent lAmérique
du Nord britannique soient représentées à la Chambre haute en fonction
du principe de légalité.
Bien que le concept de légalité ait été adopté, son application a malheureusement
été imparfaite : un nombre égal de sénateurs a été attribué à chaque région
du Canada plutôt quà chaque province. Peut-être cette formule était-elle
justifiable en 1867, par le fait que chaque région aurait eu des intérêts
similaires qui nécessitent dêtre protégés et représentés.
En 2006, toutefois, cette répartition ne reflète pas le caractère moderne
du Canada. Chaque province a évolué à sa manière propre, et possède des
priorités, des intérêts, des préoccupations et des buts qui lui sont uniques.
Cest pourquoi chaque province devrait avoir ses propres représentants
au Sénat.
Lidée na rien de nouveau. En 1908 déjà, le premier ministre sir Wilfrid
Laurier revendiquait la représentation égale des provinces au Sénat. Il
a déclaré :
Jinsiste pour que toutes les provinces soient représentées par un nombre
égal de sénateurs, quelles soient traitées sur un pied dégalité au Sénat
et que, grandes ou petites, elles puissent se prononcer sur les projets
de loi, non pas en fonction de la taille de leur population, mais bien
comme entité provinciale.
Si le Sénat veut traduire la véritable volonté nationale, alors le principe
dégalité qui y existe actuellement doit être élargi, de la notion archaïque
de régions à la réalité moderne des provinces.
Le deuxième principe clé de lAlberta est que les membres du Sénat du Canada
doivent être élus. Il est évident quun des principes fondamentaux de la
démocratie est que le gouvernement doit être responsable devant ses citoyens.
Ces derniers devraient pouvoir choisir leurs représentants et de leur demander
des comptes au moyen délections libres et régulières. Le Sénat actuel
ne reflète pas ces idéaux démocratiques fondamentaux.
Cette absence de fondement démocratique fait obstacle à la capacité du
Sénat de pleinement sacquitter de son mandat constitutionnel. Il ne fait
aucun doute dans mon esprit que les sénateurs de notre chambre haute actuelle
prennent très au sérieux leur rôle de réflexion pesée, mais la nature des
attentes modernes est telle que la population canadienne ne juge pas approprié
quun organe non élu puisse bloquer, modifier ou juger les objectifs de
la Chambre des communes qui, elle, est élue. Ceci met nos sénateurs, malgré
toute leur bonne volonté, dans une position ce que je qualifierais de très
frustrante.
Il est clair que labsence de fondement démocratique limite la capacité
du Sénat de sacquitter de la fonction originale de représentation que
lui assigne notre constitution. Pour la population albertaine, tout cela
plaide en faveur de lélection des sénateurs par les citoyens.
Les Albertains et les Albertaines exigent le droit délire leurs représentants,
y compris leurs sénateurs, et estiment quils devraient le pouvoir. LAlberta
a fait sa part pour trouver une solution en tenant des élections pour nommer
des candidats au Sénat, afin que ses habitants puissent choisir ceux quils
souhaitent voir les représenter à la Chambre haute. LAlberta estime que
le reste du pays devrait suivre son exemple pour faire en sorte que les
sénateurs soient élus par les résidants de la province quils représentent.
LAlberta estime aussi que les élections sénatoriales devraient se tenir
lors délections provinciales, et les candidats devraient être indépendants
ou membres dun parti politique enregistré. Cest essentiel pour que le
Sénat soit ce pour quoi il a été créé, soit un forum représentant les intérêts
provinciaux.
Deux grands enjeux se posent si les élections sénatoriales se déroulent
dans le contexte de processus électoraux fédéraux. Tout dabord, les candidats
non indépendants devraient être membres de partis politiques enregistrés
à léchelon fédéral, et y être assujettis, ce qui saperait leurs capacités
de représenter les intérêts de leur province. Deuxièmement, la composition
du Sénat risquerait de devenir le simple écho de la Chambre des communes
plutôt que dêtre un organe élu en toute indépendance, dont la composition
et la perspective sont distinctes et différentes. À mon avis, cela serait
contraire à lesprit et à lobjet du Sénat.
Actuellement, les sénateurs restent en poste jusquà lâge de 75 ans. Pour
beaucoup, cela revient à une nomination à vie, sans même avoir à faire
deffort pour faire renouveler son mandat, ni avoir à rendre des comptes
à la population. En vertu du système actuel, un sénateur pourrait être
en poste pendant jusquà 45 ans, sans même avoir à être évalué par les
citoyens quil représente. Les législateurs de la Chambre haute du Canada
devraient se soumettre à une élection à intervalles réguliers, à linstar
des membres des assemblées législatives provinciales et de la Chambre des
communes. LAlberta estime que les sénateurs devraient être élus pour un
mandat fixe et défini.
Enfin, en matière de réforme, le troisième principe clé de lAlberta est
que le Sénat doit être un organe efficace. Si le Sénat veut sacquitter
du rôle pour lequel il est créé, il doit posséder et être en mesure dexercer
des pouvoirs législatifs efficaces. Comme on la dit plus tôt, le Sénat
a été conçu pour représenter le caractère fédéral du Canada et pour être
un organe de second examen objectif.
Il est important de reconnaître, cependant, que lefficacité du Sénat dans
la réalisation de son rôle est largement tributaire de sa légitimité aux
yeux du public canadien. Constitutionnellement parlant, il ne fait aucun
doute que le Sénat jouit actuellement dun pouvoir considérable pour assumer
un rôle dans le processus de passation des lois. Il peut bloquer un projet
de loi adopté par la Chambre des communes ou y opposer son véto. En pratique,
toutefois, le Sénat ne manque quasiment jamais de ratifier les lois dont
le saisit la Chambre des communes.
Les sénateurs, je pense, reconnaissent que les Canadiens ne verraient pas
dun bon il quune chambre non élue fasse obstacle à la volonté dune
chambre élue. Un sénat élu aurait la légitimité voulue pour jouer un rôle
efficace et concret dans le processus parlementaire.
Pour terminer, conformément à la position quelle défend depuis longtemps
à légard de la réforme du Sénat, lAlberta assume les positions qui suivent
relativement aux questions quexamine le Comité sénatorial spécial sur
la réforme du Sénat.
LAlberta peut appuyer lobjectif du projet de loi S-4 de limiter le mandat
des sénateurs à seulement huit ans.
Comme on la dit plus tôt, lAlberta estime que le mandat des sénateurs,
à linstar des députés, devrait être de durée limitée pour assurer leur
responsabilisation à légard de la population canadienne.
Cependant, lAlberta estime que le projet de loi ne devrait être quun
pas dans le sens dune réforme plus approfondie de la manière dont les
sénateurs sont choisis.
Des sénateurs nommés unilatéralement par le premier ministre tous les huit
ans ne seraient pas plus démocratiques que ceux qui sont en poste jusquà
lâge de 75 ans.
Limposition dun mandat plus court, bien que le concept soit valable,
ne règle pas la question de la composition et de la structure fondamentalement
antidémocratiques du Sénat.
LAlberta nappuie pas la motion des sénateurs Murray et Austin. Cette
motion augmenterait la représentation de lAlberta au Sénat, mais, à mon
avis, elle ne ferait que perpétuer liniquité de la composition du Sénat.
LAlberta estime que, puisque lobjectif de la Chambre est de représenter
les intérêts des provinces, chaque province devrait être représentée également
au Sénat.
Le Canada nest pas une fédération de régions; cest une fédération de
provinces. De plus, la distinction archaïque des divisions du Sénat, qui
suit des frontières régionales arbitrairement tracées ne reflète plus les
réalités de notre pays moderne.
Chaque province de notre fédération a évolué et crû de sa façon bien à
elle, et chacune possède des priorités, des objectifs, des intérêts et
des défis qui lui sont propres. Cest pourquoi chaque province a besoin
dêtre également représentée au Sénat.
Aux termes de la motion Murray-Austin, les divisions régionales seraient
maintenues et les provinces qui sont plus peuplées continueraient de dominer
le Sénat, qui ne serait encore que lécho de la Chambre des communes.
Le point de vue de lAlberta na quasiment pas changé depuis un quart de
siècle. La population albertaine appuie vigoureusement la réforme du Sénat,
pour que notre chambre haute soit égale, élue et efficace.
Marie Bountrogianni Ontario (le 21 septembre 2006) : Je suis persuadée que
les membres du Comité lont déjà entendu : la réforme du Sénat est pas
une priorité pour lOntario, ni pour les 39 p. 100 de Canadiens et Canadiennes
qui vivent dans la province. Parmi toutes les questions névralgiques qui
se posent au pays, les modifications du Sénat ne devraient pas constituer
une haute priorité.
Permettez-moi danticiper une question avant que je poursuive mon allocution.
Vous pouvez demander : si lOntario déclare que la réforme du Sénat nest
pas une priorité, pourquoi une ministre a-t-elle consacré une partie de
son emploi du temps à se rendre à Ottawa pour discuter de la question?
La réponse est simple. Nous craignons vraiment que la question de la réforme
du Sénat nous mène sur des chemins inattendus et rouvre des dossiers constitutionnels
quil ne convient pas daborder de nouveau pour le moment. LOntario veut
sassurer que lattention des dirigeants du Canada se concentre sur les
bons enjeux. Nous ne pouvons permettre quon détourne notre attention sur
des discussions constitutionnelles qui risquent de traîner en longueur
sans apporter davantages réels à la population canadienne.
Nous estimons quil convient de circonscrire lobjet de notre attention.
En Ontario, nous nous sommes attachés à améliorer les résultats de notre
système déducation, de notre système de soins de santé, ainsi que des
domaines de lemploi, de linfrastructure, de léconomie et de la prospérité.
Le gouvernement fédéral actuel a aussi reçu des éloges pour son programme
ciblé. Nous aimerions inciter le gouvernement fédéral à privilégier les
priorités de la population canadienne et craignons quun débat constitutionnel
sur le Sénat soit une activité qui, en ce moment, ne serait pas très appréciée
par les Canadiens et les Canadiennes.
Débattre lavenir du Sénat écarte le gouvernement fédéral et les gouvernements
provinciaux de létude de besoins plus pressants du Canada, comme la réforme
significative de notre architecture fiscale, la consolidation de lunion
économique et linvestissement dans notre population et notre infrastructure
pour sassurer que le Canada et ses habitants restent prospères dans une
économie mondiale de plus en plus compétitive.
Une réforme constructive du Sénat nécessite un changement constitutionnel.
À lheure actuelle, lOntario nappuie pas le réexamen de la Constitution.
(L'hon. Marie Bountrogianni )
Le processus de réforme du Sénat conduit inévitablement à de nouvelles
séries de discussions constitutionnelles, ce qui, de lavis de lOntario,
ne serait pas au mieux des intérêts du Canada. Les pays du monde entier
semploient à investir dans leur population et leur infrastructure. Il
nous faut faire de même.
Le projet de loi S-4 semble peut-être constituer une petite étape, mais
le premier ministre du Canada lui-même, répondant à une question posée
par le présent comité a déclaré quil « espérait franchement » que ce processus
finirait par « forcer les provinces » à « étudier sérieusement dautres questions
de la réforme du Sénat » qui nécessitent des modifications constitutionnelles.
Le premier ministre du Canada sera peut-être en faveur dune discussion
constitutionnelle axée seulement sur le Sénat. Cependant, à mon avis, nous
savons tous et toutes que ces propositions risquent fort de nous mener
sur le chemin emprunté pendant les débats sur lAccord du lac Meech et
lEntente de Charlottetown, questions qui ont mobilisé les gouvernements
pendant plus de cinq ans aux dépens dautres questions. Ces débats constitutionnels
vont diviser la population canadienne en éprouvant énormément le pays.
Le gouvernement de lOntario ne tient pas à revivre ces expériences. Nous
incitons le gouvernement fédéral à ne pas sengager dans cette voie sans
en avoir pleinement évalué toutes les conséquences probables.
Si le gouvernement fédéral insiste pour rouvrir le débat sur la Constitution
au sujet du Sénat, la préférence de lOntario serait dabolir celui-ci.
Dans un autre ordre didées, toute réforme conçue pour faire du Sénat un
organisme démocratique plus valable nécessiterait dy remédier à la sous-représentation
de la population ontarienne. Si lon veut poursuivre la réforme du Sénat,
il faudra sattaquer à la question de la sous-représentation des citoyens
et citoyennes de lOntario. Élire des sénateurs suivant le système actuel
institutionnaliserait et exacerberait les iniquités qui seraient acceptables
pour un corps nommé faisant fonction de « chambre de réflexion », mais qui
ne le seraient clairement pas dans un organisme qui deviendrait un concurrent
démocratique éventuel de la Chambre des communes.
Dans les réformes proposées, il y aurait une chambre législative qui sapparenterait
beaucoup à la Chambre des communes, qui disposerait de pouvoirs analogues
et qui serait considérée comme démocratique et légitime tant par lélectorat
que par les sénateurs. Ce serait aussi, toutefois, un organisme où lOntario
ne disposerait que de 23 p. 100 des sièges, alors que sa population représente
39 p. 100 de celle du Canada.
Quand on créa le Sénat à lépoque de la Confédération, ce fut daprès des
principes de nomination des sénateurs, de mandat à vie et dégalité régionale,
plutôt que daprès celui de la représentation selon la population. Il est
clair que toute modification dun de ces principes constituerait un important
changement par rapport au rôle confié au Sénat celui dune chambre de
réflexion , et quelle nécessiterait une discussion nationale de grande
envergure et lassentiment du public canadien.
Une fois que le Canada aura élu les sénateurs dune manière qui sapparente
beaucoup au mode délection des députés de la Chambre des communes et que
les pouvoirs et les responsabilités des deux groupes seront analogues,
il existe un risque très réel dimpasse entre les deux chambres, en particulier
si la composition des deux diffère en matière de partis, comme nous le
voyons si souvent au Congrès des États-Unis. À lheure actuelle, le Canada
ne possède aucun mécanisme qui permette de lever les impasses. En outre,
les propositions actuelles ne traitent pas du danger que cet état de fait
présente pour lefficacité du Parlement et du gouvernement.
Nous aimerions aussi avancer que, si le gouvernement fédéral sintéresse
à une réforme parlementaire et démocratique, il devrait se pencher sur
la question de la sous-représentation, à la Chambre des communes, de la
population canadienne qui vit en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique.
Ce changement a été promis par le parti au pouvoir pendant la dernière
élection. Il sagit dune réforme qui ne nécessiterait pas de changement
constitutionnel et qui améliorerait beaucoup la représentation démocratique
au Canada. En conséquence, lOntario propose quau lieu de réformer le
Sénat, on remédie à cette sous-représentation dans la Chambre des communes,
ce qui constituerait un bien meilleur emploi de temps et dénergie.
Le gouvernement de lOntario croît que tous les Canadiens et toutes les
Canadiennes sont égaux. Nous croyons au principe « Une personne, une voix ».
Nous croyons que lensemble de la population canadienne mérite une représentation
égale à la Chambre des communes. Comme nous le savons, les habitants de
lOntario, de lAlberta et de la Colombie-Britannique sont nettement sous-représentés
à la Chambre des communes et le gouvernement fédéral a promis de soccuper
de cette question.
Les 106 circonscriptions de lOntario, à la Chambre des communes, représentent
juste 34 p. 100 des 308 sièges. Ainsi lOntario, qui compte 39 p. 100 de la
population du Canada, est loin de posséder une part équitable des places
à la Chambre des communes.
Lun des principes de la fondation de la Confédération est celui de la
représentation selon la population et dune distribution proportionnelle
des sièges à la Chambre des communes entre les provinces. Mais, en 1991,
la Commission royale fédérale sur la réforme électorale et le financement
des partis a critiqué la formule alors appliquée pour distribuer les sièges,
en déclarant que cette formule :
modifiait beaucoup le principe de la représentation proportionnelle et
ce, à un point encore jamais vu.
Depuis la publication du rapport de la Commission royale en 1991, il est
survenu deux redistributions qui ont encore réduit la part des sièges des
Communes occupés par lOntario par rapport à la proportion de sa population.
Nous nous éloignons de plus en plus du principe « Une personne, une voix ».
La population canadienne qui vit en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique
est de plus en plus sous-représentée à la Chambre des communes. Il en résulte
que les néo-Canadiens et les néo-Canadiennes, les Canadiens et Canadiennes
dont la première langue nest ni le français, ni langlais, et les minorités
visibles sont aussi sous-représentés. Je sais que le gouvernement fédéral
est au courant de la situation et lOntario lincite à sacquitter de son
engagement pris à légard de la population de lOntario, de lAlberta et
de la Colombie-Britannique. Voici une autre citation du rapport de la Commission
royale :
En défavorisant ainsi les provinces dont les populations saccroissent
plus rapidement que lensemble de la population canadienne, elle [la formule]
ne peut que créer des frictions inutiles au sein du pays.
Voici donc notre position globale sur la réforme du Sénat : ce nest une
priorité ni pour lOntario, ni pour sa population. Cela conduit à une réforme
constitutionnelle qui nest pas dans lintérêt du pays. Labolition est
préférable à de tortueuses tentatives visant à dégager un consensus national
sur les réformes. On pourrait procéder à de véritables réformes de la Chambre
des communes qui amélioreraient beaucoup la qualité de notre démocratie,
sans nécessité de changements constitutionnels.
Benoît Pelletier Québec (le 21 septembre 2006) : Pour le gouvernement du
Québec, il nest pas habituel dintervenir devant le Parlement fédéral.
Mais il arrive que des circonstances se présentent où il lui paraît nécessaire
de venir y exprimer sa position sur un enjeu dimportance.
Je prends donc la parole, aujourdhui, au nom du gouvernement du Québec,
parce que les intentions législatives annoncées par le gouvernement fédéral
concernent une institution, le Sénat, dont les dimensions fondamentales
participent des bases mêmes du compromis fédératif.
Il y a beaucoup de valeur dans linstitution parlementaire quest le Sénat.
Bien que son apport au processus législatif fédéral soit peu connu, il
demeure un rouage important du système parlementaire canadien. Le gouvernement
du Québec accueille avec ouverture lidée que lon veuille moderniser cette
institution.
Votre comité est chargé détudier le projet de loi S-4, qui porte sur la
durée du mandat des sénateurs. Ce projet de loi modifie larticle 29 de
la Loi constitutionnelle de 1867 en transformant en un mandat dune durée
déterminée de 8 ans le mandat viager dont jouissent actuellement les sénateurs
et sénatrices jusquà la retraite obligatoire, à lâge de 75 ans.
Le gouvernement du Québec ne sobjecte pas à cette proposition en tant
que changement limité qui serait apporté au Sénat. Nous croyons cependant
que le nouveau mandat de huit ans ne devrait pas être renouvelable, et
ce, pour assurer lindépendance des sénateurs par rapport au pouvoir exécutif
fédéral.
Par ailleurs, le gouvernement du Québec nest pas sans savoir que le projet
de loi S-4 est accompagné de déclarations qui le décrivent, essentiellement,
comme une première étape.
Lors de la présentation du projet de loi, il a été affirmé, par madame
la leader du gouvernement au Sénat, que le projet de loi S-4 marquait un
premier pas important vers la réalisation dun objectif à plus long terme,
soit celui dune réforme fondamentale du Sénat.
Nous ne savons pas quels sont les paramètres exacts de ce projet de réforme
fondamentale. Nous comprenons cependant quil sagirait dune approche
graduelle fait dun ensemble de propositions. Nous comprenons aussi que
la deuxième étape de cette approche graduelle serait un autre projet de
loi par lequel après la modification de la durée du mandat des sénateurs
le gouvernement fédéral voudrait agir à légard de la sélection des sénateurs.
Le premier ministre Harper déclarait en effet devant ce comité, le 7 septembre
dernier, que :
[...] le gouvernement a lintention de déposer un projet de loi pour créer
un Sénat élu.
Les détails exacts de ce projet de loi ne sont pas encore connus et certaines
déclarations fédérales ont leur part dambiguïté quant au mécanisme précis
que lon songe à mettre en place. Cela dit, lélection des sénateurs semble
être sérieusement envisagée, et ce, dans la perspective dun changement
unilatéral.
Cette compétence fédérale unilatérale est, par définition, limitée dans
notre fédéralisme. Cette réalité fut très bien expliquée par la Cour suprême
du Canada dans le Renvoi sur la Chambre haute rendu en décembre 1979. Permettez-moi
de rappeler certains des grands principes qui se dégagent de cet avis,
qui constitue un important jalon de la pensée constitutionnelle canadienne.
La Cour établit, premièrement, le caractère limité de la compétence législative
fédérale sur les institutions, alors prévue par lancien paragraphe 91(1)
de la Loi constitutionnelle de 1867. Ce pouvoir de modification était :
[...] limité à ce qui concerne uniquement le gouvernement fédéral. [Ce
pouvoir] se rapporte à la constitution du gouvernement fédéral dans les
matières qui concernent uniquement ce gouvernement.
La Cour constate, en particulier, que les différents usages auxquels, à
lépoque, avait donné lieu lexercice de la compétence législative fédérale
sur les institutions, introduite dans la Constitution en 1949, navaient
visé que des questions qui nétaient pas susceptibles davoir une répercussion
appréciable sur les relations fédérales-provinciales.
La possibilité deffets sur les relations fédérales-provinciales est lune
des prémisses importantes à partir desquelles la Cour dégage un premier
constat, soit le caractère limité du pouvoir fédéral unilatéral. Ces effets,
la Cour ne les envisage pas uniquement du point de vue dune modification
au partage formel des compétences, mais également en fonction de changements
à la structure institutionnelle par laquelle sexerce la compétence législative
fédérale globale, compétence dune grande ampleur et susceptible dentraîner
des répercussions sur lautonomie provinciale. Cette structure peut être
en jeu lorsque le Sénat est visé.
Deuxième constat qui se dégage de son avis : les matières qui participent
du compromis fédératif échappent à la compétence fédérale unilatérale.
La Cour suprême établit que le Sénat, dans ses caractéristiques essentielles,
est une composante de ce compromis à lorigine de la fédération canadienne.
Le Québec est daccord avec ce point de vue.
La Cour montre, en effet, que le Sénat nest pas simplement une institution
fédérale au sens strict. Elle dit :
[le] Sénat a un rôle vital en tant quinstitution partie du système
fédéral.
Les institutions fédérales, créées en 1867, expriment donc, dans leurs
caractéristiques essentielles, le pacte fédératif lui-même. Il est ainsi
normal quune province se sente interpellée lorsquil sagit de modifier
ces mêmes caractéristiques essentielles. Cette réalité a dailleurs été
réitérée récemment par le Conseil de la fédération, lequel a rappelé au
gouvernement fédéral que les provinces doivent être partie aux réformes
touchant aux caractéristiques importantes de grandes institutions canadiennes
telles que le Sénat.
Le mandat originel du Sénat en ce qui a trait à la défense des intérêts
régionaux et provinciaux est un autre élément à partir duquel la Cour suprême
conclut à lexistence de limites importantes dans la capacité du Parlement
fédéral à légiférer au regard de cette institution. Les intérêts régionaux
et provinciaux se confondent pour ce qui est du Québec, car il est une
région en soi au sein du Sénat. Ces intérêts comportent, en outre, une
dimension spécifique ayant trait à lidentité nationale du Québec et à
la dualité canadienne. Lun des Pères de la fédération, George Brown, rappelait,
dans le cadre des débats préfédératifs, que :
[L]essence de notre convention est que lunion sera fédérale et nullement
législative. Nos amis du Bas-Canada ne nous ont concédé la représentation
daprès la population quà la condition expresse quils auraient légalité
dans le conseil législatif [cest-à-dire le Sénat]. Ce sont là les seuls
termes possibles darrangement et, pour ma part, je les ai acceptés de
bonne volonté.
On comprendra ici que toute réforme du Sénat devrait être conforme à lintention
originelle dune chambre haute inspirée des intérêts régionaux, provinciaux
et minoritaires, où la dualité canadienne trouve également son expression.
Enfin, dans le Renvoi sur la Chambre haute, la Cour suprême a explicitement
identifié trois aspects du Sénat qui, parmi dautres, représentent des
caractéristiques essentielles de linstitution.
Les pouvoirs du Sénat en sont un premier aspect. Ils sont au cur même
du mandat et de lexistence de cette institution.
Le mode de représentation régionale est une deuxième caractéristique essentielle
du Sénat mentionnée par la Cour. Ce mode de représentation, nous dit-elle
:
[...] était lun des caractères essentiels de cet organisme lors de sa
création. Sans lui, le caractère fondamental du Sénat en tant que partie
du système fédéral canadien disparaît.
La troisième caractéristique essentielle du Sénat a trait au mode de sélection
des sénateurs. La Cour affirme à cet égard :
La substitution dun système délection à un système de nomination implique
un changement radical dans la nature dun des organes du Parlement. [L]e
préambule de lActe [constitutionnel de 1867] parle d« une constitution
reposant sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni », où la Chambre
haute nest pas élective. En créant le Sénat de la manière prévue à lActe,
il est évident quon voulait en faire un organisme tout à fait indépendant
qui pourrait revoir avec impartialité les mesures adoptées par la Chambre
des communes. On y est arrivé en disposant que les membres du Sénat seraient
nommés à vie. Si lon faisait du Sénat un organisme entièrement ou partiellement
électif, on en modifierait un trait fondamental.
La Cour sest donc prononcée sur le Sénat élu en affirmant que la Chambre
haute, en tant que chambre nommée et chargée dun rôle de second regard
législatif, était protégée constitutionnellement. Le mode de sélection
actuel des sénateurs, cest-à-dire le fait quils soient nommés plutôt
quélus, procède dun choix fondamental et délibéré du Constituant. Avant
la fédération, la province du Canada-Uni avait fait lexpérience dun sénat
élu. Cest en toute connaissance de cause que les Pères de la fédération
ont décidé de ne pas reconduire ce modèle.
Ces choix constitutionnels initiaux se sont par la suite actualisés dans
la Constitution canadienne en 1982, où a été confirmé le caractère intangible
des trois grandes caractéristiques essentielles du Sénat qui se dégagent
de lavis de la Cour suprême, à savoir les pouvoirs du Sénat, la répartition
des sièges et le mode de sélection des sénateurs, notion large qui nest
probablement pas limitée à lidée seule du pouvoir de nomination.
Le Renvoi sur la Chambre haute garde, par conséquent, son actualité dans
le contexte de la Loi constitutionnelle de 1982. Il exprime lampleur des
considérations en jeu lorsquon aborde la réforme de caractéristiques essentielles
dune institution comme le Sénat. Cest un environnement constitutionnel
complexe qui fait intervenir des considérations ayant trait au pacte fédératif
lui-même, aux effets sur les relations fédérales-provinciales, à la prise
en compte de la diversité au sein de la fédération ou, encore, à lexercice
des pouvoirs au sein du Parlement fédéral.
Bien que louable, lidée de transformer le Sénat en une chambre élue illustre
cette complexité, compte tenu de ses impacts prévisibles.
Parmi ceux-ci, soulignons, en premier lieu, la question de léquilibre
des rapports fédératifs. Le passage à un sénat composé délus nest pas
neutre sur le plan du fédéralisme. Il est porteur denjeux pour les provinces
quant à leur rôle dans les rapports intergouvernementaux. Le Parlement
fédéral serait susceptible de revendiquer une légitimité accrue. Mais le
changement napporterait pas nécessairement une meilleure représentation
des intérêts provinciaux. Les nouveaux élus auraient, en effet, tendance
à sintégrer progressivement à la dynamique politique propre à la scène
fédérale, notamment à la dynamique des partis politiques fédéraux. Lexpérience
étrangère, en particulier celle de lAustralie, est instructive à cet égard.
La loyauté des sénateurs envers leurs partis a grandement contribué à la
sublimation du rôle confié à lorigine au Sénat : être à la fois une chambre
des États et une chambre dexamen. (L'hon.
Benoît Pelletier)
Bon nombre des fondateurs de la fédération australienne voyaient le Sénat
élu comme une chambre du Parlement dont le rôle consisterait à représenter
les intérêts des États au sein du processus législatif fédéral. Or, le
bilan du Sénat australien à cet égard a souvent été critiqué. Dès les années
1950, un comité parlementaire mixte portant sur la révision de la Constitution
concluait que le Sénat ne sétait pas comporté comme une chambre des États,
ses travaux ayant été dominés par la politique des partis fédéraux, à linstar
de la Chambre des représentants. Pour le comité :
Deuxièmement, le recours aux élections risque de changer la nature du Sénat.
On a toujours jugé important que le Sénat soit à labri de la tourmente
politique et des aléas électoraux.
Les élections modifieraient aussi léquilibre entre les chambres du Parlement
fédéral. En effet, un nouveau type de légitimité serait associé à la Chambre
haute. Cette légitimité élément important du point de vue de lexercice
des pouvoirs constitutionnels du Sénat pourrait savérer une question
dappréciation particulièrement délicate si devaient coexister des sénateurs
élus et des non élus. Comment se concevrait lexercice des pouvoirs du
Sénat dans un tel contexte? Nous savons, par exemple, que le veto législatif
absolu que possède le Sénat sexplique largement par le caractère de linstitution :
une chambre nommée, chargée dun rôle de second examen législatif. Léquilibre
est créé par la nature très différenciée des deux chambres et cet équilibre
risque dêtre affecté si le Sénat devient peu à peu composé délus.
Il nest pas inutile de rappeler à cet égard que, dans la Constitution,
le mode de sélection des sénateurs et les pouvoirs du Sénat sont évoqués
ensemble, en tant que questions nécessitant le recours à la procédure du
7/50, au sein dun alinéa qui leur est propre. Cela reflète les liens qui
unissent ces deux questions de réforme constitutionnelle.
Lévolution du Sénat vers une chambre élue est également susceptible dentraîner
des demandes concernant la représentation, comme lillustre dailleurs
la motion du sénateur Lowell Murray sur la représentation de lOuest, qui
fait également lobjet de vos travaux. La représentation est certes une
question où, du point de vue du Québec, les intérêts qui seraient en jeu
ont des racines profondes qui touchent à la dualité canadienne et aux origines
de la fédération, comme en témoignent, en particulier, les déclarations
de George Brown que je citais précédemment.
Monsieur le Président, la Constitution canadienne est une constitution
fédérale. Il existe, par conséquent, des raisons fortes pour lesquelles
la transformation des caractéristiques essentielles du Sénat doit échapper
à la compétence dun seul parlement et relever plutôt du processus constitutionnel
multilatéral.
La première de ces raisons tient aux équilibres dans nos rapports fédératifs.
Une action constitutionnelle concertée est nécessaire, compte tenu des
impacts dun sénat élu sur les équilibres existants, au sein de la fédération,
dans les rapports entre les ordres de gouvernement. Le gouvernement fédéral
ne peut modifier ces équilibres par des mesures que les institutions fédérales
mettraient en uvre seules, sans le débat élargi associé aux questions
dimportance dans un contexte de fédéralisme où les différents acteurs
concernés ont voix au chapitre. Le recours au processus constitutionnel
multilatéral est lui-même un facteur déquilibre, dès lors que, dans lunilatéralisme
fédéral, les provinces seraient privées des leviers leur permettant de
faire valoir efficacement et légitimement leurs droits et intérêts.
La seconde raison tient à la mission propre à ce type de processus dans
notre fédéralisme. Comme on le sait, les majorités ont le contrôle des
parlements. Le recours à des procédures plus complexes pour modifier la
Constitution permet la prise en considération des intérêts minoritaires
lorsque sont en jeu des éléments constitutionnels intangibles.
Ce rôle habilitant des procédures multilatérales a une importance particulière
pour la nation québécoise, qui est en situation de minorité politique dans
lensemble canadien. Et cette importance est fondamentale en ce qui concerne
les questions constitutionnelles relatives à la réforme des institutions
fédérales, dès lors que cest justement dans ces institutions que les Québécoises
et les Québécois se retrouvent, en quelque sorte, face à leur situation
minoritaire le plus directement.
Monsieur le Président, pour le gouvernement du Québec, il est clair quune
éventuelle transformation du Sénat en une chambre élue serait une question
qui relèverait des négociations constitutionnelles, et non du simple exercice
de la compétence fédérale unilatérale.
Depuis 1982 et même avant, la réforme du Sénat, dans ses caractéristiques
essentielles, a toujours été vue comme une question pleinement constitutionnelle,
nécessitant des négociations. Du reste, la réforme dune institution qui
est une composante fondamentale du compromis fédératif de 1867 ne devrait
pas pouvoir seffectuer sans égard à la situation du Québec. Lavenir du
Sénat dans ses caractéristiques essentielles doit donc être envisagé en
prenant pleinement en compte ce contexte.
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